Les énergies fossiles reçoivent 10 millions d`euros de subvention

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Source : http://www.euractiv.fr
Les énergies fossiles reçoivent 10
millions d'euros de subvention par
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Published: 20/05/2015 - 10:43
[Gerry Machen/Flickr]
Les experts du FMI exhortent les gouvernements à cesser leurs subventions aux énergies
fossiles, qui s’élèvent à 4740 milliards d’euros par an, selon de nouvelles estimations.
Les entreprises d’extraction d’énergies fossiles bénéficient de subventions à hauteur de 4,74
mille milliards d’euros par an, soit l’équivalent de près de 10 millions d’euros par minute,
chaque jour, selon les estimations du Fonds monétaire international.
Une découverte « choquante », selon le Fonds monétaire international (FMI), qui explique
que ses estimations s’appuient sur des bases solides et offrent un aperçu des coûts réels des
combustibles fossiles. Les 4740 milliards d’euros (5300 milliards de dollars) de subventions
estimées pour 2015 dépassent l’ensemble des dépenses liées à la santé publique de tous les
gouvernements du monde.
Cette somme impressionnante est notamment due au fait que les pollueurs ne participent pas à
tous les coûts de la combustion du charbon, du pétrole et du gaz. Ces coûts comprennent
notamment les dommages causés aux populations locales par la pollution de l’air, ou encore
par toutes les personnes dans le monde qui sont affectées par les inondations, les sécheresses
et les tempêtes qui résultent du changement climatique.
« Cette analyse très importante fait voler en éclat la croyance selon laquelle les énergies
fossiles sont peu chères en montrant l’ampleur de leurs coûts réels », estime Nicholas Stern,
éminent économiste climatique à la London School of Economics. « Il n’y a aucune
justification possible pour ces subventions faramineuses aux combustibles fossiles, elles
faussent les marchés et affaiblissent les économies, surtout dans les pays les plus pauvres. »
Selon ce spécialiste, les chiffres du FMI sont cependant encore optimistes : « une estimation
plus complète des coûts engendrés par le changement climatique montrerait que les subsides
implicites dont bénéficie l’industrie des énergies fossiles sont plus élevés encore que ce que
suggère ce rapport ».
Le FMI, l’une des institutions financières les plus respectées au monde, estime que la
suppression des subventions aux énergies fossiles permettrait de réduire de 20 % les
émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire. Une telle réduction constituerait un pas
de géant vers une stabilisation du changement climatique, un sujet sur lequel le monde n’a fait
que peu de progrès à ce jour.
De l’argent mal utilisé
La fin des subventions réduirait également de moitié le nombre de morts prématurées causées
par la pollution de l’air. Ce ne sont pas moins de 1,6 million de vies qui seraient ainsi
épargnées tous les ans.
>> Lire : Les villes allemandes affichent des niveaux de pollution de l'air excessifs
En outre, le FMI souligne que la suppression de ces subventions pourrait tout changer pour de
nombreux pays, qui pourraient ainsi dynamiser leur croissance et redoubler d’efforts dans la
lutte contre la pauvreté en investissant dans des infrastructures, dans la santé et dans
l’éducation. Cela leur permettrait également de réduire les taxes, qui freinent la croissance.
Autre avantage : la nécessité de subventionner les énergies renouvelables – qui ne coûtent
aujourd’hui que 108 milliards d’euros - disparaîtrait. En effet, si les prix des énergies fossiles
reflétaient leur coût réel, les énergies propres seraient automatiquement beaucoup plus
séduisantes.
« Ces estimations [des subventions aux énergies fossiles] sont choquantes », estime Vitor
Gaspar, responsable de la fiscalité au FMI et ancien ministre des Finances du Portugal. « Les
prix de l’énergie restent en-deçà de leur coût réel. »
David Coady, responsable du rapport du FMI, explique qu’« au départ, quand nous avons
obtenu ce chiffre [4,74 mille milliards d’euros], nous nous sommes dit que nous devrions
revérifier ! » Mais le tableau des subventions au niveau mondial était « très solide ». « [Ce
chiffre] représente le coût réel des subventions aux énergies fossiles », assure-t-il.
Pollution de l’air
Le FMI estime que les 4,74 mille milliards d’euros de subventions aux énergies fossiles
représentent 6,5 % du PIB mondial. Les dépenses que doivent supporter les gouvernements
pour traiter les victimes de la pollution atmosphérique et compenser la perte de revenus
causée par une santé fragile ou une mort prématurée représentent un peu plus de la moitié de
ce montant. Le chiffre avancé pour 2015 est bien plus élevé que les estimations du FMI pour
2013 parce que de nouvelles données de l’Organisation mondiale de la santé ont depuis
démontré l’étendue des dommages causés par la pollution de l’air, jusqu’alors sous-estimée.
Le charbon est le combustible le plus polluant, à la fois en termes de pollution atmosphérique
locale et en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Il bénéficie donc du taux de
subvention le plus élevé, juste au-dessus de la moitié du montant total. Le pétrole, utilisé pour
la plupart des transports, récolte le tiers des subventions, et le gaz vient compléter le tableau.
La plus importante source de pollution atmosphérique sont les centrales électriques au
charbon. La Chine, avec son énorme population et sa dépendance vis-à-vis de l’électricité au
charbon, est le plus grand bénéficiaire des subventions et fournit plus de 2 mille milliards
d’euros de subventions. Suivent les États-Unis (632 milliards), la Russie (303 milliards),
l’Inde (250 milliards) et le Japon (142 milliards). Ensemble, les États membres de l’UE
dépensent près de 300 milliards d’euros.
Estimation optimiste
Un quart environ du montant dévoilé par le FMI constitue les coûts liés aux changements
climatiques résultant des émissions des combustibles fossiles. Ce chiffre a été obtenu grâce à
une estimation officielle du gouvernement américain, qui chiffre la tonne de CO2 à 38 euros,
un prix qui « sous-estime très probablement » le coût réel, selon le groupe d'experts
intergouvernemental des Nations unies sur l'évolution du climat (GIEC).
La subvention directe du pétrole acheté par les consommateurs, sous la forme de réductions
gouvernementales sur le diesel et d’autres carburants, équivaut à seulement 6 % du total du
FMI. D’autres facteurs locaux, comme les taxes réduites sur la vente d’énergies fossiles et le
coût des encombrements des routes et des accidents, complètent le tableau. Le FMI a inclus
les coûts liés au trafic parce qu’une augmentation du prix des carburants aurait un effet très
direct sur la réduction du trafic routier.
Christiana Figueres est la responsable du changement climatique à l’ONU chargée de
proposer un accord pour limiter le réchauffement climatique lors de la conférence de
décembre 2015. Selon elle, « le FMI nous donne cinq mille milliards de raisons d’agir sur les
subventions des énergies fossiles. La protection des personnes pauvres et vulnérables est
essentielle à l’abandon progressif de ces subventions, mais les bénéfices économiques,
sociaux et environnementaux sont légion ».
Barack Obama et les pays du G20 ont appelé à l’abandon des subventions aux énergies
fossiles en 2009, mais, avant la chute des prix du pétrole en 2014, peu de progrès ont été
réalisés. En avril, le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a déclaré lors
d’un entretien avec le Guardian qu’il était fou que les gouvernements favorisent encore
l’utilisation de charbon, de pétrole et de gaz en fournissant de l’argent. « Nous devons nous
débarrasser des subventions aux énergies fossiles immédiatement », avait-il affirmé.
>> Lire : La Banque mondiale plaide pour des objectifs de long terme à la COP 21
Une réforme des subventions engendrerait une hausse des prix de l’énergie, mais Jim Yong
Kim et le FMI soulignent tous deux que les subventions existantes profitent surtout aux riches.
Les 20 % les plus riches de la planète reçoivent ainsi six fois plus que les 20 % les plus
pauvres dans les pays pauvres ou à revenus moyens. Vitor Gaspar estime que les prix
actuellement bas du pétrole et du charbon sont une « occasion en or » de commencer à
supprimer les subventions et d’utiliser le surplus de revenus ainsi créé pour investir dans la
lutte contre la pauvreté et fournir des aides mieux ciblées.
Des réformes des subventions ont été entamées dans des dizaines de pays, dont l’Égypte,
l’Indonésie, le Mexique, le Maroc et la Thaïlande. En Inde, les subventions au diesel ont été
supprimées en octobre 2014, alors que l’on pensait que c’était impossible, souligne David
Coady. De la même manière, l’utilisation du charbon a commencé à décliner en Chine, pour
la première fois depuis le début du siècle.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, « si nous parvenons à une tarification juste des
énergies fossiles, les arguments en faveur de la subvention des énergies fossiles disparaîtront
», assure le responsable du rapport du FMI, puisque « l’énergie verte deviendrait tout à coup
une option bien plus séduisante ».
« Le rapport du FMI est un énième rappel que les gouvernements du monde entier utilisent
toujours un modèle énergétique vieux d’un siècle. Nos recherches montrent en outre que
nombre des subventions mentionnées par le FMI sont investies dans la recherche de nouvelles
réserves de pétrole, de gaz et de charbon, alors même que nous savons que pour éviter un
changement climatique catastrophique, nous ne pouvons pas utiliser ces réserves », explique
Shelagh Whitley, spécialiste des subventions à l’Overseas Development Institute.
Le développement d’une coopération internationale nécessaire à la lutte contre le changement
climatique est difficile, mais, selon Vitor Gaspar, l’un des messages-clés du travail du FMI est
que chaque État bénéficiera directement de la suppression de ses subventions aux énergies
fossiles. « La cerise sur le gâteau, c’est que les bénéfices d’une réforme des subventions – la
réduction de la pollution, par exemple – profiteraient énormément aux populations locales »,
assure-t-il.
« En menant des actions locales et qui sont dans leur intérêt, [les États] peuvent contribuer de
manière significative à la solution à ce défi mondial », estime le spécialiste. « La route à
suivre est évidente : agir localement pour résoudre à l’échelle planétaire. »
>> Lire aussi : La Commission fait marche arrière sur l'économie circulaire et la
pollution de l'air
Partenariat avec The Guardian
traduit de l'anglais par
Manon Flausch
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