cours terminales

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COURS TERMINALES
Le travail et la technique
PLAN DU COURS
I – Qu’est-ce que la technique ?
II – Le travail : autre manière de transformer la nature
PROBLÉMATIQUE GLOBALE DU COURS
La technique et le travail sont des facettes d’une modification fondamentale qu’opère
l’homme sur la nature. Par ce biais, il crée un monde spécifiquement humain et s’enferme
dans des modalités d’existence auxquelles il s’habitue au point de ne pouvoir revenir en
arrière. Technique et travail sont-ils libération ou aliénation ? En quoi ils sont deux manière
pour l’homme d’intervenir sur la nature pour la faire devenir « monde » ?
AUTEURS ABORDÉS
Descartes, Bacon, Platon, Heidegger, Locke, Marx.
DEFINITION TECHNIQUE
Du grec technikos, de teckne : art, technique
1- Comme substantif
a) ensemble de procédés définis et transmissibles, mis en œuvre afin de produire des
résultats jugés utiles.
Il ne convient pas de limiter la technique à des procédés fondés sur des connaissances
scientifiques. Les techniques et les sciences n’ont pas la même ancienneté ni le même
rythme d’évolution. Bien des techniques complexes ont précédé, sur des bases empiriques,
les sciences. Les techniques n’ont pris que récemment le caractère d’une application des
sciences.
b) ensemble de procédés se rapportant à l’emploi d’instruments, de matériaux déterminés, à
l’exercice d’une discipline ou d’un art. On ne limitera pas la notion à des procédés matériels
ou utilitaires : il existe des techniques du corps, du discours, du travail théorique.
2- Comme adjectif
a) relatif aux procédés qui permettent d’agir sur des matériaux et des données concrètes en
vue d’obtenir le résultat souhaité.
b) relatif au savoir-faire, aux procédés ou au vocabulaire d’un art ou d’une discipline.
DEFINITION TRAVAIL
a) sens général : activité par laquelle l’homme produit des biens et des services qui assurent
la satisfaction de ses besoins naturels mais aussi sociaux (en transformant la nature)
b) sens économique : activité rémunérée, obligatoire et souvent pénible (fatigante, etc.) ;
L'activité économique, productrice d'utilité sociale. L'activité professionnelle, socialement
organisée et réglementée.
c) L'activité ayant pour but de produire ou de contribuer à produire quelque chose d'utile,
dans l'ordre pratique et dans l'ordre théorique. En chimie : production d'un effet par une
cause agissant de façon continue et progressive.
Emmanuelle ROZIER
Cours Terminales / La culture
1
PHILOSOPHIE
INTRODUCTION GENERALE
Le travail et la technique apparaissent comme une caractère du rapport humain à la nature :
ils sont une manière fondamentale d’être en rapport avec la nature en ce qu’ils permettent
d’inventer l’histoire en sortant à jamais de l’animalité.
Le travail est en ce sens le produit de ce rapport fondamentalement technique : le travail est
rendu nécessaire par le besoin technique. Il fallut bien travailler pour produire les objets. On
essaiera de voir en quoi il y a une antécédence de la technique sur le travail. La technique
est plus fondamentale en ce qu’elle parle de ce qu’est l’homme : elle est liée à une
anthropologie. comprendre la spécificité de l’homme, c’est découvrir l’ampleur de son
caractère technique.
La question que nous nous poserons concerne la valeur même de cette importance de la
technique et du travail :
- d’un côté la modification du milieu naturel : la santé, l’habitat, la science, etc.
- de l’autre les aliénations multiples liées au travail et aux technologies
qu’il y a-t-il de positif dans ce qui est devenu notre histoire ?
Ces œuvres ont été décrites comme artificielles, ce qui signifie qu’elles ne sont pas issues de
la nature comprise comme (phusis) ce qui a en soi son principe de développement
autonome. En effet, les objets artificiels ne se reproduisent pas, ne germent pas ; ils
impliquent une intervention humaine. Ils doivent être produits. En quoi consiste cette
production (poiesis) ?
- Elle consiste en l’application d’un travail, c’est-à-dire d’une transformation opérée
par l’homme (en un temps donné, avec une dépense d’énergie déterminable),
- sur des matériaux naturels (organiques ou non) bruts ou déjà transformés,
- par des objets qui sont déjà eux-mêmes techniques : outils, instruments divers,
machines.
On voit donc que dès la question de la production, on est confronté non pas à un objet
artificiel, mais à tout un réseau d’objets artificiels qui s’entreproduisent sans se reproduire au
sens naturel. Ce réseau forme un système (un ensemble de relations déterminantes
intégrées) qui nous permet de parler de véritable monde : chaque objet technique implique
une structure de renvoi à une multiplicité d’autres objets techniques.
I – Qu’est-ce que la technique ?
La technique serait donc le sous-ensemble de ces objets artificiels qui serait destiné à
des fins pratiques. Mais ne peut-on tenter alors de le mieux caractériser ? N’y a-t-il pas des
critères permettant de reconnaître la présence ou l’œuvre de la technique ?
- Elle a un caractère culturel, i.e. elle relève de « ce qui pourrait être autrement » ;
- elle suppose un apprentissage, opposé à une hérédité biologique : elle est du
domaine de l’acquis ; cela implique également le caractère historique des
techniques, opposé à l’évolution biologique ;
- la technique constitue dans son ensemble un système (ensemble intégré de
techniques particulières, d’une complexité variable). Cela explique, non plus son
historicité, mais le déroulement particulier de l’histoire des techniques ;
- l’homme, comme animal privé d’instincts spécifiques a une vocation
polytechnique. Cette indétermination instinctuelle confère à l’homme une certaine
plasticité, qui le rend capable, et même appelle, la technique comme capacité de
l’espèce humaine. La technique apparaît alors comme protection eu égard à sa
vulnérabilité vis-à-vis du milieu naturel hostile.
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PHILOSOPHIE
- Les techniques sont visibles ou invisibles, c’est-à-dire réalisés dans des objets
matériels (y compris le corps humain) ou non : elles peuvent abstraites,
intellectuelles.
On peut caractériser la technique comme une activité visible (ou invisible)
essentiellement sociale et donc acquise, qui a pour effet d’établir entre l’homme et son milieu
une barrière qui s’organise en système avec des activités de même nature.
Ce faisant, on voit que la technique ne se réduit pas à une somme d’objets issus de
l’artifice, mais s’intègre bien dans un pôle pratique, autrement dit au sein de l’activité
humaine. Elle doit donc être définie au regard de ce que l’on a nommé activité.
La technique s’inscrit au sein d’une activité, qui est orientée vers des fins qui sont
choisies donc libres. « La technique d’une activité est dans notre esprit la somme des
moyens nécessaires à son exercice, par opposition au sens ou au but de l’activité qui, en
dernière analyse, en détermine (concrètement parlant) l’orientation ».
Dans son sens le plus vaste, on entendra par technique tout mode de composition
d’éléments d’une activité dont l’agent, individuel ou collectif, se représente les effets. Sont ici
en cause la structure générale de l’activité humaine, c’est-à-dire la capacité de se
représenter un but et d’enchaîner virtuellement des procédures utilisant judicieusement les
ressources disponibles pour les ajuster aux fins. La séquence du « si… alors » représenterait
le schéma épuré de l’intrusion technique dans l’univers naturel, en proposant une pensée
foncièrement calculatrice, et utilitaire.
1 - ANTHROPOLOGIE DE LA TECHNIQUE
La technique, que ce soit comme monde ou système d’objets ou comme ensemble de
moyens nécessaires à l’exercice d’une activité, nous caractérise en tant qu’hommes. Les
animaux sont dotés d’instruments organiques qui déterminent leur survie. Les
transformations de ces instruments se font à l’échelle de l’évolution des espèces. En ce qui
concerne les hommes, nous avons vu qu’ils étaient relativement indéterminés au niveau
instinctuel, mais c’est également vrai au niveau des instruments corporels : il n’en possède
pas un spécifique, mais un indéterminé et relativement plastique qui lui autorise toute sorte
d’utilisation dérivées de la préhension : la main. La main est ce qui va lui permettre de
prolonger son corps dans et par des objets techniques. L’objet technique peut, en ce sens,
être considéré comme un prolongement inorganique du corps de l’homme, comme une
projection de son corps dans la nature.
Par ce prolongement, cette projection, l’homme se libère bien d’un certain nombre de
contraintes et déterminations naturelles, puisqu’il s’organise, au sens propre du terme, pour
atteindre ses buts, pour accomplir ses fins. Ainsi, la technique peut être dite caractériser
l’homme, peut être dite constituer une donnée fondamentale de l’anthropologie. Il n’y a pas
d’homme sans technique (ni bien sûr, de technique sans l’homme).
En quoi la technique nous libère-t-elle de l’emprise de la nature ? Quels
possibles nous ouvre-t-elle que la seule nature nous interdisait ?
On a vu que l’indétermination instinctuelle nous libérait en quelque sorte, ou plutôt,
nous offrait une certaine condition de possibilité de la liberté. Par la technique également,
l’homme devient actif dans la nature, c’est-à-dire vis-à-vis de ce qui le détermine et s’impose
à lui, au lieu de demeurer passif comme l’ensemble des autres espèces du vivant. Il prend en
main son rapport à la nature, et le médiatise par le biais de la technique. Cette
médiatisation peut consister par exemple en :
- une bulle de protection vis-à-vis de la nature, i.e. par le biais d’armes, de
vêtements, d’habitat, etc.
- un certain nombre de moyens d’actions, i.e. de locomotion, de transformation de
matériaux, de captation et d’accumulation de ressources ou d’énergie, etc.
Enfin et surtout, la technique nous libère en ce sens qu’elle nous offre les
moyens de réaliser nos actions, nos fins, en dépit des forces de la nature, en triomphant de
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PHILOSOPHIE
celle-ci. Grâce à elle, nous pouvons soutirer à la nature beaucoup plus qu’elle n’est disposer
à donner, et ce en ayant librement décidé des buts de notre intervention.
Or, en quoi consiste cette action sur la nature ? Notre libération, peut-être relative,
n’inverse-t-elle pas l’ordre de nos relations avec elle ? Face à une certaine nécessité
qu’elle nous inflige, et à laquelle sans doute ne pouvons-nous totalement échapper, notre
action sur elle ne se transforme-t-elle pas en domination ?
En quoi consiste cette domination ? Dans les faits, elle consiste dans les opérations
suivantes :
- nous plions les forces naturelles à nos volontés en les utilisant (vent, rivières,
marées, énergie solaire) ;
- nous mobilisons du minerai et des hydrocarbures, c’est-à-dire l’ensemble des
ressources du sous-sol à la fois comme matière première et comme source
d’énergie ;
- nous démultiplions les capacités du sol (agriculture mécanisée et assistée
d’engrais divers) et réduisons les animaux à l’état d’objet ;
- nous dressons la nature contre elle-même par l’intermédiaire des machines,
qui captent et contraignent les forces naturelles pour les transformer en
mouvement ;
- nous intervenons au cœur même de la matière (fusion, fission, antimatière par
ex.), au cœur même du vivant, au point d’être désormais capables de transformer
les grands équilibres du monde vivant de manière irréversible.
Cette domination, ce pouvoir que la technique nous offre sur la nature, provient de
l’essor conjoint de la science et de la technique à l’époque moderne, qui a radicalement
inversé nos relations à la nature, et la manière de la penser.
2 – « MAITRES ET POSSESSEURS DE LA NATURE » : BACON ET DESCARTES
Ce qu’il y a de commun à Bacon et Descartes, c’est une nouvelle évaluation de la
technique, qui va entraîner une réflexion inédite sur les rapports entre l’art (au sens de
technique) et la nature. Du même coup, la technique deviendra une puissance autonome par
rapport au domaine strictement anthropologique du besoin. « S’il se trouve un mortel qui
n’ait d’autre ambition que celle d’étendre l’empire et la puissance du genre humain sur
l’immensité des choses, cette ambition, on conviendra qu’elle est plus pure, plus noble et
plus auguste que toutes les autres » (Novum organum). Même idéal interventionniste
chez Descartes : « Au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles,
on en peut trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de
l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent aussi
distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions
employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre
comme maîtres et possesseurs de la nature » (Discours de la méthode, partie VI). Cette
comparaison entre le maître d’école et l’artisan, qui tourne à l’avantage de l’artisan, nous
montre que l’échelle des valeurs s’est inversée depuis Platon.
Le but de l’activité technique est la maîtrise sans cesse accrue sur les choses. Mais s’il
faut agir « en vue d’étendre les limites de l’empire de l’homme sur la nature entière et
d’exécuter tout ce qui lui est possible » (La Nouvelle Atlantide), on ne « commande à la
nature qu’en lui obéissant » (Novum Organum). Il précise « La science et la puissance
humaine se correspondent dans tous les points et vont au même but ; c’est l’ignorance où
nous sommes de la cause qui nous prive de l’effet ; car on ne peut vaincre la nature qu’en lui
obéissant ; et ce qui était principe, effet ou cause dans la théorie, devient règle, but ou
moyen dans la pratique » (Novum Organum). Cette rigoureuse correspondance entre
principe et règle, effet et but, cause et moyen signifie qu’il n’y a plus lieu de considérer
l’action de l’art comme une action naturelle moins parfaite : l’art et la nature fonctionnant
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PHILOSOPHIE
exactement de la même façon, la perspective de l’imitation devient obsolète. « Les hommes
auraient dû… se pénétrer profondément de ce principe : que les choses artificielles ne
diffèrent pas des choses naturelles par la forme ou par l’essence, mais seulement par la
cause efficiente… lorsque les choses sont disposées pour produire un certain effet, que cela
se fasse par l’homme ou sans l’homme, peu importe » (De dignitate et augmentatis, II, 2).
Descartes refuse également à voir une différence essentielle entre l’ordre naturel et l’ordre
mécanique : « Il est certain que toutes les règles des mécaniques appartiennent à la
physique, en sorte que toutes les choses qui sont artificielles sont avec cela naturelles »
(Principes de la philosophie, VI, 203).
Si la technique s’inscrit dans la nature humaine, si elle répond à un besoin humain,
manifeste-t-elle vraiment notre liberté, ou une certaine servitude à l’égard de cette nature ou
vis-à-vis de ce besoin ? N’avons de liberté que dans le choix des moyens ? Cette liberté
n’est-elle qu’ustensile, ou concerne-t-elle les fins de nos actions et activités (donc la
pratique), et enfin concerne-t-elle alors le choix technique lui-même ?
Par ailleurs, peut-on se libérer de la nature en la dominant ? sur cet autre qui nous
déterminait (en l’occurrence la nature) ? Autrement dit, ne pouvons-nous nous libérer qu’en
exerçant un pouvoir, une puissance sur la nature ? Et ce pouvoir nous libère-t-il vraiment ?
Ne s’impose-t-il pas à nous à son tour, ne nous détermine-t-il pas ?
L’approche anthropologique de la technique, qui en fait un prolongement nécessaire
du corps humain (que celui-ci soit conçu de manière continuiste ou discontinuiste vis-à-vis de
la nature) présente la technique comme une certaine nécessité pour la survie de l’espèce. La
liberté que la technique nous octroie, ne peut alors porter sur le choix de la technique ellemême. Elle consiste bien dans les fins de la pratique à laquelle la technique contribue en tant
que système de moyens, si cette fin n’est pas elle-même nécessaire (notamment lorsqu’elle
touche à la survie). Mais plus fondamentalement, puisque la liberté des fins n’a rien à voir
avec la technique (mais avec une certaine capacité de l’esprit humain à déterminer
consciemment ce qui le motive - que cette liberté soit effective ou illusoire), la liberté à
laquelle nous dispose la technique est celle des moyens. La technique démultiplie en effet les
moyens possibles pour réaliser telle fin, tel but ou objectif. Elle instaure un système, et
même un système de systèmes de médiation qui peut être complexifié pratiquement à
l’infini.
La liberté s’exerce alors dans le choix des moyens, c’est-à-dire dans les trajectoires
entre causes et effets attendus. Toutefois cette liberté rencontre ses limites : si ces trajets
sont en droit infinis, parce qu’indéfinis, ils sont de fait soumis à des principes économiques.
Les moyens obéissent à des principes d’économie, et c’est en grande partie ce qui les
motive, donc ce qui limite la liberté : on peut privilégier l’économie de dépense d’énergie, ou
celle de temps, de matériaux, de main d’œuvre, de prise de risque, etc. Tous ces objectifs
secondaires, vis-à-vis de l’accomplissement de l’activité, grèvent d’autant la liberté de
recours à certains moyens.
La technique étant de l’ordre des moyens et non des fins, elle ne peut décider ellemême de ce qui mérite, de ce qui vaut d’être réalisé techniquement. Qu’est-ce qui fait la
valeur d’une technique par rapport à une autre, ou même en soi ? Certes, l’économie
décidera sans doute, en dernier ressort, de la survie d’une invention technique en ce que le
rapport coût/gain devra être bénéficiaire (que ce soit en termes financiers, en termes de
qualité de vie, de relations sociales ou autres). Mais cette valeur finalement, reste encore
beaucoup trop au niveau des moyens pour être une véritable valeur : même si elle prend à
l’occasion en compte la valeur d’usage, elle reste inféodée à la valeur d’échange.
Quelle est alors la véritable valeur de la technique ? Peut-on évaluer la technique ?
3 – EVALUATION DE LA TECHNIQUE
La technique a fait l’objet de multiples évaluations, souvent négatives. On parle alors
de technophobie. Cependant, on peut repérer une rupture au moment où la technique
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s’impose à l’ensemble de la société, au moment de la révolution industrielle. La technique est
devenue universelle : ce n’est plus une technique qui doit être s’intégrer à une civilisation,
mais la civilisation qui doit désormais s’adapter à la technique. La perspective de l’évaluation
en est fondamentalement changée.
La technophobie d’un Platon, par exemple, se situait dans une perspective de
l’imitation. Ce qu’on reprochait à la technique, c’était sa faculté de faire surgir des
simulacres. On pourrait dire que la hantise était de confondre la copie avec l’original, ou bien
de se mettre à adorer les images que l’on avait soi-même produites. L’évaluation négative de
notre époque s’alimente à une problématique de la puissance. Ce qu’on craint dans la
technique, c’est son pouvoir de déchaîner des forces incontrôlables. La hantise est d’être
dépassé par une création que l’on a soi-même opérée.
Cette puissance, on l’a vu, nous libère de certaines contraintes et déterminations de
la nature. Bien entendu, le microscope électronique, le scanner, etc., permettent de sauver
des vies humaines (de les prolonger), de supprimer, d’abréger ou de diminuer des
souffrances. Dans le domaine de l’alimentation, les technologies agronomiques nous
permettent d’avoir les ressources de nourrir l’ensemble de la population humaine. On
pourrait multiplier quasiment à l’infini les exemples de bienfait de la technique. La technique
mérite donc, par la liberté qu’elle nous offre, par le pouvoir d’intervention sur la nature
qu’elle nous procure, d’être évaluée positivement.
Mais ce pouvoir n’est pas sans risque. Il semble par moment nous échapper.
L’exemple de l’énergie nucléaire est trop connu pour qu’on s’y attarde. L’épuisement des
ressources minérales et énergétiques (non renouvelables) de la planète suite à
l’industrialisation généralisée constituent un autre risque majeur lié à l’ère technologique.
Ainsi, la technique, ou plutôt la technologie ou le système technique, ont acquis une emprise
sur le monde que n’imaginaient pas un Bacon ou un Descartes. Cette emprise a déjà
transformé les grands équilibres de la planète, notamment dans le rapport à la biosphère.
Pourtant, la technique n’est pas qu’un moyen de domination de la nature par
l’humanité. Elle constitue également un moyen de domination au sein des sociétés
humaines. En accentuant la division du travail dans des proportions incalculées, elle a permis
l’essor du capitalisme industriel et toutes les transformations sociales qu’il impliquait.
La libération se transforme alors en aliénation du travailleur, en exploitation de
l’homme par l’homme. La libération n’est alors qu’un mythe permettant de faire accepter le
phénomène technique.
Cette approche en termes de mythes a été développée par Lewis Mumford. La
société technicienne moderne se décrit comme un pentagone : énergie, pouvoir politique,
propriété, prestige. Chacune de ces figures tend spontanément à s’affranchir de toute limite,
bien que divers mythes nous masquent cet inquiétant état de fait. Ainsi l’énergie tend au
déchaînement, nucléaire en particulier, bien que le mythe du progrès soit fait pour nous
rassurer. De même, le pouvoir politique tend à l’absolutisme, bien que les constructions
utopiques nous masquent cette évolution. La production mécanique tend à l’automation
totale de l’humain, c’est-à-dire à la compulsion de produire, ou la compulsion à consommer ;
le prestige mène à la dictature d’une minorité de savants et de techniciens. Mais à chaque
fois, un mythe approprié (mythe de la libre entreprise, mythe de la compétence) nous
aveugle sur la nature du processus.
« Le phénomène technique est la préoccupation de l’immense majorité des hommes de
notre temps, de rechercher en toutes choses la méthode absolument la plus efficace », J.
Ellul., La technique ou l’enjeu du siècle. Le véritable effet de la révolution industrielle n’est
donc pas d’avoir mis en œuvre telle ou telle source d’énergie, ,d’avoir développé tel ou tel
mécanisme : c’est d’avoir appliqué la technique à tous les domaines de la vie. Le phénomène
technique est essentiellement illimité :
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- en premier lieu, on constate l’automatisme du choix technique : on choisira la solution
technique à toute autre solution ;
- deuxièmement, on peut parler d’une insécabilité de la technique, du fait de
l’interdépendance toujours croissante des techniques : le phénomène technique est un
phénomène total ;
- en troisième lieu, la technique est universelle. Cela tient au fait de sa connivence avec la
science galiléenne dont elle est, pour une part, une application. Le phénomène technique est
essentiellement niveleur : la civilisation qui devra s’adapter à la technique ;
- enfin, la technique est autonome. Elle « n’adore rien, ne respecte rien ; elle n’a qu’un rôle :
dépouiller, mettre au clair, puis utiliser en rationalisant, transformant toute chose en
moyen ». Ce qui signifie que la technique est essentiellement aveugle aux valeurs, qu’elle ne
parle jamais en termes de fin, mais de résultat.
Le travail : une autre manière de transformer la nature
Le travail est une catégorie historique qui n'a rien de permanent ni d'indépassable d'un point
de vue anthropologique. C'est ce qui nous guidera pour conduire ce cours. Non pas le
considérer dans son évidence, mais bien comme phénomène évolutif et complexe.
A la lumière de ce présupposé méthodologique, nous nous demanderons si l'on
peut voir dans le travail un universel qualifiant en profondeur la réalité humaine,
un mode d'être paradigmatique ou bien une fatalité à dépasser?
En somme, en s'interrogeant sur sa nature, on oscillera entre sa valeur absolue (être homme
c'est travailler) et son caractère historique donc relatif (être homme c'est parfois travailler).
Nous verrons aussi les liens du phénomène du travail avec la construction de la société civile
et politique. Mais attention, toute activité productive n'est pas du travail. Il nous faudra
distinguer.
* ETYMOLOGIE
Travail vient du latin populaire tripalium =
appareil servant à immobiliser les grands
animaux; idée d'un assujettissement
pénible.
Travail : efforts et souffrances qui
accompagnent l'accouchement
* LA BIBLE : Ambivalence du travail
Dans la Bible, la notion de travail présente
une forme d'ambivalence
- dans la Genèse, Dieu annonce à
l'homme qu'il doit s'emparer de la terre et
de ce qui s'y trouve et se multiplier : or,
on imagine mal que l'homme y parvienne
sans une forme d'activité laborieuse et
celle-ci semble d'emblée accompagner sa
condition et déterminer sa spécificité;
- mais le travail est également une
punition pour la Chute, c'est-à-dire le
péché initial qui condamne Adam et Eve à
quitter le jardin d'Eden.
* DEFINITION GENERALE PROVISOIRE
L'activité ayant pour but de produire ou de
contribuer à produire quelque chose
d'utile, dans l'ordre pratique et dans
l'ordre théorique. La situation de la
personne qui se livre à cette activité de
façon suivie. L'ouvrage auquel s'applique
cette activité.
L'activité économique, productrice d'utilité
sociale.
L'activité
professionnelle,
socialement organisée et réglementée.
Production d'un effet par une cause
agissant de façon continue et progressive.
Plus spécialement, en physique : le produit
d'une force par le déplacement de son
point d'application.
Les auteurs emploient certes le même terme, mais entendent-ils la même chose derrière ce
mot générique de « travail »?
chez Aristote on va trouver l'activité laborieuse et servile : celle de l'esclave
le travail chez Locke permet la propriété privé et constitue le self, le soi
il exprime le dynamisme de la substance pour Hegel
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il est un rapport mesurable entre l'énergie et les activités des machines dans le cadre
de la physique et de la thermodynamique
il est le salariat au sein du système capitaliste et une nouvelle forme historique d'une
exploitation qui remonte à l'Antiquité pour Marx.
Retenons de cette introduction l'impossibilité de parler du travail en général : il nous faudra
chaque fois préciser le contexte dans lequel nous nous inscrivons, la philosophie, l'angle de
vue que nous portons sur le travail.
Notons enfin ses ambivalences actuelles :
* le chômage comme privation de travail apparaît bien comme menace et perte de dignité
mais la souffrance au travail est également de plus en plus mise en lumière
* de même apparaissent des théoriciens de la décroissance et le refus de travailler comme
posture sensée et argumentée.
Les enjeux actuels du travail ne doivent pas nous échapper.
Tentons une définition plus complète :
le travail est l'activité humaine de production, consciente, volontaire et réfléchie, telle qu'elle
s'effectue en vue d'un résultat objectivement mesurable (c'est-à-dire dont on puisse établir
qu'il est proportionnellement plus élevé que l'investissement matériel et humain nécessaire à
sa réalisation) et qu'elle engage l'échange des biens et des services de sorte à renforcer la
socialité, sinon à la légitimer, voire à la fonder.
I – LE TRAVAIL DANS L'ANTIQUITE
a) Les Anciens (grecs et romains) n'ont pas méconnu l'importance de la
production et des échanges, mais ils ne leur ont jamais accordé un statut
philosophique, ni même un rôle anthropologique important.
L'activité mercantile ou de production était clairement conçue comme inférieure, inférieure
aux activités dignes de l'humanité qui se définissaient contre elles : activité politique ou
philosophique.
Avant d'en venir à comprendre ce discrédit, demandons-nous quel est le contexte du travail
dans l'Antiquité :
la production était essentiellement vivrière
les techniques étaient sans machines
la mentalité prémécanicienne : peut d'intérêt pour les procédés mécaniques
l'absence de science appliquée
une conception de la nature qui fait d'elle une force agissante insaisissable
une forme de société qui se comprend à partir d'une fracture entre hommes libres et
esclaves : citoyens (participent à la décision politique), métèques (étrangers installés dans la
cité pour affaires), affranchis (anciens esclaves qui occupent une fonction sociale sans être
citoyens), esclaves (propriété des citoyens et des métèques, qui travaillent pour eux).
Par ailleurs, la cité n'est pas une société : elle est pensée comme un tout organique, et non
comme le lieu d'une activité sociale professionnelle; aussi, l'identité des citoyen ne dépend
pas de l'activité qui est la leur, mais de leur participation à la sphère politique.
b) Platon
Platon développe une stratégie argumentative dans le livre II de la République : il explique
que les besoins et pour lui il est nécessaire que les professionnels qui assurent la fonction
productive et économique soient déchargés des taches politiques. En somme, un homme ne
peut pratiquer qu'un seul métier. Les travailleurs sont en ce sens mis à l'écart de la vie
politique de la cité, la plus importante aux yeux de Platon. Les guerriers leur seront même
supérieurs. Le travail a peu de valeur.
Le mythe de Prométhée (Platon, Protagoras, 320c-321c) : quelle est l’origine des
techniques (et du travail lui-même) ?
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"Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles. Quand le
temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les
entrailles de la terre d'un mélange de terre et de feu et des éléments qui s'allient au feu et à
la terre. Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et
Epiméthée de les pourvoir et d'attribuer à chacun des qualités appropriées. Mais Epiméthée
demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage. "Quand je l'aurai fini, dit-il, tu
viendras l'examiner". Sa demande accordée, il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux
uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force; il donna des armes à ceux-ci,
les refusa à ceux-là, mais il imagina pour eux d'autres moyens de conservation; car à ceux
d'entre eux qu'ils logeaient dans un corps de petite taille, il donna des ailes pour fuir ou un
refuge souterrain; pour ceux qui avaient l'avantage d'une grande taille, leur grandeur suffit à
les conserver, et il appliqua ce procédé de compensation à tous les animaux. Ces mesures
de précaution étaient destinées à prévenir la disparition des races. Mais quand il leur eut
fourni les moyens d'échapper à une destruction mutuelle, il voulut les aider à supporter les
saisons de Zeus; il imagina pour cela de les revêtir de poils épais et de peaux serrées,
suffisantes pour les garantir du froid, capables aussi de les protéger contre la chaleur et
destinées enfin à servir, pour le temps du sommeil, de couvertures naturelles, propres à
chacun d'eux; il leur donna en outre comme chaussures, soit des sabots de corne, soit des
peaux calleuses et dépourvues de sang,; ensuite il leur fournit des aliments variés suivant les
espèces, et aux uns l'herbe du sol, aux autres les fruits des arbres, aux autres des racines; à
quelques-uns mêmes, il donna d'autres animaux à manger; mais il limita leur fécondité et
multiplia celle de leurs victimes, pour assurer le salut de la race.
Cependant Epiméthée, qui n'était pas très réfléchi, avait, sans y prendre garde, dépensé
pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à
pourvoir, et il ne savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le
partage; il voit les animaux bien pourvus, mais l'homme nu, sans chaussures, ni couvertures,
ni armes, et le jour fixé approchait où il fallait l'amener du sein de la terre à la lumière. Alors
Prométhée, ne sachant qu'imaginer pour donner à l'homme le moyen de se conserver, vole à
Héphaïstos et à Athéna la connaissance des arts avec le feu; car, sans le feu, la
connaissance des arts et était impossible et inutile; et il en fait présent à l'homme. L'homme
eut ainsi la science propre à conserver sa vie (…)".
Platon, Protagoras, 320c-321c, Folio 1967, Trad.E.Chambry, Le mythe de Prométhée, ou
l'origine de la technique.
Pour que l’homme puisse survivre, Prométhée, le deuxième dieu, vola le feu aux dieux.
Par la suite, du feu naquirent les techniques , par lesquelles l’homme compensa son
inadaptation au milieu. Ainsi, Prométhée, en offrant aux hommes le feu, et les techniques,
leur offrit le travail, puisque les techniques ne valent que dans le cadre du travail. Si l’homme
travaille, c’est parce que nous ne pouvons nous procurer ce dont nous avons besoin pour
vivre qu’en le fabriquant. Par le travail, l’homme adapte la nature à ses besoins, la
transforme, agit sur elle, etc.
NB : cela revient à voir le travail comme une punition (= c'est un châtiment de Zeus
que Prométhée a trompé), mais en même temps, comme le propre de l’homme ; que nous,
en tant qu’individus, vivions le travail de façon pénible, ne veut rien dire quand à la
signification réelle du travail par rapport à l’humanité elle-même
c) Aristote
On retrouve cette forme de dévalorisation, au regard de l'activité philosophique ou politique,
du travail qui revient pour l'essentiel à l'esclave. En revanche, il pense de manière non
spécifiquement le travail, notamment au sein du travail de la nature. L'art (la technique)
imite la nature ou en prolonge les effets. En ce sens, l'activité humaine n'est pas inférieur à
celle de la nature pour Aristote.
Emmanuelle ROZIER
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Par ailleurs, au lieu de techniciser la nature il naturalise la nature qui a donné la main, cet
outil parfait puisqu'il permet à l'homme de manipuler gérer et créer une multitude d'outils
techniques, à l'être le plus intelligent, par nature.
« Anaxagore prétend que c’est parce qu’il a des mains que l’homme est le plus
intelligent des animaux. Ce qui est rationnel, plutôt ; c’est de dire qu’il a des mains
parce qu’il est le plus intelligent. Car la main est un outil ; or la nature attribue toujours,
comme le ferait un homme sage, chaque organe à qui est capable de s’en servir. Ce qui
convient, en effet, c’est de donner des flûtes au flûtiste, plutôt que d’apprendre à jouer à
qui possède des flûtes. […] En effet, l’être le plus intelligent est celui qui est capable de
bien utiliser le plus grand nombre d’outils : or, la main semble bien être non pas un
outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C’est
donc à l’être capable d’acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a
donné l’outil de loin le plus utile, la main. Aussi, ceux qui disent que l’homme n’est pas
bien constitué et qu’il est le moins bien partagé des animaux (parce que, dit-on, il est
sans chaussures, il est nu et il n’a pas d’armes pour combattre) sont dans l’erreur. »
Aristote, Des parties des animaux, IV, 0, 687a.
Toutefois, est pleinement humain l'animal politique. Qui participe à la vie de la cité en tant
qu'il échange des paroles avec autrui. L'homme excellent fait des lois.
Aristote est également l'auteur qui définit le plus précisément ce qu'est un esclave :
« Le même rapport se retrouve entre l'homme et les autres animaux. D'une part les animaux
domestiques sont d'une nature meilleure que les animaux sauvages, d'autre part, le meilleur
pour tous est d'être gouvernés par l'homme car ils y trouvent leur sauvegarde. De même, le
rapport entre mâle et femelle est par nature un rapport entre plus fort et plus faible, c'est-àdire entre commandant et commandé. Il en est nécessairement de même chez tous les
hommes. Ceux qui sont aussi éloignés des hommes libres que le corps l'est de l'âme,
ou la bête de l'homme (et sont ainsi faits ceux dont l'activité consiste à se servir de
leur corps, et dont c'est le meilleur parti qu'on puisse tirer), ceux-là sont par nature
des esclaves; et pour eux, être commandés par un maître est une bonne chose, si ce que
nous avons dit plus haut est vrai. Est en effet esclave par nature celui qui est destiné à être
à un autre (et c'est pourquoi il est à un autre) et qui n'a la raison en partage que dans la
mesure où il la perçoit chez les autres mais ne la possède pas lui-même. Quant aux autres
animaux, ils ne perçoivent même pas la raison, mais sont asservis à leurs impressions. Mais
dans l'utilisation, il y a peu de différences : l'aide physique en vue d'accomplir les tâches
nécessaires, on la demande aux deux, esclaves et animaux domestiques ». Aristote,
Politique, Livre I, chapitre V.
Si Aristote pense l'activité notamment dans le cadre de ses réflexions sur la nature, il ne
développe pas de pensée du travail proprement dit et ne valorise pas celui-ci.
Conclusion du I : l'absence de pensée du travail dans l'Antiquité
L'antiquité n'a pas concrètement méconnu les activités productives, cela va de soi. Toutefois,
elle n'a pas vu dans les activités productrices, ni dans le travail, un moyen pour l'homme de
s'émanciper, de se réaliser. Au sens strict, elle n'a pas produit de véritable pensée du travail.
Elle valorise en somme l'action au détriment de la production et le loisir comme troisième
voie pour le travail spécifique de l'entretien de l'âme :
* la production est poiesis le producteur agit en vue d'une fin et ce qui est produit
n'est pas une fin au sens absolu
* dans la praxis, la pratique, l'action ce qu'on fait est une fin en soi, donc a plus de
valeur.
Enfin la skolé, le loisir permet de se tourner vers l'intériorité et renforce l'autonomie de
l'agent : le loisir permet de se soustraire aux besoins et aux activités intéressées. Mais l'oisif
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ne se divertit pas, il étudie ce que serait une vie juste et pense à l'éthique dans ses rapports
avec autrui et au sein de la cité. La vie de loisir, la plus valorisée, celle des hommes libres
suppose enfin des qualités propres : la tempérance (sophrosune), l'endurance (karteia), le
courage (andreia), la philosophie et la justice (dikaiosune).
II – LA PENSEE MODERNE DU TRAVAIL
La modernité a véritablement inventé le travail comme catégorie de pensée et concept. Elle
en a également fait une pratique spécifiquement humaine et fondatrice de l'individualité et
de la société.
Tout un contexte va permettre à la pensée moderne de considérer le travail de manière
inédite :
l'instrumentalisation de plus en plus efficace de la production
la percée de la science physique à l'age classique (Bacon et Descartes en jettent la
théoriele développement conjoint de la science physique et de la technique
le dynamisme intrinsèque des idées techniques
la mise en place de l'économie de marché.
a) John Locke
Afin de contrer la pensée de Filmer qui fait de la monarchie un équivalent de la famille,
Locke relit la Bible et y trouve que l'essence de l'homme est de créer de la nouveauté dans la
nature, en transformant la matière première en quelque chose d'original. Pour la première
fois dans l'histoire occidentale, le travail est aperçu dans sa capacité positive de modification
profonde de la nature.
Dans son vocabulaire, travail se dit labour et est synonyme d'oeuvre et même d'action. Pour
Locke rien n'est plus contraire au dessein de dieu que de laisser la terre en friche. Il parle de
Dieu comme d'un maker chaque fois qu'il considère l'acte par lequel le créateur porte
l'homme ou les choses à l'existence : le créateur de monde pour Locke est un créateur
conscient.
Point central : l'action volontaire de s'approprier la terre et les choses du monde permet à
l'individu de devenir une personne, un agent moral agissant conformément à ses droits.
Un personnage contemporain de l'avènement de la pensée de Locke est la figure de
Robinson Crusoé de Daniel Defoe : or, Robinson est un forçat du travail, il aménage son île
quasiment seul à la force de ses bras et de son ingéniosité.
Autre point : le travail devient aussi le moyen de la propriété et de la production de richesse,
car ses fruits peuvent être vendus et devenir objet.
Le travail en ce sens est l'ensemble des actes par lesquels l'homme ajoute quelque chose à
la nature et son effectuation engendre la chaîne de l'échange humain, quasiment à l'infini.
Locke est l'inventeur de la conception moderne du travail. Par sa pensée il montre que le
travail
* fonde la société
* forme l'individualité
* est positif
* s'inscrit dans une modification de la nature et la création d'un monde humain
Locke pense aussi qu'avec la monnaie, les humains ont accepté l'inégalité et il considère que
celle-ci est ancrée dans la culture humaine. Comme Rousseau, les inégalités sont crées par
l'homme et donc, peuvent être réduites.
En tous cas, le travail est pensé, déterminant et socialement fondateur.
Emmanuelle ROZIER
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b) Adam Smith
Il est le fondateur de l'économie politique moderne. Pour Smith la diversité des talents
humains dans la communauté des besoins est profondément mise en relation avec la
capacité de travail de l'homme.
Il est le fondateur de la conception moderne de la société parce qu'ils pense que l'ordre
social est désarrimé des principes religieux, théologiques, métaphysiques et politique qui
entendaient jusqu' alors l'organiser de l'extérieur.
C'est dans Les Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) il fait
le constat de la division du travail qui accroît le rendement de celui-ci dans des proportions
considérables. Ainsi chacun donne le meilleur de sa force et de son être.
Il prend l'exemple d'une fabrique d'épingles.
"Prenons un exemple dans une manufacture de la plus petite importance, mais où la division
du travail s'est fait souvent remarquer : une manufacture d'épingles.
Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage, dont la division du travail a fait
un métier particulier, ni accoutumé à se servir des instruments qui y sont en usage, dont
l'invention est probablement due encore à la division du travail, cet ouvrier, quelque adroit
qu'il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle dans toute sa journée, et certainement
il n'en ferait pas une vingtaine. Mais de la manière dont cette industrie est maintenant
conduite, non seulement l'ouvrage entier forme un métier particulier, niais même cet
ouvrage est divisé en un grand nombre de branches, dont la plupart constituent autant de
métiers particuliers. Un ouvrier lire le fil à la bobille, un autre le dresse, un troisième coupe la
dressée, un quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le bout qui doit
recevoir la tête. Cette tête est elle-même l'objet de deux ou trois opérations séparées : la
frapper est une besogne particulière; blanchir les épingles en est une autre; c'est même un
métier distinct et séparé que de piquer les papiers et d'y bouter les épingles; enfin
l'important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit opérations distinctes ou environ,
lesquelles, dans certaines fabriques, sont remplies par autant de mains différentes, quoique
dans d'autres le même ouvrier en remplisse deux ou trois. J'ai vu une petite manufacture de
ce genre qui n'employait que dix ouvriers, et où par conséquent quelques-uns d'eux étaient
chargés de deux ou trois opérations. Mais, quoique la fabrique fût fort pauvre et, par cette
raison, mal outillée, cependant, quand ils se mettaient en train, ils venaient à bout de faire
entre eux environ douze livres d'épingles par jour : or, chaque livre contient au delà de
quatre mille épingles de taille moyenne. Ainsi ces dix ouvriers pouvaient faire entre eux plus
de quarante-huit milliers d'épingles dans une journée; donc chaque ouvrier, faisant une
dixième partie de ce produit, peut être considéré comme faisant dans sa journée quatre mille
huit cents épingles. Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des
autres, et s'ils n'avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux
assurément n'eût pas fait vingt épingles, peut-être pas une seule, dans sa, journée, c'est-àdire pas, à coup sûr, la deux cent quarantième partie, et pas peut-être la quatre mille huit
centième partie de ce qu'ils sont maintenant en état de faire, en conséquence d'une division
et d'une combinaison convenables de leurs différentes opérations.
Dans tout autre art et manufacture, les effets de la division du travail sont les mêmes que
ceux que nous venons d'observer dans la fabrique d'une épingle, quoiqu'en un grand
nombre le travail ne puisse pas être aussi subdivisé ni réduit à des opérations d'une aussi
grande simplicité. Toutefois, dans chaque art, la division du travail, aussi loin qu'elle peut y
être portée, donne lieu à un accroissement proportionnel dans la puissance productive du
travail. C'est cet avantage qui parait avoir donné naissance à la séparation des divers
emplois et métiers." Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des
nations, 1776, Édition Folio Essais, 1976, p. 38-39.
La division du travail apporte l'opulence générale, elle est l'effet du penchant au trafic et à
l'échange. La division du travail augmente le bonheur collectif, et accroit le savoir général.
Emmanuelle ROZIER
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Smith en 6 points :
- l'économie de marché doit être considérée comme une réalité naturelle
- la naturalisation du marché nous conduit à regarder la nature elle-même comme relevant
d'une telle logique, tout devient échange
- c'est la richesse des nations qui gagne de l'investissement de chacun
- la main invisible désigne la ruse de l'intérêt qui canalise le rapport de la raison et des
passions; elle permet d'expliquer le système de l'économie
- il remarque que l'extension du marché est souhaitable pour l'intérêt de chacun; et affecte
en retour l'ensemble des autres sphères de la vie privée et de la vie publique, évaluées par
les intérêts individuels comme autant de marché.Sa pensée du travail tourne le sujet vers les
choses et sort d'une conception purement vivrière du travail et de l'économie
- chaque individu, dans sa position singulière est plus à même de savoir ce qu'il convient de
faire pour son propre intérêt mais également pour celui de sa nation.
Notons la centralité du travail dans cette conception novatrice; un bien a de la valeur pour
un individu car il lui évite le sacrifice de son repose, de sa liberté et de son bonheur.
Conclusion du II : le travail pensé en lien avec la société
Qu'est-ce qui est né avec cette période moderne? La définition de l'homme comme homo
oeconomicus, c'est-à-dire la représentation de l'humanité régie par le principe de
minimisation des moyens en vue d'une maximisation des effets. Chacun des homes parce
qu'il est rationnel tout autant que passionné s'investit dans un effort qui garantit « la
certitude de pouvoir troquer tout le produit de son travail qui excède sa propre
consommation, contre un pareil surplus du produit du travail des autres qui lui est
nécessaire ».
Pour Smith, l'économie de marché doit être considérée comm eune réalité naturelle. Et si
d'autres penseurs ne le suivent pas sur ce point, la société et ses dimensions économiques
deviennent le milieu naturel de l'homme moderne.
III – HEGEMONIE ET CRISE DU TRAVAIL
Depuis Smith, le travail est l'activité de transformation rentable de la nature par lequel le
sujet dégage un surplus le mettant en relation avec les autres sujets dans le cadre d'un
marché. Désormais, l'activité humaine tout entière se voit référée à l'idée de travail. Hegel et
Marx sont chacun à leur manière de tels descendants de la thèse smithienne du travail.
Examinons leurs pensées.
a) Hegel
Dialectique du maître et de l'esclave. Le principe de production prend son sens comme
principe de la société civile.
C'est au moment de ce qu'on appelle la période d'Iéna que Hegel transforme sa philosophie
de la conscience en philosophie du travail. C'est pour lui dans la fabrication d'outils, dans le
travail que l'homme forge sa conscience de lui-même. L'essence de l'esprit consiste en ceci
qu'il se trouve opposé à une nature, combat cette opposition et vient à soi-même en tant
que vainqueur de la nature.
Mais pour Hegel, l'homme domine par ses outils, mais est en partie dominé par eux.
Hegel, La première philosophie de l'esprit.
C'est par le travail ainsi conçu que Hegel pense que l'homme fait l'épreuve de l'altérité, et ce
non pas d'une manière spontanée ou brute, mais par l'intermédiaire de ce qui est à la foi
technique et traditionnel, c'est-à-dire rationnel et culturel, l'outil.
L'outil n'est pas n'importe quel instrument, c'est un instrument qui est une oeuvre humaine
dans lequel se déploie la rationalité et ou la tradition se donne à voir. Par le travail, l'homme
apprend enfin à abstraire. Le travail est le moyen d'une libération de l'homme grâce à
l'échange car il fournit la reconnaissance, c'est-à-dire engendre la socialité et le bonheur.
Emmanuelle ROZIER
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Le sujet éduqué-cultivé entre littéralement en lutte avec la culture qui en le niant le fait
accéder à l'universalité : exister pour une subjectivité humaine, consiste à faire l'épreuve du
travail permanent de l'individualité à l'universalité par le biais de médiations essentielles.
b) Marx
L'oeuvre de Marx doit être appréhendée en fonction d'un double point de vue :
l'auteur du Capital s'inscrit dans la lignée des auteurs qui font du travail l'activité
paradigmatique de l'existence humaine
d'autre part, cette sociologie est critique car il s'agit pour Marx de se livrer à une attaque en
règle contre les principes sociaux et intellectuels qui fournissent son assise au système
capitaliste de la production et des échanges.
Marx est aussi le découvreur et le penseur de la dimension fondamentalement aliénante du
travail divisé industrialisé :
Marx, Manuscrits de 1844.
Dans la mesure où le travailleur n'est le propriétaire ni des moyens, ni du produit, ses efforts
travaillent à renforcer le système de production qui l'exploite, non à le libérer en le rendant
autonome et capable de dominer ce système.
Comment se fait-il que les mêmes prémisses qui permettaient à Hegel d'affirmer la libération
de l'homme par le travail concluent chez Marx à un résultat inverse, puisque pour ce dernier
le travail ne libère plus, il aliène. Tout le Capital a vocation de répondre à ce problème.
L'aliénation trouve en premier lieu sa raison d'être du fait de la réalité technique du travail
moderne. Le produit est devenu plus important que le travailleur. C'est cette inversion qui
est fondamentalement problématique. L'homme est assujetti au processus de production.
Analyse marxiste du travail : le matérialisme historique
L'ouvrier s'appauvrit d'autant plus qu'il produit plus de richesse, que sa production croît en
puissance et en volume. L'ouvrier devient une marchandise. Plus le monde des choses
augmente en valeur, plus le monde des hommes se dévalorise; l'un est en raison directe de
l'autre. Le travail ne produit pas seulement des marchandises; il se produit lui-même et
produit l'ouvrier comme une marchandise dans la mesure même où il produit des
marchandises en général.
Cela revient à dire que le produit du travail vient s'opposer au travail comme un être
étranger, comme une puissance indépendante du producteur. Le produit du travail est le
travail qui s'est fixé, matérialisé dans un objet, il est la transformation du travail en objet,
matérialisation du travail. La réalisation du travail est sa matérialisation. Dans les conditions
de l'économie politique, cette réalisation du travail apparaît comme la déperdition de
l'ouvrier, la matérialisation comme perte et servitude matérielles, l'appropriation comme
aliénation, comme dépouillement. ~. .1
Toutes ces conséquences découlent d'un seul fait: l'ouvrier se trouve devant le produit de
son travail dans le même rapport qu'avec un objet étranger Cela posé, il est évident que plus
l'ouvrier se dépense dans son travail, plus le monde étranger, le monde des objets qu'il crée
en face de lui devient puissant, et que plus il s'appauvrit lui-même, plus son monde intérieur
devient pauvre, moins il possède en propre. C'est exactement comme dans la religion. Plus
l'homme place en Dieu, moins il conserve en lui-même. L'ouvrier met sa vie dans l'objet, et
voilà qu'elle ne lui appartient plus, elle est à l'objet. Plus cette activité est grande, plus
l'ouvrier est sans objet. Il n'est pas ce qu'est le produit de son travail. Plus son produit est
important, moins il est lui-même.
La dépossession de l'ouvrier au profit de son produit signifie non seulement que son travail
devient un objet, une existence extérieure, mais que son travail existe en dehors de lui,
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indépendamment de lui, étranger à lui, et qu'il devient une puissance autonome face à lui.
La vie qu'il a prêtée à l'objet s'oppose à lui, hostile et étrangère.
K. Marx, Manuscrits de 1844, traduction de M. Rubel, Bibliothèque de la Pléiade, Éd.
Gallimard, 1968, pp. 58-59.
Ce texte répond à deux questions :
1) Le travail tel qu’il existe dans la société capitaliste n’aliène-t-il pas le sujet de
ce travail, l’ouvrier ?
(aliéner : être étranger à soi-même ou au résultat de son travail ; ne plus s'appartenir ; ne
plus être libre). Réponse : le travail moderne, lié à l’émergence du capitalisme, est avant
tout le travail à la chaîne, la division du travail (cf; le taylorisme); or, cette forme de travail
est aliénante, au sens où elle dépossède l’homme de lui-même, et a pour conséquence qu’il
ne s’appartient plus. En effet :
-d’abord, l’ouvrier qui travaille à la chaîne ne se reconnaît pas dans ce qu’il fait (si
tant est qu’il a fait quelque chose : il n’a pas fait quelque chose, mais un bout de chose) ; la
chose lui est complètement extérieure, il ne peut se reconnaître ni s’épanouir dans son
travail, qui n’en est pas un ; il " travaille " seulement pour subsister
-ensuite, l’ouvrier n’est qu’une marchandise pour son patron ; en tout cas, il vend sa
force de travail (marchandise) contre de l’argent (le salaire), afin d’acheter des marchandises
(nourriture, chaussures, livres, voyages, etc.) dont il fera usage pour produire sa vie ; et
quelqu’un d’autre que lui va en tirer profit ( on dit que cette force de travail possède une
valeur d’échange = ); donc, au bout du compte, on peut dire qu’il se vend lui-même, et qu’il
est considéré comme une marchandise (voire même qu’il se considère lui-même comme une
marchandise !).
2) Or, cela revient à dire que cette forme moderne du travail déshumanise
l’homme.
On peut se référer, pour le montrer :
d’abord, à l’impératif catégorique de Kant : l’homme est une fin en soi, on ne doit jamais le
traiter comme une chose qui peut s’échanger contre une autre ; c’est la pire manière de
déshumaniser un homme ;
ainsi qu’à Rousseau, Contrat Social, I, 4 : si la liberté est ce qui au plus haut point
caractérise l’homme, et le différencie de l’animal, alors, il faut dire que la forme moderne du
travail est totalement déshumanisante, qu’elle déshumanise l’homme plutôt qu’elle ne
l’humanise.
Ainsi Marx définit-il le système capitaliste comme étant " le système d’exploitation de
l’homme par l’homme ".
Tout travail n’est donc pas réalisation de l’humanité (le travail et l’œuvre)
- La forme de travail à travers laquelle l’homme s’humanise : créer une œuvre d’art, écrire
des romans, etc. Or, et ce n’est sans doute pas pour rien : nous, contemporains, nommons
plutôt ces activités des loisirs. Pourquoi ? Parce que nous les vivons comme agréables, nous
nous épanouissons à travers eux. Or, ce sont bien des activités rentrant dans le genre
" travail ". Seul bémol : si nous les nommons loisirs, c’est parce que aujourd’hui, un travail se
pense par rapport au gain. Si nous faisons quelque chose sans penser au gain, alors, pour
nous, ce n’est pas un travail.
-on peut critiquer les philosophes qui ont glorifié le travail comme étant ce qui humanise
l’homme au plus haut point (Locke, Hegel, Marx lui-même dans sa jeunesse) en disant que
cette glorification repose sur une confusion : celle entre " travail " proprement dit et
" œuvre ".
Emmanuelle ROZIER
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CONCLUSION
Le travail fait partie de notre réalité quotidienne, de nos espoirs d’avenir, de notre passé, de
nos horizons d’attente. Pourtant, est-ce si évident de travailler ? Et comment penser le
travail ?
On demande quelle est, des deux activités centrales dans la vie de l’homme, le travail et le
loisir, celle qui déshumaniserait l’homme, quelle est au contraire celle qui l’humanise. Ce qui
est à interroger, c’est soit notre valorisation excessive du travail soit notre dévalorisation
excessive au contraire.
On doit donc principalement se demander si le travail a une valeur en soi, pas seulement
sociale mais au sens où il serait ce qui nous rendrait plus humain ou humain tout court. Le
travail est-il pour l’homme, non pas seulement un moyen en vue d’une fin extérieure
(survivre, manger) mais aussi et surtout une fin en soi ? Fait-il partie des phénomènes
culturels/ spirituels ?
Emmanuelle ROZIER
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