Certains analystes prétendent que la part du revenu national revenant aux
travailleurs est tombée à des niveaux inégalés au cours des dernières années. Cet
argument est fallacieux puisque s’il est vrai que la compensation totale des
employés s’élevait à 64 % du revenu national en 2006 comparativement à une
moyenne de 66,2 % en 2001, elle n’est pas très éloignée de la moyenne des
années 1960 à 2006 qui s’établit à 64,9 %. Toutefois, il est vrai que l’intégration
rapide des grands pays émergents (BRIC = Brésil, Russie, Inde et Chine) exerce
des pressions à la baisse sur la rémunération des travailleurs des pays
industrialisés. En effet, ces pays viennent en quelque sorte doubler l’offre globale
de travailleurs avec des salaires très compétitifs. Il faut donc s’attendre à ce que
l’arbitrage international du travail vienne modérer les augmentations salariales
des travailleurs des pays industrialisés qui se trouvent dans des emplois exigeant
les mêmes gammes de qualification.
Quant à l’augmentation des profits en pourcentage du PIB, qui est passée
de 7,9 % du revenu national en 2001 à 15,5 % en 2006, une partie de cette
augmentation de 7,6 % (15,5 % moins 7,9 %) provient d’une diminution de 1,9 %
de paiements nets d’intérêts. Ce sont donc les personnes dont le revenu provient
du paiement des intérêts, notamment de nombreux retraités, qui ont été les grands
perdants. Par ailleurs, on oublie trop souvent que la très grande majorité des
personnes employées bénéficient indirectement de l’augmentation des profits des
entreprises. Comment ? Par le truchement de leur participation au fond de pension
de leur employeur et/ou par l’appréciation des actifs financiers qu’ils détiennent.
En effet, de janvier 2002 à janvier 2007, l’indice de rendement total de l’indice
S&P 500 s’est apprécié de 37 % en valeur nominale ou de 21 % en valeur réelle,
c’est-à-dire corrigé pour tenir compte de l’inflation.
Il serait également faux de croire qu’une façon efficace de réduire le
déficit commercial annuel de 230 milliards de dollars que les États-Unis ont
accumulé avec la Chine en 2006 serait d’imposer des tarifs sur les biens importés
en provenance de ce pays pour contrer la sous-évaluation de la monnaie chinoise.
Les intérêts des deux pays seraient beaucoup mieux préservés par une
réévaluation graduelle de la monnaie chinoise, sans oublier qu’entre-temps, les
Américains jouissent de biens importés à bon marché tout en réduisant les
pressions inflationnistes provenant de l’augmentation du prix du pétrole.
Finalement, nous prévoyons que la poursuite du cycle d’expansion
entraînera une création d’emplois suffisante pour maintenir l’économie près du
plein-emploi. Cela permettra aux politiciens Américains de ne pas tomber dans le
piège du protectionniste où tout le monde est perdant à court et à long terme. Tous
les pays qui, dans l’histoire économique, se sont repliés sur eux-mêmes ont vu le
niveau de vie de leur population décliner. Il est toujours très douloureux de se
tirer dans le pied!