PD Un aperçu d`un autre monde au bout de 100

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Service de presse de Travail.Suisse – n° 18 – 8 décembre 2008 – Marché du travail
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Un aperçu d’un autre monde, au bout de 100 jours
Au cours des 100 jours qui se sont écoulés depuis le 1er septembre, le monde a
profondément changé. La crise financière a jeté par-dessus bord les dogmes de
l’idéologie néolibérale. L’Etat n’est plus « le méchant », il est le sauveteur avant
le naufrage. Et les perspectives conjoncturelles se sont détériorées, passant
d’« assombries » à catastrophiques. Les défis à court terme ont augmenté, mais il
ne faut pas perdre de vue les objectifs à long terme.
Quelques mots-clés sur tout ce qui s’est passé depuis le 1er septembre: l’indice de la Bourse
suisse (Swiss Market Index SMI) a plongé de 20 %. La banque d’investissement Lehman
Brothers a fait faillite. Les Etats-Unis mettent 700 milliards de dollars à disposition pour
sauver des banques. Les très grandes banques américaines ont été contraintes de se soumettre au contrôle partiel de l’Etat. En Suisse, la Confédération et la Banque nationale
déboursent 70 milliards de francs pour sauver UBS. Tous les pronostics conjoncturels sont
passés de positions plus ou moins neutres à une descente à pic. En Allemagne, l’industrie
automobile stagne. Les premières faillites et les premières vagues de licenciements sont en
cours. Les économistes parlent d’un chômage qui atteindrait jusqu’à 160'000 personnes en
2009. Des programmes conjoncturels de l’ordre de plusieurs centaines de milliards de
dollars ou d’euros poussent comme des champignons en Europe, aux Etats-Unis et en
Asie.
Le rapport entre l’Etat et l’économie est redéfini
Pendant les longues années du néolibéralisme, une chose est claire: l’Etat est «le méchant ». Il est responsable de tout ce qui va mal, parce qu’il restreint le développement du
marché libre. Cette évidence-là n’existe plus depuis les actions de sauvetage déployées en
faveur des banques. En effet, l’Etat doit intervenir précisément en qualité de sauveteur
avant le naufrage, là où l’on s’est adonné le plus fortement au fétichisme du marché libre:
sur les marchés financiers. Et les « stars » du marché libre se retirent de la scène plus ou
moins en catimini.
L’Etat n’est donc plus le trouble-fête du marché, mais le garant du bon fonctionnement
des marchés. L’économie de marché n’est donc pas vouée à disparaître, comme on le prétend parfois. Mais le rapport entre l’Etat et le marché sera redéfini au cours des prochaines années. Cette évolution se concrétise par exemple dans les réglementations envisagées des rémunérations des dirigeants, dans la réorientation de la régulation des marchés financiers ou encore dans le débat sur la question de savoir si les grandes banques ne
sont pas devenues trop grandes pour la Suisse. Toutes questions que l’on n’aurait jamais
pu aborder il y a encore peu, parce que c’est le marché qui avait la priorité.
Service de presse de Travail.Suisse – n° 18 – 8 décembre 2008 – Marché du travail
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Il n’y a là rien de nouveau. En période de crise, l’Etat a toujours joué ce rôle de couverture
et de régulation. On le vérifie aussi dans les manuels d’économie. Seulement voilà, ces
connaissances sur le rôle essentiel de l’Etat pour le développement du marché ont été
évincées par l’idéologie néolibérale au cours des quinze ou vingt dernières années.
L’économie va au-devant d’une grave récession
En septembre dernier encore, la conseillère fédérale Doris Leuthard défendait l’idée qu’il
n’y avait aucun nuage à l’horizon. Cette attitude montre au moins que les avis sur le développement de l’économie en 2009 pouvaient encore être partagés.
Ces temps sont révolus. Il est parfaitement clair aujourd’hui que 2009 sera une année difficile sur le plan économique. Chez nos voisins, des usines entières sont partiellement
mises à l’arrêt. Mais en Suisse aussi, les mauvaises nouvelles s’accumulent : baisses dans
les carnets de commande, perspectives incertaines, travail à temps réduit. Et pour les syndicats, la mise en place de plans sociaux en cas de licenciements de quelques dizaines de
travailleurs ou en cas de faillites est déjà à l’ordre du jour.
Il y a plusieurs semaines déjà, le Secrétariat d’Etat à l’économie - seco – annonçait qu’il
faudrait s’attendre, pour l’année prochaine, à une forte augmentation du chômage.
L’économiste suisse Thomas Straubhaar, directeur du « Hamburgisches
Weltwirtschaftsinstitut (HWWI) », s’attend même, dans la « Handelszeitung », à une
augmentation du taux de chômage jusqu’à un niveau de 4 %, ce qui correspondrait à
quelque 160'000 chômeurs.
Des défis très importants
En cette période économique difficile, la Suisse fait face à d’importants défis. Pour ne citer
que les principaux:

Oui à une Suisse ouverte – Oui aux accords bilatéraux: la votation du 8 février prochain sur la poursuite de la libre circulation des personnes avec l’UE est absolument
fondamentale pour le développement économique futur de la Suisse. Un Non mettrait
fin à la voie bilatérale et replacerait la Suisse dans sa position des années 90, c’est-àdire lui ferait connaître une longue marche économique à reculons et un taux de chômage élevé. Seul un Oui le 8 février permettra de relancer rapidement l’économie.

Lancement et réalisation d’un programme conjoncturel: les pouvoirs publics doivent
contribuer à atténuer le repli conjoncturel. Et ce, dans les plus brefs délais. Le montant
de 1,5 milliard de francs, proposé par le Conseil fédéral et devant encore être mis en
place par échelonnement, est insuffisant. C’est pourquoi Travail.Suisse invite le Parlement à utiliser la session actuelle pour décider d’un programme supplémentaire
d’assainissement des bâtiments en 2009.
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Maintien de l’emploi: les employeurs doivent eux aussi apporter leur contribution.
On ne doit pas en arriver à des licenciements. Après de longues et bonnes années, les
entreprises doivent désormais aussi être prêtes à puiser dans leurs réserves. En procédant à des licenciements, elles ne feront qu’aggraver la crise et perdront des personnes
qualifiées dont elles auront de nouveau besoin lors de la prochaine relance.

Aucune réduction du côté de l’assurance-chômage: dans la révision actuelle de
l’assurance-chômage, certaines prestations devraient être réduites une nouvelle fois.
Or, c’est justement dans les périodes difficiles économiquement parlant que la valeur
de l’assurance-chômage devient évidente. Ses prestations empêchent que le repli conjoncturel ait des répercussions directes sur la consommation et qu’il se dégrade en
conséquence. C’est pourquoi aucune prestation de l’assurance-chômage ne saurait être
réduite.

Réglementation efficace des rémunérations des dirigeants: cela fait plusieurs années
que Travail.Suisse dénonce l’explosion incontrôlée des rémunérations des dirigeants et
les effets négatifs qu’elle exerce sur l’économie et la société. Maintenant, les rémunérations des dirigeants ont encore été identifiées comme étant des moteurs de la crise financière. Il est donc absolument clair que de nouvelles réglementations doivent être
mises en place. Les propositions faites jusqu’ici par le Conseil fédéral sont totalement
insuffisantes, parce qu’elles ne concernent que l’indemnité des membres du conseil
d’administration. Il est pourtant indispensable de réglementer résolument les salaires
des dirigeants. Il est décisif pour Travail.Suisse que l’écart salarial cesse de se creuser
au sein des entreprises. Il faut donc s’assurer que le management ne touche des
hausses de salaires et des bonus, que si tous les collaborateurs participent au succès de
l’entreprise.
Ne pas perdre de vue les objectifs à long terme
Au-delà des défis à relever à court terme, il ne faut pas perdre de vue les objectifs à long
terme. Rien n’a changé à ce sujet depuis le Congrès de Travail.Suisse en décembre 2007.
Les objectifs formulés alors restent valables. En font partie:

Davantage de vacances à titre de repos et de compensation: la pression au travail ne
cesse d’augmenter et entraîne de plus en plus souvent des problèmes de santé. Si nous
voulons rester en bonne santé et conserver notre taux d’occupation élevé, nous avons
également besoin de suffisamment de repos et de compensation.

Formation continue obligatoire pour tous les travailleurs: c’est le seul moyen pour
nous de garantir que les travailleurs soient les plus nombreux possible à rester en
phase avec les exigences accrues du monde du travail. De plus, par ce biais, nous
augmentons la productivité de l’économie tout entière et pouvons ainsi éviter la pénurie de main-d’œuvre qualifiée qui réapparaîtra lors de la prochaine relance.
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Promotion systématique des nouvelles technologies énergétiques: l’énergie solaire est
non seulement l’énergie de demain, elle constitue aussi un immense marché en croissance. Nous pourrons créer des emplois en promouvant les installations photovoltaïques et, parallèlement, nous réduirons nos versements, chiffrés en milliards, aux
cheiks du pétrole. Car le prix du pétrole augmentera certainement lors de la prochaine
relance.

Conciliation des vies professionnelle et privée: il est absolument absurde de désavantager dans leur travail professionnel des femmes (et des hommes) ayant reçu une
bonne formation et souhaitant avoir des enfants, et de se plaindre en même temps soit
de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, soit de l’immigration. L’égalité des salaires,
le congé paternité, le travail à temps partiel pour les hommes et les cadres (également
pour les femmes cadres), et suffisamment de places dans les crèches sont exigés.
Il y a du pain sur la planche, il faut se mettre au travail....
Martin Flügel, à l’occasion des 100 premiers jours passés à la présidence de Travail.Suisse
Travail.Suisse, Hopfenweg 21, 3001 Berne, tél. 031 370 21 11, [email protected],
www.travailsuisse.ch
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