Théories de l`information et de la communication 1 Bibliographie

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Théories de l'information et de la communication
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Bibliographie générale:
* Robert Boure, Les origines des sciences de l'information et de la communication,
collection Septentrion.
* Bruno Ollivier, Observer la communication, CNRS Ed. & Les sciences de la
communication, Armand Colin.
* Daniel Bougnoux, Textes essentiels des sciences de l'information et de la
communication, Larousse
* Jean-Michel Salaul, Introduction aux sciences de l'information
* Hermès (notamment le n°38 publié en 2004)
* Communication et langages
* Réseaux
* Communications
*…
Introduction: La réflexibilité
Premier temps, dans les années 1940-1950, la communication devient massive, elle se met à
entourer les personnes, les environner et commence à se constituer comme objet de savoir, comme
une réflexion sur notre propre fonction en tant que locuteur, manipulateur de signes, et en tant que
membre d'une société de l'information, dite plus tard de la communication.
Deuxième temps, dans les années 1970, des métiers émergent autour de ce champ, de nombreuses
réflexions sont faites. Cela va aboutir à l'institutionnalisation de la discipline, en France, en 1974
avec l'entrée dans le CNU -conseil national des universités, comme une inter-discipline qui fait que
la discipline se regarde elle-même pour savoir quelle est son identité propre.
Aujourd'hui, il existe une couche sémioscémique: nous n'avons plus un contact direct avec les
choses mais elles sont médiées, médiatisées par des signes.
La réflexibilité (Faculté de se réfléchir ; propriété d'un corps susceptible de réflexion) ferait le lien
entre les théories de la communication. La réflexibilité se justifie pour des raisons:
 herméneutiques/interprétationnelles
→ Comment interpréter notre discipline? Quels regards poser dessus? Qu'est-ce qui distingue notre
savoir de ce que Gaston Bachelard appelle « la connaissance commune »? Qu'est-ce qui différencie
une discipline d'un savoir commun?
→ Qu'est-ce qui distingue les sciences sociales et les sciences de la nature, dites dures?
Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexibilité : analyse de la sociologie de la sociologie.
Pour lui, les sciences humaines et sociales sont plus faibles parce qu'elles sont une plus grande part
d'hétéronomie, elles sont moins closes sur elle-même. Elles produisent un savoir qui semblent
intéresser tout le monde.
Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique: rupture épistémologique,( le passage qui
permet de connaître réellement en rejetant certaines connaissances antérieures qu’il serait nécessaire
de détruire pour que se révèle la connaissance nouvelle. Dans cette perspective, l’obstacle
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épistémologique que peut constituer le savoir du passé, bien que naturel, ainsi que le "sens
commun", devraient être franchis afin qu'une « vraie science » apparaisse.) il veut faire un saut qui
consiste à dépasser tout ce qui est de l'ordre du savoir commun, vulgaire.
Dans les sciences sociales et humaines, cette connaissance vulgaire est plus répandue que dans les
sciences dures.
→ Quel est le type de savoir commun qui environne notre discipline et avec lequel il faut faire
rupture?
Une connaissance commune se met en place depuis quelques années sur les objets
communicationnels: elle est massive, puissante voire menaçante intellectuelle. La connaissance
commune autour de la communication des médias est appelée le démon du décryptage. Nous
sommes cernés par une adjonction à décrypter. Il n'y a pas de médias qui ne se créent sans promesse
de décryptage. On est passé de l'analyse, du commentaire au décryptage, ce dernier est le type de
savoir commun sur la société de communication. Médiatiquement, on ne parle plus d' « analyse »
mais de « décryptage ». Les rubriques « analyse » du Monde sont aujourd'hui appelées
« décryptage ». Les émissions de télé n' « analysent » plus, mais « décryptent ». Morandini est
l'industrialisation multi-usages du décryptage. La différence se porte premièrement sur les mots:
dans 'décryptage', il y a le terme 'crypte', qui amène à l'imaginaire du caché, de la grotte. Le
décryptage suggère donc une dimension cachée, que l'on va montrer. C'est donc l'idée peut-être
paranoïaque que dans la communication, il y a des choses cachées, que tout se joue en coulisse. Le
décryptage promet de révéler les stratégies de communication qu'il y a derrière la totalité des
phénomènes sociaux. Derrière ces stratégies, il y aurait des intentions cachées. Derrière le
décryptage, on retrouve l'obsession actuelle pour la transparence et donc pour le décryptage.
Exemple: Dans Dimanche +, Anne-Sophie Lapix ne demande pas aux politiques: « Quel est votre
programme? » mais « Quelle va être votre stratégie? ». Cette émission se place à une échelle métacommunicationnelle,(Echanger sur sa propre communication, Bateson) on saute une étape. Autre
exemple: la publicité, avec Madmen (série qui montre le basculement de la publicité vers le codé, le
caché), tout est codé. Le publicitaire est aujourd'hui d'ailleurs en train de se demander comment
communiquer pour un public qui est désormais décrypteur. Cette paranoïa (?) est bien souvent
accompagnée d'« un déterminisme économique ». Le décryptage consiste de manière
préférentielle à expliquer le monde d'un point de vue uniquement économique: il consiste à ramener
tous les phénomènes à leurs modèles d'explication marketing. Ce réductionnisme est typique du
déterminisme économique. Nous serions, d'après ce déterminisme, dans une société de
communication, de stratégies où l'analyse du monde doit se faire en regardant les coulisses. Ce
regard est certainement paranoïaque et répond au terme de « panoptisme ». (permettre à un
individu, logé dans une tour centrale, d'observer tous les prisonniers, enfermés dans des cellules
individuelles autour de la tour, sans que ceux-ci puissent savoir s'ils sont observés/ Omniscience
invisible, Bentham) Cette question est liée à l'accès: à quoi avons-nous accès?, qu'est-ce qui reste
caché?. Internet permet d'avoir accès.
 épistémologiques/méthodologiques (production/nature/organisation)
→ Comment fabrique-t-on cette connaissance dans notre discipline? Qu'est-ce qu'une approche dite
communicationnelle? Quelle est notre méthode? Que sont les sciences de l'information et de la
communication?
Pour certains, les SIC constituent une discipline à part entière, autonome, définie par ses propres
objets et par ses propres méthodes qui lui seraient spécifiques. D'autres considèrent que cette
discipline s'appuie sur les autres disciplines, qu'elle n'a pas ce degré d'autonomie totale, elle doit
faire avec les autres. On pourrait soit dire que c'est une transdiscipline: la communication prendrait
les autres disciplines pour les dépasser, en faire une sorte de synthèse, un savoir total. Ou alors les
SIC seraient une interdiscipline, c'est une notion plus modeste: les SIC ne produiraient pas une
discipline qui dépasserait les autres, mais elles étudieraient les objets de communication en mêlant
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le point de vue des autres disciplines. La notion d'interdiscipline est la plus partagée. D'autres, enfin,
voient les SIC comme une métadiscipline: elles pensent autant le discours que le méta-discours, soit
le contexte, la construction de la relation. Cette notion a été développée par l'école de Palo Alto:
Bateson, Watzlawick (« On ne peut pas ne pas communiquer », « Toute communication présente
deux aspects: le contenu et la relation, tels que le second englobe le premier et par suite est une
méta-communication » dans Une logique de la communication [cf. TD]: fort degré de réflexibilité
puisque l'objet est la communication et la méta-communication), Goffman, … . Ainsi, cette
discipline serait plus une discipline du méta qu'une métadiscipline. L'une des origines des SIC est la
vulgarisation scientifique. Autrement dit, à l'origine de nombreuses théories scientifiques se
posaient la question: comment transmettre le savoir?. Les SIC se demandent en permanence:
comment médier mon propre contenu, comment transmettre?. Il y a donc comme tendance très
importante à considérer comme objet de communication la réfléxibilité.
 épistémiques
→ Quels sont les objets d'étude et de connaissance de notre discipline? Quel est le découpage de
connaissance qui caractérise notre discipline?
Les objets sont au-delà de l'objet média, la médiation, les relations, la question de l'influence, la
notion de dispositifs. Ils interrogent tous les liens qu'il y a entre information et communication.
Il existe quatre tendances sur la nature de ces liens:
 Des chercheurs considèrent que l'information et la communication sont des notions
symétriques. C'est d'ailleurs, le premier temps de la discipline.
 Le deuxième temps est de considérer ces deux notions comme antagoniques: ils pensent la
communication contre l'information. La tension des SIC est portée par cette asymétrie, cette
concurrence entre les deux notions.
 Une troisième approche constitue à voir ces deux notions comme constituantes deux
sciences différentes mais complémentaires, qu'il faudrait rapprocher pour mieux
comprendre, par exemple, l'idée de société en réseau.
 La dernière tendance consiste à penser qu'il n'y a qu'un seul objet, informationcommunication.
Deux orientations sont principales: l'une va plutôt aller sur la question de la communication en tant
que relation, et l'autre qui va plutôt aller vers l'information dans un questionnement de transmission.
Sybille Krämer, article « Appareil, messager, virus, pour une réhabilitation de la transmission »,
revue Appareils, 2008: elle distingue deux types de la théorie de la communication qui dominent
toutes les autres théories:
 Selon elle, il y a d'abord la théorie technique de la communication qui part de l'émetteur et
arrive au récepteur. Le problème est la distance qui sépare ces deux instances. Le medium,
qui va venir fixer les deux, a pour fonction de transmettre et de maintenir les deux pôles à
distance. La transmission est asymétrique et unidirectionnelle. Le média est là pour franchir
une distance sans avoir l'objectif de l'annuler. Pour résumé, ce premier principe de
communication, elle l'appelle le « principe postal », qui fonctionne sur le mode d'une Poste.
 L'autre grande théorie de la communication s'oppose à ce dernier, elle s'inscrit dans un
modèle de dialogue universel, qui part, au contraire, de l'idée de la compréhension
réciproque à travers des signes qui font sens. C'est le modèle du dialogue. Le problème de
cette approche est de coordonner, de fabriquer du consensus et de dissiper les désaccords.
C'est la théorie notamment développée par Habermas. Il faut se voir comme un processus
bipolaire et d'interactions sociales qui conduit au consensus. L'objectif n'est pas de lier mais
de réunir. Ce principe est un principe érotique de la communication, une sorte de fusion, au
moins à deux.
Ces deux principes résument les deux grandes orientations théoriques de la communication. L'un va
vers le dialogue, la fusion et l'autre va vers la transmission, vers un modèle de la dissémination.
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Krämer incarne ces deux postures par les deux grandes figures occidentales: Socrate et Jésus. Pour
Socrate, le dialogue est une rencontre amoureuse, il est dirigé vers son interlocuteur. La rencontre
dialogique devient un événement intime. Le comportement de Jésus est tout autre: Jésus se
caractérise lui-même de semeur de graines, dont certaines porteront des fruits et d'autres sécheront.
Son texte est transmis, non pas à des élus, mais à tous ceux qui auront des oreilles pour entendre.
C'est le modèle d'une parole sans réponse, développé par Jean Baudrillard. Ce dialogue est
irresponsable, au sens étymologique du terme.
Toutes les théories de la communication vont étudier les croisements, les rencontres entre ces deux
principes, ces deux orientations de notre discipline.
Le modèle postal est le premier à avoir été théorisé: c'est le modèle dit mathématique,
télégraphique de Shannon et Weaver. Les premiers théoriciens de la communication sont deux
ingénieurs de Bell, la compagnie américaine de téléphone. C'est la théorie à partir de laquelle tous
les théoriciens de la communication se sont positionnés. La théorie de la communication est née de
l'interrogation du principe postal.
Présentation de Pierre
Schaeffer
Il incarne dans les années 1960-1970 ce qu'est une réflexion sur la communication, qui est en train
d'exploser. Schaeffer a essayé de rassembler tous les courants de recherche sur ce qu'est la
communication. Il se définit comme un chercheur, mais ce n'est pas un universitaire, c'était un
praticien des médias, avec une formation scientifique et artistique. Il a écrit Les machines à
communiquer, sous deux tomes. Il y a dans cette œuvre, la double-orientation: la communication
comme machine mais aussi comme relation. Il essaie de comprendre ce qui reste d'humain,
d'artistique dans la médiation des machines. Il devient dans les années 1960 le responsable du
Service de Recherche de l'ORTF (ancêtre des chaînes de radio et télévision publiques). Au sein de
ce service, Schaeffer essaie de fabriquer de l'art avec la télévision. A cette époque, on parle de la
télévision comme le 8ème art (entre le cinéma et la BD). C'est un grand temps de l'expérimentation
de l'audiovisuel. Ce temps incarne le moment de l'interdiscipline, entre l'approche interpersonnelle
de la relation et l'approche impersonnelle, qui renvoie au principe postal, à l'approche technique.
C'est dans cette tension que se sont définies les SIC.
Les machines à communiquer, 1972: « Le dispositif télévisuel peut être comparé aux pièges tendus
à l'animal humain pour sa capture en vue de l'observation ».
Il parle de la communication comme un mot « besace », tellement ce terme est polysémique.
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Les premières grandes théories de la communication: le code
Il y a des questionnements des SIC qui sont:
 y a-t-il une information sans communication?
 y a-t-il une communication sans techniques, sans médiation?
Autrement dit, y a-t-il une communication pure?, une parole pure?
Il y a donc deux modèles: l'un orienté vers l'information, le diffusionnisme (modèle postal), l'autre
tourné vers l'interpersonnel, l'interactionnisme (modèle érotique).
Dans toutes les théories, est interrogée la distance entre les participants du processus de
communication. Le modèle de communication érotique tend, jusqu'à la fusion, à supprimer la
distance; alors que le modèle de la dissémination tend à multiplier les effets de distance et de
délégation de la parole.
Le modèle postal repose sur l'idée d'un messager, de l'apôtre, voire de l'ange. Pour Sybille Krämer,
le média n'est rien d'autre que l'objectivation de la figure du messager. Un bon messager se définit
historiquement par sa capacité à sa neutralité, à sa quasi désubjectivation. Cette notion a une
continuité actuelle avec l'idée que le consommateur est le messager de la marque, « faites vous
apôtre pour … ». Il y a abstraction de la relation à travers la distance qu'implique un intermédiaire,
un « milieu » comme l'appelle Krämer. Le maintien de cette distance permet d'abstraire la relation et
de l'objectiver à travers une représentation en terme de médias. Selon Krämer, le premier modèle
théorique de la relation abstraite de la communication de type postal est le fameux schéma de la
communication linéaire proposé par Shannon et Weaver, appelé modèle mécaniste de la
communication ou modèle télégraphique. Il faut d'ailleurs noter que « télé » indique l'idée de la
distance, distance qui serait, pour Krämer, infranchissable. Ce modèle apparaît au moment de la
Seconde Guerre Mondiale, où on se demande comment coder les messages. Dans cette
représentation d'une information cryptée et polémogène, il y a l'idée que l'information est précieuse
et utilitaire. C'est une réflexion sur le langage comme un codage, donc le modèle dit télégraphique
de la communication repose sur une théorie mathématique de l'information. En effet, pour s'assoir,
les sciences dites molles ou souples, s'appuient sur les sciences dures. Claude Shannon publie alors
La théorie mathématique de la communication en 1948. Cette réflexion naît dans un contexte
d'entreprise, car Shannon travaille à Bell, la compagnie de télécommunications américaine. Il
construit un cadre mathématique pour une théorie de la communication qui limite les bruits: il veut
trouver le moyen le moins couteux pour avoir des échanges les plus fiables possibles. Ils 'agit de
calculs mathématiques au service de son entreprise. Il entend information dans un sens différent: ce
qui est recherché est la conformation du message dans un format mathématique, abstrait qui va
permettre la transmission du message la plus fiable possible: l'information est un formatage, un
codage. Le message est transformé en signal. C'est une théorie du signal. Ce qui intéresse Shannon
est le trajet, le déplacement, l'acheminement, d'où l'assimilation au modèle postal de Krämer. A
l'émission et à la réception du message, il faut que la quantité d'information soit conservée, que
l'isomorphisme du message soit gardé. C'est une théorie qui repose sur des calculs de ratio entre la
quantité de signaux présentes à l'émission et celle présente à la réception.
Cet
te
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la communication repose sur la logique d'acheminement unidirectionnel, non réciproque et
linéaire. C'est un processus de destination. En grec, téléos, veut dire la distance mais télos, aussi
dire la finalité, le but. Dans télégraphe, téléphone, télévision, il y a à la fois la notion de distance
mais aussi la notion de distance téléologique du schéma, qui est linéaire, la direction est
unidirectionnelle. C’est un schéma unidirectionnel et non réciproque. C’est un moment abstrais
dans la théorie de la communication, il devient un diagramme.
La théorie de Laswell, elle, va plutôt rechercher une efficacité sur le récepteur, d'où l'importance de
la notion de propagande dans ces années là, c'est l'idée d'un effet pur, direct sur le récepteur.
Le modèle de Shannon a posé quatre types de problèmes fondamentaux:
 le fait que les instances d'émission et de réception ne sont pas forcément humaines; ce
modèle fonctionne dans l'interchangeabilité entre des récepteurs de des émetteurs de l'ordre
de la machine ou de l'humain;
 ce modèle repose sur une recherche d'efficacité qui consiste à limiter les bruits et donc qui
repose sur la notion importante pour Shannon d'entropie. C'est un modèle qui cherche à
limiter les effets d'entropie. Ce modèle s'inscrit dans une perspective pessimiste du
processus de communication où on ne peut que perdre de l'information. Dans aucun cas, au
cours de son acheminement, le message peut être enrichi;
Par exemple, si une source est réputée envoyer toujours le même symbole, disons la lettre 'a', alors
son entropie est nulle, c'est-à-dire minimale. En effet, un récepteur qui connait seulement les
statistiques de transmission de la source est assuré que le prochain symbole sera un 'a', sans jamais
se tromper. Le récepteur n'a pas besoin de recevoir de signal pour lever l'incertitude sur ce qui a été
transmis par la source car celle-ci n'engendre pas d'aléa. Par contre, si la source est réputée envoyer
un 'a' la moitié du temps et un 'b' l'autre moitié, le récepteur est incertain de la prochaine lettre à
recevoir. L'entropie de la source dans ce cas est donc non nulle (positive) et représente
quantitativement l'incertitude qui règne sur l'information émanant de la source. Du point de vue du
récepteur, l'entropie indique la quantité d'information qu'il lui faut obtenir pour lever complètement
l'incertitude (ou le doute) sur ce que la source a transmis.
Du point de vue d'un récepteur, plus la source émet d'informations différentes, plus l'entropie (ou
incertitude sur ce que la source émet) est grande, et vice versa. Plus le récepteur reçoit d'information
sur le message transmis, plus l'entropie (incertitude) vis-à-vis de ce message décroît, en lueur de ce
gain d'information.
 c'est un modèle inscrit dans une théorie mathématique d'ingénieur des télécommunications
qui se pensent dans un système qui transforme un message en signal numérique, et donc qui
ne prend pas en compte la dimension sémantique, qui pourrait ajouter du sens au message;
 la dimension linéaire fléchée du schéma ne prend pas en compte la part active du récepteur
d'une part et qui ne prend pas, d'autre part, en compte la logique de « feedback », principe
de rétro-action qui est essentiel pensé par la réflexion cybernétique de la
communication.
Ce schéma a beaucoup été repris car il manipule des notions-clés, telles que l'information. Les
années 1940 est le moment où on se dit qu'on entre dans la société de l'information. Ce schéma a
également été repris car il s'ancrait dans la pensée du code.
D'autres penseurs ont repris cette perspective télégraphique et linéaire de la communication.
Il y a deux théories du fonctionnalisme, qui renvoient cependant à des conceptions différentes:
 le fonctionnalisme américain, celui de Harrold Lasswell
Lasswell est le premier théoricien des médias de masse, dès les années 1920, jusque dans les années
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1950. Il travaille la communication comme fonction sociale: comment la communication endosse
une fonction dans l'appareil social et politique? Lasswell s'inscrit alors dans un perspective
organiciste, c'est-à-dire avec une conception de la société soutenue par ses institutions. La
communication aiderait à la recherche de stabilité, d'homéostasie (=maintenir l'équilibre, la stase du
système) dans une société, en favorisant la démocratie. Le but est de mobiliser la population,
démoraliser l'ennemi, d'agir sur la masse et sur l'opinion. C'est la démarche d'agir sur l'opinion à
l'aide de symboles, de discours par la propagande, mais une propagande qui est débarrassée de
connotations péjoratives. C'est un outil positif qui repose sur des techniques de persuasion. Il y a la
remobilisation du modèle rhétorique (action du discours sur les esprits) alors oublié, dans le
champ des médias de masse. C'est une perspective utilitariste. La propagande vient de l'idée de la
propagation de la foi chrétienne, comme le décrit Sybille Kramer avec le modèle postal. La
propagande est la « gestion gouvernementale des opinions » (Lasswell). L'ère Bush a refait surgir
l'idée de la propagande dans le sens de Lasswell. Son modèle de réception est la théorie dite des
effets directs, c'est la méthode dite de la seringue hypodermique: métaphore d'une injection des
messages. Aujourd'hui, on est passé de ce modèle au modèle d'une contamination plurielle, type
virale. On constate que dans ces deux modèles, on a toujours l'imaginaire du champ médical. La
théorie de Lasswell est élaborée dans un contexte où les médias ont un pouvoir le domaine des
masses. On se souvient du canular de 1938 Orson Wells, qui a fait croire que les martiens
débarquent, à la radio. Naît l'idée que la masse est manipulable. C'est un contexte d'une toute
puissance du modèle psychologique de Pavlov du conditionnement: on peut inscrire les êtres
dans une logique de stimulus-réponse. Bien conditionné, on obtient les réactions voulues. C'est le
modèle archaïque du behaviorisme (se concentrer uniquement sur le comportement observable de
façon à caractériser comment il est déterminé par l'environnement et l'histoire des interactions de
l'individu avec son milieu, sans faire appel à des mécanismes internes au cerveau ou à des processus
mentaux non directement observables) sur lequel repose aujourd'hui la télé-réalité. Le schéma de
Lasswell se décrit ainsi: qui?, dit quoi?, par quel canal?, à qui?, avec quel effet? Il a donc ajouté
au modèle de Shannon linéaire unidirectionnel que l'on retrouve, l'idée de l'effet. Il a repris les
questions de Quintilien qui doivent animer la recherche des bonnes circonstances pour l'orateur
pour qu'il puisse planifier son discours (qui, quoi, où, comment, quand, pourquoi). Il y a donc un
arrière-plan rhétorique à cette théorie. De celle-ci, découle cinq analyses: celle de régulation (étude
des facteurs qui engendrent et dirigent la communication), celle de contenu, celle des media, celle
de l'audience et celle des effets.
On peut, pour parfaire l'analyse des effets, développer le modèle des effets limités de Paul
Lazarsfeld. Les effets des médias de masse ne sont pas directs, il sont complétés par un autre
niveau d'influence: celui des relations interpersonnelles, rôle des leaders d'opinion. C'est une théorie
de la communication à deux étages: « two-step flow of communication ».
 le fonctionnalisme européen, de Roman Jakobson
Il naît au début des années 1950 et renvoie à la fonction du langage: quelles sont les fonctions du
langage? Jakobson fait partie du cercle de Prague (première école) qui propose une linguistique du
code. Tout se construit dans un modèle de codage et décodage. Il reprend donc la théorie
mathématique de Shannon. En 1960, il publie l'article « Linguistique et poétique » où il expose un
schéma de la communication et qui repose sur les fonctions du langage. Pour Jakobson, le langage
peut servir à faire plusieurs choses qui dépendent des différentes visées du langage. Dans sa
modélisation, Jakobson détermine six fonctions:
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 Pour le contexte: fonction référentielle : le message renvoie au monde extérieur
Cette fonction donne la réponse à la question: à quel monde le message fait-il référence?.
 Pour le destinateur: fonction expressive : expression des sentiments du locuteur
informer le récepteur sur sa propre personnalité ou ses propres pensées
 Pour le code: fonction métalinguistique : le code devient lui même objet du message
Cette fonction a une dimension réflexive. C'est tout ce qui renvoie au langage comme un objet luimême de référence; inscription dans l'autonimie: quand un mot renvoie à son statut de mot. La
langue est alors comme objet de commentaire. « Le mot chien ne mord pas » distingue justement
ces deux niveaux.
les partenaires vérifient qu'ils utilisent un même code. Cette fonction consiste donc à utiliser un
langage pour expliquer ce même langage ou un autre langage
 Pour le message: fonction poétique : la forme du texte devient l’essentiel du message
C'est l'ensemble des énoncés qui prennent le message pour sa propre finalité, tout ce qui est de
l'ordre du jeu avec le langage, avec les mots pris dans leur matérialité. « La fonction poétique met
en évidence le côté palpable des signes ». Jakobson prend comme exemple les slogans, « I like Ike »
lors des élections présidentielles américaines de 1952 qui repose sur un principe de répétition pour
jouer avec le langage. Ou actuellement « zéro blabla, zéro tracas, MMA ». Dans cette perspective de
recherche de définition de la poétique, Jakobson en vient à cette définition: « elle repose sur la
projection du principe d'équivalence de l'axe de la sélection sur l'axe de la combinaison. », l'axe de
la sélection étant le choix des mots et l'axe de la combinaison étant leur agencement. Le principe
d'équivalence est le fait que pour constituer une phrase, on sélectionne des mots. Le jeu avec les
mots, la poésie en projetant le choix des mots sur leur agencement donne la rime, le rythme, … . On
observe aujourd'hui le retour du calembours dans les affiches de film. « La visée du message en tant
que tel, l'accent mis sur le message pour son propre compte, est ce qui caractérise la fonction
poétique du langage ». Message devient un objet esthétique / matérialité
 Pour le destinataire: fonction conative
C'est la finalité de la fonction, on escompte un effet du message. Avec la publicité on superpose un
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un effet sur l'autre (publicité), le fait de vouloir dissimuler sous un autre effet, le but principal. La
propagande en fait partie. La fonction poétique peut être superposée à la fonction conative.
 Pour le contact: fonction phatique : mise en place et maintien de la communication
« Il y a des messages qui servent essentiellement à établir, prolonger ou interrompre la
communication, à vérifier si le circuit fonctionne, à attirer l'attention de l'interlocuteur ou à s'assurer
qu'elle ne se relâche pas ». C'est l'ensemble permettant de créer, maintenir ou annuler le contact, le
lien de communication. L'exemple le plus parlant est « Allô » qui permet de créer le lien, de vérifier
si le circuit fonctionne. Jakobson donne cet exemple et ainsi se replonge aux origines des SIC, c'està-dire au modèle de Shannon. Dans la fonction phatique, on trouve des éléments qui s'ancrent dans
une logique de relance ou tout ce qui sert à faire du liant. Ainsi, le commentaire du temps
météorologique permet de faire du liant, du lien. Les discussions sur la télévision sont pratiquement
du même ordre que la conversation sur le temps qu'il fait: cela sert à créer une relation.
La fonction phatique est utilisée pour établir, maintenir ou interrompre le contact physique et
psychologique avec le récepteur. Elle permet aussi de vérifier le passage physique du message.
Il s'agit de rendre la communication effective avant la transmission d'information utile. L'exemple
typique est le « Allô » d'une communication téléphonique.
Aujourd'hui, on observe une obsession du toucher, du contact. On est dans un monde de la
contagion avec la communication virale. Actuellement, dans la communication, on cherche à
créer une relation par le toucher. C'est une rencontre entre la fonction phatique et la fonction
conative. On peut prendre l'exemple du « poke » sur Facebook. Les nouveaux médias aménagent de
nouvelles échelles du phatique, du toucher. Le SMS est l'objet absolu de cette nouvelle phatique. Le
SMS permet soit de toucher l'autre en évitant la conversation, soit alors toucher l'autre en lui évitant
notre propre conversation. Cela s'inscrit dans la logique du tact. Jacques Derrida a écrit: « Le tact
peut se définir comme un toucher sans toucher »; les médias organisent des nouvelles logiques de
toucher sans toucher. Ce sont des logiques redéfinissant le toucher médiatique et donc le phatique. Il
y aurait une nouvelle phatique à penser. Dans le contexte du 360°C, il faut multiplier les points de
contact de la communication virale. Ainsi la question du phatique est au cœur des théories de la
communication actuelles.
On peut compter deux prolongements principaux à la pensée de Jakobson:
 Le schéma actantiel d'Algirdas Julien Greimas en 1966
C'est le début de la narratologie, qui s'inscrit dans l'approche fonctionnaliste de Jakobson. On trouve
l'idée que tout récit est marqué par une progression linéaire: il y a une évolution d'une situation
initiale vers une situation finale. Greimas a appliqué le schéma de Jakobson au récit. Tout récit peut
ainsi être analysé par 6 pôles.
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Toute la communication publicitaire repose sur ce modèle. Le consommateur, destinateur demande
à une marque d'obtenir un objet dans une logique de résolution de problèmes ou de volonté
d'obtenir du plaisir. L'adjuvant sera le produit. La marque adresse au consommateur, également
destinataire, le résultat positif de sa quête.
Un personnage, le héros, poursuit la quête d'un objet.
Les personnages, événements, ou objets positifs qui l'aident dans sa quête sont nommés adjuvants.
Les personnages, événements ou objets négatifs qui cherchent à empêcher sa quête sont nommés
opposants.
La quête est commanditée par un émetteur (ou destinateur), au bénéfice d'un destinataire. D'une
façon générale, tous les personnages qui tirent profit de la quête sont les bénéficiaires.
 La grammaire de texte, seconde école de Prague (cercle linguistique de Prague)
C'est une approche s'intéressant à la manière dont un texte construit sa propre cohérence. La
fonction principale d'un texte est d'apporter des informations nouvelles selon une logique de
progression, de progression thématique. L'information apparaît comme un apport. Il y a opposition
entre le texte produit et la « texture » c'est-à-dire l'organisation formelle du texte au sens où cette
organisation assure la continuité sémantique. Deux notions sont alors à définir: la cohésion et la
cohérence. La cohésion du texte renvoie à la continuité sémantique que le texte assure justement
en vertu de son organisation; alors que la cohérence renvoie à un niveau de performance discursif, à
la conformité du texte produit avec le genre auquel il appartient. Ainsi, on parle de la cohérence
d'un texte publicitaire en fonction des attentes de construction d'un texte publicitaire considéré
comme bon. La cohésion au sens de grammaire du texte renvoie à ce que Greimas appelle
l'isotopie, c'est-à-dire l'ensemble des procédés qui concourt à la continuité d'un message ou d'une
séquence discursive, iso signifiant le même. Cette cohésion est assurée par la redondance, la
répétition. La progression thématique met en œuvre l'isotopie. Celle-ci s'appuie sur l'opposition
principale entre le thème et le rhème qui est le prédicat, le propos. Dans cette approche, le thème
est ce dont parle le locuteur, c'est le support, le point de départ de la communication et de la phrase.
Le propos est ce qu'on dit du thème, c'est l'apport d'information sur le thème. Il existe ainsi
plusieurs types d'organisation du texte:
 la progression à thème constant
Chaque phrase du texte part du même thème mais développe des rhèmes ou propos successifs
différents. Exemple: les récits.
 la progression à thème linéaire
La propos d'une phrase est repris comme thème de la phrase suivante. Exemple: textes explicatifs,
recettes de cuisine.
 la progression à thème divisé
Le thème d'ensemble ou hyperthème est divisé en sous-thèmes dans une première phrase, à partir
desquels les phrases successives développent de nouveaux propos.
Progressivement, les SIC sont passées à une dimension circulaire interactive de l'échange s'opposant
alors à une définition strictement linéaire de la communication. Il y a eu des ajouts progressifs de
complexités, de pluralités du point de vue du récepteur. Dans tous les schémas linéaires, le récepteur
a un rôle passif de pur décodeur, avec l'idée qu'il n'y a qu'un décodage possible du message. Toutes
les théories de la communication qui ont suivi le schéma linéaire ont essayé de rétablir la pluralité
des codes, des canaux de communication (toute communication n'est pas verbale par exemple) et la
pluralité des interprétations possibles par le récepteur.
10
Théories de l'information et de la communication
11
Les théories de la communication vont sortir de ce « piège de l'irréciprocité du modèle
communicationnel linéaire », Jean Baudrillard. Très vite, dans les théories, il y a ajout de la
dimension de circularité pour sortir de la ligne. La théorie de la communication découvre la
réflexibilité au sens de retour et au sens de réfléchissement, de symétrie. Ce premier modèle de
circularité qui ne va cesser de se complexifier de théorie en théorie trouve son origine dans la
cybernétique.
La cybernétique propose la notion de feed-back, de rétro-action, de boucle de rétro-action. Le
fondateur de la cybernétique est Norbert Wiener, mathématicien. La cybernétique s'intéresse à ce
qu'il y a de commun entre le fonctionnement des systèmes techniques des machines et des systèmes
biologiques. Ce qui obsède la cybernétique dès ses origines est les liens entre l'homme et la
machine. L'idée d'un homme machine renvoie à des origines
Le golem (‫)גולם‬
(parfois
profondes, mystiques comme l'histoire du Golem ou bien
prononcé goilem en Yiddish), signifiant « cocon »,
L'homme machine écrit en 1748 par Julien Offray de La mais peut aussi vouloir dire « fou » ou « stupide », est
Mettrie. La cybernétique renvoie au mythe de l'homme un être humanoïde, artificiel, fait d’argile, animé
momentanément de vie par l’inscription EMET sur son
artificiel et de l'homme vu comme une machine ainsi qu'au front (ou sa bouche, selon les versions). Dans la culture
rêve de construire une machine qui serait humaine. La hébraïque, c’est un être inachevé, une ébauche. Dans
la kabbale (loi orale du judaïsme donnée à Moïse en
cybernétique est un terme emprunté aux Grecs. Wiener le même temps que la Torah), c’est une matière brute sans
prend au sens de pilote. Il fait la métaphore d'un homme de forme ni contours. Dans le Talmud (texte fondateur du
judaïsme rabbinique), le golem est l’état qui précède la
barre d'un navire, qui forme un ensemble unifié, un système
création d’Adam.
entre lui, le gouvernail et le navire. Le vivant est une chaîne complète de réactions qui peut se
mettre sur le même plan qu'une machine: le cerveau est comme un ordinateur et un ordinateur peut
être comparé au cerveau.
La cybernétique introduit le principe de la boîte noire:
L'idée est de faire une analyse comparée de ce qui entre et de ce qui sort dans l'ignorance volontaire
de ce qui se passe dans la boîte noire.
On constate d'ailleurs, qu'aujourd'hui, l'objet «box » est venu pénétrer tous les foyers français dans
le domaine de la téléphonie.
 La rétro-action ajoute un effet de circularité au processus purement linéaire de la
communication de Shannon. La cybernétique est le moment où la communication
découvre la circularité, le cercle et la réflexibilité.
 La modélisation prend progressivement en compte la complexité de la relation. Les
premiers schémas portent sur une théorie mathématique du contenu, autrement dit la
théorie du code. Progressivement, d'autres schémas se sont ajoutés pour prendre en
considération ce qui relève de la
relation et non plus seulement du
contenu.
L'un des moments de bascule repose sur le
11
Théories de l'information et de la communication
12
courant de la cybernétique, qui apporte un élément qui ne va être cessé d'être repris, ajusté, qui est
le principe du feed-back (la rétro-action).
La cybernétique se présente comme la science des systèmes. Proche du fonctionnalisme de
Lasswell, elle repose sur l'idée que chaque élément d'un organisme est fonctionnel en ce sens qu'il
doit contribuer au maintien de la stabilité du système. La rétro-action a pour fonction de s'adapter au
mécanisme, au contexte et à renvoyer une information du récepteur vers l'émetteur afin d'ajuster le
tir. On parle d'homéostasie (est la capacité que peut avoir un système quelconque (ouvert ou
fermé) à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes qui lui sont
extérieures). La cybernétique fait le choix de ne pas considérer le fonctionnement interne des
systèmes. Ce qui l'intéresse est la logique d'échanges extérieurs. C'est une approche
computationnelle (comme ordinateur). Cela s'oppose à la boîte blanche, qui repose sur la
transparence de leur contenu. Une bicyclette, par exemple, constitue une boîte blanche, on voit
l'ensemble du mécanisme de fonctionnement interne. La cybernétique fait un parallèle entre le
cerveau et l'ordinateur, le cerveau comme une boîte noire. Cette approche tend à neutraliser
l'opposition entre humains et machines.
Dans les sociétés humaines ce qui compte est l'organisation, la coordination et donc c'est avant tout
un problème de communication. La cybernétique serait un moyen de résoudre ce problème de
coordination en évitant la perte d'information, donc à la perte de coordination.
Ce courant abreuve l'imaginaire de maintenir opaque le fonctionnement du système, ce qui permet
d'associer, de confondre humanité et machine.
«Pour construire une fiction, il faut construire une boîte et maintenir cet effet de mystère » (JJ
Abrams).
La théorie de la rétro-action provient de l'effort de guerre scientifique d'essayer d'améliorer le tir
contre les avions ennemis. Le modèle avec rétro-action n'est alors plus déterministe. Un système
déterministe repose sur un fonctionnement linéaire et automatique, ce qui n'est pas applicable pour
la détection des avions, qui doit s'adapter au contexte sans cesse. Produire des tirs pré-réglés ne
suffit pas pour abattre les avions ennemis; il faut un feed-back prenant en compte les tirs précédents
et les corrigeant. On peut faire un parallèle avec le jeu de la bataille navale, chacun des tirs donne
une information sur l'emplacement des bateaux ennemis, il faut sans cesse corriger le tir.
La cybernétique permet de prendre en compte la circularité, la boucle, la réflexibilité. Tout au long
de la deuxième partie du XXème siècle, les théories prennent en compte le retour. L'étude de
réception, d'audience permet d'adapter le message en fonction de la manière dont il est réussi. Cela
va donner l'étude des effets avec les sondages et tout ce qui existe depuis les années 1950 en terme
d'adaptation en continu, notamment la naissance de la formation continue.
Exemple: En analyse (in treatment)
C'est une série simple qui réinvente la médiagénie télévisuelle, c'est-à-dire la logique du rendezvous. La télévision depuis 10 ans est obligée de concevoir des programmes qui lui permettent de
réaffirmer sa propre médiaïté, à cause de la concurrence. Internet s'oppose à l'idée de la linéarité
des contenus. Pour résister, la télévision doit renouer sur le fait qu'elle repose sur un regard objectif
concomitant, à savoir la logique de rendez-vous, ou la fonction agenda de la télévision. Les séries
ont mis à mal cette logique puisqu'elles sont sorties en DVD. La télé-réalité a essayé de remettre
cette logique cérémoniale.
En analyse fait un épisode chaque jour qui mime une séance d'analyse chez un psy. Chaque journée,
il y a un patient différent. Il y a une construction tabulaire: si seul le patient du mardi nous plait, on
ne peut regarder que le mardi. Le vendredi, il y a la séance du psy analysée par son propre psy, il
commente ce qu'il a entendu pendant les quatre premiers jours. Il y a un système de rétro-action, on
relit en tant que spectateur tout ce qui s'est passé pendant les quatre premiers jours à la lumière de
ce qui est dit le cinquième jour.
12
Théories de l'information et de la communication
13
Une des limites de cette approche d'un point de vue communicationnel est qu'elle reste une
approche codique. Toutes les théories vont remettre en cause ce processus de communication. C'est
certes une approche circulaire mais qui reste mathématique avec une confusion très forte entre le
fonctionnement d'un individu et d'une machine. Ne sont pas pris en compte les phénomènes de mise
en relation des phénomènes entre eux, ni le processus d'interprétation, la liberté et la marge
d'interprétation que le récepteur a. Finalement, c'est encore un modèle qui repose sur une pure
logique codage-décodage.
Néanmoins apparaît le principe de rétro-action qui annonce des théories adaptant la logique du feedback. Il y a alors la prise en compte d'une logique d'interprétation s'opposant à la logique du
codage et d'une interaction réelle des individus entre eux. C'est l'élaboration d'une sémiotique de
l'interprétation et de la théorie de la communication en situation, qui prend le nom de pragmatique.
Au début des années 1950, Wilbur Schramm établit la théorie du transceiver. Le processus de
communication ne peut se réduire au schéma linéaire, il repose sur une logique de
l'intercompréhension. Les deux interactants sont symétriques. Chacun s'adapte en continu au
message de l'autre.
Dans ce modèle encore, les capacités de réaction sont limitées aux capacités de décodage. Le but
d'une bonne intercompréhension est que le message reste inchangé pour les deux interactants. Il y a
la dimension du malentendu. Ce schéma ne prend pas en compte toutes les situations de
communication où l'interaction va être réussie malgré le malentendu. Antoine Culioli, linguiste
écrit: « La communication n'est qu'un cas particulier du malentendu », le message n'est en effet, pas
inchangé au cours du processus de communication. Yuri Yankelevich écrit « Heureusement que
nous ne comprenons pas toujours tous la même chose dans les textes, sinon nous serions tous en
conflit », une bonne logique de communication repose très souvent sur des effets de malentendu, de
décalage. Ainsi le succès d'une relation ne repose pas uniquement sur la compréhension exacte
de l'intention de communication.
13
Théories de l'information et de la communication
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Théories de l'information et de la communication
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Du code à l'interaction
A/ Du code à l'interprétation: la signification
Le modèle de la linguistique saussurien repose sur le code: la langue est un système d'opposition, ce
que Saussure appelle la valeur. L'approche saussurienne fait l'opposition entre la langue et la parole.
La langue est le système abstrait des signes. La parole est l'actualisation individuelle de la langue.
Saussure choisit de ne pas s'intéresser à la parole. La linguistique hérite de cette approche, fondée
sur le code.
Umberto Eco s'oppose à cette approche codique de la langue pour voir comment tout processus de
communication repose sur plusieurs codes. Dans Le signe, en 1988, il écrit: « Il va s'agir de
redécouvrir que l'idée originale de signe n'était pas fondée sur l'égalité, la corrélation fixe établie par
le code, l'équivalence entre expression et contenu, mais au contraire sur l'inférence, l'interprétation,
la dynamique de la semiosis ». Pour s'opposer au code, Eco rappelle le peu d'intérêt à étudier la
langue déconnectée de situation concrète de communication. La linguistique va ainsi prendre petit à
petit en considération les contextes. « La détermination des champs et axes sémantiques et la
description des codes comme actuellement efficients ne pourront, presque toujours, se faire qu'à la
seule occasion des conditions communicatives d'un message donné ». On va progressivement vers
l'idée de forme ouverte. Un texte peut être soit ouvert, soit fermé. Tout l'art dit moderne repose sur
l'ouverture progressive des interprétations possibles du texte. L'art moderne se caractérise par son
jeu possible avec ses interprétations possibles. Un récepteur est lui-même traversé par plusieurs
codes. Eco appelle les Encyclopédies le fait que chaque récepteur mobilise ses propres
connaissances, ses propres habitudes d'interprétation.
Le schéma mathématique revisité qui apparaît chez Umberto Eco dans un texte de 1975, Traité de
sémiotique général:
Eco propose la notion d'encyclopédie. Tous ses travaux consistent à travailler la notion de
l'ouverture de l'interprétation: réflexion sur le notion de code à partir du schéma de cybernétique
pour lui substituer la notion d'encyclopédie. C'est la première émancipation de la linguistique du
modèle codique. L'encyclopédie signifie qu'il n'y a plus un seul code dans le processus de codage
mais qu'il y en a une pluralité, que met en œuvre le récepteur dans un processus qui n'est plus celui
d'un simple décodage médiatique mais qui est un processus d'interprétation. Ces codes renvoient
d'abord à des compétences linguistiques (savoir reconnaître la construction sémantique, syntaxique
des messages) et renvoie surtout aux codes propres des récepteurs qu'il baptise encyclopédie.
L'encyclopédie est l'ensemble des savoirs que possèdent au préalable le récepteur qu'il met en jeu,
appartenant à chacun. Cette vision de l'interprétation réhabilite l'individualité. Chaque
récepteur met en jeu ses propres compétences. Il y a une multitude de codes, une multitude
d'encyclopédies. Il y a trois origines pour l'interprétation d'un message:celle qui est propre au
message, d'autres éléments qui viennent du contexte et les sources d'interprétation qui vienne de
l'encyclopédie.
15
Théories de l'information et de la communication
16
Il y a d'un côté les codes de l'émetteur et ceux du récepteur, c'est une « guerilla sémiotique »
(Eco). Le processus de décodage est donc pluriel et constitue toujours un apport par rapport
au message littéral grâce aux encyclopédies.
B/ De la signification à la pragmatique: la situation de
communication
Un message est aussi l'ensemble des blancs qui le composent et que le récepteur doit compléter.
Le processus de communication demande une pluralité de compétence mis en œuvre par les
récepteurs:
 les compétences linguistiques
Ce sont les capacités à décoder syntaxiquement le message
 les compétences logiques
C'est principalement la compétence de déduction et d'induction, la capacité à comprendre
l'implicite.
Le présupposé appartient à la structure linguistique elle-même alors que le sous-entendu
relève de la situation d'énonciation qui nécessite au récepteur de comprendre de manière
connivente. Le présupposé est un élément d'implicite contenu dans le discours.
Exemple: Jean a cessé de fumer; le présupposé est que Jean fumait.
 les compétences encyclopédiques
Pour comprendre un message, il faut avoir un certain nombre de savoir préalable pour établir
les références, les allusions, les jeux intertextuels.
 les compétences pragmatiques
Il y a trois niveaux de pragmatique:
 la pragmatique des actes de langage
Cela fait intervenir le phénomène contextuel de parole. C'est la théorie de la communication prise
dans des échanges réels, concrets, en situation, apparue dans le milieu des années 1960 en
Angleterre avec Austin qui écrit Quand dire c'est faire (How to do things with words). Son principe
performatif est l'accomplissement de ce qu'on dit du fait même qu'on le dit.
Les philosophes ont longtemps supposé qu'une affirmation ne pouvait que décrire un état de fait, et
donc être vraie ou fausse ; autrement dit, qu'il n'y avait que des énoncés constatifs. Austin montre
cependant que les énoncés qui sont en eux-mêmes l'acte qu'ils désignent n'entrent pas dans cette
catégorie. C'est le cas par exemple d'une phrase comme "Je vous marie". Austin baptise ce type de
phrase du nom de phrase performative ou énonciation performative. Il explore par la suite, et avec
beaucoup de soin, toutes les conséquences de cette découverte.
Une énonciation est performative lorsqu'elle ne se borne pas à décrire un fait mais qu'elle « fait »
elle-même quelque chose. Un exemple typique d'expression performative est la phrase « Je vous
déclare mari et femme » que prononce le maire lors d'un mariage. La phrase fait changer les fiancés
de statut : en la prononçant le maire constitue les fiancés comme mari et femme, ils passent de l'état
de fiancés à celui de mariés
16
Théories de l'information et de la communication
17
Il oppose les verbes performatifs aux verbes constatifs qui n'ont pas la même capacité à agir par leur
propre énonciation. Le modèle s'étoffe avec une description de force illocutoire. Dans le modèle
performatif d'Austin, tout énoncé, acte de parole est une processus complexe qui se recompose de
trois dimensions: locutoire (contenu du message) -acte de référence-, illocutoire (prétention à agir
par l'énonciation même du message) et perlocutoire (analyse des effets réels en situation d'un
discours). TYPOLOGIE
Exemple: « Tu peux faire cela »; locutoire: il me dit que je peux faire cela; illocutoire: acte de
protestation; perlocutoire: les différents effets produits, de la dissuasion.
La pragmatique constitue un champ d'analyse important de la psychologie sociale car les
compétences sont davantage sociales, psychologiques que linguistiques et codiques comme dans le
premier modèle de la communication. Se met en place une prise en compte progressive des
coordonnées sociales, institutionnelles, psychologiques et cognitives.
Paul Grice repère des compétences pragmatiques particulières, celles qui sont mises en œuvre dans
une conversation. Il les appelle « rhétorico-pragmatique ». Il montre que les énoncés
conversationnels reposent sur un ensemble de règles tacites que les individus mettent en œuvre pour
que l'échange se déroule le mieux possible. Il décrit comment une conversation repose sur des
maximes, autrement dit, des conventions, des règles, une éthique même qui permettent aux
échanges de type conversationnel de s'enchaîner en situation. Le principe dominant sans lequel une
communication ne peut se faire, c'est le principe de coopération. Toute conversation repose sur un
principe tacite, implicite, non discuté, accepté qui est celui que les deux inter-actants vont coopérer
pour que l'échange se fasse. L'ensemble des tours de parole dans cette approche est l'objet d'un
calcul selon quatre compétences que Grice emprunte aux catégories de Kant: un principe de
quantité, un principe de qualité, un principe de relation (pertinence) et un principe de modalité
(manière)
Le principe de quantité est que notre contribution doit contenir autant d'information que nécessaire
selon un sous-principe d'informativité. Elle ne doit pas contenir non plus, plus d'information que
nécessaire. La maxime de qualité est aussi appelé maxime de sincérité. Ce qu'on affirme doit être
vrai, que l'on peut le prouver et que l'on croit à ce que l'on dit. La maxime de relation est de parler à
propos. La maxime de modalité est un principe d'intelligibilité, qu'il définit comme ne pas
s'exprimer de manière ni obscure, ni ambigüe.
 la pragmatique cognitive; théorie de la pertinence
 la pragmatique culturelle; autre nom de l'école de Palo Alto
Chacun met en œuvre ses compétences individuelles pour atteindre la couche cognitive du message.
Progressivement, la notion de code s'est élargie, assouplie, elle a perdu sa dimension
mathématique du départ pour prendre une valeur sociale de co-construction du message. Il y
a ouverture du processus de communication, qui n'est plus du décodage mais de
l'interprétation. L'interprétation est le code linguistique avec les encyclopédies au sens d'Umberto
Eco, ainsi que le travail d'inférence. L'approche rhétorico-pragmatique renvoie à l'idée de code qui
correspond aux lois du discours, notamment aux maximes conversationnelles. On est passé du
code aux codes. On est progressivement passé d'une représentation logique, mathématique du
code à une prise en compte toujours plus élargie avec une dimension sociale et culturelle des
codes. L'école de Palo Alto correspond à la pragmatique non plus linguistique mais la pragmatique
culturelle. Ce n'est plus un système transparent de décodage de code: les codes mènent à un sens
social de conventions, de règles comportementales, voire de rituels (Erwing Goffman). La politesse
est un exemple de ces codes comme des manières. Ainsi la communication devient comme
construit socialement et culturellement, variable d'une culture à l'autre.
17
Théories de l'information et de la communication
18
Avant la notion de contrat, on avait la notion de pacte, notamment dans l'autobiographie, avec un
pacte entre le lecteur et l'auteur défini par Philippe Lejeune. La première origine de l'idée de
contrat dans une communication est littéraire. Un contrat explicite ou implicite est tenu entre
l'auteur et le lecteur: une autobiographie repose sur l'idée d'un contrat d'identité
auteur=narrateur=personnage principal.
Eliseo Veron est une figure importante des SIC car il a fondé le courant sociosémiotique. Ce
mouvement a continué à sortir du proprement sémiotique pour s'ouvrir aux coordonnées sociales,
aux contextes concrets, sociologiques dont la manière les signes circulent des émetteurs aux
récepteurs. Dans Quand lire c'est faire, publié en 1984, Veron crée le concept de contrat de lecture.
Il s'intéresse à la manière dont communique la presse féminine. Chaque titre va créer une relation
différente, un contrat différent avec ses potentielles lectrices (ou lecteurs). Il étudie uniquement les
Unes et ses invariants: le matériel linguistique, l'énonciation éditoriale, le matériel visuel, iconique
et notamment la photo de Une et le regard du mannequin photographié. Il considère que le contrat
se crée également dans la manière dont le corps photographié nous regarde. Dans l'article Il est là, je
le vois, il me parle, Veron s'intéresse au journal télévisé. Ce dernier se distingue par la spécificité du
fait que le présentateur fixe du regard de manière frontale le téléspectateur: se crée un contrat qui
s'inscrit les yeux dans les yeux (dans l'axe YY).
Un autre courant utilise le contrat de communication, c'est la sémiopragmatique. Celle-ci date de la
fin des années 1980 et est caractérisée par l'existence de différents contrats. Patrick Charaudeau
est issu de ce courant, il fait une théorie générale des contrats de communication. Il considère que
l'ensemble des processus de communication repose sur des contrats spécifiques. Il écrit: « Le terme
de contrat de communication est employé par des sémioticiens, des psychosociologues du langage
et des analystes du discours pour désigner ce qui fait qu'un acte de communication sera reconnu
comme valide du point de vue du sens. C'est la condition pour que les partenaires d'un acte de
langage se comprennent un minimum et puissent interagir en co-construisant du sens, ce qui est le
but essentiel de tout acte de communication ». « [Le contrat de communication] est ce qui permet
aux partenaires d'un échange langagier de se reconnaître l'un l'autre avec les traits identitaires qui
les définissent en tant que sujet de cet acte (identité), de reconnaître la visée de l'acte qui les
surdétermine (finalité),de s'entendre sur ce qui constitue l'objet thématique de l'échange (propos) et
de considérer la pertinence des contraintes matérielles qui déterminent cet acte (circonstances) ».
Pour Charaudeau le contrat de communication repose sur 3 enjeux principaux:
 l'enjeu de légitimité
Il cherche à définir les manières dont les actes de communication définissent des postures de
légitimité qui autorisent alors certains types de discours.
 l'enjeu de crédibilité
Toutes les nouvelles pratiques médiatiques, notamment portées par Internet redéfinissent les circuits
de crédibilité et de légitimité.
 l'enjeu de captation
Dans quelles proportions un discours cherche et réussit à capter?
Il existe plusieurs critiques à la théorie de Charaudeau dont ces deux commentaires:
 Yves Jeanneret
Il propose de substituer à la notion de contrat par celle d'implication de relations. Un acte de
communication chercherait plus ou moins à impliquer son récepteur. Le message implique plus ou
moins une réponse, une relation, un type de participation du ou des récepteurs. La notion de contrat
serait trop métaphorique pour désigner la réalité de l'échange
 François Jost
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Théories de l'information et de la communication
19
Il propose de parler plutôt que de contrat, de promesse. Ce qui lie un message à ses récepteurs, c'est
l'idée qu'il porte des promesses. L'idée de promesse renvoie à un champ du marketing et de la
publicité.
 Ce qui ressort est la notion de relation, d'échange, cela s'inscrit dans une logique
interactionniste, car c'est précisément l'inter-action qui est favorisée.
C/ De la pragmatique à l'interaction: l'inter-relation
Dans La nouvelle communication, Yves Winkin fonde l'anthropologie de la communication, qui
s'adosse à la théorie de l'école de Palo Alto. Le modèle orchestral s'oppose au modèle télégraphique
(modèle de Shannon) de la communication. Pour Winkin, ce dernier repose sur l'idée de
transmission et non sur l'idée qu'il entend lui par communication, à savoir échange, inter-action. Il
propose le modèle orchestral qui revient relativement à la théorie de Palo Alto. Que se passe-t-il lors
des processus d'interaction et quels sont la complexité des codes, des composantes, des contextes,
des modes de participation des différents partenaires? Pour répondre à cela, il montre comment les
différents auteurs, acteurs ont regardé chacun une des composantes de sa complexité. Ray
Birdwhistell est le fondateur de la kinésique, qui est l'étude des geste, qui composent aussi l'acte de
communication. Nous communiquons en effet avec tout notre corps, consciemment ou
inconsciemment. Beaucoup de nos comportements sont acquis socialement et donc culturellement
codés. Exemple: dans les sociétés européennes, l'échange de regard est un élément primordial à
l'établissement de la communication, alors qu'en Afrique du Nord ou en Asie, ce même regard direct
est considéré comme un manque de respect et d'humilité. Edward Hall est le fondateur de la
proxémique, qui est l'étude des distances que les individus respectent les uns vis-à-vis des autres.
Paul Watzlawick s'intéressera aussi à la proxémique et écrira: « il existe dans chaque culture, une
distance très précise que deux individus maintiendront entre eux s'ils se trouvent en face-à-face ».
L'espace interpersonnel est ainsi une dimension de la culture. Ce Collège invisible (Birdwhistell,
Hall ainsi que Goffmann) est une communauté de penseurs qui appartiennent à une même école
alors qu'ils ne sont pas en contact les uns avec les autres. En pratique, Winkin dit que ces acteurs ne
se sont pas rencontrés mais ils partageaient la même vision sur la communication. Ils sont euxmêmes en interaction dans leurs théories alors même qu'ils ne sont pas physiquement en lien.
Winkin place donc la notion d'interaction au sens de l'échange: c'est au cœur de la réflexion
anthropologique.
 Il s'oppose à l'idée que la communication soit un acte conscient verbal et volontaire.
Winkin et le Collège invisible vont montrer que la communication dépasse ses 3
caractéristiques.
Cette approche est, pour Winkin, orchestrale: « l'analogie avec un orchestre a pour but de faire
comprendre comment on peut dire que chaque individu participe à la communication plutôt qu'il
n'en est à l'origine ou l'aboutissement. […] C'est en ce sens que l'on pourrait parler d'un modèle
orchestral de la communication, par opposition au modèle télégraphique. Le modèle orchestral
revient en fait à voir dans la communication le phénomène social que tout le premier sens du mot
19
Théories de l'information et de la communication
20
rendait très bien, tant que français, qu'en anglais: la mise en commun, la participation, la
communion ».
Gregory Bateson, anthropologue, a lancé l'école de Palo Alto dès les années 1930. Il produit une
analyse de l'incorporation de la culture dans l'étude des différents comportements humains. Ces
comportements ne sont pas exclusivement verbaux. La question qui est celle de Bateson et qui
anime l'ensemble de l'interactionnisme est: « A partir de quand un comportement humain produit un
sens qui lui-même s'inscrit dans une relation de communication? ». L'interactionnisme est l'étude de
l'ensemble des comportements humains d'un point de vue communicationnel. Cela amène vers la
notion de culture. C'est une série de trajet qui tend à aller du code mathématique aux codes de la
culture: pour les interactionnistes, la communication c'est la culture, ce qui fait culture. La théorie
des médias revient toujours à s'interroger sur la culture. De McLuhan à la médiologie, des culture
studies aux médias culture, la théorie des médias est une théorie de la culture. Avec Bateson, s'ouvre
une anthropologie qui s'intéresse à la circulation des signes et des sens au sein des communautés
qu'il observe. Dès les années 1930, il propose un premier concept: celui de schismogenèse. La
schismogenèse est l'étude de la manière dont naît et se résout un schisme au sein d'un système
social.
→ Selon quelles logiques se met en place la résolution de conflits, l'apparition d'accords?
Il observe qu'il y a des schismogenèses symétriques où les inter-actants répondent coup pour coup,
dans une logique de surenchère. Exemple: la vanne est un jeu communicationnel qui consiste à
rentrer dans une logique de surenchère, c'est donc une schismogenèse symétrique.
A côté des schismogenèses symétriques, Bateson observe des schismogenèses de type
complémentaire. Les inter-actants s'inscrivent dans des relations complémentaires, à des places de
type de domination et soumission. Le conflit se résout par une distribution des rôles et des places
qui stabilisent le conflit.
Dans les années 1940, Bateson met en perspective ce concept de schismogenèse avec la
cybernétique et notamment avec la notion de feed-back. La cybernétique observe deux types de
feed-back: le feed-back positif qui correspondrait à la schismogenèse symétrique et le feed-back
négatif, à la schismogenèse complémentaire. Ce premier geste théorique consiste finalement à
essayer de dépasser la cybernétique en l'appliquant aux sciences humaines et sociales.
La méta-communication est un autre concept de Bateson, suite à l'observation de comportements
d'animaux. Il observe qu'il y a certaines espèces animales qui sont capables de communiquer ou
méta-communiques, c'est-à-dire de signifier aux autres le type d'activité communicationnelle
qu'elles ont, par exemple de dire qu'elles jouent. Bateson montre alors que communiquer c'est aussi
donner des informations sur le type de communication auquel on participe.
Ces notions que Bateson tire de l'observation ethnologique, éthologique d'espèces animales, mènent
à une théorie plus générale de la communication, de l'échange et de l'interaction. Le Collège
invisible plaide aussi en faveur d'une première grande interdiscipline. Ces observations faites avec
un certain type de regard vont être croisées avec d'autres approches non seulement anthropologiques
mais aussi sociologiques et linguistiques.
Paul Watzlawick, anthropologue et linguiste autrichien, vulgarise les travaux de Bateson en les
adaptant à une approche plus classique en matière de communication, nourri par la pragmatique. Il
fait une tentative d'axiomatique de la communication: c'est une tentative de formalisation de règles,
d'axiomes pour définir une approche possible de la communication humaine. Cette axiomatique a
été publiée dans Une logique de communication (Pragmatic of human communication), à la fin des
années 1950.
Propositions pour une axiomatique de la communication:
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 On ne peut pas ne pas communiquer.
Une interaction se définit par une série de messages échangés. C'est un message polyphonique « de
nombreux modes de comportements verbaux, tonales, posturales, contextuelles, chacun spécifiant le
sens de l'autre ».
 Toute communication présente deux aspects: le contenu et la relation tels que le second
englobe le premier et par suite est une méta-communication.
L'objet de la théorie communicationnelle est le contenu propre, le message mais ce qui englobe et
définit le message est le type de relation des inter-actants.
 La nature d'une relation dépend de la ponctuation des séquences de communication
entre les partenaires.
Reconnaître et accepter une relation de communication, c'est reconnaître un modèle d'interaction. Il
y a plusieurs types de méta-communication qui peuvent structurer, ponctuer, une interaction.
 Les êtres humaines usent de deux modes de communication: digital et analogique.
Watzlawick fait une répartition des différents types de code. Le langage digital instaure une relation
dite conventionnelle entre le signifiant et le signifié, c'est le symbole, le langage, la langue.
Le mode analogique englobe posture, gestuelle, mimique, inflexion de la voix, succession, rythme
et intonation des mots et toute autre manifestations non-verbale dont est susceptible l'organisme,
ainsi que les indices ayant valeur de communication.
 Tout échange de communication est symétrique ou complémentaire selon qu'il se fonde
sur l'égalité ou la différence.
La communication repose sur des types de relation culturellement variables. Les relations sociales,
culturelles sont évolutives, c'est pourquoi la communication ne peut rester dans le monde clos des
mathématiques. La nouvelle logistique de la relation notamment portée par les nouveaux médias,
les nouvelles technologies vont redéfinir ces codes communicationnels. Internet redéfinit la
complémentarité des échanges sous des formes beaucoup plus symétriques, de parité. « On passe
de la société des pères à la société des paires » Régis Debray.
Deux recherches sont emblématiques de l'ensemble des avancées de l'école de Palo Alto: celle de la
kinésique de Ray Birdwhistell et la proxémique de Stuart Hall.
La kinésique de Ray Birdwhistell
En 1944, il étudie des bandes d’adolescents du Kentucky et contribue à l’étude comparative des
rituels amoureux menée en Angleterre par Margaret Mead. Selon lui, la conduite amoureuse suit des
étapes comme des feux verts, mais il existe des variations culturelles. Le social passe par
l’individuel, comme l’individu s’inscrit dans le social. Comme Ferdinand de Saussure, Sapir énonce
une distinction entre langue et parole. Mais, pour Sapir, la parole n’est pas seulement le fait de
l’individu, elle est aussi un fait social. Une anthropologie de la parole est donc possible, de même
qu’une anthropologie de la gestualité…
La signification flotte et ne se cristallise que dans un contexte défini. Le corps n’est pas seulement
régi « de l’intérieur » comme le voudrait la sémiologie médicale classique ou le sens commun. Il est
encore gouverné par une sorte de code de la « présentation de soi en public » (pour reprendre une
expression de Goffman, très proche ici de la pensée de Birdwhistell). Une signification universelle
ne peut donc être attribuée à partir de certains invariants biologiques à telle posture ou à tel geste.
Chaque culture, et à l’intérieur d’elle, chaque contexte interactionnel utilise le substrat
physiologique pour élaborer une signification socialement acceptable.
Birdwhistell entreprend de déterminer les kinèmes (système gestuel) (analogues aux phonèmes) du
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système kinésique américain à l’aide d’informateurs. Il fait l'hypothèse d’une sélection culturelle de
quelques positions corporelles parmi les milliers que peut produire le corps et notamment le visage
en mouvement. Son but est donc d’analyser les différents modes de communication lors des
échanges : le langage, mais aussi les gestes, et l’odorat et le toucher, etc. La communication est en
effet, pour lui, constituée de « multiples canaux ». La signification d’un geste seul n’existe pas
dans un code unique, mais s’intègre dans une pluralité de codes mis en lien par un acte de
communication et en fonction d’une situation de communication (un contexte). Une des études
restées célèbres porte sur la manière dont des individus se comportement en fumant. On parle à
propos de cette analyse de la « danse de la scène de la cigarette », dans la mesure où, dans une
synchronie, les corps oscillent au même rythme pour s’ajuster les uns aux autres et pour ajuster
leurs gestes aux gestes de l’autre.
 A l’image de l’ensemble des chercheurs de Palo Alto, pour Birdwhistell, la culture, c'est la
communication ; ou plutôt si la culture est la « structure », la communication est le
« processus »
La proxémique de Stuart Hall (distance physique qui s'établit entre des personnes prises dans une
interaction – varie selon les cultures)
L’intégrité physique et morale de chacun n’est préservée que dans la mesure où un certain espace
est respecté entre les inter-actants. C’est à l’étude de cette organisation sociale de l’espace entre les
individus que Edward Hall a consacré une bonne partie de sa vie d’anthropologue. Il a forgé un
terme pour désigner ce nouveau domaine des sciences humaines: la proxémique. Contrairement à
de très nombreux anthropologues de sa génération, Hall ne se spécialisera pas dans une aire
culturelle donnée. Il se spécialisera dans l’étude du phénomène provoqué par la mise en contact de
représentants de cultures différentes, qu’il s’agisse de touristes japonais séjournant deux jours en
France ou de fermiers américains travaillant depuis deux générations à côté de leurs homologues
mexicains. Contrairement encore à la plupart de ses collègues universitaires, Hall va s’attacher à
démonter les codes de la communication interculturelle. Parmi les codes auxquels il consacrera le
plus d’attention, il faut citer celui qui régit le découpage et l’utilisation de l’espace interpersonnel.
Mais il en est d’autres, comme par exemple le code de la gestion du temps, auquel Hall consacrera
une partie de son premier ouvrage, The Silent Language, paru en 1959. Ainsi, dans le Langage
silencieux, Hall utilise ses multiples expériences de grand voyageur et de très fin observateur pour
proposer une vision de la culture comme système de communication décomposable en trois niveaux
de complexité. Au cours des années soixante, Hall retourne à l’enseignement et à la recherche
systématique. Il s’intéresse tout particulièrement à cette « dimension cachée » de la culture qu’est le
rapport de l’homme à l’espace. Dès 1966, il publie The Hidden Dimension. Pour Hall, chaque
culture organise l’espace de façon différente à partir d’un substrat animal identique, le « territoire ».
Ainsi Hall propose une échelle des distances interpersonnelles. Quatre distances sont envisagées :
intime, personnelle, sociale et publique. Chacune comporte deux modalités : proche et lointaine.
Les « bulles » de base constituent quatre territoires, qui appartiennent tant à l’homme qu’à l’animal.
Mais chaque culture humaine a défini de façon différente la dimension des bulles et les activités qui
y sont appropriées. Il faut également noter que Hall ne définit pas ses bulles uniquement en termes
de mètres et de centimètres : la vue, le toucher, l’ouïe, l’olfaction contribuent à la mise au point des
distances socialement adéquates. Là aussi il s’agit de repérer les multiples canaux de la
communication.
CF SECOND LIFE
Dans la perspective ouverte par les premiers chercheurs du « Collège Invisible », Erving Goffman
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déploie une théorie de l’interaction pensée comme l’ensemble des processus de communication qui
mettent en vis à vis des individus ou des groupes. Il définit l’interaction de la manière suivante :
« Par interaction (c’est-à-dire l’interaction face à face) on entend à peu près l’influence réciproque
que les participants exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique
immédiate les uns des autres ; par une interaction, on entend l’ensemble de l’interaction qui se
produit en une occasion quelconque quand les membres d’un ensemble donné se trouvent en
présence continue les uns des autres ; le terme « rencontre » pouvant aussi convenir. » Le terme de
rencontre désigne l’intérêt qu’affiche ce chercheur pour une sociologie de la communication
rapportée aux relations de face à face que nous vivons quotidiennement dans les espaces publics.
L’interaction est considérée selon deux approches et deux métaphores structurantes : celle du
« rituel » et celle du « théâtre ». La notion de rituel s’inscrit dans une perspective classique de la
sociologie qui cherche à observer les comportements comme des formes inscrites dans des règles,
des cadres, des situations qui prennent un sens symbolique plus ou moins fort, mais qui permettent
la « socialisation » (Simmel) des individus et des groupes. Il s’ensuit que des objets de recherche
émergent de manière particulièrement prégnante dans cette approche : la politesse, le tact, l’adresse
à l’autre et la « présentation de soi ». Or, ces questions sont également présentées par l’auteur
suivant une autre métaphore structurante, celle du théâtre, qui cherche à mettre en perspective la
dimension « publique » de ces interactions. En effet, l’autre terme que Goffman utilise pour évoquer
les interactions sociales est le terme de « représentations », qu’il faut entendre dans un double sens :
à la fois comme une performance (au sens pragmatique du terme) et comme une mise en scène. Ces
deux textes majeurs, La Présentation de soi et Les Relations en public, ont été traduits sous le titre
conjoint de La Mise en scène de la vie quotidienne. Suivant cette métaphore dramaturgique, les
interactants sont comparés à des acteurs qui réalisent des « représentations » grâce à des « rôles »
qu’ils jouent suivant les espaces sociaux qu’ils traversent et selon les « rencontres » qu’ils font.
Reprenant l’idée à Willian James que chaque individu dispose de plusieurs « rôles » (en fonction
des différents groupes sociaux auxquels il appartient), Erving Goffman décrit l’ensemble des
interactions comme des petites scènes de communication, composées d’un décor, d’une séries
d’accessoires et d’une disposition propre qui oppose l’espace de la « scène » proprement dite et
celle de la « coulisse ». Les partenaires de l’interaction (individus ou groupes) disposent de masques
(leur « façade » et leur « face ») pour « performer » la représentation.
Exemple: Goffman décrit l’organisation d’un restaurant en fonction d’une coulisse (la cuisine) et
d’un scène (la salle du restaurant). Les serveurs appartiennent aux deux espaces qu’ils traversent en
adoptant différents « rôles ». La coulisse est généralement conçue comme le lieu où se prépare la
« représentation ». En salle, les clients et les serveurs tiennent leur rôle social qui est aussi un rôle
communicationnel. C’est le respect (ou non) de leurs rôles respectifs qui assure le déroulement de
l’interaction et qui donne son sens à la représentation.
Il propose ainsi de démonter la « rhétorique générale » qu’est la vie quotidienne en considérant le
comportement social de tout individu comme celui d’un acteur en scène. Comme au théâtre, il faut
que nos gestes « fassent vrais ».
 Bien évidemment, ces théories gardent une pertinence pour l’observation des interactions en
face à face, mais gagnent à être mises en perspective avec l’évolution des médias et des
technologies de la communication. Le téléphone mobile, Internet et le web redéfinissent à la
fois les rôles communicationnels, les modalités de présentation de soi et les espaces dédiés à
la scène et à la coulisse. C’est le travail de certains chercheurs actuels de montrer les
évolutions que connaît le cadre général de l’interactionnisme avec les nouvelles définitions
de l’espace et de l’expérience sociale qu’autorisent les nouvelles technologies de la
communication.
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