En premier lieu, suivant le principe qu’il avait énoncé dans Les règles méthodologiques sociologiques,
Durkheim écarte les prénotions et veut donner une définition de l’objet étudié (c’est à dire traiter les
faits sociaux comme des choses).
Première définition : « on appelle suicide toute mort qui résulte médiatement ou
immédiatement d’un acte positif ou négatif accomplit par la victime elle-même ».
Pour compléter, Durkheim introduit l’idée que ce n’est pas l’intention de se tuer qui fait le suicide. Car
les intentions des actes sont parfois difficile à connaître. On ne cherche pas pourquoi la victime se
donne la mort (Weber) ou encore quel sens elle donne à son acte. Pour éviter les incertitudes au sujet
de l’intention ce n’est pas l’intention qui est retenue mais la conscience. Ce qu’il veut dire par
conscience c’est ce qui est commun à toutes les formes possibles de renoncement suprême c’est que
l’acte qui le consacre est accomplit en connaissance de cause. La victime au moment d’agir c’est ce
qu’il doit résulter de sa conduite quelque soit la raison qui l’a amené à se conduire ainsi.
Tous les faits de mort qui présente cette particularité caractéristique se distingue nettement de tous
les autres où le patient ou bien n’est pas l’agent de son propre décès ou bien n’en est que l’agent
inconscient. Ils s’en distinguent par un caractère facile à reconnaître car ce n’est pas un problème que
de savoir si l’individu connaissait ou non par avance les suites naturelles de son action.
Les suicides forment un groupe définit, homogène, discernable de toutes autres formes de mort et qui
par conséquent doit être désigné par un mot spécial. Le mot suicide lui convient et il n’y a pas lieu
d’en créer un autre. Car la très grande généralité des faits que l’on appelle quotidiennement ainsi en
fait partie.
Définition définitive : « on appelle suicide tous cas de mort qui résulte directement ou
indirectement d’un acte plus ou moins accomplit par la victime elle-même et qu’elle savait se
produire ce résultat ».
La tentative de suicide est l’acte ainsi définit mais arrêté avant que la mort en soit résultée.
En quoi le suicide intéresse-t-il le sociologue ?
Le premier élément qui permet de considérer que le suicide peut être étudier comme un fait social,
c’est qu’au niveau de l’ensemble d’une société il y a un flux régulier de suicides qui se reproduit d’une
année sur l’autre avec de faibles variations. Le taux de suicide est donc une sorte de signature, une
propriété caractéristique d’une société donnée à une période donnée de son histoire.
Il y a des variations dans le temps qui correspondent à des changements ou des événements qui se
produisent dans la société. Les « ondes » de suicide forment une sorte d’oscillogramme du monde
social, c’est à dire que quand le monde social est secoué, quand l’équilibre est rompu on en voit la
trace dans la courbe du suicide.
En 1848, moment d’intenses mouvements dans toute l’Europe et notamment d’une Révolution en
France mais aussi en Allemagne, Pologne et Autriche ; même si les chiffres évoluent dans divers pays
dans la même direction il reste a des niveaux différents propres à chaque pays.
Pour Durkheim, il en découle que « chaque société a donc à chaque moment de son histoire une
aptitude définit pour le suicide ». En mesurant le taux de suicide, on obtient une sorte de chronique
des états de la société comme une courbe de temps qui serait propre à chaque société (c’est à dire
comme si la société était une entité et a une vie propre à elle, une vie collective avec son rythme
particulier). Durkheim n’étudie donc pas les suicides particuliers, mais le taux de suicide en temps que
produit de facteurs sociaux qui peuvent expliquer ces variations. Il montre ensuite en comparant des
statistiques européennes qu’il n’y a pas de relation entre le nombre de malades mentaux dans un
pays et le taux de suicide, pas plus qu’avec d’autres pathologies mentales comme la consommation
d’alcool. Ce n’est pas non plus « la race » ni l’hérédité notamment parce que les taux varient de
manière uniformes tout au long de la vie en France comme qu’en Italie, en Allemagne ou au
Danemark. Le suicide est rare dans l’enfance et maximum à la vieillesse (il croît régulièrement d’âge
en âge).