Confère 2005
L’évaluation des savoirs
Vers une nouvelle méthode d’évaluation
des partenaires dans un projet d’innovation ?
Caroline Prat-Perret* Jean-Claude Bocquet*
* Laboratoire Génie Industriel, Ecole Centrale de Paris
Grande voie des Vignes, F-92295 Châtenay-Malabry
{caro, bill}@lgi.ecp.fr
RÉSUMÉ. L’objet du présent article est de proposer une méthode d’évaluation des partenaires dans un projet
d’innovation, basée sur l’évaluation de leurs savoirs. La méthode proposée ne remplace en rien les évaluations
classiques, telle l’évaluation financière, mais elle propose d’évaluer la capacité des partenaires à innover car
qui dit innovation, dit connaissances et compétences nouvelles. L’évaluation des savoirs des partenaires semble
donc être un passage obligé afin de déterminer la capacité des partenaires à mener au bout le projet
d’innovation avec les contraintes de qualité, de coût et de délai imposées par le marché.
ABSTRACT. The object of this present article is to propose a method of evaluation of partners in a project of
innovation, based on the evaluation of their knowledge. The proposed method does not replace classic
evaluations, such as financial assessment, but it suggests evaluating the capacity of the partners to innovate
because innovation means new knowledge and new skills. The evaluation of partners’ knowledge seems to be an
obliged way to determine their capacity to go through with the project of innovation with the constraints of
quality, cost and time imposed by the market.
MOTS-CLÉS : Evaluation, savoir, connaissance, savoir-faire, compétence, partenaire, innovation, projet.
KEYWORDS: Evaluation, assessment, knowledge, know-how, partner, innovation, project.
L’évaluation des savoirs p2
1. Introduction
« Dans la compétition mondiale, la capacité d’innover est devenue un facteur de compétitivité. L’innovation
devient alors une constante dans la stratégie de l’entreprise. Pour préserver leur croissance, leur compétitivité et
l’emploi, les entreprises doivent traduire les idées nouvelles en succès techniques et commerciaux et pondre
aux exigences dictées par le client. De façon générale deux indicateurs du potentiel d’innovation des pays sont
utilisés : le dépôt de brevets et la part du PIB consacrée à la recherche et développement », (LOPEZ MONSALVO,
1998). Mais à un niveau plus micro, ces indicateurs ne sont pas adaptés à l’évaluation d’entreprise. En effet,
diverses méthodes d’évaluation d’entreprise existent : les unes qualitatives, les autres quantitatives, certaines
mixtes, mais avant d’utiliser une méthode plutôt qu’une autre, il faut connaître le contexte de cette évaluation :
est-ce pour un rachat, une fusion, une alliance, un partenariat, une sous-traitance, etc. ?
Dans le cas d’un partenariat de recherche, certes la stabilité financière de l’entreprise est importante, mais
pour innover ce sont les niveaux de connaissance et de compétence (point de vue statique) et la capacité
d’apprentissage (point de vue dynamique) de l’entreprise partenaire qui doivent être évalués. En résumé,
l’entreprise partenaire sera-elle capable de mener au bout le projet d’innovation avec les contraintes de qualité,
de coût et de délais imposées par le marché ?
Après avoir expliqué l’émergence de la problématique, nous présenterons l’analyse fonctionnelle du système
d’évaluation des savoirs des partenaires dans un projet d’innovation qui permettra d’aboutir à la proposition
d’une méthode d’évaluation des savoirs, puis nous conclurons et proposerons des perspectives.
2. Emergence de la problématique
Les entreprises évoluent dans des environnements de plus en plus turbulents. Ce concept de turbulence,
apparu dans les années 60 avec (EMERY et TRIST, 1964) et (TERREBERRY, 1968), popularisé par (DRUCKER,
1969) et (TOFFLER, 1981), est défini par (GUEGUEN, 1998) comme « un enchaînement d’évènements plus ou
moins espacés dans le temps, plus ou moins favorables mais imprévisibles quant à leur ampleur et suffisamment
nouveaux pour entraîner un impact, perçu par les membres de l’organisation, qui conduit à une reconsidération
des capacités de la firme du fait de la gêne occasionnée ».
A l’origine de la théorie de la contingence environnementale, (BURNS et STALKER, 1961), (LAWRENCE et
LORSCH, 1967) ont travaillé sur la cohérence entre la stratégie ou la structure d’une organisation et son
environnement caractérisé par :
la complexité, due à l’hétérogénéité et à l’étendue des activités d’une organisation, (DESS et BEARD,
1984) ;
l’incertitude, causée par le manque d’informations sur les facteurs environnementaux rendant
impossible l’estimation de probabilités des différents évènements possibles, (DEMSETZ, 1998) ;
le dynamisme, entraînant l’absence de modèles et renforçant le caractère imprédictible de
l’environnement, (DESS et BEARD, 1984).
(JOFFRE et KOENIG, 1992) ont analysé différents comportements stratégiques : la coopération, l’évitement et
l’affrontement. (GUEGUEN, 2001) s’est basé sur ces travaux afin de définir quatre stratégies en fonction des trois
caractéristiques de l’environnement précédemment identifiées :
La stratégie de pérennisation collective (environnement complexe et incertain)
L’entreprise essaye de nouer des relations avec ses concurrents ou une partie d’entre eux. Plutôt que
d’affronter sans cesse l’hostilité des concurrents, elle préfère essayer de calmer les relations avec les
différentes parties en présence sur le secteur d’activité. Elle serait favorable à un code de bonne
conduite entre les différentes entreprises.
La stratégie de positionnement (environnement complexe et dynamique)
L’entreprise essaye de se situer sur une niche dans un marché qu’elle connaît. Elle connaît bien son
métier et son objectif est de le développer en gardant ses spécificités. Elle préfère se positionner sur
un segment précis.
La stratégie de souplesse organisationnelle (environnement incertain et dynamique)
L’entreprise essaye de s’adapter aux fluctuations de la demande et à la concurrence. Elle est flexible
et essaye de suivre les changements rencontrés par le biais d’une redéfinition des tâches des
employés. Elle préfère réagir aux changements.
L’évaluation des savoirs p3
Marché
potentiel
Invention
et/ou modèle
analytique
Développement
Client marché
Production
Connaissance
Recherche
f
f
f
C
C
C
F
F
F
I
2
3
R
1
K
2
3
4
R
1
K
2
3
4
R
La stratégie entrepreneuriale (environnement complexe, incertain et dynamique)
L’entreprise essaye d’innover fréquemment. Il n’est pas rare qu’elle propose des produits nouveaux
ou qu’elle s’adresse à de nouveaux types de clients. Elle préfère devancer le changement quitte à
prendre des risques.
Dans la compétition mondiale, de nombreuses d’entreprises se situent dans des environnements complexes,
incertains et dynamiques, et adoptent une stratégie entrepreneuriale l’innovation est le maître mot (NAMAN et
al., 1993) (MORRIS et al., 1995) (DAVIS et al., 1991) (MILLEN et al., 1983) (ANSOFF, 1989) (ANSOFF et al.,
1990).
Mais qu’est ce que l’innovation ? La définition retenue est celle de l’(Organisation de Coopération et de
Développement Economiques, 1996) : « l’innovation est le processus qui permet de transformer une idée en un
produit ou un service vendable nouveau ou amélioré, ou en une nouvelle façon de faire. Le processus
d’innovation couvre toutes les activités scientifiques, techniques, commerciales et financières nécessaires pour
aller jusqu’au succès de la commercialisation du produit ou du service nouveau ou jusqu’à la mise en place
effective de la nouvelle façon de faire ».
Longtemps décrit comme linéaire, le processus d’innovation a été remis en cause par (KLINE et ROSENBERG,
1986) et modélisé par « un circuit étroitement lié à la connaissance et nécessitant de multiples itérations »
(SINCHOLLE et al., 2003). « Plusieurs chemins mènent à un nouveau produit : à partir d’une chaîne centrale
(étapes de conception qui se succèdent par des évolutions C) et par des rétroactions courtes (feed back f) ou
longues (feed back F) les innovateurs vont construire un processus de travail adap au contexte. Ils
collaboreront avec les chercheurs (liens D et K) tout au long du projet (même après le lancement : lien I) »
(BOLLY, 2004) (figure 1).
Figure 1. Modèle de liaison en chaîne du processus d’innovation (Kline et al., 1986)
(BOLLY, 2004) fait le lien entre innovation et vision de l’environnement : « l’innovation se définit comme un
espace à conquérir par des ajustements et des adaptations d’outils et de modes opératoires d’une part et
d’organisation d’autre part. L’entreprise se déplace alors vers des domaines favorables et nouveaux. […]
L’innovation apparaît alors comme un espace d’opportunités que l’on peut investir de différentes manières et
avec des atouts très divers. L’intérêt du partenariat en innovation se déduit immédiatement de cette vision : il
s’agit d’un mode d’accès collectif à un espace d’opportunités. La différence entre un système industriel innovant
et un système plus traditionnel relèverait donc en particulier dans l’aptitude à lire les opportunités de
l’environnement ».
L’innovation reposant sur la connaissance et la recherche (figure 1), l’évaluation des savoirs des partenaires
dans un projet d’innovation doit tenir compte des connaissances, des compétences et de la capacité
d’apprentissage des partenaires. « " Il n’est de richesse que d’hommes " « La maxime de Jean Bodin était vraie
au XVIème siècle, époque où la richesse de la France se mesurait avant tout au nombre de bras disponibles pour
son agriculture. Elle l’est encore bien plus aujourd’hui, alors que la France est devenue un acteur à part entière
d’une économie moderne fondée sur le savoir et l’intensification des échanges de toutes sortes » (CHARZAT,
2001). Après avoir réalisé l’analyse fonctionnelle du système d’évaluation des savoirs, une méthode d’évaluation
des savoirs des partenaires dans un projet d’innovation sera proposé.
L’évaluation des savoirs p4
A qui rend service le système ?
Sur quoi agit le système ?
A ceux qui évaluent :
Acteurs du management
A ceux qui innovent :
Acteurs du BE
Evaluation des savoirs
Dans quels buts le système existe-t-il ?
Connaître le niveau de savoir des acteurs potentiels au moment de l’évaluation
(connaissances et compétences)
Anticiper leurs capacités à évoluer dans le temps (capacité d’apprentissage)
Vérifier l’adéquation entre le niveau de savoirs des acteurs potentiels du BE et
les besoins pour développer le nouveau produit
Piloter les projets et les acteurs du BE
Savoirs externes
3. Analyse fonctionnelle du système d’évaluation des savoirs des partenaires dans un projet d’innovation
L’analyse fonctionnelle est une méthode permettant d’identifier, d’exprimer et de caractériser les fonctions
d'un produit ou système ou processus. Cette méthode fait abstraction des solutions, s’oriente sur les finalités et
exprime les besoins en termes de fonctions que le produit ou système ou processus doit remplir afin de satisfaire
les besoins de l’utilisateur. Cette méthode nous a paru la plus pertinente pour modéliser notre système
d’évaluation des savoirs des partenaires dans un projet d’innovation. Elle se décompose en trois étapes :
3.1. Définition du besoin fondamental
La « bête à cornes » (figure 2) est un outil permettant d’exprimer le besoin fondamental en posant trois
questions sur le système à étudier.
Figure 2. Bête à corne du système d’évaluation des savoirs des partenaires dans un projet d’innovation
3.2. Le cycle de vie du système
Le cycle de vie (figure 3) permet de décrire les différentes phases du système.
Figure 3. Cycle de vie du système d’évaluation des savoirs des partenaires dans un projet d’innovation
Utilisation du système d’évaluation des savoirs
Evolution du système d’évaluation des savoirs
1
2
0
L’évaluation des savoirs p5
FP1
Dans quel but ?
A cause de quoi ?
Pour…
Parce que…
Alternatives
Émettre
une stratégie
Ce qu’est le système
Ce que fait le système
Comment le système évolue
Évaluation
des savoirs
Evaluation des savoirs
FP6
Innover
FP7
FP2
FP3
FP4
FP5
FC1
Management
du système d’évaluation
Acteur(s)
Stratégie de l’entreprise
Stratégie
Savoirs externes
à l’entreprise
Savoirs
Projets d’innovation
Acteurs du BE
Management
Acteurs du
management
FP1
3.2. La recherche de solutions
Le diagramme pieuvre (figure 4) est un outil de représentation des fonctions d'un produit ou système ou
processus et de leurs relations. Ce diagramme est constitué du produit ou système ou processus et des éléments
de son milieu environnant. Le diagramme fait apparaître les fonctions entre les éléments du milieu environnant
et le système. Les Fonctions de Service se déclinent en deux catégories :
Fonctions Principales : expression même du besoin, ces fonctions justifient la création du système ;
Fonctions Contraintes : actions ou/et réactions du système par rapport au milieu extérieur.
Figure 4. Diagramme pieuvre du système d’évaluation des savoirs des partenaires dans un projet d’innovation
Dans notre système d’évaluation des savoirs, huit fonctions ont été identifiées :
FP1 : Exprimer le besoin
FP2 : Identifier les savoirs candidats
FP3 : Evaluer les savoirs
FP4 : Choisir les savoirs pertinents
FP5 : Apprendre
FC1 : Contrôler la conformité des savoirs en fonction des besoins
FP6 : Faire évoluer le système d’évaluation en fonction de l’évolution des savoirs
FP7 : Faire évoluer le système d’évaluation en fonction de l’évolution des critères
Phase 1 :
Utilisation du système
d’évaluation des savoirs
Phase 2 :
Evolution du système
d’évaluation des savoirs
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