DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE LORENZETTI c. ITALIE
(Requête no 32075/09)
ARRÊT
STRASBOURG
10 avril 2012
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à larticle 44 § 2 de la
Convention. Il peut subir des retouches de forme.
ARRÊT LORENZETTI c. ITALIE 1
En laffaire Lorenzetti c. Italie,
La Cour européenne des droits de lhomme (deuxième section), siégeant
en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,
Dragoljub Popović,
Isabelle Berro-Lefèvre,
András Sajó,
Guido Raimondi,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 mars 2012,
Rend larrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A lorigine de laffaire se trouve une requête (no 32075/09) dirigée
contre la République italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Pietro
Lorenzetti (« le requérant »), a saisi la Cour le 16 juin 2009 en vertu de
larticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des
libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par Me E.P. Reale, avocat à Syracuse.
Le gouvernement italien le Gouvernement ») a été représenté par son
agent, Mme E. Spatafora, et son coagent, P. Accardo.
3. Le 25 novembre 2010, la requête a été communiquée au
Gouvernement. Comme le permet larticle 29 § 1 de la Convention, il a en
outre été cidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la
recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE LESPÈCE
4. Le requérant est né en 1963 et réside à Syracuse.
5. Les faits de la cause, tels quils ont été exposés par les parties,
peuvent se résumer comme suit.
2 ARRÊT LORENZETTI c. ITALIE
A. Le placement du requérant en détention provisoire
6. Médecin de profession, le requérant fut arrêté le 19 décembre 2000
dans le cadre des poursuites ouvertes à son encontre du chef descroqueries
au détriment de lhôpital il prêtait service. Par une ordonnance du même
jour, le juge des investigations préliminaires de Syracuse (ci-après, le
« GIP ») ordonna le placement du requérant en tention provisoire.
Il observa que de graves indices de culpabilité pesaient à la charge du
prévenu concernant cinq épisodes descroquerie et de faux. En particulier, le
requérant était soupçonné davoir perçu son salaire de médecin en feignant
dêtre présent au travail alors quil était absent.
7. Le 22 décembre 2000, le requérant fut remis en liberté.
8. Le 11 juin 2002, le GIP renvoya en jugement le requérant pour
escroquerie et abus de fonctions.
9. Par un jugement du 20 juin 2003, le tribunal de Syracuse condamna le
requérant à un an de réclusion pour un des cinq cas descroquerie qui lui
avaient été reprochés, en lacquittant pour les quatre restants et pour le délit
dabus de fonctions au motif que lélément matériel de linfraction faisait
défaut (perché il fatto non sussiste).
10. Le requérant fit appel de ce jugement.
11. Par un arrêt du 21 décembre 2004, la cour dappel de Catane relaxa
le requérant également pour lépisode descroquerie au motif que lélément
matériel de linfraction faisait défaut (perché il fatto non sussiste). Cet arrêt
devint définitif le 17 mai 2005. En particulier, dans son arrêt, la cour
dappel souligna que le comportement du requérant était reprochable du
point de vue disciplinaire, car le requérant sabsentait sans justification,
mais que toutefois cela ne constituait pas le délit descroquerie.
B. La demande en réparation pour détention « injuste »
12. Le 23 novembre 2006, le requérant demanda à la cour dappel de
Catane réparation pour la détention provisoire subie. Cette demande se
fondait sur larticle 314 § 1 du code de procédure pénale (ci-après, le
« CPP », voir ci dessous).
13. La procédure devant la juridiction, conformément aux articles 315,
646 et 127 du CPP, se déroula en chambre du conseil à la présence de
lavocat du requérant, ce dernier nayant pas demandé à être entendu.
14. Par une ordonnance du 13 juillet 2007, la cour dappel, estimant que,
par ses différentes absences injustifiées de son lieu de travail, le requérant
avait contribué à provoquer des soupçons à son encontre et par conséquent
sa privation de liberté et son maintien en détention, rejeta la demande en
réparation. La cour dappel conclut que requérant avait provoqué sa
détention par faute lourde.
15. Le requérant se pourvut en cassation.
ARRÊT LORENZETTI c. ITALIE 3
16. Par un arrêt du 28 janvier 2009, la Cour de cassation en chambre de
conseil, estimant que la cour dappel avait motivé de façon logique et
correcte tous les points controversés, débouta le requérant de son pourvoi.
En particulier, la Cour de cassation souligna que le constat de la cour
dappel de Catane était fondé sur larrêt dacquittement de la même cour
dappel du 17 mai 2005, lequel avait souligné les différentes absences
injustifiées du requérant de son lieu de travail.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
17. Larticle 314 du CPP prévoit un droit à réparation pour la détention
provisoire dite « injuste » dans deux cas distincts : lorsque, à lissue de la
procédure pénale sur le fond, laccusé est acquitté ou lorsquil est établi que
le suspect a été placé ou maintenu en détention provisoire au mépris des
articles 273 et 280 du CPP.
18. Larticle 314 se lit comme suit :
« Quiconque est relaxé par un jugement définitif au motif que les faits reprochés ne
se sont pas produits, quil na pas commis les faits, que les faits ne sont pas constitutifs
dune infraction ou ne sont pas érigés en infraction par la loi a droit à une réparation
pour la détention provisoire subie, à condition de ne pas avoir provoqué [sa détention]
ou contribué à la provoquer intentionnellement ou par faute lourde.
Le même droit est garanti à toute personne relaxée pour quelque motif que ce soit
ou à toute personne condamnée qui, au cours du procès, a fait lobjet dune détention
provisoire, lorsquil est établi par une décision définitive que lacte ayant ordonné la
mesure a été pris ou proro alors que les conditions dapplicabilité prévues aux
articles 273 et 280 nétaient pas réunies ».
19. Aux termes de larticle 315 du CPP, la demande de réparation doit
être introduite, sous peine dirrecevabilité, dans un délai de deux ans à
compter de la date à laquelle la décision dacquittement ou de condamnation
est devenue définitive. Suite à lentrée en vigueur de la loi 479 de 1999,
le montant de lindemnité ne peut dépasser 516 456,90 euros. Larticle 315,
renvoie pour la procédure aux dispositions sur la réparation de lerreur
judiciaire (article 646 du CPP).
20. Larticle 646 du CPP, dans ses parties pertinentes, se lit comme suit :
« Sur la demande de réparation, la cour dappel décide en chambre de conseil
conformément aux dispositions de larticle 127 du code de procédure pénale.
La demande et lavis de fixation de laudience sont notifiés au ministère public, au
Ministère du trésor, aux parties, aux autres personnes intéressées et aux défenseurs.
Lordonnance de la cour dappel est communiquée au ministère public et notifiée
aux personnes intéressées, lesquelles peuvent se pourvoir en cassation. »
21. Les modalités générales du déroulement des audiences en chambre
du conseil sont fixées à larticle 127 du CPP, ainsi libellé :
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