
F. GRANDJEAN
apparence que l’ontologie a la primauté sur la métaphysique
spéciale ; car elle ne s’intéresse jamais à l’être de l’étant qu’en vue
de connaître son fondement, et par là elle est toujours d’emblée
onto-théo-logie, ou onto-ego-théo-logie ; elle est donc toujours
entremêlée à la métaphysique spéciale.
Quant à l’économie, elle est née en Grèce en liaison avec
l’ontologie et l’analyse. Le nom originaire de l’ousia fut en effet le
foyer de l’oikos, estia, foyer de la propriété, de la richesse, et aussi
bien foyer religieux du culte offert par Zeus à Hestia, la divine
virginité immobile au cœur de la demeure des dieux. C’est là une
étymologie que Platon et Aristote attestent et avec laquelle
Heidegger met en rapport l’allemand An-wesen, "la propriété rurale
fermée sur elle-même". Cependant, au cœur de l’oikos, où
s’effectuait le partage des richesses, était tenu jalousement celé le
xoanon ; cet eidolon talismanique, lié symboliquement par un fil de
laine ou une chaîne d’or, conférait à son possesseur la gloire (doxa)
et le pouvoir de l’orthodoxa
que, dans le Ménon, Platon décida de
délier de l’invisible et d’enchaîner par la connaissance de sa cause
pour pallier son égarement dans l’opinion vulgaire manipulée par la
sophistique ; ce fut l’œuvre de La République, et en particulier de
son Livre VI, où la diérèse est rattachée à un principe
anhypothétique ; prémices de la constitution de l’analyse
démonstrative péripatéticienne (Analytiques seconds, II, 1).
Aristote, par ailleurs, circonscrit l’achèvement "manifeste"
(Economiques, I, 1, 1343 a 10) de l’oikos dans les limites
entéléchiques de la polis, le fait de nature (Pol., I, 2, 1252 b 30)
dont la résolution analytique commande la définition de l’épistémè
praktiké ékonomiké (I, 1, 15-20 ; 2 ; 3, 1253 b 1). Ce n’est qu’à
partir de cette fondation générale de l’oiko-nomia, de l’institution
de l’oikos dans son nomos méta-physique, que ce qui se tient là a
En laquelle Lacan vit un jour la psychanalyse en personne : "L’analyse, c’est ça."
Séminaire II (Seuil, Paris, 1978), p. 31.