Tableau annexe – Mise à jour de la nomenclature des infractions

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Problèmes de nomenclature et de dénombrement en matière de
crimes et délits contre la morale sexuelle
L’actualité a de nouveau attiré l’attention d’un grand nombre d’intervenants sur les
crimes et délits à caractère sexuel, ce qui a eu notamment pour effet de susciter de
nouvelles questions sur le nombre de condamnations prononcées dans ce domaine. Il
s’agit d’un domaine important qui fait périodiquement l’objet d’interpellations, mais
pour lequel malheureusement il est difficile de donner une réponse claire et précise.
Dans le cadre du projet d’évaluation des lois de 1995, la présente note de synthèse a
pour objet de faire le point sur ces difficultés qui ont deux causes principales, le retard
dans la mise à jour de la nomenclature des infractions et la multiplicité des
dénombrements possibles. Nous ferons ici un bref rappel de l’intervention du Service
de la politique criminelle dans la mise à jour inachevée de la nomenclature et nous
examinerons en détail les différents critères à prendre en considération pour définir de
façon univoque un quelconque dénombrement.
En juin-juillet 2004, en répondant à diverses questions sur les crimes et délits en
matière sexuelle, nous nous sommes rendu compte que la nomenclature des
infractions qui nous servait de guide pour interpréter les statistiques extraites de la
base de données du Service de la politique criminelle n’était plus à jour. Les intitulés
d’infraction que nous placions en regard des codes et effectifs extraits de la base de
données ne satisfaisaient plus les personnes qui nous adressaient ces questions, et ce
parce qu’ils n’étaient plus conformes à l’état le plus récent de la législation en ces
matières.
Il est important de préciser que cette nomenclature des infractions est issue du Casier
judiciaire central et qu’elle constitue l’indispensable outil grâce auquel les bulletins de
décision issus des cours et tribunaux statuant en matière pénale sont encodés dans la
base de données du Casier, laquelle est la source unique des statistiques
‘anonymisées’ produites par le Service de la politique criminelle. Créée de toutes
pièces à partir de 1991 dans le cadre de la rénovation des statistiques de
condamnation, cette « nouvelle nomenclature » présentaient à l’époque de nombreux
avantages sur celles qui existaient alors (structuration arborescente, non-
recouvrement, exhaustivité…) et il est indéniable qu’elle conserve nombre de ceux-ci.
Elle a cependant progressivement perdu une de ces propriétés : l’exhaustivité. Bien
que des modifications et des ajouts aient été faits régulièrement (exemple : en 2004, le
titre ‘Torture, traitement inhumain et traitement dégradant’ a été ajouté au chapitre
‘Code Pénal’), ceux-ci n’ont pas systématiquement suivi l’évolution de la législation,
de sorte qu’aujourd’hui la nomenclature paraît dans certains domaines dépassée,
particulièrement en matière de crimes et délits à caractère sexuel.
Suite à ce constat, des contacts ont été pris avec le Casier judiciaire central pour
savoir de quelle façon les nouvelles infractions étaient introduites dans la
nomenclature (exemple : les mutilations sexuelles sanctionnées par l’article 409 du
Code pénal) et à partir de quand les nouveaux codes correspondants étaient utilisés
pour la saisie des bulletins de décision. Ces contacts ont permis d’apprendre d’une
part que le même constat avait été fait au Casier judiciaire central et qu’un travail
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préparatoire de mise à jour avait été entamé
1
, et d’autre part que le Casier judiciaire
central ne disposait plus du personnel requis pour poursuivre ce travail, laissé dès lors
en suspens. La décision a alors été prise, au Service de la politique criminelle,
d’apporter un appui au Casier judiciaire central pour réaliser la mise à jour de la
nomenclature des crimes et délits à caractère sexuel. Dans les mois qui ont suivi, un
important travail a été effectué pour identifier les lacunes de la nomenclature et
proposer toutes les modifications nécessaires pour la mise à jour
2
. Les résultats de ce
travail ont pris la forme d’une part d’un vaste tableau reprenant toutes les lignes
d’infraction, passées et actuelles, relatives au domaine, avec identification précise des
modifications et ajouts proposés (voir annexe) ; d’autre part, de plusieurs notes à
vocation statistique tentant de faire le point sur les données centes disponibles pour
les grandes rubriques du domaine
3
.
Le tableau reprenant toutes les modifications proposées a été transmis au Casier
judiciaire central en juillet 2005, mais n’a pas encore pu être transposé dans la
nomenclature. Il en résulte que les statistiques que nous produisons en matière de
crimes et délits à caractère sexuel sont difficiles à traduire dans les termes des lois
actuelles puisque nous ne connaissons pas les nouveaux codes correspondants aux
infractions définies par celles-ci, tandis que nous continuons à rencontrer des codes
correspondants à des infractions qui « n’existent plus » ! Seule une analyse statistique
par grande rubrique est encore possible
4
.
A ces problèmes de nomenclature viennent s’ajouter les difficultés de dénombrement.
En effet, plusieurs critères interviennent pour définir un dénombrement et la
méconnaissance de ceux-ci conduit fréquemment les utilisateurs profanes de nos
statistiques à des mécomptes et à une incompréhension face aux différences
quantitatives qui peuvent apparaître entre des objets en apparence identiques. Trois
critères doivent être pris en considération pour qualifier convenablement un
dénombrement : l’unité de compte, l’objet précis dénombré et la possibilité du double
compte. Envisageons-les successivement.
En matière de statistiques pénales, l’unité de compte principale est le bulletin de
décision, qui correspond à une décision définitive prononcée par l’un ou l’une des
cours et tribunaux du pays statuant en matière pénale ET transmise au Casier
judiciaire central. Bien que correspondant à une et à une seule décision (une
condamnation ou un internement, par exemple), chaque bulletin peut contenir
plusieurs peines ou mesures principales (emprisonnement, amendes ou peines de
travail par exemple), motivées chacune par une ou plusieurs infractions. Il est de plus
important de percevoir qu’une même personne peut avoir plusieurs bulletins de
décision à son nom enregistrés au Casier judiciaire central au cours d’une même
année. Quatre unités de compte doivent donc être distinguées : les individus, les
1
Voir à ce sujet la note rédigée par M. Peter Naessens qui a travaillé durant plusieurs mois à temps
partiel au CJC : Nomenclatuur van de misdrijven: Strafwetboek: wijzigingen, 63 p., sans date.
2
Ce travail a impliqué de différentes façons 5 personnes du Service de la politique criminelle :
Evangélia Pantelis, Elisabeth Lattinne, Joke Rutten, Christophe Falzone et Michel Willems.
3
Notamment : Rutten Joke, Personnes condamnées selon la nature de l’infraction : délits sexuels, 8 p.,
sans date et Willems Michel, Délits sexuels, 10 p., mars 2006.
4
Rappelons que les grandes rubriques constitutives des crimes et délits à caractère sexuel sont : les
attentats à la pudeur, les viols, la corruption de la jeunesse et la prostitution (anciennement crimes et
délits relatifs à la débauche et à la prostitution) et les outrages publics aux mœurs. Les mutilations
sexuelles devraient également apparaître, mais elles sont toujours absentes.
3
bulletins, les peines et mesures principales et les items d’infraction
5
; chacune donnant
lieu à un décompte différent. Il y aura souvent plus de bulletins que d’individus, plus
de peines et mesures que de bulletins et plus encore d’items d’infractions que de
peines et mesures principales. Un exemple sera développé ci-dessous à propos des
condamnations pour viols. Mais avant cela, il nous faut évoquer les deux autres
critères. La notion de condamnation paraît évidente et elle est souvent utilisée pour
désigner l’ensemble des décisions ici considérées. Ne parle-t-on pas d’ailleurs des
« statistiques de condamnation » pour désigner les statistiques produites par le Service
de la politique criminelle ? Les condamnations ne sont pourtant pas les seules
décisions prises par les cours et tribunaux et transmises au Casier, même si elles sont,
et de loin, les plus nombreuses. Parmi les autres décisions transmises, il y en a deux
qui ont une importance quantitative non négligeable et qu’il faut distinguer des
condamnations. Il s’agit des internements et des suspensions du prononcé. Bien que
les statistiques du Service de la politique criminelle distinguent toujours ces trois
objets, il est apparu à différentes reprises que nos « clients » les confondaient sous le
vocable générique de « condamnations » ou ne percevaient pas que les statistiques
fournies par nous à propos des condamnations (au sens strict) n’incluaient pas les
internements ou les suspensions
6
. Il est donc important de savoir de quel objet précis
on désire un dénombrement !
Etant donné que la plupart des bulletins de décision comportent plusieurs infractions
et que fréquemment, ces items d’infractions appartiennent à la même matière, les
crimes et délits à caractère sexuel notamment, le dénombrement des condamnations
par item d’infraction spécifique conduit nécessairement à compter plusieurs fois
(autant de fois que d’items d’infractions différents dans le même domaine) le même
bulletin et, a fortiori, plusieurs fois le même individu. Cette possibilité de doubles
comptes peut être évitée en posant une question du type : combien d’individus
différents ont été condamnés (ou internés…) au moins une fois, au cours de l’année
considérée, pour au moins une infraction appartenant au domaine des crimes et délits
à caractère sexuel ! A défaut de cette précision, une personne à laquelle différents
faits de mœurs sont reprochés dans un même bulletin sera comptée plusieurs fois alors
même qu’une seule condamnation a éventuellement été prononcée à son endroit au
cours de l’année considérée. Il revient à l’utilisateur de décider si la possibilité du
double compte dans l’agrégation des items d’infraction composant le domaine
d’intérêt (ici les crimes et délits en matière sexuelle) répond ou non à l’objectif
poursuivi et à formuler ensuite sa question en conséquence.
Un exemple aidera à la compréhension de cette complexe problématique du
dénombrement. Nous prendrons celui des viols en 2003
7
.
Les condamnations pour viol en 2003, différentes possibilités de dénombrement
Individus
Bulletins
Peines
Infractions
1. Viol, sans autre précision
4
4
4
4
2. Viol sur personne majeure
160
160
161
171
5
Le statut d’unité de compte de l’infraction est en peu particulier, c’est pourquoi nous préférons parler
d’item d’infraction. Les raisons de cette distinction ne sont importantes pour le propos actuel.
6
Nous n’insisterons pas ici sur le fait que, pour la statistique du SPC, la notion de condamnation ne
présente ni un contour précis, ni un contenu stable dans le temps.
7
Nous prenons cet exemple parce qu’il a déjà fait l’objet d’une analyse en juillet 2004, appliquée aux
statistiques de 1993 à 2002 : Willems Michel, Note de travail n°8. La statistique des condamnations
pour viol. Un cas exemplaire, 6 p.
4
3. Viol sur mineur de + 16 ans accomplis
62
62
62
65
4. Viol sur mineur 14-16 ans accomplis
128
128
128
132
5. Viol sur enfant 14 ans accomplis
193
193
193
200
6. Viol sur enfant 10 ans accomplis
117
117
117
121
« Total » des viols (somme)
664
664
665
693
Total des viols (sans double compte)
495
497
498
693
En 2003, 497 condamnations définitives ont été prononcées par les cours et tribunaux
du pays qui comportaient au moins un item d’infraction en matière de viol. Ces 497
condamnations ont concerné 495 individus différents, ce qui permet de supposer que
deux personnes ont été condamnées deux fois la même année pour des faits de viol
8
.
S’agissant de faits aussi graves que les viols, on ne s’étonnera pas de constater un très
faible écart entre le nombre de bulletins et le nombre d’individus, un écart qui peut
d’autant plus aisément être assimilé à une erreur par des utilisateurs non avertis. Pour
d’autres domaines ‘infractionnels’ (pour les crimes et délits relatifs à la débauche et à
la prostitution, par exemple, ou mieux encore, en dehors de notre sujet actuel, pour le
roulage), la différence pourra être nettement plus importante. Le nombre de peines
principales est également fort proche, tandis que le nombre d’items d’infraction est
quant à lui nettement plus élevé. Il est ainsi intéressant de relever que sur ces 497
bulletins (pour ces 495 individus), 693 items d’infraction relatifs aux viols ont été
retenus. C’est dire qu’un grand nombre de bulletins comportent plusieurs infractions
de viols. Nous avons en effet dénombré 129 bulletins comportant plus d’un item de ce
domaine, le maximum étant de 6 items par bulletin (2 cas) !
Venons-en à présent aux doubles comptes. Etant donné que le domaine ‘infractionnel’
constitué par les viols comprend 6 catégories (ou items) différentes et qu’un grand
nombre de bulletins comporte plusieurs items, le dénombrement indépendant de
chaque catégorie spécifique ne peut aboutir qu’au comptage multiple d’un grand
nombre de bulletins, avec pour résultat une somme des catégories nettement plus
élevée que le total des condamnations comportant au moins une infraction pour viol :
497 bulletins différents comptent 664 items appartenant à des catégories différentes.
Logiquement, la possibilité des doubles comptes disparaît lorsque l’unité de compte
considérée est l’infraction : 693 lignes contiennent une infraction appartenant à une
des catégories de viols et 664 d’entre elles se combinent dans 497 bulletins sans
qu’aucune catégorie de viols n’apparaissent deux fois sur le même bulletin. Les 29
lignes restantes répètent des catégories de viols déjà présentes sur les quelques
bulletins considérés et ne participent pas au risque de double compte. Ainsi, une
personne condamnée pour « viols sur une personne majeure » et comptant 4
infractions appartenant à cette même catégorie n’est comptabilisée qu’une seule fois
dans les 3 premières colonnes du tableau ci-dessus, alors qu’elle est comptabilisée 4
fois dans la dernière.
Une nomenclature des infractions qui n’est pas à jour et une multiplicité de
dénombrements possibles rendent tout travail d’analyse statistique des crimes et délits
en matière sexuelle difficile. En cette matière, comme en bien d’autres domaines, il
faut, pour ne pas mal interpréter les résultats quantitatifs, « savoir de quoi on parle » :
8
En l’occurrence, la déduction s’est avérée correcte, mais la différence entre les 2 unités de compte
pouvait être expliquée par une autre combinaison : un seul individu condamné trois fois en 2003 !
5
quelles infractions désire-t-on précisément dénombrer et de quelle façon désire-t-on le
faire ? La première partie de la question renvoie aux codes utilisés pour saisir les
bulletins de décision (en l’absence de codes adéquats, aucun dénombrement n’est
possible) ; la seconde, à l’unité de compte jugée pertinente (s’agit-il d’individus
condamnés ou de bulletins de condamnation ?). Si une information adéquate
transmise aux utilisateurs de la statistique pénale peut résoudre le problème posé par
la multiplicité des unités de compte, seul un important travail de remise à jour conçu
sur un mode permanent permettra de résoudre le problème posé par la nomenclature
des infractions !
Michel Willems
Service de la politique criminelle
Le 10 juillet 2006
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