La naissance du politique Le modèle grec Le mot polis est à la fois

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La naissance du politique
Le modèle grec
Le mot polis est à la fois la cité comme société parfaite (manière optimum de s’organiser
collectivement) et le gouvernement des hommes (organisation et institutions politiques
qui sous-tendent l’organisation des sociétés). L’homme grec se définit comme un être
politique. S’organiser en cité, c’est la manière grecque de se situer dans le monde. Les
Grecs avaient une perception très forte de la finitude des choses, de la fragilité de la
condition humaine. L’Iliade et L’Odyssée confirment ses fondements du mode de pensée
grec. Pour le Grec, s’envisager dans le monde, c’est trouver dans la cité le moyen de
s’inscrire dans l’Histoire. Si les Grecs, comme tous les peuples de Méditerranée et du
Proche-Orient à l’époque, ont développé une littérature importante, leur originalité a été
que le substrat culturel est laïc. Si la cité a des dieux protecteurs, l’organisation de la cité
relève des hommes, de la politique laïque : les Dieux sont ennuyés par la politique (nous
aussi !).
On remarque que, dans la mythologie grecque, les personnages principaux sont les dieux
et les êtres humains. Les Dieux échappent aux lois de la nature. Les Hommes sont doués
de raison. Ces Dieux ne sont ni sérieux, ni fondateurs de l’ordre du monde : les Hommes
ont créé le monde en organisant le chaos. Les questions religieuses sont alors certes
importantes mais pas forcément primordiales. Homère raconte les hommes comme
souffrant, soumis aux contraintes des Dieux, tentant d’habiter le monde. Les Grecs
distinguent la vie biologique et la vie en cité, qui permet à l’Homme de s’émanciper des
Dieux et de cette nature hostile. Toute la culture politique ne peut se comprendre qu’à
l’aune de ce précepte. Il faut avoir le souci du monde. La pensée grecque n’est pas une
pensée d’adaptation mais une pensée d’insatisfaction. Cette insatisfaction par rapport au
monde a pour conséquence un souci du monde en recherchant l’épanouissement le
bonheur individuel et collectif des hommes.
L’Histoire grecque s’étale sur plusieurs siècles. Homère, au VIII siècle avant JC, parle de
cités antérieures au X. Homère ne pose pas directement de questions politiques (même
si elles affleurent notamment dans L’Iliade) ; ce n’est qu’après un long moment, au VI° en
particulier, que va émerger la conscience politique grecque, avec la place de l’Homme
dans le monde. Au V seulement nait la réalité de la cité et les questions sur son
organisation politique. Un siècle et demi plus tard, cette pensée politique s’effiloche,
disparaît : les traités politiques qui suivent décrivent le point de vue des gouvernants
mais oublient les gouvernés ; ces traités ne sont plus écrits par des philosophes.
L’indépendance politique des cités est morte, on entre dans un autre monde qui va voir
la politique s’amenuire au fil des siècles. Le moment politique grec est ainsi situé dans le
temps et dans l’espace. C’est à Athènes dans un contexte politique, économique et
culturel que se développe cette pensée politique et culturelle. Les philosophes ne sont
pas forcément des citoyens de la terre mais ils écrivent à Athènes dans ce contexte
politique et démocratique. C’est dans ce contexte que nait une pensée politique, qui va
d’ailleurs critiquer la forme démocratique athénienne contemporaine, alors qu’elle nait
de la démocratie athénienne. Aristote parle non pas seulement des gouvernements, mais
de l’ensemble de la société, de la cité.
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L’originalité grecque réside dans le questionnement sur la politique, entendue comme
un partage, la distribution du pouvoir entre les mains des citoyens. Le statut des
citoyens va donc être une pensée première. De ce statut découlera l’analyse, la
description des différents types de régimes politiques possibles. Dans la cité, on
distingue la population, les habitants de la cité, du citoyen. La citoyenneté est un statut
juridique et politique, et non simplement une situation de fait. Tous les habitants de la
cité n’ont pas vocation à accéder à ce statut politico-juridique. Avant même que s’élabore
véritablement une pensée politique, la cité s’est organisée en distinguant entre eux les
statuts de chacun : distinction entre l’homme libre et l’esclave. L’homme libre est celui
doté de droits par son statut, pourvu d’un statut juridique, ce qui n’est pas le cas pour
l’esclave qui n’a aucun droit.
La deuxième distinction est entre le citoyen et l’étranger, le barbare. Ces autres peuples
sont considérés comme l’étrange. Par citoyen, le droit grec va se rapprocher de ce que
nous concevons aujourd’hui en terme de nationalité. La citoyenneté répond à certaines
prérogatives : un statut, un père et une mère de citoyenneté athénienne. Le statut de
citoyen répond à cette filiation biologique. L’étranger est celui qui ne peut répondre à
cette filiation. L’eupatride n’est pas simplement l’habitant de la cité, mais le citoyen, celui
qui trouve racine de génération en génération dans la cité. Au sein de la cité, on
distingue donc métèque et citoyen.
Il y a une autre distinction : le sexe. Dans la cité grecque, seul le mâle remplissant des
critères d’âge et de filiation est considéré comme citoyen. La femme est exclue du
tocoinon, l’espace public. Il faut être âgé de plus de 18 ans pour accéder à la citoyenneté.
Etre citoyen, c’est donc exercé notamment des droits politiques qui, suivant leur régime
politique, pourront être de nature différente. Dans les régimes de nature monarchique,
les droits politiques ne sont exercés que par une communauté de citoyens très
restreinte. Dans les régimes de nature démocratique, en revanche, la citoyenneté s’étend
au plus grand nombre qui exerce des droits politiques. L’organisation du gouvernement
de la cité n’est possible qu’à l’échelle d’un petit nombre de personnes. Pour que
l’intensité du politique soit possible dans la cité, encore faut-il au départ exclure pour
mieux intégrer ceux qui constitueront la communauté de citoyens. La communauté des
citoyens exerce directement dans la cité des droits politiques. Ce principe d’exclusion est
la condition même de l’organisation de la cité. Concernant l’exclusion des femmes, on est
frappé par ce que la culture grecque véhicule sur le sujet. Dans la culture grecque, il y a
des héroïnes de première importante, mais à l’exception d’une seule figure, aucune ne
prend part à l’activité politique. Hélène de Troie influence sur les évènements politiques
mais ne pratique pas la politique. La seule véritable figure politique est Antigone dans la
tragédie de Sophocle. Antigone surgit sur la scène politique quand son oncle le Roi Créon
l’empêche de se recueillir sur le corps de son frère ; elle intervient alors contre ce qu’elle
estime contre-nature. Dès lors, une loi peut être légitime dans la cité tout en étant
contre-nature ; une loi peut être contraire à des principes contre lesquels même les lois
de la société ne peuvent pas agir. Antigone parle alors de droit naturel. Il existerait des
principes où même la politique ne peut pas intervenir. Antigone intervient pour dire que
la politique n’est pas légitime si elle n’obéit pas à un certain nombre de principes qui la
dépasse. Ce principe n’est pas accepté de tous (Platon, Aristote, etc.).
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L’intensité du politique a pour périmètre relativement étroit cette communauté des
citoyens qui exclut une bonne partie des habitants de la cité. La pensée politique
grecque se fait donc à partir de la citoyenneté, avant de décrire les régimes politiques
possibles au sein de la cité.
Dans le monde grec, l’unité est aussi importante que la diversité. L’unité est la manière
pour l’homme d’habiter le monde en se regroupant en une cité. Mais la cité n’est pas une
pour autant : dans son organisation, dans ses mœurs, etc. Le monde grec est un monde
de diversité religieuse, culturelle, politique, sociétale. Ceci repose sur l’autarchia,
l’indépendance de chaque cité qui n’obéit à aucun commandement extérieur. La pensée
politique nait de cette diversité. L’être est le devenir de l’homme dans la cité, mais elle a
pour base la diversité. La pensée politique grecque va naitre de la description de cette
diversité politique, sociale, religieuse, de ces situations économiques et ographiques.
Lorsque cette diversité s’effacera, la pensée politique s’effondrera. Hérodote, auteur du
début du V°, est d’abord un voyageur, un Grec qui parcoure le monde grec du V° et visite
les cités de la péninsule. Il étudie chaque cité dans son organisation sociale, culturelle,
religieuse et politique. Mais Hérodote éprouve le besoin de rendre ce monde intelligible :
il recherche les lois régissant les institutions des cités. Hérodote n’est que l’héritier en
cela des philosophes et hommes de sciences qui ont donné naissance à la littérature
grecque. Hérodote établit une classification, une typologie des différents régimes de la
cité : Régie politique. Hérodote distingue trois grands types de régimes politiques : le
gouvernement d’un seul, le gouvernement du petit nombre, le gouvernement du plus
grand nombre. Hérodote précise que ce ne sont que des archétypes qui permettent des
classer les institutions des différentes cités en catégorie. Hérodote précise que
majoritairement les cités sont organisées en monarchie ou aristocratie. Le régime
démocratique avec le plus important rayonnement est Athènes, au centre des réflexions
d’Hérodote, qui insiste sur l’extraordinaire de l’organisation athénienne. Hérodote
rappelle que ces régimes résultent de l’Histoire des cités : les régimes politiques des
cités sont changeant, une cité expérimente souvent plusieurs régimes politiques au
cours de son histoire. Athènes, initialement régime aristocratie, est par la suite devenue
une démocratie. Le monde politique est soumis, comme celui des hommes, à un certain
nombre d’aléas qui le rendent changeant. Cette intelligibilité donnée au monde politique
a un but : quelle est la meilleure vie possible, la vie bonne ? Dans la pensée grecque, il y a
toujours une question morale ou éthique. Hérodote montre sa préférence pour Athènes
et son régime démocratique. Le meilleur régime possible est celui qui ferait participer le
plus grand nombre à la vie de la cité, ce que Platon contestera. Une constante dans la
pensée politique : le régime politique doit assurer la sécurité, la stabilité, la continuité de
la cité. Certains penseurs renverseront cette question : le meilleur gime est celui qui
dure.
Le courant des sophistes est le courant contradicteur de Socrate, les ennemis de Socrate.
Selon Socrate, ils font profession de philosophie mais n’en sont pas. Le but de la
philosophie, fondée sur la raison humaine, est l’acquisition de la sagesse. Ces sophistes
n’ont pas qu’un combat philosophique avec Socrate. Les sophistes sont porteurs d’une
mentalité politique. Ils sont la voix de la mentalité démocratique athénienne : ils
expriment la culture politique athénienne. Chez Aristote, il y a une critique féroce de la
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démocratie athénienne soutenue par les sophistes. La pensée grecque qui nait avec
Socrate critique la mocratie dans sa version athénienne. La plupart des écrits
sophistiques et présocratiques sont détruits, sans doute au cours de l’incendie de la
bibliothèque d’Alexandrie. Mais cette pensée n’a pas de grand penseur qui l’aurait porté.
Bien souvent, on parle contre la pensée sophiste. Cependant, ces auteurs semblent
vraiment nous dire la quintessence de la pensée grecque. De plus, ils la poussent jusqu’à
son point ultime : ils se moquent des dieux, en les considérant comme des farceurs sur
qui on ne peut jamais compter, des superstitions, des cérémonies le peuple semble
instrumentaliser : ils évacuent toute question métaphysique et spirituelle : « l’homme est
la mesure de toute chose ». La question d’une vie après la mort n’est pas considérée
comme philosophique. L’Homme ne peut pas concevoir l’éternité vu la brièveté de son
passage sur terre. La vie quotidienne dans la cité est bien plus importante, du comment
manger au comment la cité politique fonctionne. Sur le terrain politique, les sophistes
déclarent que « tout homme âgé de plus de 18 ans a une vocation naturelle à gouverner la
cité ». Ils n’ont pas le temps de trop théoriser cependant, puisqu’ils sont en même temps
les réels acteurs de la vie de la cité. Cette mentalité démocratique résulte des institutions
athéniennes. Les institutions démocratiques athéniennes ne sont qu’un aménagement
des institutions politiques communément répandues en Grèce. La plupart du temps, le
gouvernement de la cité repose sur une Assemblée politique (expression de la
communauté des citoyens), appelée à Athènes l’ecclesia – assemblée du peuple ; une
institution de gouvernement qui va mettre en forme et exécuter la loi, les magistrats ; les
tribunaux (à Athènes, constitution de jurys).
L’ecclesia est l’assemblée du peuple se unissent tous les citoyens. A l’ecclesia, le
citoyen va pouvoir librement s’installer et prendre la parole. L’ecclesia semble aussi peu
organiser que possible. Un magistrat fixe un ordre du jour et essaie de répartir le temps
de parole, mais ceci peut être facilement bouleversé. Le vote se fait par l’ensemble des
citoyens quelque soit la question. Les décisions se prennent à la majorité. C’est le plus
grand nombre qui détermine le vote. On voit bien ainsi que la démocratie est le
gouvernement du plus grand nombre. La minorité doit accepter comme loi de la cité le
vote majoritaire. La parole est donnée à celui qui demande la parole, et pas forcément à
celui qui a quelque chose à dire, ce que critiquera Platon. L’ecclesia est très rapidement
difficile à maitriser, et les attitudes seront vite éloignées du principe démocratique de
base. Les sophistes expliquent alors que la parole a énormément de poids, elle influe sur
le vote : l’art du débat est extrêmement important pour la démocratie. Il suffirait alors
de bien parler pour être un grand politique. Platon se scandalisera et les traitera de
démagogues abusant le peuple
Les magistrats : plus la cité est importante, plus elle s’organise administrativement, plus
le nombre de magistrats est important. Aujourd’hui nous fondons les critères
démocratiques notamment sur le mode de désignation des responsables politiques, dans
notre cas l’élection. Pour Athènes, c’est antidémocratique car les citoyens n’ont pas à
déléguer leur souveraineté à des magistrats ou à qui que ce soit. L’élection élimine les
citoyens pour choisir le meilleur, ce qui n’est pas démocratique. On tire donc au sort les
magistrats : les sophistes revendiquent la loi du hasard, la plus égalitaire et donc la plus
démocratique. La loi du hasard s’exerce dans le cadre des citoyens. Le pouvoir est
distribué entre les mains des citoyens par un mécanisme de rotation rapide du pouvoir.
La plupart des magistratures sont exercées pendant une année. Le magistrat, dans son
domaine de compétence, exerce pleinement ses pouvoirs pendant cette année. Les
magistratures militaires répondent à d’autres impératifs et dépassent une année de
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mandat. Au moins une fois dans sa vie de citoyen, chacun était amené à exercer une
magistrature. L’égalité grecque repose sur l’idée que tout homme est doté de raison. Il y
a du coup sur la cité politique une mobilisation très forte des citoyens. On est tour à tour
gouvernant et gouverné, frontière que Platon va rétablir, qui font que l’ordre politique
s’efface dans la mentalité politique athénienne.
La pensée politique grecque est souvent résumée à Platon et Aristote.
Platon vit au milieu du avant Jésus-Christ. Il se situe à un moment d’apogée pour la
citée athénienne. Le monde grec est organisé en cités souveraines. Elles se font la guerre
et sont organisées dans des confédérations de cités. L’hegemonos est la cité qui
rassemble autour d’elle d’autres cités et les domine en quelque sorte. Athènes constitue
une cité essentielle dans tout le sud de l’Attique. Platon ne va cependant avoir de cesse
de prévoir la corruption des mœurs, d régime politique et de ses institutions. Platon est
un athénien déchu de sa citoyenne : il est issu d’une famille aristocratique d’Athènes qui
a longtemps participé au gouvernement de la cité avec que celle-ci ne devienne
réellement démocratique. Les oncles de Platon ont tenté de renverser le régime
démocratique et furent ensuite condamnés à mort, en enlevant le statut de citoyen à
tous les descendants de ces hommes. Le groupe social précède l’individu…
Platon, dans sa cité, est devenu un apatride, du point de vue de la citoyenneté. Il est
éduqué au sein d’une famille qui prépare aux grands fondements politiques. L’essentiel
de l’œuvre de Platon ne traite pas directement des questions politiques, mais ne pas les
étudier dans son œuvre serait porter atteinte à sa démarche. Les grands questions
philosophiques de Platon abordent la « connaissance vraie » ; Platon cite cela comme le
gouvernement de la cité : en définissant ainsi la politique, il la place comme question la
plus importante en philosophie (façon dont l’homme habite le monde).
La question de la cité est la question de la situation de l’homme avec ses limites, et de la
capacité qu’il a à s’organiser librement. Envisagée ainsi, la question politique a une
importance première. Platon fait une distinction entre la connaissance (episteme) et la
l’opinion (doxa) : il réalise un travail démarche de connaissance, pour que l’homme ait
une connaissance sur lui-même et donc par extension sur le monde. L’acquisition de la
connaissance est démarche philosophique. C’est un effort que fait l’homme sur lui-
même : ceci demande rigueur, patience (démarche de toute une vie). Le monde, qui est
tout à fait antinomique, est le monde des préjugés, de la passion plus que de la raison.
La politique n’est pas à ranger dans le déraisonnable ou la passion : le plus grand danger
est de verser vers l’irrationnel. A tout instant, la politique est guettée par ce risque
majeur : la politique étant les institutions et le gouvernement dont les hommes se dotent
dans la cité, elle est par définition sous le risque de la destruction. Face à ce danger qui
guette la politique, il faut replacer celle-ci dans la connaissance, la raison, la meilleure
manière de vivre en société qui permettra à l’homme d’être libre. Les sophistes sont les
représentants du danger le plus grand de la politique, l’art le plus difficile. Se gouverner
soi-même est déjà une démarche politique très difficile, ce qui demande le plus de
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