Note d’information sur la jurisprudence de la Cour No 105 Février 2008 Villnow c. Belgique - 16938/05 Décision 29.1.2008 [Section II] Article 10 Article 10-1 Liberté de communiquer des informations Sanction disciplinaire infligée à un médecin pour avoir fait de la publicité pour son activité de chirurgien esthétique : irrecevable Le requérant exerce la profession de chirurgien esthétique. Durant plusieurs années, la société L. fit de la publicité pour des transplantations capillaires auprès de coiffeurs qui recevaient une commission, et de manière régulière dans différents quotidiens, magazines publicitaires et annonces sur internet. La société L. était établie au rez-de-chaussée d’un bâtiment dans lequel, au premier étage, le requérant avait installé son cabinet. Lorsque des personnes intéressées se manifestaient auprès de la société L., celle-ci les mettait en contact avec le requérant. Le requérant fut convoqué par l’Ordre des Médecins pour se justifier sur le plan déontologique pour avoir fait de la publicité pour sa pratique par l’intermédiaire de la société L. L’Ordre des Médecins lui reprocha d’avoir gravement manqué à ses obligations déontologiques et lui infligea une sanction disciplinaire d’interdiction temporaire d’exercice de trente et une semaines. La sanction fut finalement réduite à six mois d’interdiction en appel. La décision rappela que selon le code de la déontologie médicale, la médecine ne pouvait en aucun cas être conçue comme un commerce. Elle souligna notamment que le caractère commercial de l’activité médicale du requérant soutenue par une publicité à grande échelle par la société L., alors que selon la déontologie cette activité devait rester discrète, avait entaché la confiance des clients/patients dans la valeur médicale et scientifique de cette activité. Le requérant forma un pourvoi en cassation, sans succès. Irrecevable sous l’angle de l’article 10 – La sanction de l’interdiction temporaire d’exercer la médecine constitue une ingérence dans le droit à communiquer librement des informations. L’ingérence était « prévue par la loi » (le code de déontologie médicale) et poursuivait les buts légitimes tenant à la protection de la santé et des droits d’autrui. La Cour souligne à cet égard que l’exercice de la médecine ne peut être assimilé à une activité commerciale qui, elle, obéît à des règles qui lui sont propres. La mission du médecin est d’une autre nature : il participe à la préservation de la santé publique et il assume des devoirs spécifiques envers la collectivité. Quant à la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique, le juge national a considéré que la publicité litigieuse n’avait pas été utilisée comme moyen d’information sur l’existence et l’utilité d’une certaine thérapie, mais comme une publicité caractérisée faite dans le but d’inciter des clients à suivre certains traitements et de les attirer au détriment de confrères spécialisés. Or la Cour considère que la médecine n’est pas un bien marchand échangé pour une contrepartie financière. La publicité en matière de médecine fait l’objet de dispositions spécifiques dans les codes de déontologie de la grande majorité des Etats. Le code de déontologie médicale belge est plus précis en la matière : il interdit expressément le rabattage des patients, ce qui était d’ailleurs pour l’essentiel reproché au requérant en l’espèce et il soumet la publicité à des conditions strictes, alors que dans certains Etats, toute publicité directe ou indirecte est purement et simplement interdite. De plus, tout acte chirurgical, même de chirurgie esthétique non-réparatrice, comme celui qui était en cause en l’espèce, comporte des risques pour celui qui le subit. Cette discipline chirurgicale doit donc faire l’objet du même encadrement rigoureux que la chirurgie réparatrice. Partant, les motifs avancés par les juridictions nationales ont été pertinents et suffisants : manifestement mal fondée. © Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour. Cliquez ici pour accéder aux Notes d'information sur la jurisprudence