Revue Commerce - Mars 2001
Ralentissement économique ou
récession ?
MAURICE N. MARCHON
Professeur à l'Institut d'économie appliquée
École des Hautes Études Commerciales
26 janvier 2001
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L’économie américaine reprend son souffle
Rappelons d’abord que le cycle économique canadien est parfaitement
synchronisé avec celui des États-Unis pour la simple raison que plus de 86 % de
nos exportations de marchandises sont destinés au marché américain. Cela
représente 32 % de la demande finale de biens et services canadiens. Il est donc
inévitable que la récession qui frappe le secteur industriel américain se répercute
sur le marché canadien (graphique 1). Reste à savoir maintenant si la demande
intérieure sera suffisamment importante pour éviter une récession canadienne.
Contrairement à certains, nous demeurons optimistes pour les raisons suivantes.
Graphique 1
Indice de production industrielle du Canada et des États-Unis
(en taux annuels de variation)
L’économie américaine qui a connu un taux de croissance annuel moyen
de 4,4 % du PIB réel au cours des cinq dernières années se terminant au
3e trimestre de 2000 est entrée dans une phase de ralentissement prononcé au
cours des derniers mois. Ce ralentissement a été orchestré par une augmentation
cumulative de 175 points de base du taux d’intérêt des fonds fédéraux de
juin 1999 à mai 2000. Depuis plus d’un an, les autorités monétaires était
préoccupées par les conséquences inflationnistes d’une demande excédant la
capacité de production à long terme de l’économie américaine. Cela s’est reflété
par un marché du travail extrêmement tendu, un accroissement du déficit de la
balance courante des États-Unis qui a atteint 4,5 % du PIB au 3e trimestre de 2000
et par une bulle spéculative sur le marché des actions de hautes technologies.
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Canada États-Unis
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En bout de ligne, les autorités monétaires se sont retrouvées avec un
ralentissement plus fort qu’anticipé, car il a été amplifié par des événements
indépendants de leur volonté, principalement la hausse du prix de l’énergie. Cette
dernière agit comme une taxe sur le revenu des consommateurs. L’augmentation
du prix relatif de l’énergie entraîne le report des décisions d’achat d’un véhicule
neuf, ce qui accentue la diminution de la demande finale de biens et services. Par
ailleurs. les consommateurs américains qui ont accru leurs dépenses de
consommation plus rapidement que leur revenu disponible pendant qu’ils
jouissaient des rendements faramineux de la bourse américaine doivent
maintenant mettre de l’ordre dans leur finances personnelles en réduisant leur
train de vie. Finalement, on constate, avec le recul, que la baisse du coût du
capital créé par l’appréciation démesurée du prix des actions des entreprises de
hautes technologies a permis à ces entreprises d’investir bien au-delà d’une
expansion rationnelle et rentable.
Le ralentissement subit de la croissance du PIB réel américain au taux
trimestriel en base annuel à 2,2 % au 3e trimestre de 2000 se poursuivra au cours
du 1er semestre de 2001 avec un recul particulièrement important de la production
industrielle qui représente près de 21 % du PIB réel des États-Unis. Cela ne sera
toutefois pas suffisant pour qualifier le ralentissement économique de 2001 de
récession. Grâce à l’absence de pressions inflationnistes indues - le taux
d’inflation sans la nourriture et l’énergie s’élevait à 2,6 % en décembre 2000 - la
Réserve fédérale américaine peut baisser le taux d’intérêt à court terme et préparer
le terrain pour une reprise de l’activité économique au 2e semestre de 2001, mais
surtout en 2002. Nous prévoyons une baisse additionnelle de 100 points de base
en plus des 75 points déjà enregistrés depuis le début de 2001.
Le Canada s’en tire mieux que les États-Unis
Il est bien évident que les entreprises canadiennes qui produisent surtout
pour le marché américain seront frappées par la contraction de la production
industrielle des États-Unis, principalement dans le secteur automobile. Mais
plusieurs facteurs soutiendront suffisamment la demande intérieure pour que le
PIB réel canadien progresse tout de même à près de 3 % en 2001.
Premièrement, les consommateurs canadiens bénéficient des baisses
d’impôts annoncées l’an dernier et leurs finances personnelles sont moins fragiles
que celles de leurs collègues américains. Le taux de croissance annuel moyen des
dépenses de consommation réelles des trois dernières années n’a été que de 0,6 %
plus élevé que celui du revenu personnel disponible réel comparativement à un
excédent de 1,5 % pour les consommateurs américains. Ces derniers sont donc
sujets à un plus grand ajustement à la baisse de leurs dépenses de consommation
que les Canadiens puisque le taux d’épargne des Américains était –0,8 % en
novembre 2000 comparativement à un taux d’épargne relativement faible de
2,3 % pour les Canadiens.
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Deuxièmement, les dépenses gouvernementales incluant l’investissement
public soutiendront la demande intérieure avec une augmentation de 3 % en 2001.
C’est bien différent de la diminution des dépenses gouvernementale de 0,8 % en
1995 et de 1,8 % en 1996 qui avait accentué la diminution de la demande
intérieure.
Troisièmement, le taux d’utilisation de la capacité industrielle qui s’élevait
à 86,9 % au 3e trimestre de 2000 favorisera de nouveaux investissements de la
part des entreprises désirant se préparer au rebondissement de l’activité
économique en 2002. Il faut remonter à 1974 pour retrouver un taux d’utilisation
de la capacité aussi élevé. Il est vrai que la croissance des profits sera bien pâle
comparativement à celle de l’an dernier, mais les prix des ressources naturelles
autres que l’énergie devrait se raffermir quelque peu en 2001. Les prix de
l’énergie subiront un repli, qui restera tout de même modéré. Nous prévoyons un
prix moyen de 26 dollars le baril en 2001 comparativement à 30,3 dollars le baril
de pétrole brut West Texas en 2000.
Quatrièmement, la création mensuelle moyenne de 36 500 emplois au
4e trimestre de 2000 comparativement à 22 100 au trimestre précédent devrait
soutenir la confiance des consommateurs comparativement à une forte
décélération aux États-Unis. Cela confirme la bonne tenue de l’économie
canadienne en fin d’année 2000. La baisse des taux d’intérêt devrait également
soutenir les mises en chantier en 2001.
Finalement, l’absence de pressions inflationnistes - le taux d’inflation
sans la nourriture et l’énergie s’élevait à 1,9 % en décembre 2000 - permettront à
la Banque du Canada d’imiter la Réserve fédérale américaine dans son
relâchement de la gestion monétaire. En janvier 2001, elle n’a suivi que
partiellement le mouvement la Réserve fédérale américaine. Les prochains
mouvements de cette dernière seront validés par la Banque du Canada, car elle
voudra amortir le choc subi par la production industrielle canadienne.
La production industrielle sur le chemin de la tempête
La chute de l’indice des directeurs d’achats, appelé l’indice NAPM
(National Association of Purchasing Managers), qui annonce une contraction de
la production industrielle américaine est également un bon indicateur avancé du
ralentissement de la production industrielle canadienne (graphique 2). Les
entreprises qui seront le plus touchées seront celles qui gravitent autour de la
production du matériel de transport et de l’automobile. En décembre 2000, les
ventes d’automobiles aux États-Unis étaient en baisse de 12 % par rapport à
décembre 1999 et les constructeurs américains ont diminué de 20 % leur plan de
production du 1er trimestre de 2001. Ces ajustements se répercuteront
nécessairement sur les entreprises canadiennes de ce secteur dont la production
représente 13 % de la production manufacturière.
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Il est encore difficile d’évaluer l’ampleur du ralentissement du secteur des
ordinateurs et des technologies de l’information. Il est toutefois prévisible que
l’effondrement du prix des actions des entreprises du secteur rendra plus difficile
le financement de leur expansion. Même s’il est dangereux de se fier à un seul
indicateur, l’indice du secteur technologique du S&P 500 a été un indicateur
avancé d’un an des nouvelles commandes d’ordinateurs aux États-Unis
(graphique 3). La dégringolade des prix des actions de hautes technologies
n’annonce rien de bon pour les ventes des entreprises du secteur. Et, comme les
entreprises canadiennes sont devenues dans beaucoup de secteurs d’activité des
producteurs d’appoint pour les entreprises américaines, il est inévitable que ces
dernières ressentent l’impact de la récession qui frappe le secteur industriel
américain.
Graphique 2
Indice NAPM des États-Unis est un indicateur avancé du taux
annuel de variation de la production industrielle du Canada
Il faut toutefois regarder au-delà du très court terme, car en l’absence de
problème d’inflation, les autorités monétaires peuvent relâcher leur gestion
monétaire et préparer le retour de l’économie vers son taux de croissance à long
terme. Nous ne sommes qu’au début de la révolution micro-informatique et les
entreprises doivent toujours viser l’excellence pour affronter la concurrence
mondiale et profiter des occasions d’affaires dans un monde en expansion.
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Indice NAPM
Production industrielle du Canada Indice NAPM
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