l’image de son corps : elle passe son temps à demander à l’esthéticienne de lui épiler le corps.
Cette jeune esthéticienne qui ne demande qu’à bien faire l’épile, l’épile, l’épile partout
jusqu’au moment où elle n’en peut plus : c’est quand la malade lui demande de l’épiler à
l’intérieur de l’oesophage ! En fait, comme on le voit souvent dans la psychose, le corps est
capable de se retourner en doigt de gant par tous les orifices : il n’y a pas d’intérieur ni
d’extérieur.
Cette notion de manque d’enveloppe corporelle se retrouve encore dans ce
qu’on appelle le manque d’hygiène de ces patients. Ils sont souvent recouverts, lorsqu’ils
arrivent à l’hôpital, d’une couche de crasse. Cette couche de crasse leur assure une enveloppe
corporelle (on a vu tout à l’heure que la puanteur de la crasse assurait un territoire aussi). Et
c’est une agression phénoménale que de les laver autoritairement.
La maison c’est donc une métaphore de l’enveloppe corporelle.
A l’hôpital, lors des crises de dépersonnalisation, on prescrit au malade la
chambre d’isolement (dite de sécurité) et très souvent cette mesure, du fait qu’elle le
rassemble, est très calmante. De la même manière la chambre d’isolement calme le persécuté
en proie aux agressions insupportables de ses persécuteurs : Ces intrus qui lui parlent, qui
l’insultent le plus souvent, qui veulent le pénétrer, dont le regard le transperce. La chambre
d’isolement le protège de ses persécuteurs.
*La notion de « capacité d’être seul » (WINNICOTT)
Ces patients qu’on voudrait faire habiter ailleurs qu’à l’hôpital psychiatrique
souvent : ou n’ont jamais eu cette capacité d’être seul, ou l’ont perdue. C’est-à-dire qu’ils ont
besoin de la présence d’un équivalent maternel qui va pourvoir à leurs besoins vitaux
élémentaires et qui va les rassurer de par son immuabilité. Donc lorsqu’ils vont se retrouver seuls dans
leurappartement le soir, s’ils n’ont pas intériorisé l’absence de l’équipe infirmière de secteur
comme une présence symbolique, s’ils sont au stade du nourrisson qui s’il ne voit pas sa mère
pense qu’elle n’existe pas, les difficultés seront énormes.
Une équipe psychiatrique qui s’occupe de l’hébergement thérapeutique
(actuellement en France ce qu'on appelle hébergement thérapeutique est
dans le meilleur des cas un hébergement associatif) se sert du
logement comme d'un outil de soin. C'est grâce à ce qui va se passer
dans ce logement au quotidien qu'elle va « tricoter une relation » avec le
patient hébergé, que dans le lien elle va mobiliser quelque chose
chez ce patient qui va retrouver son histoire de sujet.
Des exemples – Des précautions : à partager ensemble
Parlons de notre tendance à être éducatifs
a) Lorsque nous allons à l'appartement de la personne que nous
accompagnons : l'insolite nous étonne, choses accumulées, mélangées, déposées là,
poussiéreuses, manifestement "en souffrance", amoncellements hétéroclites, déchets.
Comment ne pas bouleverser cet équilibre précaire ?
Quelle est la fonction de ces cendres de cigarettes disposées sur la table de
nuit, de ces chaussures usagées au cuir durci placées derrière le lit ? Immuables. Garantissent-elles
une relative stabilité, une sécurité, une ébauche de continuité, une présence ?
Sont-elles des bouts de corps dont le maniement est vécu comme violence
destructive (« arrêtez de me piétiner comme ça, respectez-moi », disent les voix du patient).
Il y a une règle absolue à respecter, c'est de ne pas ranger, de ne pas
modifier l'agencement des choses, en dehors de la présence de l'intéressé. Sans son accord, on
déclencherait la persécution, l’agitation clastique, le mutisme.
b) Le ménage
Je citerai Marie DEPUSSE*: [A la Borde] « des gens