1
Question sur le corpus
Dans les quatre extraits qui nous sont présentés, nous avons tout d’abord un texte extrait d’On ne
badine pas avec l’amour écrit par Alfred de Musset en 1834. Nous avons également un extrait de Cyrano
de Bergerac, écrit en 1897 par Edmond Rostand. Dans ces deux textes les deux personnages ne sont pas
en couple. Puis nous avons un texte intitulé Le Dindon écrit par George Feydeau et publié en 1896. Et
enfin un texte de Jean Giraudoux intitulé Amphitryon 38, il a été publié en 1929. Dans ces deux textes, les
femmes sont en couples et sont fidèles à leur mari. Nous nous demanderons quelles sont les différentes
situations amoureuses mises en scène dans ces quatre extraits ainsi que les différentes conceptions de
l’amour qu’elles révèlent.
Premièrement, ces quatre textes mettent en scène différentes situations amoureuses. Dans Le
Dindon de Georges Feydeau ainsi que dans Amphitryon de Jean Giraudoux, les deux femmes ont un mari
et leur sont fidèles mais sont courtisées pourtant par des hommes amoureux. On le voit par
l’exclamation « Alors, vous n’admettez pas qu’une femme puisse être une épouse fidèle ! » l. 3, Lucienne
tient à faire comprendre à Pontagnac, qui l’aime, qu’elle a un mari et qu’elle lui est fidèle. Cependant, s’il la
trompe, elle ferait de même. Dans le texte de Giraudoux, le paratexte nous apprend aussi que la fidèle
épouse Alcmène est courtisée par Jupiter « Jupiter qui est amoureux d’Alcmène, reine de Thèbes et
épouse fidèle d’Amphitryon ». Dans On ne badine pas avec l’amour et dans Cyrano de Bergerac, les
personnages ne sont pas en couple : Perdican, qui vient de finir ses études, a vécu une jeunesse
tumultueuse : « Vous voilà courbé près de moi avec des genoux qui se sont usés sur les tapis de vos
maîtresses » l. 2-3 ; Camille, elle, n’a pas connu l’amour : elle sort à peine du couvent, d’après ce qu’on
apprend dans paratexte. Les personnages doivent se marier selon la décision du père de Perdican : le
paratexte le prouve : « le père de Perdican a décidé de la marier à son fils ». Perdican aime Camille mais
elle, ne veut pas s’engager, elle ne veut pas souffrir, ce que ne comprend pas Perdican : « Tu as dix-huit
ans, et tu ne crois pas à l'amour ? » l. 1, lui demande-t-il. Dans le texte d’Edmond Rostand, Roxane est
veuve : elle a perdu son mari, Christian, à la guerre. Nous le voyons dans le paratexte « Christian, jeune et
beau soldat […] est mort à la guerre » mais celle-ci se rend compte que l’homme qu’elle aimait n’était pas
celui qu’elle imaginait. Cyrano lui avoue qu’il est amoureux d’elle à travers une lettre que Christian lui avait
soit disant écrite : « J'aperçois toute la généreuse imposture : / Les lettres, c'était vous... v. 2462-2463. Les
quatre textes, les situations sont donc différentes.
En outre, ces situations révèlent différentes conceptions de l’amour qui s’opposent. Pour Lucienne
et Alcmène dans Le Dindon de Georges Feydeau et dans Amphitryon de Jean Giraudoux, en amour, il faut
être fidèle. Alcmène, elle, affirme sa totale fidélité à son mari, son amour pour Amphitryon est absolu : elle
ne cède pas aux avances de Jupiter, elle ne lui ouvre pas : « je ne t’ouvrirai point ! » l. l. 17. Lucienne est
fidèle, certes, mais rancunière : elle promet de tromper son mari en représailles, si elle est trompée en
premier : « Je suis de l’école de Francillon » l. 40-41. Elle ne restera fidèle qu’à certaines conditions : « tant
qu’il n’ira pas porter ses qualités artistiques à l’extérieur… » l. 38-39. La position de Pontagnac, le
séducteur du Dindon, est celle-ci : l’amant est l’amour véritable, le mari n’est que le résultat d’un accord,
d’un contrat : « Qu’est-ce que ça prouve, le mari ? Tout le monde peut être mari ! Il suffit d’être agréé par la
famille (…) Tandis que pour l’amant, il faut l’au-delà. Il faut la flamme ! C’est l’artiste de l’amour. Le mari
n’en est que le rond-de-cuir. » l. 27-30. Dans On ne badine pas avec l’amour, la conception que chaque
personnage a de l’amour est complètement différente. Perdican pense qu’il est naturel d’avoir des
maîtresses avant le mariage, il en a déjà eu : l’amour humain est versatile. Camille, elle, a une vision
idéalisée de l’amour : elle ne peut imaginer se marier avec un jeune homme qui a déjà vécu des histoires
d’amour. La question rhétorique de Camille montre son indignation : « est-ce donc une monnaie que votre
amour, pour qu’il puisse passer ainsi de mains en mains jusqu’à la mort ? » 14-15. Enfin dans Cyrano de
Bergerac, nous avons une autre conception de l’amour : pour Cyrano, le plus important, c’est le bonheur de
Roxane : son amour est altruiste. Il a toujours refusé d’avouer son amour à Roxane car il savait qu’il ne lui
plairait pas, il a préféré aider un bel homme à la rendre heureuse. Roxane découvre la vérité mais Cyrano
refuse toujours de lui avouer son amour directement pour respecter le souvenir de Christian :
«ROXANE : Vous m’aimiez ! », « CYRANO : Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas » v. 2466.
Les conceptions que les personnages ont de l’amour sont donc différentes dans les textes du corpus.
Ainsi, ces quatre extraits présentent des situations amoureuses diverses, mais parfois
comparables : les textes de Feydeau et de Giraudoux proposent les scènes de séduction où des femmes
mariées sont courtisées par des admirateurs. Le texte de Musset présente deux jeunes gens censés se
fiancer, Rostand un amour caché entre deux vieux amis. Les conceptions de l’amour sont aussi
différentes : certains considèrent l’amour comme indissociable du mariage et de la fidélité, d’autres
admettent infidélité. D’autres encore y renoncent par altruisme.