Les modifications du phénomène de Kant à Schopenhauer

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La méthode sociologique chez Durkheim (1858-1917)
Durkheim est considéré comme le fondateur de la sociologie en France et comme le
créateur d’un paradigme sociologique, souvent qualifié de « holisme ». Ses 4 grands ouvrages sont
par ordre chronologique de parution : De la division du travail social [1893], Les règles de la méthode
sociologique [1895], Le suicide [1897], Les formes élémentaires de la vie religieuse [1912].
Durkheim est le quatrième enfant d’une famille juive traditionnelle de condition modeste.
Son père est rabbin (les Durkheim sont rabbins à Epinal depuis au moins 1830), mais lui-même,
bien que destiné à cette fonction, n’a jamais poursuivi d’études à l’école rabbinique. Il est un
brillant élève et passe avec succès 2 baccalauréats (un de lettres et un de sciences) ; il prépare
ensuite l’ENS Paris où il aura pour condisciple Henri Bergson et Jean Jaurès avec lequel il se lie
d’amitié. Il y suit notamment les cours de Charles Renouvier, Emile Boutroux, Gabriel Monod. Il
est reçu à l’agrégation de philosophie en 1882. En 1885, il obtient une bourse d’étude avec
laquelle il part en Allemagne et ira notamment dans le laboratoire de psychologie de Wilhelm
Wundt. Emile Durkheim épouse Louise Dreyfus avec laquelle il aura deux enfants : Marie et
André qui sera tué sur le front Serbe durant la Grande Guerre, un an avant le propre décès de
Durkheim.
I- S’opposer pour exister ou la sociologie négative de Durkheim
Lorsque Durkheim prend rang dans le petit monde des sociologues, la discipline est
marquée par une pluralité d’approches différentes de celle adoptée par Durkheim : celle de
Frédéric Le Play (1806-1882), de René Worms (1869-1926), de Gabriel Tarde (1843-1904).
Toutes seront ostensiblement délaissées par Durkheim, préférant présenter sa contribution par
rapport à celles de Comte et de Mill. Ainsi, après la dénégation, l’opposition.
a- Se défaire de la sociologie de l’histoire
Bien qu’il accepte les apports de Comte (créateur du néologisme « sociologie » en 1839),
lorsqu’il est question de la spécificité de la sociologie en tant que science, Durkheim entend se
défaire le plus nettement possible de la perspective adoptée par Comte. Celui-ci avait posé le
problème de l’approche « positive » de la société (recherche des lois unissant les phénomènes les
uns aux autres), en distinguant entre d’un côté la statique sociale (étude des conditions d’existence
de la société), et de l’autre la dynamique sociale (étude des lois du progrès). L’explication
sociologique prenait donc deux dimension dans la conception comtienne : un phénomène était
expliqué, soit en étant considéré comme élément fonctionnel dans un état social donné, soit en
étant situé comme un maillon nécessaire dans l’histoire continue de l’humanité.
b- Se défaire de la psychologie introspective
Dès 1843, Mill expliquait que les sciences sociales supposaient l’existence de régularités
dans l’action humaine, ou encore de lois invariables du comportement humain à partir desquelles
il était possible d’expliquer les régularités et de prédire le cours ultérieur des actions. Mill, à la
différence de Comte estimait donc que la psychologie ou l’éthologie (science des lois de la
formation des caractères), était la base de la sociologie. Une telle idée était présente chez de
nombreux psychologues et chez certains sociologues dans la période où Durkheim intervient.
Durkheim adopte le point de vue de ceux qui renouvellent la psychologie (à l’exemple de
Théodule Ribot), en critiquant sans ménagement l’idée que l’observation intérieure, l’observation,
puisse servir à quoi que ce soit en un tel domaine. En revanche, comme Tarde, il se sépare de
Ribot lorsque celui-ci fait de la psychologie une physico-psychologie où le mental est conçu
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comme un phénomène d’ordre biologique. Mais il se sépare de Tarde quand celui-ci veut fonder
la sociologie en tant que psycho-sociologie, c’est-à-dire en tant que psychologie intermentale ou
interpsychologie.
Pour Durkheim, le social est donc quelque chose de spécifique que l’on ne saurait expliquer
ni par l’introspection, ni par l’étude des relations existant entre les psychologies individuelles. Le
social est un objet spécifique, non réductible à une quelconque psychologie individuelle, et un
objet aux variations infinies ; pour s’en saisir, il faut l’isoler théoriquement et trouver des
principes d’explication rationnels, à même de rendre compte des variations par lesquels l’histoire
nous apprend que cet objet est passé.
II- La logique des Règles de la méthode sociologique
Durkheim souhaite établir la sociologie comme science expérimentale autonome, qui ne se
trouve ni sous la dépendance d’une psychologie (comme il le reproche à Mill et surtout à Tarde),
ni sous la dépendance d’une biologie (comme il le reproche à Worms), ni encore sous celle de
l’histoire, ou pire d’une philosophie de l’histoire (comme il le reproche à Comte).
Mais avant de se demander quelle méthode convient à l’étude des faits sociaux, il faut
d’abord et avant tout se poser la question : qu’est-ce qu’un fait social ? L’objectif, pour Durkheim,
est d’isoler clairement le domaine du social de celui du biologique et du psychologique, à défaut
de quoi une science spécifique la sociologie ne saurait être justifiée.
a- Définition
Les faits sociaux ne sont pas purement et simplement des faits qui se déroulent dans la
société, mais plus spécifiquement « consistent en des manières d’agir, de penser et de sentir,
extérieures à l’individu, et qui sont douées d’un pouvoir de coercition en vertu duquel ils
s’imposent à lui » (Règles, I, p.5). Les faits sociaux sont donc caractérisés par 3 éléments
essentiels
Le 1er c’est qu’ils consistent en des représentations et des manières d’agir. De ce fait, ils ne
sauraient se confondre avec les phénomènes biologiques. Ainsi, s’alimenter n’est pas un fait
social, mais utiliser tel type de couverts (fourchettes, baguettes, voire manger avec les mains)
constitue une façon de faire sociale.
Le 2nd c’est qu’ils sont extérieurs à l’individu, qu’ils existent en dehors des consciences
individuelles. En effet, ces manières de faire, de penser et de sentir, l’individu les trouve toutes
faites en naissant ; or si elles lui préexistent, c’est qu’elles existent en dehors de lui. Ex : les
croyances et pratiques religieuses ; le système de signes ; le système monétaire. Ainsi, ils ne
peuvent pas non plus se confondre avec les phénomènes psychologiques, « lesquels n’ont
d’existence que dans la conscience individuelle et par elle » (Règles, I, p.5). Ces faits constituent
donc une espèce nouvelle et « c’est à eux que doit être donnée et réservée la qualification de
sociaux » (Règles, I, p.5). En effet, n’ayant pas l’individu pour substrat, ils ne peuvent en avoir
d’autre que la société, soit dans son ensemble (l’Etat-nation), soit une société particulière
quelconque qu’elle renferme (Ex : confession religieuse, parti politique, corporation
professionnelle, famille, etc.).
Le 3ème c’est qu’ « ils sont doués d’une puissance impérative et coercitive en vertu de
laquelle ils s’imposent à [l’individu], qu’il le veuille ou non » (Règles, I, p.4)
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. Si, généralement, nous
ne ressentons pas cette contrainte, c’est parce que, de plein gré, nous tenons les rôles sociaux en
conformité à ce que l’on attend de nous ; c’est seulement lorsque nous allons à l’encontre des
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Durkheim dit plus loin que les faits sociaux « consistent comme en des moules en lesquels nous sommes
nécessités à couler nos actions » (Règles, II, 1, p.29)
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règles sociales que la contrainte se fait sentir. Ainsi, dans les cas contraires, elle doit également
exister quoique de façon « inconsciente ». « Nous sommes alors dupes d’une illusion qui nous fait
croire que nous avons élaboré nous-même ce qui s’est imposé à nous du dehors. Mais, si la
complaisance avec laquelle nous nous y laissons aller masque la poussée subie, elle ne la supprime
pas. C’est ainsi que l’air ne laisse pas d’être pesant quoique nous n’en sentions plus le poids »
(Règles, I, p.7). Le paradoxe apparent contenu dans la double affirmation du caractère
contraignant du social et de la non-conscience de cette contrainte, est résolu par le processus de
socialisation que rend possible l’éducation. Il existe, en effet, un processus d’apprentissage au
moyen duquel nous apprenons à agir en conformité à ce que l’on attend de nous, sans être
perpétuellement soumis à une injonction ou à la pénible obligation de réfléchir à ce qu’il convient
de faire. L’éducation est un effort continu qui tend à produire l’être social. « Si, avec le temps,
cette contrainte cesse d’être sentie, c’est qu’elle donne peu à peu naissance à des habitudes, à des
tendances internes qui la rendent inutile, mais qui ne la remplacent que parce qu’elles en
dérivent » (Règles, I, p.8).
Un autre élément caractéristique des faits sociaux se surajoute aux précédents : « le fait
social est distinct de ses répercussions individuelles » (Règles, I, p.9). Ainsi, le fait social est
distinct des formes qu’il prend en se réfractant chez les individus. Cette dissociation n’étant pas
toujours immédiatement donnée à l’observation, c’est la statistique qui nous fournit le moyen
d’isoler le fait social dans sa pureté en le dégageant de sa gangue empirique et particulière. En
effet, les faits sociaux qui comme le mariage, le suicide, ou la natalité « semblent inséparables des
formes qu’ils prennent dans les cas particuliers », sont figurés « non sans exactitude, par le taux de
la natalité, de la nuptialité, des suicides » (Règles, I, p.9-10). « Car, comme chacun de ces chiffres
comprend tous les cas particuliers indistinctement, les circonstances individuelles qui peuvent
avoir quelque part dans la production du phénomène s’y neutralisent mutuellement et, par suite,
ne contribuent pas à le déterminer. Ce qu’il exprime, c’est un certain état de l’âme collective »
(Règles, I, p.10). Les manifestations privées, en tant qu’elles reproduisent en partie un modèle
collectif, sont bien quelque chose de social ; mais chacune d’elles dépend aussi, et pour une large
part, de la constitution psychophysiologique de l’individu, des circonstances particulières dans
lesquelles il est placé. Elles ne sont donc pas des phénomènes proprement sociologiques. Elles
tiennent à la fois aux deux règnes ; « on pourrait les appeler socio-psychiques ». C’est pourquoi
l’on peut dire que : « toute contrainte sociale n’est pas nécessairement exclusive de la personnalité
individuelle » (Règles, I, p.6).
Sans doute, doit-on ajouter, le fait social a besoin d’être général pour être étudié. Mais
s’opposant à la conception de Tarde selon laquelle le social résulte des comportements
individuels d’imitation, Durkheim explique que le fait social se généralise parce qu’il est
contraignant. C’est parce qu’il est social, c’est-à-dire obligatoire qu’un fait se généralise et non
l’inverse. « C’est un état du groupe, qui se répète chez les individus parce qu’il s’impose à eux. Il
est dans chaque partie parce qu’il est dans le tout, loin qu’il soit dans le tout parce qu’il est dans
les parties » (Règles, I, p.10).
Ainsi, de ce qui précède, Durkheim nous indique 2 manières de repérer un fait social : soit
en recherchant directement ce qui en constitue le signe (la sanction qui frappe celui qui
contrevient aux règles sociales), soit en cherchant les faits généraux.
b- Observation Vs. Introspection
Les hommes n’ont pas attendu l’existence de la sociologie pour avoir des idées sur la
société. Celles-ci forment la connaissance spontanée ou encore ce que Durkheim, reprenant un
terme de Bacon, appelle les prénotions et qui sont « comme un voile qui s’interpose entre les
choses et nous et qui nous les masque d’autant mieux qu’on le croit plus transparent » (Règles, II,
1, p.16). Pour Durkheim, ces idées, comme toute autre représentation ou système socialement
formé, sont des objets de la sociologie, mais elles ne peuvent en aucun cas servir à la constituer
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en tant que science. La sociologie doit se construire en s’opposant à la connaissance
spontanée. Toutefois, cette rupture n’est pas aussi simple à faire qu’il y paraît, car la
connaissance spontanée possède une redoutable capacité à infiltrer les raisonnements
scientifiques. En effet, ces idées, du fait de l’habitude, de la tradition, acquièrent une autorité sur
tous les individus ; et le scientifique n’y échappe ni au niveau de la définition de son travail ni aux
différents moments de la démonstration, et il doit faire un effort constant pour se soustraire à
cette connaissance spontanée. Durkheim dira même que la sociologie a jusque là « plus ou moins
exclusivement traité non des choses, mais des concepts » (Règles, II, 1, p.19), visant d’une part
Comte et son évolutionnisme, et d’autre part Spencer qui fait de la coopération l’essence de la vie
sociale. En effet, tout deux donnent, de l’objet de la sociologie, une définition qui fait évanouir la
chose dont ils parlent pour en mettre à la place la prénotion qu’ils en ont. Il n’y a pas alors de
rupture avec les prénotions, mais il y a seulement une élaboration savante de ces prénotions, ce
que Durkheim appelle l’idéologie. Cette emprise des prénotions concerne non seulement la
sociologie générale, mais également certaines de ses branches comme par exemple l’économie
politique ou la morale. La partie théorique de cette dernière étant réduite à des spéculations
abstraites sur l’idée du devoir, du bien et du droit, elle ne peut prétendre constituer une science.
Car, en effet, ses spéculations n’ont pas pour objet de déterminer ce qui est, en fait, la règle
suprême de la moralité, mais ce qui doit être.
Or, ce qui nous est donné ce n’est pas telle ou telle conception de l’idéal moral mais
« l’ensemble des règles qui déterminent effectivement la conduite » (Règles, II, 1, p.28), c’est
pourquoi, pour Durkheim, les phénomènes sociaux doivent être traités comme des choses.
« Il nous faut donc considérer les phénomènes sociaux en eux-mêmes détachés des sujets
conscients qui se les représentent ; il faut les étudier du dehors comme des choses extérieures ;
car c’est en cette qualité qu’ils se présentent à nous » (Ibid.). En traitant les phénomènes sociaux
comme des choses, Durkheim veut accomplir en sociologie, la grande révolution qui s’est opérée
en psychologie en passant du stade subjectif, dont le mode de connaissance est régi par
l’introspection et dont la conséquence est l’idéologie (en tant qu’élaboration savante des
prénotions), à la phase objective dont le leitmotiv est l’observation. « Les faits que l’on n’observe
que sur soi-même sont trop rares, trop fuyants, trop malléables pour pouvoir s’imposer aux
notions correspondantes que l’habitude a fixées en nous et leur faire la loi » (Règles, II, 1, p.29).
C’est pourquoi, nous dit Durkheim, ni Locke, ni Condillac n’ont considéré les phénomènes
psychiques objectivement. « Ce n’est pas la sensation qu’ils étudient, mais une certaine idée de la
sensation » (Règles, II, 1, p.30).
En considérant que « les phénomènes sociaux sont des choses et doivent être traités
comme des choses » (Règles, II, 1, p.27), Durkheim a suscité une vive polémique. Mais cette
formulation ne signifie pas que le monde social est identique au monde naturel puisqu’il consiste
en des représentations collectives. Traiter les faits sociaux comme des choses ne signifie donc pas
leur dénier une signification cognitive et psychologique ; cela veut dire que le sociologue, à l’instar
du physicien, doit les considérer comme des choses extérieures dont il ignore la structure.
« Qu’est-ce en effet qu’une chose ? La chose s’oppose à l’idée comme ce que l’on connaît du
dehors à ce que l’on connaît du dedans » (Règles, Préface, p. XII). Considérer les faits sociaux de
cette manière c’est donc prendre pour principe qu’on ne peut pas découvrir ce qu’il sont et
quelles en sont les causes par la simple introspection, mais uniquement par voir d’observations et
d’expérimentations.
Ainsi, après s’être systématiquement écarté de toute prénotion et avoir tourné son attention
vers les faits, le sociologue doit définir les choses dont il traite afin que chacun sache de quoi il est
question. En outre, cette définition doit exprimer les phénomènes en fonction non d’une idée de
l’esprit, mais de propriétés qui leur sont inhérentes. D’où cette règle : « Ne jamais prendre pour objet
de recherches qu’un groupe de phénomènes préalablement définis par certains caractères extérieurs qui leur sont
communs et comprendre dans la même recherche tous ceux qui répondent à cette définition » (Règles, II, 1, p.35).
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Par cette définition provisoire mais précise, « le sociologue, dès sa 1ère démarche, prend
immédiatement pied dans la réalité » (Règles, II, 1, p.36). Cette définition constitue un point de
départ à cette construction théorique mais ne préjuge pas de la réalité étudiée puisqu’elle « ne
saurait avoir pour objet d’exprimer l’essence de la réalité ; elle doit seulement nous mettre en état
d’y parvenir ultérieurement » (Règles, II, 1, p.42). Par ailleurs, sans cette définition préliminaire, on
ne peut savoir ce qui relève ou non du champ d’application d’une théorie, d’où l’incapacité dans
laquelle on se trouve pour administrer la preuve. Enfin, tous les faits correspondant à la
définition retenue doivent être étudiés. Il ne saurait être question d’en exclure certains,
notamment ceux que l’on qualifie de pathologiques (ceux qui n’ont pas un caractère de généralité
dans une société donnée), à la fois parce que les faits pathologiques aident à comprendre les faits
normaux, et, parce que laisser l’opportunité d’exclure de tels faits ouvre la porte aux définitions
qui ne rompent pas avec le sens commun.
C- Classification
Les historiens, dit Durkheim, ne conçoivent que des faits sociaux hétérogènes,
incomparables entre eux parce qu’il s’agit de faits sociaux uniques. Pour les philosophes, au
contraire, n’a de réalité que les attributs généraux de la nature humaine. Pour les 1er l’histoire n’est
qu’une suite d’évènements qui s’enchaînent sans se reproduire et pour les 2nd ces mêmes
évènements n’ont de valeur et d’intérêt que comme illustration des lois inscrites dans la
constitution de l’homme. Or, Durkheim considère que la méthode scientifique doit échapper à
cette alternative, qu’elle ne doit ni emprunter la voie sans issue parce que sans fin des
monographies portant sur une poussière de faits dénués de liens, ni repousser la multiplicité des
faits : « entre la multitude confuse des sociétés historiques et le concept unique, mais idéal, de
l’humanité, il y a des intermédiaires : ce sont les espèces sociales » (Règles, IV, p.77)
Mais comment faire pour constituer ces espèces ? Il faut « substituer aux faits, qui ne sont
démonstratifs qu’à condition d’être très nombreux et qui, par suite, ne permettent que des
conclusions toujours suspectes », des faits choisis, des faits décisifs ou cruciaux qui ont une valeur
scientifique exemplaire indépendamment de leur nombre. « Il faut que [cette classification] soit
faite, non d’après un inventaire complet de tous les caractères individuels, mais d’après un petit
nombre d’entre eux, soigneusement choisis » (Règles, IV, 1, p.80). Pour ce faire, Durkheim,
s’inspirant de Spencer, propose de partir de la société élémentaire, de la société la plus simple
puisque selon lui « les sociétés sont composées de parties ajoutées les unes aux autres » (Ibid.).
Cette société (la horde puis le clan) est l’aliment où puisent toutes les autres et il n’y aplus qu’à
rechercher systématiquement les différentes combinaisons dans lesquelles les clans sont
susceptibles d’entrer pour obtenir la gamme finie des types de sociétés humaines. Ces types
forment les cadres à partir desquels il est possible de comparer les faits sociaux appartenant à des
sociétés différentes : « La méthode comparative serait impossible s’il n’existait pas de types
sociaux, et elle ne peut être utilement appliquée qu’à l’intérieur d’un même type » (FE, 133).
d- Explication
La constitution des espèces est avant tout un moyen de grouper les faits pour en faciliter
l’interprétation ; la morphologie sociale
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est un acheminement à la partie vraiment explicative de
la science. Mais quelle est la méthode propre à cette dernière ?
Durkheim rejette sans ménagement les explications utilitaristes et psychologiques du social.
La plupart des sociologues, nous dit-il, croient avoir rendu intelligibles les faits sociaux quand ils
ont montré à quel besoin social ils apportent satisfaction. Or, le besoin ne crée pas la structure
sociale. Faire voir l’utilité d’un fait n’est pas expliquer comment il est né ni comment il est ce qu’il
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La morphologie sociale est « la partie de la sociologie qui a pour tâche de constituer et de classer les types
sociaux » (Règles, IV, 1, p.81)
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