aussi un concept. Hegel disait
qu'il est « le concept fondamental de
la philosophie »
. « Nous ne nous embarrasserons jamais dans les
disputes de l'infini » avait pourtant prévenu Descartes
. Le
déterminer, n'est-ce pas le supposer fini ? Il y a en effet
contradiction à dé-finir ce qui n'a pas de fin, dé-terminer ce qui n'a
pas de terme, dé-limiter ce qui n'a pas de limite, mais c'est
précisément la raison pour laquelle Hegel disait de l'infini qu'il est
le concept fondamental de la philosophie.
L'infini pour nous est une grande idée spéculative, qui renvoie
immédiatement à l'abstraction des mathématiques et de la
métaphysique. Il n'en allait pas de même pour les Grecs : chez
Platon et Aristote, l'infini est d'abord le prédicat du sensible, du
monde informel de la matière
. Mais cette thèse est loin d'épuiser le
concept. Dès l'origine, il y eut plusieurs infinis, et dispute de
l'infini. Certains (les pythagoriciens, Platon) y voyaient une
substance, une chose en soi ; d'autres (Anaximandre) en avaient fait
un principe, d'autres encore (Anaxagore, Démocrite) y
reconnaissaient une qualité numérique s'appliquant aux éléments.
Une idée commune surplombe ces divergences : l'infini est
l'imperfection ; il ne saurait donc qualifier ni l'Univers ni Dieu
.
Le monothéisme créationniste bouleversera le sens du
problème : l'imperfection était désormais la marque du fini, la
perfection passe du côté de l'infini. D'autres débats surgissent, en
particulier le dilemme autour de la finité ou de l'infinité
du
monde : admettre l'infinité du monde, ce serait supposer la
coexistence de deux infinis
(Dieu et le monde) ; logiquement
l'hypothèse paraît inacceptable, mais admettre le monde comme
fini, ce serait postuler une limitation dans le pouvoir créateur de
Dieu, une borne à sa puissance - solution également problématique.
Des deux maux on choisira le second qu'on croit moindre : le fini
ne limite pas l'infini, il se contente de le nier.
Pendant longtemps, les mathématiques sont restées
. Du moins de ce qu'il appelait l'infini véritable.
. G.W.F. Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques I. La Science de la logique, trad.
B. Bourgeois, Vrin, 1986, p. 360.
. R. Descartes, Principes de la philosophie, § 26, Œuvres et Lettres, Bibliothèque de la
Pléiade, Gallimard, 1953, p. 582.
. Au début du Philèbe (15d), néanmoins, et c’est sans doute la première fois que le terme
grec d’apeiron n’est pas chargé d’une valeur négative, Platon évoque l’infinité du défilé des
idées, que la puissance maïeutique du discours engendre.
. Seul le matérialisme épicurien peut alors poser l'univers comme infini.
. Infinité est une détermination de fait, infinitude une détermination métaphysique.
. La « démonstration » d'Aristote concernant l'impossibilité d'un corps infini est
généralement admise.