SANTE MENTALE, SANTE
DU CORPS
Maladies psychiques et
soins somatiques
par le Docteur Pascale Martin-Berthole
Chef de service CH
La Chartreuse Dijon
par le Docteur Isabelle Royer-Rigaud
Praticien Hospitalier
CH La Chartreuse Dijon
et par le Docteur Jean-Pierre Capitain
Président de la Commission Médicale
d’Etablissement, Chef de service au CH
La Chartreuse Dijon Médecin
référent de l’UNAFAM21
En préambule à cette réunion, Marie-
Françoise Jan, Présidente déléguée de
l’UNAFAM de Côte-d’Or tient à remercier
très sincèrement Madame le Docteur
Pascale Martin- Berthole, Madame le
Docteur Isabelle Royer-Rigaud et,
comme à de nombreuses reprises, le
Docteur Capitain, médecin référent de
l’UNAFAM 21, pour avoir accepté
d’animer cette conférence-débat.
Elle rappelle que, pour les familles,
existent deux séries de préoccupations
qui leur semblent quasi-exclusives par
rapport à la santé de leur proche.
La première est celle de la mise en place
du traitement, de son observance et de
son efficacité sur les troubles psychiques.
La seconde est celle des effets secondaires
liés à ce traitement, effets visibles, comme
la prise de poids, les tremblements, la
qualité de vie, les problèmes dentaires, mais
aussi des effets plus cachés :
problèmes hépatiques, cardiaques ou
autres.
Or, il est apparu que les soins du corps
(soins somatiques) ne faisaient
vraisemblablement pas l’objet d’une
attention suffisante.
Un certain nombre de médecins
généralistes n’accordent peut-être pas,
faute de formation, assez d’importance à
ces questions et demandent peu
d’examens de contrôle.
C’est pour cette raison que la délégation
a tenu à inviter les spécialistes de cette
discipline, en compagnie du Docteur
Capitain.
Introduction
par le Docteur Capitain
‘‘Santé mentale, Santé du Corps’’, tel
est le titre de la conférence.
Effectivement santé mentale et santé du
corps peuvent être liées : « un esprit
sain dans un corps sain ».
Une première remarque s’impose : les
patients peuvent souffrir de troubles
somatiques sans que cela soit lié à des
troubles psychiques.
Au CH La Chartreuse, existe un «bloc
médical». C’est un avantage certain, car il
rend possible une approche globale de la
santé des patients et évite que le corps ne
soit ‘‘morcelé’’. Ainsi, on peut pratiquer des
examens complets, sans que les visites ne
soient réparties suivant les spécialités :
spécialistes du tube digestif, neurologie
etc. C’est une spécificité très importante
du CH La Chartreuse.
L’imbrication des maladies psychiques et
somatiques est réelle. J’ai une longue
expérience de la psychiatrie de liaison,
c’est-à-dire de celle qui s’exerce dans un
Hôpital général, un CHU… J’ai notamment
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exercé dans ce cadre au Centre G.F.
Leclerc pendant dix ans.
Je ferai ici une observation. Il arrive qu’un
patient atteint de maladie psychique et
souffrant de troubles somatiques ait des
réactions qui peuvent paraître
paradoxales, et qui nécessitent une
certaine spécificité dans l’approche. Un
patient délirant va ainsi parler de ses
troubles d’une certaine façon.
Autre point : des troubles psychiques
‘‘accompagnent’’, dans certaines situations,
une maladie somatique. L’un des exemples
les plus fréquents concerne les problèmes
thyroïdiens qui peuvent entraîner des
variations de l’humeur, ce qui ne constitue
pas en soi une maladie mentale. Il faut
alors équilibrer le traitement thyroïdien.
Je ferai une autre réflexion: l’état des
patients découle assez souvent de ce que
j’appelle leur «sédentarité» : mauvaise
alimentation, hygiène de vie défaillante…
Les arrêts cardiaques ne sont pas
exceptionnels.
Il est possible qu’un certain nombre de
psychiatres ne soient pas très à l’aise avec
les maladies du corps, même si beaucoup
d’entre eux prennent en compte cette
dimension. Dans une psychothérapie, la
personne parle beaucoup de son corps. Chez
les patients atteints de troubles
psychiques, les sensations corporelles sont
nombreuses et des somatisations, c’est-à-
dire des troubles liés à des idées fixes
centrées sur un organe, sont courantes ;
une partie d’entre eux est alors persuadée
de souffrir d’une maladie grave.
Par rapport à ces troubles à expression
somatique, il faut savoir s’orienter, et
recourir à un examen complet pratiqué
par des gens compétents.
Pour terminer, l’important est de ne pas
trop cliver, de ne pas trop séparer le
corps et le psychisme. Nous resterons
très prudents pour dire si certaines
maladies du corps sont liées à des
traumatismes ou au psychisme. Dans cette
dernière configuration, nous parlerons de
phénomène psychosomatique. En ce
domaine, nous sommes loin d‘avoir des
preuves irréfutables.
Le travail commun avec le bloc médical.
La collaboration est réelle, même si la
surcharge de travail, en psychiatrie
comme dans la sphère somatique, a
conduit les équipes à réduire les temps
réservés aux synthèses en présence des
médecins du bloc médical
Outre leur activité de soin proprement
dite, les collègues somaticiens s’impliquent
pour informer et sensibiliser les patients.
En conclusion, il existe une spécificité de
la médecine (médecine dite générale ou
médecine interne) dans les services de
psychiatrie : le Docteur Pascale Martin-
Berthole et le Docteur Isabelle Royer-
Rigaud participent au sein de l’hôpital à
des réunions, des colloques avec leurs
collègues psychiatres.
Intervention de Madame le
Docteur MARTIN-BERTHOLE
La prise en charge somatique en
psychiatrie démarre à Dijon en 1975 à
l’initiative de psychiatres, confrontés à
l’importance de problèmes pneumologiques
chez les personnes hospitalisées. Est alors
installé un poste de radiologie.
En 1980, c’est la mise en place d’une
consultation de médecine interne.
En 1989, le « bloc médical » est créé, il
devient un service autonome en 1990.
Mais depuis, le nombre d’internes au CH
La Chartreuse a diminué, la charge de
travail des psychiatres a augmenté, et le
travail en commun avec ces derniers est
devenu de plus en plus difficile.
Le bloc médical fonctionne avec :
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Une prise en charge médicale :
Des médecins polyvalents qui suivent
les patients hospitalisés dans les
services de psychiatrie. Il n’y a pas de
lits spécifiques de médecine somatique.
Des médecins spécialistes vacataires,
sensibilisés à la maladie psychique, qui
assurent des consultations une à deux
fois par semaine suivant les spécialités
(cardiologie, pneumologie, gynécologie,
ophtalmologie, dentiste, etc.).
Une prise en charge paramédicale :
Des kinésithérapeutes avec une salle
de kinésithérapie, de la
balnéothérapie, de la relaxation.
Une psychomotricienne.
Deux diététiciennes qui se déplacent
dans les unités pour faire de
l’éducation nutritionnelle.
Un podologue.
Une coopération avec les pharmaciens
de l’hôpital : un travail éducatif est
fait par un pharmacien et une
diététicienne auprès de groupes de
patients durant 4 ou 5 séances.
Un laboratoire d’analyses qui peut
faire les examens sur place.
C’est le maillage de tous ces services avec
les psychiatres et les infirmières /
infirmiers psychiatriques qui permet une
approche globale des patients.
A l’unité d’accueil, les patients sont tous
examinés d’une part par le bloc médical et
d’autre part par le psychiatre qui évalue la
dangerosité et l’intensité des troubles.
Nous aimerions augmenter nos actions
d’information. Le faire, comme c’est le cas
actuellement au moment de
l’hospitalisation, c’est à dire pendant une
phase de décompensation de la maladie,
n’est sans doute pas le meilleur moment.
Pour cette raison, le CMP a un rôle majeur
dans le dispositif d’accompagnement de
la personne, en facilitant l’information,
en s’efforçant de mettre le médecin
traitant au centre du parcours de soin.
Nous essayons également de demander à
nos confrères généralistes de prendre en
charge cette information. Certains font
des stages en psychiatrie. Les revues
médicales publient également des articles
sur la psychiatrie. Mais il faut reconnaître
que les relations avec le médecin traitant
sont encore à améliorer.
Plusieurs centres hospitaliers travaillent
dans le même sens et depuis 5 ans, il
existe une association nationale des
médecins somaticiens en médecine
psychiatrique qui se réunit en congrès tous
les ans pour échanger les expériences.
Remarques du Docteur Capitain
Dans cet exposé, on voit bien la nécessité
d’un partenariat. Il est ainsi indispensable
que chaque patient ait un médecin traitant
généraliste. Certes, les personnes
souffrant de troubles psychiques sont
souvent réticentes à consulter. Dans le
parcours de soin, c’est souvent un médecin
généraliste qui peut orienter vers un
psychiatre. Ensuite il est important que le
patient puisse conserver ce médecin
généraliste, surtout si celui-ci a des
bonnes connaissances psychiatriques.
Le patient souffrant de troubles
psychiques devra consulter ce
généraliste au moins une fois l’an.
Nous n’oublierons pas non plus que les
infirmières et infirmiers qui pratiquent en
CMP et dans les services de l’hôpital ont
reçu une formation généraliste : ils ont donc
des compétences dans le domaine des soins
du corps.
C’est le decin référent qui fait la
demande de prise en charge à 100% et
c’est lui qui oriente vers le psychiatre.
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Les psychiatres ne prescrivent pas les
médicaments à visée somatique. Ils
donnent un avis et le médecin traitant qui
suit le patient pour les problèmes
somatiques liés à la maladie et aux effets
secondaires du traitement, prescrit.
Il n’y a pas de lits de decine générale
dans un centre hospitalier tel que La
Chartreuse de Dijon. En cas de
pathologie somatique grave, le centre
hospitalier du Vinatier à Lyon dispose
d’un service pour ces patients.
Intervention de Madame le Docteur
Royer-Rigaud
Les différentes pathologies
Entre 30 et 60% des personnes souffrant
de troubles psychiques ont des problèmes
de santé souvent méconnus du fait de la
relation qu’ils entretiennent avec leur
corps ou en raison de difficultés sociales.
Ces problèmes sont aussi parfois méconnus
des professionnels de santé : ce sont des
malades difficiles à soigner et certains
soignants conservent des préjugés du
type: « c’est dans la tête »...
Ces personnes ont les mêmes maladies
que tout le monde mais certaines sont
plus fréquentes, et d’autres plus graves :
Augmentation des problèmes cardiaques et
vasculaires à cause des facteurs de risque
: tabagisme (entre 50 et 90% des patients
psychiques fument), sédentarité, obésité
et peut-être influence des médicaments.
Augmentation des problèmes respiratoires
liés aussi au tabagisme : une réflexion est
amorcée sur cette question mais pour
l’instant une partie du personnel soignant
est réticente à interdire le tabac.
Légère augmentation de fréquence du
diabète liée à l’obésité.
Problèmes infectieux, conséquence de la
mauvaise hygiène de vie et des conduites
à risque (maladies sexuellement
transmissibles).
Epilepsie un peu plus fréquente
probablement due aux traitements.
Augmentation du nombre de cancers
probablement liée au tabagisme.
Problèmes d’alcool et conduites
addictives.
Des études sont faites pour chercher s’il
y a une vulnérabilité physique chez les
personnes atteintes de schizophrénie
mais pour l’instant, rien n’est prouvé. On
remarque cependant chez ces patients
une diminution de la fréquence de
polyarthrite rhumatoïde (rhumatisme
des articulations).
Effets secondaires des traitements
neuroleptiques
Les médecins qui suivent des personnes
souffrant de troubles psychiques doivent
connaître les effets des neuroleptiques
pour calculer le rapport bénéfice/risque
et adapter le traitement.
On distingue les neuroleptiques de
première génération (NLPG) et les
neuroleptiques de seconde génération
(NLSG).
Principaux effets indésirables
NLPG
NLSG
Effets neurologiques
Prise de poids
Hyperprolactinémie
Diabète et troubles lipidiques
Symptômes négatifs
Anomalies à l’électro-
Prise de poids
cardiogramme
Favorisent l’épilepsie
Hyperprolactinémie
Anomalies à l’électro-
Favorisent l’épilepsie
cardiogramme
Diminution des globules blancs
(clozapine)
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Les effets neurologiques concernent les
mouvements anormaux, le syndrome
parkinsonien, les troubles de la marche.
L’hyperprolactinémie est l’augmentation
des seins chez les hommes et l’arrêt des
règles chez les femmes.
Les symptômes négatifs sont l’apathie, la
lenteur ….
Pour l’épilepsie, il s’agit plutôt d’un
abaissement du seuil qui touche les
patients qui sont ou ont été épileptiques.
La diminution des globules blancs concerne
le Leponex (clozapine). Les malades qui
prennent ce traitement doivent avoir une
surveillance particulière.
On remarque souvent aussi des effets
anticholinergiques : cheresse de la
bouche, constipation, troubles de la vue
et problèmes urinaires.
Il n’y a pas de neuroleptique sans effet
secondaire. Certains de ces effets sont
précoces, d’autres tardifs.
La prise de poids
Elle concerne de nombreux
neuroleptiques, qu’ils soient de première
ou de deuxième génération. Elle apparaît
généralement dès le début du
traitement. Le poids peut se stabiliser ou
parfois décroître après un an.
C’est à la fois une cause d’arrêt du
traitement par le patient et un facteur
de risque cardio-vasculaire.
L’obésité, que l’on définit par un indice de
masse corporelle ou IMC (=poids(kg)/
taille(m)²) > à 30, favorise des
complications ostéo-articulaires
mécaniques, la survenue d’un diabète et
des troubles lipidiques (cholestérol etc.)
La prise de poids, sous neuroleptiques,
peut être liée à trois types de facteurs :
Une augmentation de l’apport
calorique.
• Une diminution de l’activité physique,
favorisée par la sédation provoquée
par les neuroleptiques.
Une diminution du métabolisme de
base, c’est à dire de la consommation
d’énergie au repos.
Instauration du traitement
Avant de mettre en route un traitement:
Le médecin fait un examen clinique
neurologique (pour rechercher des signes
neurologiques mineurs).
Il demande :
un
bilan biologique
préalable
de sang) avec NFS (numération des
globules et des plaquettes), créatinine
(surveillance
des
reins),
hépatique (foie), ionogramme sanguin
(calcium, potassium…), triglycérides et
cholestérol, test de grossesse,
un
électrocardiogramme (ECG) et
en cas d’antécédent d’épilepsie, un
électroencéphalogramme (EEG),
quand le traitement est mis en route,
une surveillance clinique portant sur
la température, la tension artérielle,
le transit intestinal, les mouvements
anormaux, le poids avec l’ IMC, est
indispensable.
des ECG sont programmés en cours de
traitement.
Surveillance du traitement NL
Points à surveiller
En début de traitement
Surveillance
Constantes
Pouls, tension et température les
À chaque changement
premiers jours
de dose
Signes neurologiques
Évaluation clinique
A chaque consultation
Poids
Mesure poids et taille, calcul de
Calcul IMC au moins 2
l’IMC : poids / taille2
X par an
Diabète
Glycémie et recherche de facteurs
au 4ème mois puis une
de risques
fois par an au moins
Troubles lipidiques
Cholestérol et triglycérides
Une fois par an au
moins
Bilans sanguins autres
ASAT, ALAT, créatinine, NFS
Une fois par an sauf
LEPONEX
Grossesse
Test de grossesse
Contraception efficace
Anomalies cardiaques
Electrocardiogramme
Au moins une fois par
an
Cataracte
Recherche de troubles de la vue
Examen annuel après 40
ans
8
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