bienfaits de cet apprentissage, dont le développement institutionnel nécessaire à la réussite, étant
susceptible de se répercuter sur d’autres activités économiques.
Lorsqu’elles sont adoptées, ces politiques font souvent l’objet de critiques. Ainsi entend-on
fréquemment que l’État ne devrait pas pouvoir désigner les vainqueurs. Le marché constituerait en
effet un arbitre bien plus approprié en la matière.
Les preuves à cet égard ne sont pourtant pas si convaincantes que l’affirment les partisans du libre
marché. Le secteur privé américain s’est révélé notoirement mauvais dans l’allocation des capitaux
et la gestion du risque au cours des années ayant précédé la crise financière mondiale, tandis que
plusieurs études démontrent que les rendements moyens des projets de recherche
gouvernementaux pour l’économie seraient en réalité supérieurs à ceux issus de projets du secteur
privé – notamment parce que l’État aurait tendance à investir plus significativement dans
d’importantes recherches fondamentales. Il suffit de penser aux bienfaits sociaux liés à la recherche
qui permit le développement d’Internet ou encore la découverte de l’ADN.
Mais si l’on met de côté de telles réussites, la vocation des politiques industrielles ne consiste
nullement à désigner les vainqueurs. Les politiques industrielles réussies sont davantage celles qui
identifient des sources d’externalités positives – c’est-à-dire des secteurs dans lesquels
l’apprentissage est susceptible d’engendrer des bienfaits dans d’autres domaines de l’économie.
Le fait d’observer les politiques économiques sous l’angle de l’apprentissage nous confère une
perspective différente autour de nombreuses problématiques. Le grand économiste Kenneth Arrow
a souligné l’importance attachée au fait d’apprendre à travers l’accomplissement. La seule manière
d’apprendre ce qui est nécessaire à la croissance industrielle, par exemple, consiste à posséder une
industrie. Ceci peut alors exiger soit que l’on fasse en sorte qu’un taux de change donné s’avère
compétitif, soit que certaines industries bénéficient d’un accès privilégié au crédit – comme l’ont
fait un certain nombre de pays est-asiatiques dans le cadre de stratégies de développement
remarquablement réussies.
La protection de l’industrie constitue un argument phare pour les économies naissantes. En outre,
la libéralisation du marché financier peut affecter la capacité des États à intégrer un nouvel
ensemble d’enseignements pourtant indispensable au développement : la faculté à allouer les
ressources et la gestion du risque de manière appropriée.
De même, la propriété intellectuelle, lorsqu’elle est mal conçue, peut constituer une épée à double
tranchant si l’on observe les choses sous l’angle de l’apprentissage. Bien qu’elle incite aux
investissements dans la recherche, elle peut également encourager le secret – entravant ainsi une
propagation du savoir pourtant essentielle à l’apprentissage et à l’encouragement des entreprises
dans la pleine exploitation du pool de connaissances collectives, et la minimisation de leur
contribution s’y rattachant. Dans le cadre de ce scénario, le rythme de l’innovation se trouve en
réalité ralenti.
De manière plus générale, nombre des politiques (notamment celles fondées sur un néolibéral
« Consensus de Washington ») imposées aux pays en voie de développement dans le noble objectif
de promouvoir aujourd’hui l’efficacité de l’allocation des ressources font en réalité obstacle à
l’apprentissage, aboutissant ainsi à un niveau de vie moins favorable à long terme.
La quasi-totalité des politiques gouvernementales, intentionnellement ou non, et pour le meilleur
comme pour le pire, ont un certain nombre d’effets directs et indirects sur l’apprentissage. Les pays
en voie de développement dont les dirigeants sont conscients de ces effets ont davantage de chance
de réduire le retard qui les sépare d’États plus avancés. Les pays développés, de leur côté, ont