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Lacan insiste plus encore que Freud sur la différence entre rêve et folie. En
1955 (Séminaire 3), Lacan relit, dans « l’interprétation des rêves » de Freud, une
note sur les mécanismes de la psychologie du rêve où Freud cite John Hughlings
Jackson, neurologue (1835-1911) : « trouvez la nature du rêve et vous aurez trouvé
tout ce que l’on peut savoir sur la démence et la folie » (mécanismes de défense
dans la folie) (démence et folie sont associées en neurologie mais pas dans
l’approche psychanalytique). « C’est faux, commente Lacan, cela (rêve et folie) n’a
rien, cela manie sans doute les mêmes éléments, les mêmes symboles. On peut
trouver des analogies, mais cette perspective n’est pas la nôtre. Pourquoi un rêve
n’est-il pas folie et inversement ? Ce qu’il y a à définir dans la folie, c’est en quoi son
mécanisme déterminant (forclusion du NduP) n’a rien à voir avec ce qui se passe
chaque nuit dans un rêve ».
La forclusion du Nom-du-Père n’a rien en commun avec la logique du rêve,
elle ne suscite pas un retour du refoulé construit comme une formation de compromis
et déterminé par un désir ignoré ; ce sont les caractères du rêve. Elle tend à produire
une construction signifiante du délire qui vise à colmater une insupportable béance
dans le champ du symbolique (le champ du langage), une inadmissible absence de
garantie de tout discours (pas de vérité derrière ; repose sur un pari). Le rôle du
délire est de colmater un point d’énigme.
Le modèle onirique n’est nullement pertinent pour appréhender la logique du
délire. Outre les distinctions dégagées par Freud, il faut encore souligner les
différences suivantes :
- Les troubles du langage tels que néologisme, phrase interrompue,
coq-à-l’âne … ne se rencontrent pas dans les rêves, sauf exception
et de façon transitoire.
- Il n’est pas de règle que les rêves soient orientés vers l’appel à un
père pacificateur. Ils sont déterminés par l’accomplissement
symbolique d’un désir refoulé. La nécessité de l’appel au père peut
conduire le psychosé à une rupture radicale avec sa fantasmatique
et ses croyances antérieures (alors que dans le rêve, il est en prise
directe avec le fantasme). Les cas de Schreber et W.
Reich (psychanalyste militant communiste) en sont des exemples.
Ils se réfèrent à Dieu dans leurs délires alors qu’ils étaient
agnostiques avant (il faut remettre un père à sa place). Quand Reich
se met à délirer, il se prend pour le Christ. L’appel au père qui fait
démarrer le délire l’emmène sur une position subjective
radicalement opposée à ses convictions antérieures.
La psychose n’a pas de préhistoire, c’est une structure peu liée à
l’histoire du sujet.
- Les phénomènes élémentaires de la psychose sont particulièrement
décelables à l’orée des troubles. Par exemple : intuitions étranges
(Schreber : il serait bon d’être une femme subissant l’accouplement,
puis il l’accepte à condition d’être la femme de Dieu) , hallucinations