REMARQUES CORRECTIVES RELATIVES AU D.S.T.N°3 PREMIÈRE PARTIE Question D’après les documents 1, 2 et 3, les costumes de théâtre remplissent plusieurs fonctions. Ils ont tout d’abord une fonction informative. Ils déterminent en effet le cadre spatiotemporel de la fable théâtrale. Ainsi, la mention par Frosine de « perruques d’étoupe » et de « hauts-de-chausses tout tombants » situe L’Avare dans l’Europe du XVII è siècle. En revanche, on comprend que Rhinocéros se déroule au XX è siècle car les personnages y portent une « cravate » et un « veston ». Les costumes donnent également des informations sur les personnages. Ils renseignent sur leur statut social. Ainsi, dans En attendant Godot, Vladimir se rappelle : « On portait beau alors. Maintenant il est trop tard. » Nous comprenons donc que les deux personnages qui ont appartenu à la bourgeoisie – leur « chapeau » est un vestige de cette richesse passée – ont déchu. Les costumes font également deviner le caractère des personnages. Harpagon, dans le texte 1, porte une « fraise à l’antique » et un « haut-de-chausses, attaché au pourpoint avec des aiguillettes » : il se signale ainsi comme quelqu’un qui ignore le progrès, se ferme à la société et refuse de dépenser le moindre sou pour soigner son apparence. Enfin, les costumes éclairent le spectateur sur le thème central de la pièce. L’opposition entre le costume des « jeunes gens » et celui du vieil avare annonce une comédie sur les conflits entre les générations. L’agressivité de Jean, dans le texte 3, qui conclut son inspection de l’apparence de Bérenger par les mots suivants : « C’est lamentable, lamentable ! J’ai honte d’être votre ami », préfigure la montée du conformisme et la condamnation par l’ensemble des personnages, à l’exception de Bérenger, des différences. Ainsi, les costumes fournissent de nombreuses informations au spectateur. Lorsqu’ils sont évoqués dans les didascalies et les répliques, ils guident également le lecteur dans sa découverte de la pièce. Mais, pour le spectateur, le costume participe également du caractère spectaculaire de la représentation. Une représentation théâtrale est un spectacle qui agit sur les sens et pas seulement sur la raison. Voir les costumes peut susciter une réaction immédiate de la part du spectateur. Ainsi, le spectacle de l’avare qui se pavane – « Tu me trouves bien ? » – devant Frosine dans une tenue d’un autre âge, vraisemblablement élimée, est susceptible de faire rire n’importe quel spectateur, même des enfants qui ne comprendraient pas parfaitement le sens de la pièce de Molière. De même, l’effet produit par Jean qui fait jaillir de ses poches « une cravate », « un peigne », est comique. De ce fait, le personnage devient ridicule aux yeux du spectateur. Le costume de théâtre remplit donc de nombreuses fonctions, autant informatives que spectaculaires. DEUXIÈME PARTIE Commentaire (introduction + plan détaillé + conclusion) Introduction Eugène Ionesco n’aime pas les conventions. Rhinocéros, pièce en trois actes, publiée et jouée en 1959, en témoigne. Le dramaturge y construit une esthétique de la subversion : la pièce est peuplée de rhinocéros, résonne d’onomatopées bestiales, commence en comédie pour finir en drame. Le premier acte de la pièce met en effet en scène une dispute dérisoire entre Jean, dont le goût de l’ordre et de la propreté semble excessif, et Bérenger, ivrogne hagard. Nous montrerons dans un premier temps que l’extrait retenu de cet acte souligne la médiocrité des deux personnages principaux, avant d’étudier, dans un second temps, comment la dispute suggère les ravages de la rhinocérite à venir. I – Deux anti-héros Le rôle de la scène ou de l’acte d’exposition est de présenter au spectateur les éléments essentiels à la compréhension de la pièce. L’extrait proposé du premier acte permet au public d’appréhender le caractère des deux principaux personnages, aussi médiocres l’un que l’autre. Bérenger, hagard Jean, maniaque de l’ordre Le spectateur découvre donc deux personnages déplaisants, l’un par sa négligence, l’autre par son obsession de la propreté. Ainsi, il ressent d’emblée un certain malaise, eu égard à cette vision pessimiste de l’humanité. II – Une scène de conflit Entre ces deux anti-héros, si différents l’un de l’autre, ne peut naître que la dispute. Jean, grand défenseur des apparences Bérenger, élève soumis Ainsi, dès le premier acte, un rapport de force s’établit entre les tenants de l’ordre bourgeois et ceux qui s’écartent de leurs préceptes. Cette domination est d’autant plus inquiétante qu’elle ne suscite nulle rébellion. Conclusion Au-delà du comique de gestes et du comique de caractère qui se font sentir dans cet extrait, le spectateur éprouve surtout un sentiment de malaise devant deux anti-héros médiocres, qui s’affrontent sans pour autant défendre des valeurs. Il soupçonne déjà la victoire presque totale du conformisme et de l’intolérance. On peut se demander comment Ionesco fera du personnage le plus dépourvu de qualités de la pièce, à savoir Bérenger, pourtant le dernier représentant de l’humanité face à la rhinocérite galopante. Dissertation (introduction + plan détaillé + conclusion) Introduction Le théâtre se distingue des autres genres littéraires parce qu’il est destiné à être joué sur une scène, par ders acteurs en chair et en os, devant un public. Ainsi, on ne peut se référer au théâtre sans songer à la scénographie. Dans quelle mesure le costume de théâtre assume-t-il une fonction importante dans la représentation d’une pièce et contribue-t-il à l’élaboration de son sens pour le spectateur ? Permet-il seulement au public de mieux comprendre la pièce ou joue-t-il aussi d’autres rôles ? Nous montrerons d’abord que le costume éclaire le sens de la pièce, en le rendant accessible à un public spécifique, mais nous verrons ensuite qu’il participe aussi du caractère spectaculaire de la représentation. I – Les costumes éclairent le sens des pièces Ils informent sur le cadre spatio-temporel a) L’époque Exemple : la mention des « perruques d’étoupe » situe L’Avare au XVII è siècle b) Le lieu Exemple : le type de costumes (veston, cravate…) portés par Jean et Bérenger situe l’action théâtrale en Europe occidentale Ils informent sur les personnages a) Statut social Exemple : les costumes élimés de Vladimir et Estragon en font des bourgeois déchus. b) Caractère Exemple : l’avarice d’Harpagon se voit dans l’usure de son costume. Ils mettent en évidence les enjeux de la pièce Exemple : le conformisme social de Jean se lit dans la leçon de savoir vivre qu’il prodigue à Bérenger et sur le soin qu’il porte à sa tenue vestimentaire et qu’il voudrait voir adopter par « son » ami, trop négligé à ses yeux. II – Ils rendent le sens accessible à un public spécifique Le choix des costumes Le costume est à la confluence des désirs de l’auteur et des choix du metteur en scène : il peut y avoir une grande variété de costumes pour une même pièce. Le metteur choisit les costumes en fonction de ses convictions esthétiques, du sens qu’il donne à la pièce, des attentes de son public. Les costumes permettent d’adapter la pièce à un public a) Moderniser les thèmes Exemple : Ariane Mnouchkine habille Tartuffe comme un intégriste musulman pour rapprocher toutes les formes de fanatisme religieux. b) Surprendre Exemple : A. Mnouchkine, pour monter les tragédies de Shakespeare, s’inspire du théâtre Nô [drame lyrique de caractère religieux et traditionnel au Japon], pour surprendre le spectateur, lui faire oublier ses préjugés et le rendre plus attentif au texte. III – Mais ils participent aussi du caractère spectaculaire de la représentation Le pouvoir du costume est lié à l’ensemble de la mise en scène Il est artificiel de parler du costume sans parler des autres éléments de scénographie. Faire rire Le costume ne s’adresse pas seulement à la raison du public, mais aussi à ses sens. Il peut susciter une réaction immédiate, de rire par exemple. Ainsi Harpagon se pavanant devant Frosine avec ses vieilles tenues démodées provoque les sourires sinon le rire. La beauté du spectacle Les costumes peuvent être particulièrement riches et beaux et séduire les sens, tels ceux retenus par Marion Bierry pour sa propre mise en scène de L’Illusion comique, créée au théâtre de Poche Montparnasse en mai 2006 et filmée au théâtre Hébertot en juin 2007. Conclusion Ainsi, le costume participe à l’élaboration du sens d’une pièce de théâtre, en le rendant accessible à un public donné, mais il a bien d’autres rôles : il a en particulier à charge de séduire les sens du spectateur, de le charmer ou de le faire rire. Écrit d’invention Le premier repérage à pratiquer, sitôt effectuée la lecture du libellé du sujet posé, concernait la forme de texte à adopter. Soit ici le dialogue argumentatif. Même si on ne vous précisait pas explicitement quelle forme de dialogue vous deviez retenir, il était recommandé d’écrire un dialogue théâtral, selon ses marques formelles habituelles, c’est-à-dire d’abord la mention du nom du personnage, puis sa réplique assortie ou non d’une didascalie présentée entre parenthèses et rédigée en caractères italiques. Il fallait bien identifier la situation d’énonciation. Qui parle ? À qui ? Un metteur en scène et un comédien dialoguent. De quoi ? De l’effet comique produit par les costumes de L’Avare. On ne vous précise pas si c’est le metteur en scène ou le comédien qui est favorable à une modernisation des costumes, vous étiez donc libre de décider (il allait de soi que vous deviez ensuite vous en tenir à votre répartition initiale). Quand ? Aujourd’hui : la précision est importante car un tel débat ne pouvait pas avoir lieu du temps de Molière par exemple. Il fallait ensuite considérer les registres à manipuler. Pour un tel débat contradictoire, quand les deux personnages défendent leur choix de costume, on devait leur prêter le registre lyrique (« je », vocabulaire des sentiments, ponctuation expressive) ; quand ils condamnent le choix de leur interlocuteur, on devait leur attribuer le registre polémique (« vous », apostrophes, vocabulaire dépréciatif, phrases exclamatives) ou le registre satirique (antiphrases ironiques). Il fallait enfin concevoir l’argumentaire de chacun des interlocuteurs, sans que l’un finisse obligatoirement par dominer l’autre. Supposons que c’était le metteur en scène qui voulait voir ses comédiens revêtir des costumes contemporains. Arguments du metteur en scène : – les spectateurs comprendront mieux la pièce si les personnages portent des costumes contemporains, ils riront donc davantage. – les spectateurs doivent rire d’eux-mêmes pour se corriger ; ce n’est qu’ainsi que l’on peut être fidèle à l’esprit de Molière. Arguments du comédien : – l’extravagance des costumes anciens fait toujours rire : c’est par le détour du passé que l’on peut séduire le public en le surprenant ; – les costumes envisagés par Molière lui-même ont toujours fait rire depuis plusieurs siècles.