une phénoménologie de la vie actuelle et une éthique de l’hospitalité
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. Les recherches
thématiques étant en bonne mesure déjà entamées, j’estime à un an le temps de cette écriture.
Voici quelques approches de la thématique :
Habiter un lieu en effet n’est plus une chose évidente ni peut être subsumé sous le fait de
simplement vivre quelque part.Pourquoi parle-t-on d’un « lieu habité » ? Il y a des lieux qui ne le
sont pas ? Comment choisissons-nous un endroit pour vivre, pour apprendre, pour aimer, pour
travailler, pour mourir ? Et une fois choisit, l’habitons-nous vraiment ?
Habitons-nous notre corps, notre demeure, notre quartier, notre ville ? Cités dortoirs, méga-
régions
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, mobilité, communications, voyages. A-t-on encore une terre natale, une patrie ? Et la
planète, l’habitons-nous vraiment ?
Autrefois, les gens portaient même le nom de l’endroit qu’ils habitaient, ils se reconnaissaient
comme natifs de tel ou tel, paroisse, chef-lieu, contrée… La révolution industrielle a déjà porté
un coup à cette ressource identitaire. Puis les mégapoles ont rompu le lien entre l’habitant et la
nature. La déterritorialisation, concept dû à l’intuition deleuzienne, est devenu une réalité.
Depuis que la mondialisation permet d’être connecté, de s’informer et même de travailler en
rapport avec des personnes qui habitent à l’autre bout de la planète…
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Vivre aujourd’hui, est-ce encore habiter quelque part ?
Et ceux qui « ne sont pas d’ici », ceux qui n’ont pas de « chez soi », comment habitent-ils ? Déjà
Kant avait entrevu un droit cosmopolite qui devrait s’imposer tôt ou tard: la planète n’étant pas
illimitée, nous sommes forcés de vivre les uns avec les autres
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. Certains se déterritorialisent, et
plongent dans un nomadisme stimulant et novateur (ses objets et ses medias culturels se
dématérialisent) ; d’autres, par précarité, par danger ou par étouffement, cherchent à habiter
quelque part, dans un lieu vivable. L’hospitalité n’est pourtant pas ce qui les attend de prime
abord. Et la mobilité, soit un vue de l’esprit, soit une contrainte.
Mais qu’est-ce qu’habiter, au juste ?
Habiter a un lien étymologique avec l’habitude (habitus), les coutumes, les mœurs (liés
d’ailleurs avec le terme « demeure »), et partant, avec la morale. L’habitus est aussi une
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On trouve l’inspiration chez Emmanuel Levinas, Totalité et infini, Essai sur l’extériorité, Paris, Le livre de poche,
Biblio Essais, 1996, p. 167.
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Concept développé par Richard Florida, Who’s is your city, ch. 3, Basic Books, New York, 2008.
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Le philosophe anglaisd’origineghanéen Kwame A. Appiah, parle d’un « cosmopolitismeenraciné »,
Cosmopolitanism: Ethics in a World of Strangers, Norton & Co. New York, New York, 2006.
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Kant, Vers la paix perpetuelle, Paris, Vrin, 2007.