Entre Carthage et Rome
Au IIIe siècle avant notre ère, la cavalerie numide faisait la force des armées carthaginoises
, et le contingent commandé par le métis Mutines faillit enlever la Sicile aux Romains . A
cette époque, le roi des Massyliens était Gala, voisin et allié de Carthage; le roi des
Massaesyliens, Syphax, s'était, au contraire, rapproché de Rome. Masinissa, fils de Gala, fut,
en 213, chargé de combattre Syphax, le vainquit et l'obligea à se réfugier chez les
Maurétaniens , l'empéchant d'exiler les Romains en Espagne. Lui-même (Massinissa, donc) y
passa avec ses cavaliers numides (212). On l'y retrouve en 209 et en 206 à la bataille de Silpia
où Scipion écrasa l'armée carthaginoise d'Hasdrubal, Giscon et Magon. Le prince numide
(Massinissa toujours) négocia alors avec le vainqueur, eut une entrevue personnelle avec Scipion
et s'engagea à lui prêter son concours pour une invasion en Afrique. Cette défection fut, dit-
on, motivée par un manque de parole d'Hasdrubal, qui avait promis à Masinissa la main de sa
fille, la belle Sophonisbe, et qui la donna à Syphax pour le gagner; mais il se pourrait que
cette rupture fût postérieure à l'entente secrète de Masinissa et de Scipion.
Sur ces entrefaites, son (le père de Massinissa) père (Gala, donc), étant mort, il avait eu pour
successeur, selon l'usage numide, le mâle aîné de la famille, son frère Oesalcès, oncle de
Masinissa, lequel mourut bientôt et fut remplacé par son fils, le faible Capusa, lequel fut
évincé au profit de son frère, le jeune Lacumacès, sous le nom duquel le pouvoir fut exercé
par un chef du nom de Mezetulus. Masinissa revendiqua la couronne, sollicita vainement
l'appui de Bocchar, roi de Maurétanie, et n'en vainquit pas moins ses concurrents. Mais à
peine était-il établi qu'il fut attaqué par Syphax et trois fois de suite complètement défait et
réduit à se cacher. Il errait sur la côte avec une bande de maraudeurs quand Scipion débarqua
(204). Il ne lui rendit pas moins de signalés services, embaucha des cavaliers numides, défit
Hannon, fils d'Hamilcar, et eut une grande part à la décisive attaque de nuit qui dispersa les
forces d'Hasdrubal et de Syphax.
Masinissa, intimement lié avec Scipion et Laelius, révéla des qualités militaires remarquables,
une énergie à toute épreuve, une fidélité qui ne se démentit jamais. Après une seconde défaite
de Syphax et Hasdrubal, il reconquit son royaume; un retour offensif de Syphax fut repoussé
et le roi fait prisonnier. Sa capitale, Cirta , fut prise avec ses trésors et sa femme, la belle
Sophonisbe. Celle-ci était toujours aimée de Masinissa; mais le général romain , redoutant
l'influence de la fille d'Hasdrubal, mit l'amoureux en demeure de choisir, et Masinissa invita
Sophonisbe à s'empoisonner. En récompense, il obtint les honneurs royaux. Hannibal, revenu
en Afrique, fit une tentative pour le ramener à lui, mais sans y parvenir. Masinissa assistait à
la bataille de Zama , avec 6000 fantassins et 4000 cavaliers, et commandait la cavalerie de
l'aile droite; après avoir mis en fuite les cavaliers numides, qui lui étaient opposés, il revint
prendre à revers l'infanterie d'Hannibal et eut part au choc qui décida de la victoire. A la paix,
il obtint non seulement la protection romaine et ses anciens États, mais encore la plus grande
partie de ceux de Syphax (201).
A partir de ce moment, le redoutable chef régna pendant cinquante années sur la Numidie.
Son objectif constant fut l'annexion des fertiles territoires carthaginois , en particulier de
l'Emporia (Tunisie centrale, Sahel de Sfax-Sousse). Les querelles étaient portées à Rome
dont les Carthaginois invoquaient l'autorité pour faire observer le traité, mais qui favorisait en
sous main les agressions numides. Masinissa fournissait des auxiliaires commandés par son
fils Misagènes, des cavaliers, des éléphants, du blé pour les guerres de Macédoine et d'Asie.