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Université de Lausanne
Faculté des Lettres Section de philosophie
Chaire de philosophie générale et systématique
Cours de philosophie générale automne 2012
Professeur : R. Célis, Assistante : S. Burri
« Introduction aux philosophies de l’existence »
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra : l’épisode du funambule (Prologue § 6 & 7)
Dans le prologue de Ainsi parlait Zarathoustra, aux paragraphes 6 et 7, juste avant les trois
métamorphoses, intervient l’épisode du funambule. Ce qu’il faut retenir avec cette figure du
funambule, c’est l’importance que Nietzsche confère au caractère cosmique de cet événement. Le
passage est hyperbolique et les qualificatifs auxquels Nietzsche recours sont : « terrible »,
« horrible », « effrayant ». Il y a comme quelque chose d’inimaginable, d’irreprésentable dans la
scène. L’on voit ici qu’il faut prendre garde à ne pas considérer (comme cela a été fait de manière
erronée), la philosophie de Friedrich Nietzsche comme une philosophie de la dureté. Au contraire, à
lire de plus près cet épisode, l’on se rend compte qu’il relève d’une forte empathie du Zarathoustra
(qui est finalement celle de Nietzsche lui-même) à l’égard du funambule, de ce personnage de
cirque. La philosophie de Nietzsche s’articule toujours autour de la façon dont on évalue les choses
et, notamment, la vie et ses événements majeurs. Autrement dit, il s’agit de décider quelle valeur il
faut octroyer à la vie. Qu’est-ce qui fait qu’on peut dire ici de ce funambule ou de ce personnage de
crique que sa vie vaut plus ou moins la peine d’être vécue qu’une autre vie ?
La compassion est une thématique importante de l’œuvre de Nietzsche. Etre consolé ne veut pas
dire, à l’heure de la mort, que l’on a comme gagné quelque chose. De loin pas. Pour Nietzsche, la
vie ni ne se gagne, ne se perd. Une vie « réussie » consiste bien plutôt à faire ce pour quoi on a les
meilleures possibilités. Qu’est-ce qu’on peut donc enseigner de mieux que l’idée qu’il faut faire son
possible, aussi petit soit-il ? La consolation devant la mort est peut-être bien celle ci que de se dire
« J’ai été jusqu’au bout de mon possible, je l’ai accompli pleinement ». La pensée de Nietzsche
consiste à dire que les finalités ne sont pas d’emblée données. En d’autres termes, les buts sont pour
lui détruits et il n’y a plus, à l’époque du nihilisme, de buts absolus. Il ne reste plus que de petits
buts. La question essentielle est donc de se demander où puiser la valeur des choses.
« Des trois métamorphoses »
Le texte qui suit immédiatement le prologue, « Des trois métamorphoses » parle de cette
question de la valeur qu’il faut donner aux choses et à l’existence. C’est un texte condensé et subtil
qui est important pour comprendre cette question centrale de l’évaluation. Les trois figures qui sont
abordées dans ce passage sont celles du chameau, du lion et de l’enfant joueur.
La première chose qu’il nous faut souligner c’est qu’il ne faut pas entendre ici le terme de
métamorphose au sens il y aurait un changement radical qui annulerait la figure précédente. Au
contraire, dans la métamorphose les qualités de la figure qui précède ne se perdent pas
complètement. La métamorphose consiste à conserver aussi quelque chose de la figure précédente.
Mais qu’est ce qui caractérise, tout d’abord le chameau. Le chameau représente la figure qui se
pose la question de savoir qui il peut servir. C’est une question qu’il nous arrive de nous poser, celle
de savoir qui sont nos maîtres et qui nous devons servir. La réponse a cette question est loin d’être
évidente. En effet, à notre époque dominée par le nihilisme, nous ne pouvons plus servir les pères,
un Dieu ou la patrie puisque ceux-ci ont disparu. L’important est qu’il faudrait servir plus haut que
soi, le plus droit et le plus intelligent. Pour le chameau, il s’agit de savoir qui servir et aussi
d’honorer sa tâche jusqu’au bout. Autrement dit, il s’agit de nouveau de l’idée d’accomplir
pleinement sa tâche, et ceci dans la mesure de ses possibilités. La figure du chameau représente ici
celui qui assume cela et donc qui est digne dans la servilité. Il représente celui qui endure, qui
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traverse des déserts. Le chameau traverse des épreuves qui ne sont pas des moindres et sans eux,
ceux qu’ils servent ne subsisteraient pas dans le désert. Leurs compagnons qui sont leurs maîtres
sont parfois reconnaissant et manquent aussi parfois de reconnaissance. La figure du chameau
indique donc qu’il faut parfois beaucoup d’abnégation dans le fait de servir un maître. Toutefois,
cette abnégation est digne. Dans son ascétisme extraordinaire, le chameau montre l’importance de
pouvoir s’inventer, se choisir un maître.
Le lion est la figure qui dit « non ». Cela ne veut pas ici dire qu’il est moins enclin à rendre
service que le chameau ou qu’il est coupable de lâcheté. Il symbolise bien plutôt ce qui fait régner
l’ordre dans le chaos.
Quant à l’enfant jouer, il est celui qui affirme le « saint dire Oui ». Il est celui qui dit oui à la vie
et qui implique, par cette affirmation de la désirabilité de la vie « un oubli ». Il est celui qui
considère la vie comme un jeu, une roue qui tourne et qui possède cette capacité de toujours
recommencer.
Pour Nietzsche, ce qui caractérise l’être humain dans ce qu’il a de plus méprisable c’est son
besoin de consolation. Cette soumission est méprisable qu’il s’agisse d’une soumission au
règlement, à l’église, à l’état, etc…
Le ressentiment, lui aussi est méprisable. C’est même la clé de l’humain en tant qu’il est « trop
humain ». Le ressentiment est quelque chose de négatif que l’on développe le plus souvent
sournoisement pour déprécier cela même qui nous domine et pour remédier à nos propres failles. Le
ressentiment et le dénigrement représentent l’attitude la plus courante de l’homme commun, de
celui qui ne peut pas même accéder au rang ou au statut du chameau.
Compte-rendu de la séance du 11 décembre 2012
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