I) Rester en vie

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La vie est un fait social
I) Rester en vie
Il ne faut pas considéré le suicide comme un fait mineur ou marginal malgré son côté spectaculaire et
dramatique. Même si les chiffres semblent s’orienter à la baisse il y a chaque année plus de 10 000
décès par le suicide en France.
Vrai / Faux de Baudelot et Establet :
FAUX – Les femmes se suicident plus que les hommes
VRAI – Les vieux se suicident plus que les jeunes
FAUX – Les enseignants se suicident plus que les paysans
VRAI – Les ouvriers se suicident plus que les intellectuels
FAUX – Les ouvriers se suicident plus que les veufs
VRAI – On se suicide plus au printemps qu’en hiver
FAUX – On se suicide plus le week-end qu’en semaine
VRAI – On se suicide plus le jour que la nuit
FAUX – On se suicide plus le soir que le matin
VRAI – On se suicide plus dans les grandes villes que dans les petites
Tableau n°1
Le suicide touche tout particulièrement les hommes : dans plus des ¾ des cas les auteurs de suicide
sont des hommes. Sur 100 hommes décédés, 3 se sont suicidés ; alors que sur 100 femmes
décédées seulement 1 s’est suicidée.
Il y a une autre façon de mesurer l’importance du suicide : le taux de suicide selon l’âge.
Aujourd’hui comme au temps de Durkheim, les taux de suicide sont globalement croissants avec
l’âge, surtout chez les hommes, et plus exactement la courbe s’élève rapidement jusqu’à la
quarantaine puis décline jusqu’à 60 ans pour repartir ensuite de façon très prononcée.
Graphique n°1
Le fait que le suicide touche d’avantage en proportion les personnes âgées n’empêche pas qu’ils
soient une des principales causes de mortalité avant 45 ans.
Tableau n°2
Bien au contraire entres 60 et 74 ans le suicide représente 1,6% des causes de décès chez les
hommes et 1,3% chez les femmes. A partir de 75 ans, il représente 1% chez les hommes et 0,3%
chez les femmes alors que son poids et beaucoup plus fort chez les jeunes et jeunes adultes c’est à
dire qu’entre 15 et 24 ans il représente 14,3% chez les hommes et 11,5% chez les femmes : et entre
25 et 44 ans, il représente 18,2% chez les hommes et 11,9% chez les femmes.
Entre 25 et 44 ans, la première cause de mortalité est le suicide chez les hommes.
Comment se fait-il que la courbe des taux de suicide soit croissante avec l’âge alors que le poids du
suicide dans les causes de décès est plus fort chez les jeunes ?
En fait, c’est tout à fait normal car la victime d’un quelconque décès est logiquement beaucoup plus
important dans les tranches d’âge les plus élevées.
Il y a 134,2 décès après 75 ans chez les hommes sur 1000 et 192,5 décès après 75 ans chez les
femmes sur 1000.
Les taux de suicide pour 100 000 habitants s’élèvent aussi avec l’âge mais le nombre de suicide reste
minimum par rapport au total des décès.
Chez les jeunes, le nombre de décès est beaucoup plus faible :
Sur 100 hommes 3,3 sont des hommes âgés de 15-24 ans.
Sur 100 femmes 1,2 sont des femmes âgés de 15-24 ans .
Sur 100 hommes 15,3 sont des hommes âgés de 25-44 ans.
Sur 100 femmes 6,8 sont des femmes âgés de 25-44 ans.
On remarque deux tendances générales :
- à tous les âges ont meurt principalement de maladies (maladies infantiles, tumeurs,
problèmes cardiaques)
-
les causes majeures de décès sont les mêmes pour les hommes et pour les femmes du
même âge
Deux exceptions remarquées à ces 2 tendances :
- entre 15 et 44 ans se ne sont pas les causes médicales qui provoquent le plus grand
nombre de décès se sont les causes externes (c’est à dire les morts violentes par
accidents de la circulation, chutes accidentelles, suicides ou tentatives de suicide et
séquelles)
- plus précisément entre 25 et 44 ans c’est pour les hommes et non pour les femmes que
les causes externes représentent le principal facteur des décès (les femmes mourant
surtout du cancer)
Graphique n°2
Les femmes sont-elles épargnées par le suicide ?
Si on prend en compte les tentatives de suicide cela s’inverse. De même pour les jeunes et les
personnes âgées.
La DREES estime ainsi que 9% des femmes et 6% des hommes de 18 et plus ont fait une tentative de
suicide au cours de leur vie (cela représente des millions de personnes en France), c’est donc loin de
constituer un fait marginal.
Le suicide de Durkheim est une œuvre fondamentale en sociologique. Ce que Durkheim avait
pressentit c’est que le suicide ne peut pas se réduire à un acte purement individuel, ni à une question
de santé mentale. En fait le suicide présente les caractères d’un fait social dans la mesure où il varie
en fonction de facteurs sociaux qu’il s’agit de mettre en évidence.
Pourquoi ce sujet :
- Durkheim veut montrer dans cet ouvrage que la sociologie peut aussi s’occuper de
phénomènes individuels. La distinction individu / société étant à manier avec beaucoup
de soins.
- intérêt actuel pour le thème
- la mise en évidence de la méthode sociologique de Durkheim (règles de la méthode
sociologique)
Durkheim ne rejette pas en bloc la psychologie comme explication du suicide, ce qu’il dit c’est que
l’explication psychologique est indispensable mais pas suffisante. Il critique en fait la prétention
psychologique de détenir les causes ultimes du suicide. Le suicide a des prédispositions
psychologiques et des conditions sociales car pour passer du « suicide virtuel » (pensées) au
« suicide réel » encore faut-il que la société dans laquelle l’individu est le permet par ses normes et
ses valeurs (ex : religion catholique). Pour se suicider, il ne suffit pas simplement d’en avoir envie, il y
a des raisons sociales, culturelles, religieuses mais aussi naturelles qui rendant possible le suicide.
Pour expliquer le suicide, il y a une articulation entre les 2 disciplines. Selon Durkheim, le suicide est
due à la dissolution du lien social dans les sociétés modernes.
Deux facteurs influencent le niveau des suicides :
- degré d’intégration des sociétés (c’est à dire l’attachement des individus aux groupes
sociaux)
- le niveau de régulation des sociétés (force avec laquelle la réglementation sociale impose
des limites aux désirs des individus)
Il défend par ailleurs la théorie des cadres intégrateurs (ensemble des institutions qui fournissent des
normes et des valeurs). Pour Durkheim, ces cadres intégrateurs fonctionnent tant que la société
continue à bien intégrer les individus et à respecter les normes qu’elle se fixe elle-même. Le taux de
suicide varie en fonction de la capacité des cadres intégrateurs à fournir des normes et des idéaux.
Les variations selon le sexe et l’âge nous font soupçonner ce que Durkheim avait pressentit et
démontrer : le suicide ne peut pas se réduire à un acte purement social, ni à une question de santé
mentale. Il présente les caractères d'un phénomène social dans la mesure où il varie en fonction des
facteurs sociaux qu’il s’agit de mettre en évidence. Pour cela, Durkheim procède en deux temps :
- il faut écarter les explications par d’autres causes que sociales.
- Il analyse les formes du suicide comme fait social.
En premier lieu, suivant le principe qu’il avait énoncé dans Les règles méthodologiques sociologiques,
Durkheim écarte les prénotions et veut donner une définition de l’objet étudié (c’est à dire traiter les
faits sociaux comme des choses).
Première définition : « on appelle suicide toute mort qui résulte médiatement ou
immédiatement d’un acte positif ou négatif accomplit par la victime elle-même ».
Pour compléter, Durkheim introduit l’idée que ce n’est pas l’intention de se tuer qui fait le suicide. Car
les intentions des actes sont parfois difficile à connaître. On ne cherche pas pourquoi la victime se
donne la mort (Weber) ou encore quel sens elle donne à son acte. Pour éviter les incertitudes au sujet
de l’intention ce n’est pas l’intention qui est retenue mais la conscience. Ce qu’il veut dire par
conscience c’est ce qui est commun à toutes les formes possibles de renoncement suprême c’est que
l’acte qui le consacre est accomplit en connaissance de cause. La victime au moment d’agir c’est ce
qu’il doit résulter de sa conduite quelque soit la raison qui l’a amené à se conduire ainsi.
Tous les faits de mort qui présente cette particularité caractéristique se distingue nettement de tous
les autres où le patient ou bien n’est pas l’agent de son propre décès ou bien n’en est que l’agent
inconscient. Ils s’en distinguent par un caractère facile à reconnaître car ce n’est pas un problème que
de savoir si l’individu connaissait ou non par avance les suites naturelles de son action.
Les suicides forment un groupe définit, homogène, discernable de toutes autres formes de mort et qui
par conséquent doit être désigné par un mot spécial. Le mot suicide lui convient et il n’y a pas lieu
d’en créer un autre. Car la très grande généralité des faits que l’on appelle quotidiennement ainsi en
fait partie.
Définition définitive : « on appelle suicide tous cas de mort qui résulte directement ou
indirectement d’un acte plus ou moins accomplit par la victime elle-même et qu’elle savait se
produire ce résultat ».
La tentative de suicide est l’acte ainsi définit mais arrêté avant que la mort en soit résultée.
En quoi le suicide intéresse-t-il le sociologue ?
Le premier élément qui permet de considérer que le suicide peut être étudier comme un fait social,
c’est qu’au niveau de l’ensemble d’une société il y a un flux régulier de suicides qui se reproduit d’une
année sur l’autre avec de faibles variations. Le taux de suicide est donc une sorte de signature, une
propriété caractéristique d’une société donnée à une période donnée de son histoire.
Il y a des variations dans le temps qui correspondent à des changements ou des événements qui se
produisent dans la société. Les « ondes » de suicide forment une sorte d’oscillogramme du monde
social, c’est à dire que quand le monde social est secoué, quand l’équilibre est rompu on en voit la
trace dans la courbe du suicide.
En 1848, moment d’intenses mouvements dans toute l’Europe et notamment d’une Révolution en
France mais aussi en Allemagne, Pologne et Autriche ; même si les chiffres évoluent dans divers pays
dans la même direction il reste a des niveaux différents propres à chaque pays.
Pour Durkheim, il en découle que « chaque société a donc à chaque moment de son histoire une
aptitude définit pour le suicide ». En mesurant le taux de suicide, on obtient une sorte de chronique
des états de la société comme une courbe de temps qui serait propre à chaque société (c’est à dire
comme si la société était une entité et a une vie propre à elle, une vie collective avec son rythme
particulier). Durkheim n’étudie donc pas les suicides particuliers, mais le taux de suicide en temps que
produit de facteurs sociaux qui peuvent expliquer ces variations. Il montre ensuite en comparant des
statistiques européennes qu’il n’y a pas de relation entre le nombre de malades mentaux dans un
pays et le taux de suicide, pas plus qu’avec d’autres pathologies mentales comme la consommation
d’alcool. Ce n’est pas non plus « la race » ni l’hérédité notamment parce que les taux varient de
manière uniformes tout au long de la vie en France comme qu’en Italie, en Allemagne ou au
Danemark. Le suicide est rare dans l’enfance et maximum à la vieillesse (il croît régulièrement d’âge
en âge).
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