
2
Les pathologies mentales associées au travail sont de plus en plus fréquentes. Dans la
plupart des cas les formes cliniques de décompensation étaient déjà connues de longue
date, et c’est alors seulement leur incidence accrue qui marque la période actuelle.
Quelques formes toutefois sont nouvelles.
Les problèmes cliniques conduisent les travailleurs malades aux consultations des
médecins du travail, en priorité mais aussi des médecins généralistes, des psychologues
du travail et des psychiatres. Il faudrait ajouter à cette liste le cas particulier des
délégués qui, dans les entreprises, participent aux Comités d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail (CHSCT) et sont impliqués dans la prévention et dans les actions
qui concernent la santé mentale au travail.
Ces praticiens, pour la plupart, éprouvent des difficultés non seulement dans la prise
en charge des malades, mais en amont déjà, au niveau du diagnostic.
Pourquoi ? Parce que le diagnostic ne peut pas en rester ici au recensement des
symptômes et des syndromes. Le diagnostic doit aussi être étiologique, parce que c’est
l’étiologie qui est décisive pour orienter l’action rationnelle en matière de soins. Or c’est
au niveau de l’enquête étiologique que les connaissance médicales, psychologiques et
psychiatriques conventionnelles sont insuffisantes. Lorsque dans une décompensation
psychopathologique le malade rattache la crise actuelle aux contraintes de son travail
dont il dit qu’il ne peut plus les endurer comme il le faisait auparavant, qu’est ce qui
dans la symptomatologie actuelle ressortit à la situation de travail, qu’est-ce qui vient de
sa vulnérabilité psychique personnelle, qu’est-ce qui résulte d’éventuels conflits dans
l’espace privé ?
Pour répondre à ces questions qui se posent dans la pratique ordinaire avec chaque
nouveau patient, il faut mobiliser des connaissances spécifiques dont les unes relèvent
des sciences du travail, dont les autres relèvent des sciences sociales. Des recherches
interdisciplinaires ont été menées depuis 20 ans sur ces questions entre cliniciens du
travail d’un côté, ergonomes, sociologues, économistes, juristes, linguistes,
anthropologues, philosophes de l’autre. Ces travaux ont permis de procéder à une
intégration des multiples dimensions du rapport entre santé mentale et travail, dans une
théorisation cohérente sous le nom de « psychodynamique du travail ». Les résultats de
ces recherches ont donné naissance à de nombreuses réunions scientifiques
internationales qui ont été organisées depuis 1997 par le CNAM (la dernière en date