I/ Introduction
La littérature économique de la politique de redistribution et la croissance
distingue deux approches distinctes : d’une part la relation entre politique
redistributive et croissance économique et, d’autre part, la relation entre les
inégalités de revenu et le niveau de la politique redistributive
Les études théoriques sur la relation entre politique redistributive et
croissance mettent en avant un lien négatif en raison des effets désincitatifs que
jouent les politiques redistributives sur l’investissement. Cette approche tourne
autour de l’argument célèbre de Kuznet selon lequel les inégalités de revenus sont
favorables à la croissance. Toute politique de redistribution tendant à réduire cette
inégalité ne peut qu’affecter négativement la croissance économique. Plus tard,
plusieurs auteurs se sont inscrits dans cette thèse. Ils confirment ce lien négatif
entre les politiques redistributives et croissance (voir Alésina et Rodrick (1994) et
Persson et Tabellini (1994)).
Toutefois, cette analyse n’est pas observée dans les pays en développent
où un accroissement des politiques redistributives peut déboucher sur un
investissement et donc sur la création de la richesse. Plusieurs auteurs ont
développé des modèles expliquant ce paradoxe par la prise en compte
d’imperfections sur le marché de crédit ou les externalités non pécuniaires (voir
Perotti (1993), Saint-Paul et Verdier (1993))
Quant à la relation entre le degré d’inégalité et l’importance de la politique
redistributive, la littérature considère qu’un niveau d’inégalité plus important est
susceptible d’accroître la demande politique redistributive. Cet argument est
avancé dans le cadre classique de l’électeur médian où, lorsque la position de ce
dernier se détériore par rapport à l’individu moyen, la pression politique en faveur
d’un accroissement de dépenses redistributives se fait sentir. Il en résulte que
malgré la cohérence de cette analyse, ces prédictions sont en opposition avec les
études empiriques menées dans les pays en développement. En effet, ce n’est
généralement pas là où les inégalités sont les plus élevées que les transferts
redistributifs sont les plus importants. Plusieurs idées sont alors avancées pour
invalider l’argument conventionnel (Voir Saint-Paul et Verdier (1993))
Cet article part de l’idée que la redistribution est favorable à la croissance
dans les pays en développement. On assimile la redistribution à la production d’un
bien public de long terme générateur de croissance, par exemple l’éducation
publique. Chaque agent consomme le bien en quantité identique mais son
financement s’effectue au prorata de la richesse des individus. Nous proposons
alors la substitution du bien de l’éducation par un bien de court terme dont le prix
est faible et dont l’impact sur la réduction des inégalités est faible comme une
explication alternative au paradoxe de la relation redistribution-inégalité. L’idée
est que la substitution du l’éducation par des biens de survie de court terme dans
les pays pauvres peut altérer le choix démocratique en faveur des membres les
plus riches. La raison est que les pauvres ont une propension de consommation
pour le court terme plus élevée que les riches.
Cet argument est développé dans une économie à deux agents dont
laquelle on compare deux solutions : une solution démocratique ou la pression de
famine est inexistence et la solution avec une pression de famine. En distinguant
deux types d’agents (pauvres et riches), nous verrons comment le choix
démocratique évolue lorsque le degré d’inégalité varie. Nous examinons ensuite