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Conférence « Catastrophes : de
l’habiter à l’abriter »
Yoann Moreau, EHESS/CNRS, Paris
Notions, mots-clés
Aléas, catastrophe, risques naturels, risques technologiques, vulnérabilité des
hommes et des sociétés, prévention
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– 5e, géographie : « Partie II – Des
inégalités devant les risques ».
sociétés
inégalement
développées – Des
– CAP, géographie, sujet d’étude 3 : « Les sociétés face aux risques ».
– 2nde Bac pro, géographie, sujet d’étude 4 : « Les sociétés face aux risques ».
- 2nde GT, géographie, thème 4 : « Gérer les espaces terrestres – Les espaces
exposés aux risques majeurs ».
Introduction
Physicien de formation, Yoann Moreau a étudié l’anthropologie puis la géographie.
C’est donc un spécialiste des catastrophes au carrefour de plusieurs disciplines.
Étude des aléas
En 1906, à Ambrym (Vanuatu), eut lieu une importante éruption volcanique : la plus
grosse éruption du XXe siècle. Pour les habitants de l’île, l’éruption demandée au
« grand-père volcan » permettait de fuir la colonisation menée par la NouvelleZélande.
C’est ainsi : des sociétés construisent l’ordre du monde et une catastrophe remet en
cause cet ordre.
Cette présentation présente trois situations qui permette de mettre en relation les
deux concepts abriter et habiter :
I. Le cas des aléas nucléaires, situations où nous considérons devoir nous
abriter
II. Les différences culturelles majeures (La Vague d’Hokusai, qui n’est pas un
tsunami)
III. Habiter / abriter
FIG 2014 – Y. MOREAU – « Catastrophes : de l’habiter à l’abriter »
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I. Le cas des aléas nucléaire, situations où nous
considérons devoir nous abriter
Voir Médée-Fukushima, pièce de théâtre écrite par Yoann Moreau.
« Catastrophe » est un mot grec qui désigne le dénouement de la tragédie ; mais à
l’origine, la tragédie grecque peut avoir un dénouement favorable ou défavorable. Il
en est toujours ainsi, toute catastrophe est ambivalente : terrible pour certains,
bénéfique pour d’autres.
Fukushima n’est pas un événement spectaculaire et ramassé dans le temps, mais
est « spectraculaire » et dure dans le temps. En effet, un aléa nucléaire n’est pas
une catastrophe, il faut en fait inventer un autre terme pour le définir. C’est une
question de dramaturgie.
Fukushima et Tchernobyl sont la partie émergée d’un aléa. Chacun est une
catastrophe invisible, lente, diffuse et continuelle. Leurs éléments se diffusent
progressivement et pénètrent la terre, les animaux, les plantes et les esprits. Cela
ronge le bien-être moral, la relation symbolique avec le monde. Face à elle, on
s’abrite.
C’est une angoisse subtile, réactivée, inexorable. Cela réactive en effet une terreur
ancestrale de ce qui ne se voit pas mais existe, comme la peur des spectres, comme
Fukushima, aujourd’hui ville fantôme ou bien comme Pripiat en Ukraine.
Cela relève du risque, mais aussi du danger. Les parts spectaculaire et spectrale
sont conjointes, mi-physiques, mi-psychologiques et se conjuguent dans un nouveau
terme : « spectraculaire ».
Le rapport entre ces deux dimensions est mal connu, balançant entre psychologique
et somatique. On arrive à l’idée d’efficacité symbolique de Claude Lévi-Strauss, avec
« l’effet nocebo » de Fukushima : on ne sait pas si on va prendre des particules
nocives de Fukushima ; on pense être malade…
On retrouve l’idée de l’anthropologue Philippe Descola, idée de physicalité
s’opposant à l’intériorité (recto / verso), que toutes les sociétés partagent.
L’ordre éthologique (ce qui concerne toutes les formes de vie), dont le fondateur est
Jakob von Uexküll, concerne les mondes animal et humain.
En effet, c’est un monde extrêmement hostile dans lequel évoluent tous les animaux,
les humains, un monde interdépendant. Pour organiser cet environnement en milieu
aménagé, la réflexion est : « qu’est ce qui est le meilleur pour moi » ? Habiter est un
processus, un aboutissement, c’est-à-dire rendre l’environnement propice, favorable
(mental et physique).
Abriter est la perception d’une menace, l’échec de l’habiter, mais aussi la nécessité
de reconstruire un espace habitable.
II. Les différences culturelles majeures
FIG 2014 – Y. MOREAU – « Catastrophes : de l’habiter à l’abriter »
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Quand on habite un monde, on le charge de certaines considérations (par exemple,
dégradation morale / dégradation physique).
Habiter s’effectue par couches successives, ce que révèle notre langage avec : habit,
habitacle, habitat, habitus.
La corporalité de l’individu est faite des strates successives: toutes les strates de
l’habiter révèlent une culture et cachent d’autres choses. Ces strates nous protègent
des catastrophes. Nous occultons souvent les catastrophes culturelles sous la
catastrophe naturelle.
La Vague, Hokusai
Cette vague évoque notre rapport aux catastrophes. Sous la grande vague au large
de Kanagawa, on aperçoit une vingtaine de pêcheurs et le mont Fuji, en arrière-plan
(cela renvoie au territoire japonais).
Cela a un rapport avec le yin et le yang.
Cette vague n’est pas un tsunami, car cela ne menace pas le milieu humain (en
japonais, deux idéogrammes différencient le milieu marin et le port). Il y a un tsunami
quand cela entre dans le milieu humain, dans un habiter, et que cela devient une
menace pour les pêcheurs.
III. Habiter / abriter
Habere (d’où vient « habiter »), c’est « avoir » en latin.
Habiter renvoie également à l’idée de coexistence avec ce qui nous environne.
Habiter, c’est rendre favorable un milieu, milieu extensif jusqu’au bout. Ce milieu,
c’est à la fois le centre et l’ambiant.
Abriter, c’est être en sécurité dans l’abri, mais pas au-delà, car je suis en danger audelà de l’abri.
Actuellement, on tend à considérer notre environnement de manière suspicieuse.
Nous tendons vers de l’abriter plus que l’habiter, car il existe toujours la sensation
d’une catastrophe possible.
Compte rendu réalisé par Damien Boulonnais, académie de Reims.
FIG 2014 – Y. MOREAU – « Catastrophes : de l’habiter à l’abriter »
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