FIG 2014 – Y. MOREAU – « Catastrophes : de l’habiter à l’abriter » 2
I. Le cas des aléas nucléaire, situations où nous
considérons devoir nous abriter
Voir Médée-Fukushima, pièce de théâtre écrite par Yoann Moreau.
« Catastrophe » est un mot grec qui désigne le dénouement de la tragédie ; mais à
l’origine, la tragédie grecque peut avoir un dénouement favorable ou défavorable. Il
en est toujours ainsi, toute catastrophe est ambivalente : terrible pour certains,
bénéfique pour d’autres.
Fukushima n’est pas un événement spectaculaire et ramassé dans le temps, mais
est « spectraculaire » et dure dans le temps. En effet, un aléa nucléaire n’est pas
une catastrophe, il faut en fait inventer un autre terme pour le définir. C’est une
question de dramaturgie.
Fukushima et Tchernobyl sont la partie émergée d’un aléa. Chacun est une
catastrophe invisible, lente, diffuse et continuelle. Leurs éléments se diffusent
progressivement et pénètrent la terre, les animaux, les plantes et les esprits. Cela
ronge le bien-être moral, la relation symbolique avec le monde. Face à elle, on
s’abrite.
C’est une angoisse subtile, réactivée, inexorable. Cela réactive en effet une terreur
ancestrale de ce qui ne se voit pas mais existe, comme la peur des spectres, comme
Fukushima, aujourd’hui ville fantôme ou bien comme Pripiat en Ukraine.
Cela relève du risque, mais aussi du danger. Les parts spectaculaire et spectrale
sont conjointes, mi-physiques, mi-psychologiques et se conjuguent dans un nouveau
terme : « spectraculaire ».
Le rapport entre ces deux dimensions est mal connu, balançant entre psychologique
et somatique. On arrive à l’idée d’efficacité symbolique de Claude Lévi-Strauss, avec
« l’effet nocebo » de Fukushima : on ne sait pas si on va prendre des particules
nocives de Fukushima ; on pense être malade…
On retrouve l’idée de l’anthropologue Philippe Descola, idée de physicalité
s’opposant à l’intériorité (recto / verso), que toutes les sociétés partagent.
L’ordre éthologique (ce qui concerne toutes les formes de vie), dont le fondateur est
Jakob von Uexküll, concerne les mondes animal et humain.
En effet, c’est un monde extrêmement hostile dans lequel évoluent tous les animaux,
les humains, un monde interdépendant. Pour organiser cet environnement en milieu
aménagé, la réflexion est : « qu’est ce qui est le meilleur pour moi » ? Habiter est un
processus, un aboutissement, c’est-à-dire rendre l’environnement propice, favorable
(mental et physique).
Abriter est la perception d’une menace, l’échec de l’habiter, mais aussi la nécessité
de reconstruire un espace habitable.
II. Les différences culturelles majeures