Initiation à la sociologie: démarche, concepts et débats actuels 4
Le prénom est, en effet, un marqueur social.
Chaque année, 5% des prénoms sont identiquement choisis par les parents, 5% des parents portent
leurs choix sur un même prénom. On peut aisément réaliser un top 10 des prénoms les plus donnés.
Ce nombre est important si on tient compte de l'éventail des possibles.
→ Quels facteurs déterminent ces choix?
Desplanques identifie des phénomènes de mode. La dernière syllabe définit des familles de
prénoms. Les prénoms en « ette » étaient en vogue durant les années 1920-1930, Josette, Yvette;
dans les années 1975 à 1980, c'était la terminaison en « ine » comme Delphine, Sandrine. Outre une
mode des prénoms, on constate aussi une usure.
Desplanques explique que les parents ont un double problème: éviter les prénoms trop communs
mais aussi éviter les prénoms trop originaux qui seront durs à porter par l'enfant. Donc dès qu'un
prénom devient trop commun, banal, le choix des parents s'oriente par la suite vers autre chose.
Desplanques constate que la montée des prénoms en première place est plus rapide aujourd'hui
qu'au XXème siècle. Il pose l'hypothèse que le processus de mode serait plus rapide grâce à
l'influence des médias. Il faut en moyenne une dizaine d'années pour qu'un prénom culmine.
Exemple: en 1966, Sébastien était un prénom inconnu et en 1976, il faisait partie du top 10. Cette
durée est en train de s'écourter progressivement.
Dans les années 1960, les prénoms populaires étaient liés aux prénoms des stars; exemple: Nicolas
pour l'émission « Bonne nuit les petits ». A partir dans années 1980, on observe l'influence des
feuilletons télé jouant sur l'apparition de certains prénoms: Kévin, Jennifer, Betty. Statistiquement,
ces prénoms restent cantonnés à certains milieux sociaux. Les prénoms américains sont adoptés
par les ouvriers.
→ Comment Desplanques explique-t-il ce cantonnement?
Il expose la théorie du château d'eau social dans la diffusion des gouts. Cette théorie s'applique à
d'autres objets que les prénoms. Elle explique que ce sont les cadres qui lancent les modes des
prénoms. La diffusion se fait des classes élevées aux classes moyennes, puis il y a une diffusion
vers les classes intermédiaires et libérales, enfin vers les ouvriers et les agriculteurs. Les cadres dans
la diffusion des prénoms à la mode ont 5 ans d'avance sur les ouvrier et 6 sur les agriculteurs. Les
cadres se détachent aussi plus vite des prénoms, en fait, dès qu'ils deviennent communs. L'attrait des
prénoms à la mode est le plus fort pour les couches moyennes urbaines. C'est donc une question de
classe sociale mais aussi de territoire. Chez les agriculteurs, la diffusion des prénoms à la mode se
fait avec du retard car les zones rurales arrivent après les zones urbaines. De plus, il y a le maintien
des anciennes logiques avec la tradition intergénérationnelle chez les agriculteurs. Néanmoins, on
constate tout de même un attachement au répertoire classique pour les cadres et professions
libérales avec des prénoms comme Anne, Claire, Pierre, François.
La dimension urbaine est donc aussi un critère, avec d'abord Paris comme ville pour l'émergence
des prénoms. Aujourd'hui, les autre villes emboitent le pas.
Une troisième dimension apparaît: l'âge des parents. Quand ils sont jeunes, ils sont plus sensibles
et attirés par des prénoms nouveaux, pas encore à la mode.
Le rang de l'enfant dans la patrie constitue le dernier critère du choix de prénom de l'enfant. Pour
le premier enfant, les parents cherchent un prénom original, alors que pour le second et le troisième,
on note une tendance vers les prénoms classiques, moins à la mode et plus traditionnels.
Des travaux prolongent cette théorie. En effet, la diffusion verticale des gouts s'atténue depuis les
années 1980. La logique de distinction sociale prendrait d'autres formes depuis ces années.
Philippe Besnard et Cyril Grange, La fin de la diffusion verticale des goûts?, L'année sociologique,
1993:
Ils entreprennent une nuance par rapport aux travaux de Bourdieu. En terme de méthodologie,
l'objet du prénom est un bien de consommation mais dépourvu de frein économique. C'est
gratuit et même obligatoire. Les données en plus sont sûres.