ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE WT/L/666 4 décembre 2006 (06-5811) Original: espagnol Conseil général 14-15 décembre 2006 CUBA – ARTICLE XV:6 DE L'ACCORD GENERAL SUR LES TARIFS DOUANIERS ET LE COMMERCE DE 1994 Rapport du gouvernement de Cuba au titre de la Décision du 20 décembre 20011 La communication ci-après, datée du 1er décembre 2006, est distribuée à la demande de la délégation de Cuba. _______________ Le gouvernement de la République de Cuba demande le renouvellement de la prorogation, accordée le 20 décembre 20012, de la dérogation approuvée le 14 octobre 19623, par laquelle il est relevé de l'obligation prescrite à l'article XV:6 de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, n'étant pas membre du Fonds monétaire international (FMI), et qui arrive à expiration le 31 décembre 2006. Si Cuba demande une nouvelle prorogation, c'est que subsistent les conditions qui existaient les années passées, aggravées par les mesures qui constituent le blocus économique, commercial et financier des États-Unis d'Amérique contre Cuba, et qui empêchent la signature d'un accord spécial de change avec les Membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Cuba n'a pas accès, comme d'autres pays, aux importantes sources de crédit des organismes financiers internationaux et régionaux. La Loi Helms-Burton des États-Unis, dans son Titre premier, article 104, dispose que les États-Unis s'opposent, par le biais d'instructions données par le Secrétariat au Trésor aux Directeurs exécutifs américains travaillant dans ces institutions, à l'admission de Cuba dans les organisations financières internationales. Cette politique de blocus des États-Unis fait obstacle aux flux financiers extérieurs vers la nation cubaine, comme le prouve le refus d'accorder un financement direct, de sorte que l'accès au crédit se fait à des conditions onéreuses et par le biais de financements de bailleurs de fonds, beaucoup moins souples que ne le sont ceux des institutions financières et des prêts à caractère officiel. 1 WT/L/440. 2 Idem. 3 WT/L/182. WT/L/666 Page 2 De même, elle restreint la liberté des échanges en raison de l'interdiction faite au gouvernement cubain d'utiliser le dollar des États-Unis dans ses transactions commerciales et financières extérieures, ce qui oblige le pays à réaliser lesdites transactions dans les monnaies des pays tiers alors que les principaux produits de base de Cuba sont cotés en dollars sur le marché mondial. Le pays a ainsi subi des pertes considérables, dues à l'appréciation et à la dépréciation du dollar par rapport aux monnaies de ses principaux partenaires commerciaux, sans parler de l'instabilité que génère pour les entreprises le double risque de change. Ces réglementations sont en vigueur depuis plus de 46 ans et ont pour effet de maintenir le blocus économique, commercial et financier de Cuba. Cependant, l'économie cubaine a poursuivi son mouvement de reprise pendant la période 2001-2005, le taux de croissance annuel moyen ayant atteint 5,6 pour cent. Pendant cette période, les indicateurs macro-économiques fondamentaux ont évolué favorablement: le produit intérieur brut (PIB) calculé en volume a augmenté, grâce à une efficience et à une productivité accrues ainsi qu'à une utilisation plus rationnelle des ressources matérielles, financières et humaines disponibles, tandis que des succès importants ont été obtenus dans les domaines monétaire, financier et fiscal. L'économie cubaine a enregistré en 2005 une croissance de 11,8 pour cent (exprimée en prix constants de 1997) et il convient de relever le rôle pertinent joué par les services à forte valeur ajoutée, principalement les services de santé, leur croissance ayant été supérieure à celle de l'économie, ainsi que la progression soutenue de l'activité touristique. Au cours de cette étape, le secteur des services a été le moteur principal de l'économie cubaine. L'évolution du PIB est due essentiellement à la croissance du tourisme, des télécommunications et des services sociaux non marchands, parmi lesquels les services de santé et d'assistance sociale ont affiché les hausses les plus importantes. Le pays a élaboré plus de 200 programmes pour améliorer les services sociaux et 7 000 chantiers environ ont été réalisés à cette fin ces six dernières années. L'agriculture et le secteur non sucrier ainsi que le secteur minier ont contribué particulièrement à l'expansion économique. Les augmentations de la production nationale ont été particulièrement sensibles dans les cas du pétrole brut, du gaz naturel et du nickel, où un record historique a été atteint. De même, le secteur de la construction s'est développé de manière significative. Cuba a connu une croissance et un développement malgré la guerre économique que les États-Unis continuent de mener contre le pays, la hausse des prix du pétrole sur le marché international et les effets défavorables de phénomènes naturels. Les pertes causées par trois cyclones qui se sont abattus sur l'Île en 2005 ont été estimées à 2 308 millions de dollars et celles dues à la sécheresse ayant frappé la zone orientale du pays pendant la période 2003-2005 se sont élevées à 1 305 millions de dollars. Le total de ces pertes a représenté 7,9 pour cent du PIB. L'année 2005 a donné de nouvelles preuves de fermeté et de rigueur de gestion des finances publiques. Malgré la mauvaise conjoncture, le budget de l'État continue à soutenir la transformation de l'ordre socioculturel à laquelle l'État cubain procède, grâce à la mise en œuvre de plus de 200 programmes sociaux. Le rapport déficit des finances publiques/PIB a atteint 4,2 pour cent, dépassant ainsi celui des années passées, mais il reste à un niveau acceptable compte tenu des conditions et des caractéristiques de l'économie cubaine. WT/L/666 Page 3 En outre, le processus de stabilisation des prix s'est maintenu en 2005, ce qui a permis que l'Indice des prix à la consommation varie seulement de 3,7 pour cent par rapport à 2004 malgré les hausses de salaires enregistrées dans différents secteurs de l'économie. Cependant, le gouvernement de George W. Bush a adopté parallèlement, dès 2004, un train de mesures contre Cuba dans le but de durcir les restrictions déjà imposées au tourisme et aux investissements dans le pays, d'entraver les flux financiers et les voyages des citoyens des États-Unis à destination de l'Île, et de limiter encore davantage les envois de fonds des émigrants et les échanges commerciaux, scientifiques et culturels. Ces mesures ont pour objectif déclaré l'effondrement du système politique et économique de Cuba. La politique d'agression du gouvernement des États-Unis a causé un préjudice économique à Cuba qui, accumulé, est évalué à plus de 86 milliards de dollars, chiffre qui n'inclut pas les préjudices directs portés aux objectifs économiques et sociaux du pays, et évalués à plus de 54 milliards de dollars, du fait des actions de sabotage et de terrorisme organisées et financées à partir des États-Unis. Ce chiffre ne tient pas non plus compte de la valeur des produits dont la production a cessé ni des préjudices découlant des conditions de crédit coûteuses qui sont imposées à Cuba. Pour la seule année 2005, le préjudice économique direct causé aux Cubains par l'application de la politique de blocus dépasse les 4 108 millions de dollars. Selon un rapport envoyé par le Bureau du contrôle des avoirs étrangers (OFAC) au Congrès des États-Unis, le montant des avoirs gelés dans les banques des États-Unis à cause du blocus s'est élevé à 268 300 000 dollars en 2005. Les conséquences pour le commerce extérieur cubain ont été évaluées, pour 2005, à plus de 945 320 000 dollars, ce qui représente une augmentation de près de 15 pour cent par rapport à 2004. De même, les conséquences financières du niveau de risque élevé attribué à Cuba en raison de sa situation de pays victime d'un blocus ont représenté plus de 320 765 000 dollars, ce qui a nui à son commerce extérieur, en raison des conditions de financement difficiles imposées. L'agression économique, commerciale et financière touche aussi des États, des citoyens et des entreprises de pays tiers en raison de l'application extraterritoriale des lois régissant le blocus de Cuba. En 2005, l'OFAC, alléguant la violation de différents règlements relatifs au blocus, a infligé des amendes à huit sociétés et établissements bancaires, et 38 pays au moins ont été touchés. Le 13 février 2006, sont entrés en vigueur de nouveaux règlements de l'OFAC concernant le régime en matière d'amendes applicables aux établissements bancaires qui enfreignent la législation des États-Unis sur les sanctions infligées à différents pays, dont Cuba. Les auteurs de ces infractions peuvent faire l'objet d'une enquête civile, d'une évaluation par l'OFAC du comportement en cause ou d'une enquête pénale et de poursuites judiciaires. Ces nouvelles mesures ont empêché Cuba, entre autres choses, de payer sa contribution au budget de deux organisations internationales dont le siège est à Genève, à savoir l'Union internationale des télécommunications (UIT) et l'Organisation météorologique mondiale (OMM), en raison du refus de la banque suisse UBS, qui gère les comptes de ces deux organisations, d'accepter les virements en provenance de Cuba. Le 10 juillet 2006, l'Administration Bush a présenté la deuxième version du Plan d'annexion de Cuba dans le but de renforcer et d'approfondir l'impact négatif des mesures prévues dans le premier rapport, approuvé le 20 mai 2004, de ce qui a été improprement appelé la "Commission d'aide pour une Cuba libre". La recommandation visant à appliquer le Titre III de la Loi Helms-Burton aux entrepreneurs de pays tiers considérés comme favorisant le maintien du gouvernement cubain par leurs activités donne la preuve de l'escalade irrationnelle dans l'application extraterritoriale de la politique de blocus menée contre Cuba. La mise en œuvre du Titre III – qui préconise la tenue de procès devant des tribunaux des États-Unis contre les entrepreneurs des pays tiers qui ont des relations commerciales WT/L/666 Page 4 avec Cuba – avait été reportée durant plusieurs années du fait de pressions exercées au niveau international. De plus, cette nouvelle version réitère la recommandation d'appliquer rigoureusement les sanctions prévues au Titre IV de la Loi Helms-Burton, qui interdit de délivrer des visas d'entrée aux États-Unis aux étrangers qui investissent à Cuba et s'acharne particulièrement contre ceux qui mènent des activités commerciales dans les secteurs stratégiques tels que le forage et l'extraction pétroliers, le tourisme, le nickel ainsi que la production et la commercialisation du rhum et du tabac. Les autres mesures prévues dans le nouveau rapport comprennent la création recommandée d'une équipe spéciale interinstitutions, dont l'objectif est de nuire au commerce du nickel cubain, et le renforcement du Groupe chargé de rechercher les avoirs cubains. Réagissant à ces mesures, la Banque centrale de Cuba (BCC) a mis en œuvre la Résolution n° 80, qui rend obligatoire l'utilisation du peso convertible en remplacement du dollar des États-Unis dans le segment où opère la population, et qui complète le processus de dédollarisation de l'économie entamé en 2003 avec la Résolution n° 65 qui, dans le même but, prévoit l'utilisation du peso cubain convertible dans les transactions commerciales des entreprises4 sur le territoire national. Étant donné les particularités de l'économie cubaine, il est très important de surveiller l'agrégat monétaire M1A.5 Cet agrégat s'est accru de 28,5 pour cent en 2005. Or, malgré les accroissements des années passées dus au processus de dédollarisation de l'économie et aux augmentations de salaires, l'inflation n'a pas augmenté. Les taux d'intérêt créditeurs du système bancaire, dans les différentes monnaies, ont connu une évolution stable. Il convient de souligner que les changements dans le secteur national des changes et des finances n'ont pas affecté les relations avec le reste des Membres de l'OMC, ce qui a été prouvé par la continuité des opérations avec les principaux partenaires commerciaux et financiers. Ces mesures n'ont pas non plus porté préjudice aux intérêts des investissements étrangers à Cuba. D'autre part, le Système bancaire et financier cubain a continué à se renforcer et à se développer. À la fin de 2005, il comprenait la Banque centrale de Cuba, neuf banques commerciales, 16 établissements financiers non bancaires, 13 bureaux de représentation de banques étrangères et quatre bureaux de représentation d'établissements financiers non bancaires. Dans le secteur extérieur, on enregistre un excédent de la balance des paiements courants pour la deuxième année consécutive grâce à l'accroissement des exportations de services, principalement des services de santé, dont la qualité a été reconnue au niveau international. Par ailleurs, le pays a continué à progresser dans la solution des problèmes stratégiques de son développement économique tandis qu'il relevait le niveau de vie de la population, des succès importants dans les secteurs de l'éducation et de la santé se vérifiant malgré toutes les difficultés créées par l'hostilité permanente du gouvernement des États-Unis à l'égard de Cuba. À l’exception des entités créées au titre de la Loi sur l’investissement étranger (Loi n° 77 du 5 septembre 1995) ou d’autres entités autorisées expressément par la Banque centrale de Cuba. 4 5 Agrégat monétaire qui mesure le comportement des liquidités aux mains de la population et qui comprend la monnaie en circulation, les comptes d'épargne à vue et les comptes courants. WT/L/666 Page 5 Cette politique a imposé de graves restrictions à tous les secteurs de l'économie cubaine. On peut citer notamment les lourdes pertes provoquées par l'impossibilité d'utiliser le dollar des États-Unis dans les transactions commerciales et financières extérieures; les obstacles à l'investissement créés par des sanctions et des menaces visant des partenaires étrangers; l'impossibilité d'accéder à des financements à long terme et à des conditions favorables; l'interdiction de l'envoi de fonds; et l'action visant à nuire à toutes les opérations commerciales cubaines, englobant d'autres pays et entités internationales dans cette politique. Même dans les ventes de produits agricoles des États-Unis à Cuba, autorisées de façon ponctuelle au titre de licences spécifiques, sont appliquées des restrictions qui ôtent de l'efficacité à ces transactions. Le fait que Cuba doit payer à l'avance la valeur totale de ces importations constitue une nouvelle difficulté. Les efforts déployés par le pays pour s'intégrer dans le système commercial mondial s'exercent donc dans un contexte particulièrement difficile et exceptionnel, résultat d'une politique qui est contraire au principe du libre-échange. Vu ce qui précède, les conditions particulières qui justifient la prorogation de la dérogation accordée à Cuba en octobre 2001 subsistent, cette dérogation n'ayant pas de répercussions négatives sur les autres Membres de l'OMC. Cuba a démontré qu'elle respectait son engagement de recourir à cette dérogation sans compromettre pour autant les objectifs de l'Accord général, ni causer de préjudice affectant les droits des Membres de l'OMC. __________