Workshop Université de Montpellier 1-Université de Sheerbrook 23-24/06/2008.
NOTE SUR L’EXISTENCE DU CAPITAL INSTITUTIONNEL.
Michel Garrabé
Université de Montpellier 1 (CEP LASER)
Michel.garra@univ-montp1.fr
SOMMAIRE
1-PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE.
2-LES INSTITUTIONS, COMPOSANTES D’UN PROCESSUS D’ACCUMULATION .
A-LES TYPOLOGIES DE REFERENCE.
B-LA TYPOLOGIE DE B.WALLISER.
C-LA TYPOLOGIE DE D.RODRIK.
D-COMPLEMENTARITE ET ARTICULATION DES TYPES D’INSTITUTION.
3-DEFINITION DU CAPITAL INSTITUTIONNEL COMME EQUIPEMENT INSTITUTIONNEL
A- LE CAPITAL D’ADMINISTRATION GENERALE.
B- L’ACTIF SOCIÉTAL NON PARTAGEABLE.
C-LA CONTRIBUTION D’UNE INSTITUTION FORMELLE AU DEVELOPPEMENT.
D-MATRICE INSTITUTIONNELLE ET EQUIPEMENT INSTITUTIONNEL.
4-PROPRIETES DU CAPITAL INSTITUTIONNEL.
A-LA DIVISIBILITE.
B-L’EXISTENCE D’UNE ACCUMULATION -DESACCUMULATION,
C-LA CONTRIBUTION A UNE PRODUCTION,
D- LA FACULTE D’ETRE AMORTI,
E-LA FLEXIBILITE.
F-LA CAPACITE D’INTÉGRATION DES CONNAISSANCES.
5-LE PROCESSUS D’ACCUMULATION DU CAPITAL INSTITUTIONNEL.
A-CHANGEMENTS, PERMANENCE INSTITUTIONNELLE
B-UN PROCESSUS D’ACCUMULATION-DESACCUMULATION..
7-LES FORMES DE L’ACCUMULATION DU CAPITAL INSTITUTIONNEL.
A-LE MIMETISME INSTITUTIONNEL.
B- LA CONVERGENCE OU L’HARMONISATION INSTITUTIONNELLE.
C-L’INNOVATION INSTITUTIONNELLE
D-TRANSFORMATION DU CAPITAL INFORMEL EN CAPITAL FORMEL.
2
La question posée dans ce « papier » est la suivante : peut-on penser les institutions comme
une forme nouvelle de capital, avec ses processus d’accumulation/désaccumulation et leurs
conséquences sur le système productif? Ceci dans la perspective d’une contribution à la
construction future d’une théorie générale des institutions et de son articulation avec les
théories du développement.
1-PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE.
Nous sommes partis des cinq observations suivantes.
1-L’insatisfaction ressentie par de nombreux auteurs
1
, concernant le concept de capital
social, qui contiendrait à la fois des éléments de liens sociaux et des éléments institutionnels,
en instance de différenciation.
2-L’absence d’une théorie générale des institutions, signalée par R.Boyer R.
2
, malgré de plus
en plus de travaux et une meilleure connaissance de l’organisation du savoir.
3-Le travail de D.Rodrik et A.Subramanian
3
établissant la primauté des institutions par
rapport au commerce international et à la géographie, dans lequel, les institutions s’articulent
avec du capital technique, humain et naturel.
4-L’Incapacité des théories du développement et de la croissance à prendre en compte
toutes les formes de capital en action dans les processus de production. Même si il existe
des tentatives en ce sens (notamment la théorie des quatre capitaux de la BM
4
).
5-Enfin l’observation que les institutions pouvaient faire l’objet d’un processus
d’accumulation/désaccumulation s’apparentant à une forme réelle de capital.
Cela nous a conduits à nous interroger sur les questions suivantes :
1-Peut-on penser les institutions comme une forme nouvelle de capital, avec ses processus
d’accumulation/désaccumulation et leurs conséquences sur le système productif?
2-Comment fonctionne ce capital, existe-t-il des règles relatives à son efficience ?
3-Enfin que pourrait apporter ce concept de capital institutionnel à la théorie du
développement ?
2-LES INSTITUTIONS, COMPOSANTES D’UN PROCESSUS D’ACCUMULATION .
Une conférence organisée le 23 Novembre 2005 par la Banque Mondiale et l’Université de
Paris Dauphine portait le titre suivant : « Réguler les industries de réseau : Assurer le capital
institutionnel et humain ». Même si le débat n’a pas réellement porté sur la pertinence du
concept de capital institutionnel, en tant que tel, il n’en reste pas moins que cette
terminologie émerge comme cadre conceptuel d’une réalité qui s’organise comme un facteur
de production.
« La littérature empirique a maintenant solidement documenet validé la relation globale
entre institutions et développement. Sur cet acquis, l’attention est désormais concentrée sur
1
Ponthieux S.(2003) : Le concept de capital social, analyse critique Contribution au 10ème Colloque
de l’ACN, Paris, 21-23 janvier 2004.
2
Boyer R. (2003) : Les institutions dans la théorie de la régulation WP N°2003-08 Cepremap.
3
Rodrik D. et Subramanian A.(2003) : La primauté des institutions Finance et Développement Juin.
4
Ekins P. et Medhurst J (2006) : The European Structural Funds and Sustainable Development A
Methodology and Indicator Framework for Evaluation. Evaluation 2006-12 (pp 474-495) : Downloaded
from http://evi.sagepub.com.
3
la nature même des mécanismes institutionnels à l’oeuvre, leurs interrelations, leurs effets
conjoints sur le développement. »
5
D’après D.North, les institutions sont des contraintes humaines qui structurent les
interactions politiques, économiques et sociales, elles constituent la structure incitative des
économies. Les relations entre les individus ou entre les organisations sont réglées par elles.
Les organisations et les institutions sont à l’origine du processus de changement, qui
« résulte d’un ensemble complexe d’institutions, elles-mêmes produits des efforts accomplis
par les humains pour structurer leur environnement afin d’en accroître la prévisibilité »
6
Il existe plusieurs typologies des institutions. Nous retiendrons les trois suivantes.
A-LES TYPOLOGIES DE REFERENCE.
Il existe plusieurs modes traditionnelles de classification des institutions.
-Economique, politique, sociale.
-Formelles/informelles.
-Endogènes/exogènes.
-Privée/publique.
-Fondamentales et secondaires
7
.
« Les analyses de l’impact des institutions sur le niveau de développement doivent tenir
compte des différences entre les institutions exogènes et endogènes, la configuration locale,
la perspective des acteurs économiques et lexistence de différents niveaux d’institutions
avec des horizons temporels de changements variables. »
8
.
B-LA TYPOLOGIE DE WALLISER
9
.
1-Les institutions procédurales sont des systèmes de coordination de type procédure.
2-Les institutions organiques sont des moyens de créer ou de mettre en œuvre des
mécanismes.
Celles-ci peuvent être de deux ordres :
-Les institutions régulatives sont des entités orientant des comportements existants
-Les institutions constitutives fondent un nouveau comportement.
A leur tour ces deux types peuvent également se différencier :
-Les institutions spontanées qui apparaissent sans intention.
-Les institutions programmées lorsqu’il existe un accord entre acteur.
5
Ould Aoudia J. (2006) : Profils institutionnels : Une base de données originale sur les
caractéristiques institutionnelles de pays en développement et développés. Workshop on "Measuring
Law" : Paris, 15 -16 décembre 2006. Conseil d’État, Place du Palais Royal, 75001 Paris.
6
North D (2005) : Le processus du développement économique. Paris Editions d’organisation.
7
Bresser R.K.F. et Millonig K (2003) :Institutional capital : comparative advantage in light of the new
institutionalim in organization theory Schmalerbach Business Review Vol 55 July (pp220-241).
8
Jütting J. (2003): institutions and development: A critical review .OCDE development centre
(formerly technical paper no. 210).
9
Walliser B.(2003):Théorie des jeux et institutions Cahiers d’économie politique44 (pp165-180).
4
Procédurale
Régulatives
Spontanées
Programmées
Routines
Conventions
Constitutives
Spontanées
Programmées
Marché
Contrats
Organiques
Régulatives
Spontanées
Programmées
Communautés
Organisations
Constitutives
Spontanées
Programmées
Manifestations
Inter professions
C-LA TYPOLOGIE DE RODRIK.
Dans une communication, sur les stratégies de développement, Rodrik (2000)
10
, distingue
cinq catégories d’institutions formelles (de type économique):
-les institutions de protection (de la propriété, des contrats, des ressources)
-les institutions de surveillance (de la concurrence)
-les institutions de régulation (respect des équilibres économiques)
-les institutions de couverture (assurance protection sociale)
-les institutions d’arbitrage (conflits sociaux).
D-COMPLEMENTARITE ET ARTICULATION DES TYPES D’INSTITUTION.
La complémentarité et l’articulation de différentes catégories d’institutions pourraient être
proposées comme constitutives d’une forme de capital. L’ensemble des fonctions assurées
par celles ci constitue une véritable ressource « articulante » indispensable au
fonctionnement de l’activité économique et sociale.
La complémentarité et l’articulation s’entendent à la fois à titre interne (c'est-à-dire au sein
d’une même catégorie d’institution, par exemple les institutions de protection au sens de
D.Rodrik), et naturellement à titre externe, c'est-à-dire entre les catégories d’institutions elles
mêmes.
3-DEFINITION DU CAPITAL INSTITUTIONNEL COMME EQUIPEMENT INSTITUTIONNEL
Le terme de capital institutionnel a été utilisé dans la littérature sous des acceptions très
différentes, et sans rapport avec les préoccupations précédemment évoquées.
A- LE CAPITAL D’ADMINISTRATION GENERALE.
Une utilisation ancienne a été celle de A.Micallef
11
. Dans son approche, le capital
institutionnel collectif était constitué du capital des organismes qui produisent des services
dont la fourniture est également institutionnelle. En fait, ce capital représentait l’ensemble
des meubles et immeubles des organisations publiques, productives de services collectifs. Il
distinguait le capital d’administration et le capital socioculturel.
B- L’ACTIF SOCIÉTAL NON PARTAGEABLE.
On peut trouver également une acception comptable du capital institutionnel
12
. La croissance
du capital institutionnel serait considérée comme le meilleur indicateur de la rentabilité dans
les coopératives d'épargne et de crédit. Dans cette acception comptable, le capital
10
Rodrik D.(2000):Development strategies for the next century. www.ksg.harvard.edu/rodrik/devstrat.
11
Micallef A.(1969) :Essai sur la théorie du capital institutionnel collectif R Eco vol 20 N°1 (pp117-
140).
12
Pearls Monitoring system (http://www.microfinancegateway.com)
5
institutionnel est défini « comme toutes les réserves légales et non distribuables, les dons de
capital et la portion de l’excédent de l’année en cours qui sera retenue comme réserves
légales et non distribuables. Ces réserves ne sont pas dépensées et aucun sociétaire ne
peut présenter de demande individuelle ».
C-LA CONTRIBUTION D’UNE INSTITUTION FORMELLE AU DEVELOPPEMENT.
On peut trouver une mention du terme capital institutionnel dans les documents et guides du
SDT :MDA
13
(2005). « Il peut être considéré comme la contribution d’une institution formelle
au développement territorial la différence du capital social qui dépend de réseaux plus
informels). Néanmoins, il est nécessaire d'approfondir cet aspect encore peu visible dans les
courants théoriques »
14
. L’organisation d’un secteur productif, par les règles qui le régissent,
constitue un élément déterminant de la décision d’investir, notamment pour les porteurs de
projets étrangers. L’existence de règles et leur organisation interne constituent donc bien un
facteur de production de ressources.
D-MATRICE INSTITUTIONNELLE ET EQUIPEMENT INSTITUTIONNEL.
North D.
15
propose le terme de matrice institutionnelle pour désigner un ensemble de règles
formelles, de contraintes informelles et des moyens mis en œuvre pour les faire respecter
(p25). On peut se demander ce que le terme de capital institutionnel pourrait apporter par
rapport à sa conception.
En réalité le terme de North D. exprime l’idée d’un « creuset natal », qui est très riche de
conséquences dans sa relation aux autres formes du capital en œuvre dans un processus
de développement (changement), nous y reviendrons. Cependant ce terme n’exprime pas
suffisamment les processus d’accumulation/désaccumulation dynamique des mécanismes
en œuvre,
Pour nous, le capital institutionnel représente un réseau dynamique d’institutions formelles et
informelles, complémentaires et articulées, qui constituent la structure incitative organisant
les relations entre les individus ou entre les organisations, au sein des processus de
productions économiques et sociaux. En ce sens nous parlerons d’équipement institutionnel.
4-PROPRIETES DU CAPITAL INSTITUTIONNEL.
Parler de capital institutionnel signifie que les facteurs de l’institutionnalisation du lien devront
satisfaire un certain nombre de conditions. Il est nécessaire de confronter, en effet, ce que
nous nommons capital institutionnel avec différentes propriétés d’un stock de capital.
Nous retiendrons les propriétés principales suivantes d’un stock de capital.
A-LA DIVISIBILITE.
Concernant la propriété de divisibilité, les règles, normes, lois, pratiques…, c'est-à-dire les
institutions formelles ou non formelles, constituent des éléments différentiables même s’ils
ne sont pas indépendants. La divisibilité a des limites, mais pas plus que pour d’autres
formes de capital.
13
Secretário de Desenvolvimento Territorial (Brésil) http://www.mda.gov.br/sdt/
14
Coudel E. et Tonneau JP (2007) :Comment évaluer la contribution d’une formation au
développement territorial. Réflexion à partir de l’expérience d’une unité paysanne dans le Nordeste du
Brésil. http://www.montpellier.inra.fr/moisa/bartoli/download/moisa2007_pdf/WP_1-2007VF.pdf
15
North D (2005): op cit.
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