Cours de Mme Descamps, 2005

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E X P R E S S I O N F R A N Ç A I S E : T. D .
Cours de Mme Descamps, 2005
I.
Etymologie
1. Bouleverser
Apparu en 1557. Deux racines : « boule » et « verser »
Boule : apparu au XIIIe siècle et vient du latin bulla (la bulle, la boule creuse)
Verser : 1080 (dans la chanson de Roland). Vient du latin versari, qui vient de vertere qui veut dire « tourner »
=> tourner une boule creuse => qui a la tête sens dessus dessous => chamboulement des idées et des sentiments
(métaphore)
2. Révolution
Fin XIIe siècle. Déjà employé au IVe siècle par Saint Augustin, mais pour évoquer la révolution des astres. Vient
de revolvere, « rouler en arrière ». Evolution du mot non certaine vers le sens de « choc ».
3. Transformer, transférer
Trans- : au-delà, à travers. Transalpin (1546), transatlantique (1823), transcontinental, transocéanique,
transpacifique (1872)
Transformer : former au-delà
Transférer : ferer au-delà (latin) = porter au-delà, transporter
4. Extensible
Ex- : hors de (dans ce cas précis)
Tendere (latin) : tendre
=> tout ce qui est capable d’être tendu hors de ses limites
in extenso : dans toute son étendue, dans toutes ses limites hors de lui-même
5. Mode
Modus (latin) : la manière => le mode, la mode
6. Prévisible
Praevidere : voir d’avance
II.
Grammaire
1. Suffixes permettant la formation des adjectifs
-able : du latin –abilem, ce qui est capable de, ce qui peut être. Ex. : remplaçable = ce qui peut être remplacé
-aire : du latin –arium, qui a la qualité de, qui appartient à. Ex. : moléculaire = qui a la qualité de la molécule
-al : du latin –alem, idem. Ex. : radical, colonial
-el : idem. Ex. : résiduel, émotionnel
-ier : de –arium, idem. Ex. hospitalier
-if : de –ivum. Ex. duratif, excessif, palliatif
-ique : de –icum. Ex. : atomique, ironique, pathétique
-âtre : de –astrum, atténue ou donne une couleur péjorative. Ex. : bleuâtre, acariâtre
-u : de –utum, pourvu de, qui a la qualité de. Ex. : barbu, charnu
2. La formation des adverbes
Adverbe : mot invariable qui modifie le sens d’un verbe, d’un adjectif, d’une proposition, ou d’un autre adverbe.
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Suffixe permettant la formation des adverbe : -ment, de –mente en latin qui vient de mens, « esprit » puis
« manière » dans les langues romanes
L’adverbe se forme à partir de l’adjectif :
Adjectif fini par –ant : plaisant => plaisamment
Adjectif fini par –ent : violent => violemment
Adjectif fini par –ai, -é, -i et –u : aisé =
Langue : instrument de communication propre à une communauté humaine (institution). « La langue est le langage
moins la parole » (Saussure)
Parole : usage qu’un sujet fait de sa langue (performance individuelle).
3. Le langage et la culture
L'autonomie du langage par rapport au réel ou à la nature permet d'y voir "le fait culturel par excellence" (LéviStrauss). "Le langage est l'instrument essentiel par lequel nous assimilons la culture de notre groupe." : c'est le
système culturel qui permet d'apprendre tous les autres.
Le langage humain (comme ensemble des systèmes des signes) a donc une histoire, il n'est pas fixé par l'espèce. Il
n'existe concrètement que dans la diversité des langues et des paroles, dans lesquelles il ne cesse d'inventer des
significations nouvelles. Puisque chaque langue et chaque culture développent des significations propres, on peut
considérer que le langage transporte avec lui les valeurs d'une civilisation, ses jugements et ses préjugés (voir
Nietzsche, Généalogie de la morale, dissertation III, § 5 [Nietzsche]). É. Benveniste a pu dire que "nous pensons
un univers que notre langue a d’abord modelé". Faut-il en conclure au relativisme et à l'incommunicabilité entre
les mondes linguistiques ? Non pas, si l'on comprend que "le fait de parole précède toujours" (Saussure), et que la
créativité de la parole permet de modifier les possibilités de signification d'une langue, c'est-à-dire d'en repousser
les limites. La parole rend la langue vivante et libère ainsi la pensée de ses pesanteurs (Descartes voit dans la
parole, toujours inventive, la marque de la présence en l'homme de la liberté et de la raison).
4. Les fonctions du langage : communication et expression
Le langage semble avoir pour fonction primordiale la communication entre les hommes. En ce sens, parler c'est
communiquer, c'est-à-dire transmettre des informations. Mais ne peut-on pas parler sans comprendre, ou même
"pour ne rien dire" ?
Cela nous montre que, d'une part, la langage a une dimension essentielle non pas dans le contenu communiqué,
dans l'information échangée, mais dans le fait même de communiquer, c'est-à-dire d'ouvrir un monde commun et
humain [Arendt]. On dira en ce sens que le langage est constitutif de l'humanité elle-même, réseau d'échanges et
de partages multiples. Le langage est alors un lien social.
D'autre part, cela indique dans le langage une opposition profonde entre l'expression, qui cherche à rendre la
profondeur de la subjectivité, sans se soucier d'abord du destinataire, et la communication, qui tend avant tout à
l'objectivité claire et univoque (éviter les malentendus). C'est finalement d'un terme à l'autre de cette opposition
entre la poésie et la prose qu'oscille le langage quotidien [Sartre].
5. Le langage et la pensée : problèmes.
Définir le langage comme moyen d'expression ou de communication suppose que la pensée lui préexiste, et qu'il
ne vient qu'après-coup tenter de l'exprimer ou de la communiquer. Deux problèmes se posent alors. D'une part, la
langage parvient-il vraiment à remplir son rôle ? Le langage est-il pour la pensée un intermédiaire transparent et
fidèle, ou est-il un obstacle et un travestissement ? D'autre part, le langage n'est-il vraiment qu'un instrument
d'extériorisation de l'intériorité ? N'intervient-il pas dans la constitution même de cette intériorité, c'est-à-dire de
la pensée ?
6. Pas de distinction réelle entre le langage et la pensée.
Platon définit la pensée comme "un discours que l'âme se tient à elle-même". Mais en ce cas, c'est bien "par et
dans les mots que nous pensons" (Hegel). La pensée véritable n'existe pas hors du langage, on ne peut pas penser
sans langage. C'est grâce à la forme objective que lui donnent les mots, que la pensée peut être présente à la
conscience du sujet. Il n’y a pas de distinction réelle entre le langage et la pensée. De fait, chercher ses mots, c'est
chercher sa pensée, — que l'on n'a pas encore. "Là où les mots manquent pour la dire, manque aussi la pensée.
[…] Privée de la garde du mot, la pensée s'étiole et meurt" (Clément Rosset). Plus généralement, pour savoir
quelque chose de ce qu'on éprouve, de ce qu'on vit, pour réussir à le penser, il faut réussir à le formuler.
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C'est pourquoi Hegel entend démystifier le prestige indu de l'ineffable (ce qui ne peut être raconté, ce qui nous
dépasse et qu’on ne peut exprimer), dans lequel il ne voit que "la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation,
et qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot." L'ineffable est une pure matière sans forme. Il ne se prouve
comme pensée qu'en franchissant l'épreuve de l'explicitation verbale. Il ne peut se délivrer de sa propre confusion
que par les "belles chaînes du langage" (Valéry). Bref, pas de vérité ni de conscience véritables sans le langage.
Mais qu’en est-il du statut du nourrisson ?
7. Les périls du langage et la nécessité de la philosophie.
Cette dépendance de la pensée à l'égard du langage n'est pas toutefois sans l'exposer à de nombreux dangers.
Malgré leur diversité, ceux-ci ne sont finalement que des variations sur un seul et même danger, qui est toujours
de voir le langage se substituer à la pensée et l'effacer comme telle. En effet, "si la pensée n’est rien sans la parole
qu’un possible sans réalité, il arrive que la parole subsiste seule comme un corps que son âme a quitté." (Louis
Lavelle). Cela arrive dès que l'on croit qu'il suffit de parler pour penser, c'est-à-dire dès que la pensée renonce à
ses exigences. On s'expose alors au verbalisme, c'est-à-dire à l'automatisme des mots associés. Les mots y
fonctionnent tous seuls, et nous entraînent à leur suite. Mais alors c’est la langue qui parle en nous, plus que nous
en la langue ! La langue, c'est-à-dire les préjugés, les lieux communs, les clichés, les phrases toutes faites. Contre
quoi, il n'y a d'autre solution que la volonté de penser à nouveau ce qu'on dit, c'est-à-dire de "peser ce qui vient à
l’esprit" (Alain). Tâche nécessaire car libératrice, mais tâche infinie, puisque "nous n’avons jamais fini de savoir
ce que nous disons" (Alain). En ce sens, la philosophie n'a pas tant pour mission de proposer des contenus
nouveaux, mais plutôt de formuler plus clairement ce qu’une raison "commune mais saine" (Kant) sait déjà
confusément.
8. La communication comme pouvoir (la sophistique) et, derechef, la nécessité de la philosophie.
Mais il est un péril peut-être plus grave encore, quand le langage est intentionnellement utilisé en vue d'anesthésier
la pensée et la volonté de l’interlocuteur : ce que s'efforce de faire la rhétorique, ou plus exactement la sophistique.
Les sophistes grecs faisaient le pari de persuader n'importe quel auditoire par le seul pouvoir de la parole,
indépendamment de leur expertise dans le domaine concerné. (« persuader » introduit des ressorts affectifs, toucher
au cœur, alors que « convaincre » fait appel a des ressorts raisonnés, rationnels, faire appel à la pensée et la logique
de l’interlocuteur). Les sophistes utilisent un pouvoir de persuasion grâce à l’envoûtement de la langue sur
l’interlocuteur. La rhétorique cherche donc la forme la plus séduisante, sans se soucier de la vérité de son contenu.
Elle veut persuader (usant de ressorts affectifs), là où celui qui sait veut convaincre (par la raison). La parole permet
alors d'agir sur autrui. D'où son danger politique (démagogie, propagande), puisqu'elle donne le pouvoir,
particulièrement dans les régimes démocratiques. Contre quoi Platon en appelle à un autre art de la parole : le
dialogue, permettant d’opposer deux interlocuteurs, d’appeler à la réponse, la confrontation d’idées et l’échange
d’arguments (d'où la confiance et le respect mutuels). La pensée, à nouveau, doit réinvestir le langage qui est de
sa responsabilité.
Maïeutique : accouchement des idées (cf. la méthode socratique)
La parole est politiquement dangereuse, d’autant plus dans les régimes démocratiques (qui laissent la parole).
Danger qui peut prendre l’apparence de la propagande ou la forme de la démagogie. Il faut que nous soyons
vigilants face à la parole politique, voir si cette parole n’est pas plutôt du côté de l’envoûtement, si elle n’est pas
le simple véhicule de préjugés, si elle n’est pas proprement démagogique, si elle ne relève pas de la propagande.
Alain Bentolila, professeur à la Sorbonne, s’est récemment penché sur le langage des banlieues. Pour lui ça n’est
pas une culture, mais il n’est pas dans le mépris de ce langage. Il met en avant le fait que ces jeunes ont un
vocabulaire de 400 mots, et que syntaxiquement on est souvent dans l’approximatif (ex : « Mon père, le chien, il
l’a mordu. »). Cela met en avant le danger dans lequel se trouvent ces jeunes, leur vulnérabilité face à d’autres qui
maîtrisent la parole. Ils ne sont pas armés face à un discours qui peut être un discours envoûtant. Pour lui, dire que
ce langage est créatif et novateur est démagogique. Il est nécessaire de réfléchir sur la langue, et de voir en elle ce
qu’elle a comme fonction sociale, c’est-à-dire le fait que la langue comporte un pouvoir et véhicule une
infériorisation.Dire que tous les langages sont égaux n’est pas juste : certains donnent les clés du monde, d’autres
non. Bentolila met en avant le fait que cette langue n’est pas choisie, mais subie, qu’elle vient d’un environnement.
Certaines façons de s’exprimer stigmatisent (marquent socialement), et peuvent amener l’autre à nous catégoriser.
Bentolila dénonce les médias qui prônent le parlé banlieue, qui en font l’éloge, puisque ces médias détiennent les
clés du langage maîtrisé (ils s’assurent de leur supériorité).
Pierre Bourdieu (lien), auteur de « La domination masculine », et « Ce que parler veut dire » (1982). Pour lui le
discours est le produit de deux éléments qui se rencontrent :

Une compétence technique et sociale

Un marché : un ensemble de règles qui vont orienter la parole et fixer les sanctions infligées à ceux qui
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manquent à la correction du langage à un certain moment (exclusion du groupe, mépris, …)
Tous les rapports de communication entre les êtres sont aussi des rapports de pouvoir. Sur le marché linguistique
il y a toujours eu des monopoles (domination par rapport aux autres) : les langues savantes, les langues secrètes,
par exemple. D’où l’idée de pouvoir symbolique. Détenir les clés de la langue c’est être en mesure de se faire
reconnaître par les autres, d’obtenir l’adhésion des autres, c’est-à-dire se faire méconnaître dans sa vérité de
pouvoir (rien n’est ouvertement dit). L’efficacité de ce pouvoir n’est pas dans la force mais dans la reconnaissance
(les autres pensent que la personne qui parle a la connaissance). Pour obtenir la reconnaissance il faut donc un
rapport de complicité, les autres sont d’accord pour en être imposés.
Selon Bourdieu, connaissance et reconnaissance des autres n’impliquent pas forcément la conscience : on n’a pas
forcément conscience de subir un pouvoir. Relation obscure d’adhésion quasi corporelle entre celui qui incarne le
pouvoir et ceux qui le subissent. Le vocabulaire de la domination est plein de métaphores corporelles : plier devant
quelqu’un, se montrer souple, faire des courbettes, se mettre à plat ventre devant quelqu’un, …
Bourdieu tente une analyse du politique grâce au langage. Selon lui, les mots exercent un pouvoir magique
puisqu’ils font croire des choses, font agir les autres. Le pouvoir politique se sert des mots pour faire croire, pour
faire agir la population.
Quelles sont les conditions sociales qui rendent possible l’efficacité magique des mots ? Selon Bourdieu le pouvoir
ne peut fonctionner que sur ceux qui sont disposés à les entendre et donc à les croire. En béarnais, « obéir » se dire
« crede » (croire). Dès lors que l’on est dans l’obéissance, on est dans la croyance. Ce principe de pouvoir des
mots résiderait en fait dans une complicité entre un porte-parole (corps biologique qui incarne un corps social) et
d’autres corps biologiques mais qui sont socialement façonnés à reconnaître les ordres du porte-parole. Ces
individus sont des corps parlés (il y en a un qui parle pour eux). Le porte-parole tient son pouvoir de l’existence
des autres.
« Esprit de corps » : être soudé, se serrer les coudes, quand un groupe n’a plus qu’un corps et un esprit.
Le travail du politique est essentiellement un travail sur les mots. Mettre un mot pour un autre c’est changer la
vision du monde social. Ex : « classe ouvrière » pallie d’autres expressions plus péjoratives et qui individualisent.
Classe ouvrière = groupe social cohérent. Les groupes et les classes sociales sont le produit d’une logique qui
permet à un seul individu de parler au nom de tout le groupe et donc de faire croire que le groupe existe. En
contrepartie, ce porte-parole reçoit le droit d’agir et de se prendre pour le groupe qu’il incarne. On peut l’envisager
comme une remise en cause de la politique, et Bourdieu dévoile les ressorts de l’autorité, du pouvoir. Il conclue
en disant que « la sociologie s’apparente assez à la comédie » puisqu’elle aussi dévoile les ressorts de l’autorité.
Exemple du « Malade Imaginaire » : l’autorité fonctionne grâce au langage. Bourdieu se demande ce qu’est un
pape, un président, etc…, si ce n’est quelqu’un qui se prend pour un pape, un président, etc… et qu’on prend au
sérieux.
III.
Le langage et le genre : la domination masculine
Les femmes n’ont pas le droit de vote avant 1944.
Après la révolution française, la Déclaration des Droits de l’Homme a d’abord été écrite sans majuscule à
« Homme ». Les femmes en étaient donc exclues, droits conférés aux hommes et refusés aux femmes. Une femme
a essayé de rédiger la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, Olympe de Bourges. Elle fut
guillotinée pour hystérie, pour folie.
En 1804, Napoléon a frappé les femmes d’incapacité légale.
Révolution de 1848 : repousse l’octroi du droit de vote aux femmes.
2ème République : la femme ne peut pas appartenir ni prêter assistance à un club.
1851 : une loi interdit aux femmes de prendre part à des activités politiques et d’assister à des réunions qui abordent
des questions politiques.
En 1986, Laurent Fabius fait une circulaire disant qu’il est discriminatoire de n’employer que le masculin quand
on parle d’un ministre, d’un recteur, etc…
1990 : le Comité des Ministres de l’Europe recommande une élimination du sexisme dans le langage.
La domination masculine dans le langage remonte au XVII e siècle. Vangelas, grammairien, affirme en 1647 que
« la forme masculine a prépondérance sur le féminin parce que noble ». D’où, par exemple, « les légumes et les
fleurs sont frais » alors qu’avant on disait « fraiches ». Au Moyen-Âge, ça ne se passait pas comme ça. Par exemple
les annonces sur la place publique représentaient les deux sexes (iceux et icelles), on utilisait les termes : mairesse
(féminin de maire), commandante en chef, inventeure (puis inventrice), lieutenante au XVI e siècle, chirurgienne.
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La langue française aujourd’hui fait preuve d’un sexisme qui n’était pas présent entre le Moyen-Âge et le XVIIe
siècle. Introduction d’une hiérarchie basée sur la qualité des sexes.
On dit « Madame le directeur/le Ministre » par soucis de pureté dans la langue invoquée. La langue française a
longtemps été réfractaire à tout changement, et depuis une vingtaine d’années, la lutte des sexes intralinguistique
est en route. Il y a quinze ans, des professeurs et des politiques se sont interrogés sur le sexisme dans la langue
française, mais cette effervescence est retombée.
Nouvelles règles il y a une dizaine d’années mais qui ne sont pas encore appliquées, sans doute parce que très
souvent les fonctions sont occupées par des hommes. Masculinisation pour flatter l’ego de la femme, ou à l’inverse
parce que féminiser le titre semble dévaloriser la fonction. Le refus de la féminisation peut être vu comme un refus
à caractère idéologique.
A partir du mot masculin on peut former le féminin. Le masculin est le point de départ auquel on rajoute un suffixe
pour obtenir le féminin.
Pour désigner un groupe d’hommes et des femmes, de nouveaux mots ont été envisagés : « illes » ou « els ».
IV.
L’évolution de la langue française
La langue comporte une notion d’officialité, de conquête. Le patois est une façon de parler une langue à l’intérieur
d’une petite communauté géographique.
1. L’origine du français
Au commencement du français il y a le francien, un dialecte du nord de la Gaule, parlé à Paris par le premier roi
de France (Hugues Capet). Il s’impose au rythme des conquêtes territoriales, des échanges commerciaux, et prend
la place d’autres dialectes.
Les langues celtiques, gauloises, romaines, germaniques, vont se refondre et se répartir en deux groupes selon que
l’on est au nord ou au sud de la Loire. Au nord : langue d’oïl. Au sud : langue d’oc. (Oïl et oc sont deux façons de
dire « oui »).
842 : texte français le plus ancien. « Les serments de Strasbourg »
1080 : date de la chanson de Roland, écrite en français
1539 : ordonnance de Villers-Cotterêts dans laquelle François Ier ordonne l’emploi du français dans les
ordonnances et les jugements.
1549 : Du Bellay écrit « La Défense et Illustration de la Langue Française ». (lien)
1624 : les étudiants sont autorisés à soutenir leur thèse universitaire en français.
1635 : création de l’Académie Française
1694 : premier dictionnaire de l’Académie
1714 : traité de Rastatt, le français devient la langue des diplomates (jusqu’au traité de Versailles)
1791 : le français est obligatoire dans la rédaction de tout acte public
1832 : la connaissance de l’orthographe est obligatoire pour accéder aux emplois publics
D’où vient le francien , ce dialecte de l’Ile-de-France ? Il vient du latin. Après la conquête de la Gaule par Jules
César, le latin s’est peu à peu substitué à la langue gauloise. Mais lors des invasions germaniques, un mélange
s’effectue entre le parlé latin et le vocabulaire germanique. Cela donne le roman, ou l’ancien français. Le latin
reste tout de même la langue juridique, des universités et de l’Eglise.
2. Les emprunts
Toute langue a emprunté des mots à la langue voisine au cours de son histoire. Le français est une langue métisse.
Sur 20.000 mots usuels français, 40 sont gaulois, 10% sont d’origine germanique, 60 à 70% sont latins ou grecs,
et le reste provient de langues diverses (anglais, arabe, etc…). Les échanges linguistiques se sont faits au cours de
l’Histoire et au gré des modes. Au XVIe siècle, le lexique français prend forme, mais pendant la renaissance il y a
un engouement important pour tout ce qui vient de l’Italie, notamment dans le domaine de la table, des vêtements
(ex : escarpins), de l’architecture (ex : bicoque), des arts plastiques (ex : esquisse), de la musique (ex : maestro).
Cas des emprunts français/anglais
La première rencontre remonte au début du XI e siècle, mais véritable relation entre les deux langues depuis la
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victoire de Hastings en 1066. La langue anglaise puise énormément de vocabulaire dans la langue française. Ce
n’est qu’au début du XVIIIe siècle que la réciprocité sera vraie. Il y a beaucoup plus de mots français dans la
langue anglaise (environ les deux tiers du vocabulaire) que l’inverse.
Exemples :
 Bacon : à l’origine il s’agit de viande de porc mangée en France
 Rental (loyer) : vient de l’adjectif français « rental » qui voulait dire « qui est soumis à une redevance
annuelle »
 Faint (léger, faible) : vient de « feint » (mou, sans ardeur)
 Computer (ordinateur) : vient de l’ancien français « computer » (calculer)
 Toast : de l’ancien français « toster » qui signifiait « griller »
 Foreign (étranger) : vient du vieux français « forain » qui signifiait « étranger »
L’anglais continue aujourd’hui à emprunter à la langue française même si à la révolution française la France connaît
une première vague d’anglophilie. Certains mots viennent du mélange des deux langues.
Aujourd’hui on puise dans l’anglais pour le vocabulaire qui concerne les nouvelles technologies. L’anglais puise
dans le vocabulaire français pour les mots « qui font chic ». En France les termes anglais sont mal vus. En
Angleterre les termes français sont utilisés pour paraître cultivé ou brillant.
Le français est une langue vivante qui se croit mourante, attaquée. Elle est parlée par 200 millions d’habitants de
la planète. C’est une langue respectée à l’étranger, associée à la culture. Mais elle s’efface face à la langue de
communication usuelle qu’est l’anglais. Dans l’antiquité, le grec était la langue de communication, puis le latin,
puis l’arabe, puis le français et enfin l’anglais. L’avenir est incertain quant à la langue de communication :
espagnol, pékinois, ... ? Attention : la langue de communication ne signifie pas la langue dominante.
Adopter et accepter des termes étrangers enrichit la langue. Ce qui est appauvrissement, c’est de substituer un mot
français qui existe déjà avec un terme étranger (exemple : coach, best of, …) Michel Serres, philosophe, affirme
qu’on est en train d’assassiner des mots français et donc la culture. Mais il fait le distinguo entre langue de
communication et langue dominante.
« Il avait mangé de la choucroute (Al.), des tomates (E.) et un homard (Sc.) dans sa cabine (Br.). Au bazar
(Pe.), il avait acheté de l’alcool (Ar.), de rhum (Br.) et de la bière (Al.). Au cours d’une halte (Al.), il a voulu
faire la sieste (E.) près d’un bosquet (It.). Mais des chenapans (Al.), des canailles (It.) espiègles (Ne.),
débarquèrent (E.), lui tirèrent la cravate (Sl.), salirent son costume (It.), dessinèrent des tatouages (Br.) sur sa
peau et l’abandonnèrent à son chagrin (T.). Quel cauchemar (Ne.) ! En caleçon (It.), il avait l’air burlesque (It.).
Mais providence (Br.), un cavalier (It.) passa par là et, cravachant (Al.) sa monture confortable (Br.), l’emmena
en villégiature (It.). »
Origine des mots du paragraphe précédent : allemand (Al.), anglais (Br.), arabe (Ar.), persan (Pe.), espagnol
(E.), italien (It.), slave (Sl.), turque (T.), scandinave (Sc.), néerlandaise (Ne.)
Exemples de termes anglais arrivés dans le français :
 Avant 1700 : ajourner, contredanse, gentleman, groom, highlander, Lord, yard
 Entre 1700 et 1800 : anesthésie, bagage, gin, méthodisme, stick
 Entre 1800 et 1850 : autobiographie, beefsteak, cold-cream, job, silicium, sinécure, speech, steamboat
 Entre 1850 et 1900 : baseball, building, goal, lunch, tearoom, visualiser
 Entre 1900 et 1920 : autocar, chewing-gum, periscope, Technicolor, vamp, vitamine
 Entre 1920 et 1940 : bulldozer, mescaline, silentbloc
 Entre 1940 et 1960 : jet, off-shore, oscar, sexy, show, station service
 Après 1960 : airbus, audit, crackers, hardware, permissif, shopping, software, teddy bear, vanity case
Accélération des emprunts à la langue anglaise depuis une cinquantaine d’années. 14% des anglicismes d’usage
courant ont été introduits en France avant 1800, 22% entre 1800 et 1850, 9% entre 1850 et 1900, 22% entre 1900
et 1950, 32% depuis 1950. Larousse recense, entre 1949 et 1960, 105 emprunts à l’anglais contre 86 aux autres
langues.
On constate également :

des emprunts sémantiques : nouveaux sens donnés à des mots français fondés sur le mot anglais

des réintroductions de termes empruntés au français par les anglais (challenge, etc…)

des calques qui sont des traductions mot à mot d’expressions anglaises (la guerre froide, l’homme de la
rue, les cols blancs, etc…)
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Alain Decaux fut chargé de réfléchir sur la perte de vitesse du français, puisqu’on lui annonçait le déclin de la
langue française. Des associations dressaient un bilan sous les traits d’un réquisitoire puisque l’anglo-américain
gagnait du terrain dans l’économie, la publicité, la recherche, les services publics, l’armée, l’enseignement, les
institutions internationales. On lui demande de proposer des solutions pour inverser ce mouvement. Il entendit un
jour dire le président du Portugal : « Ma patrie c’est ma langue. ». Hubert Vedrine disait également que « la langue
c’est un sujet identitaire vital, c’est notre disque dur. » Decaux rappelle que jusque récemment, la langue française
était la langue diplomatique et que la communauté internationale s’en enchantait. En 1905 le traité de paix russojaponais avait été rédigé en français. C’est Georges Clemenceau qui a mis le premier coup de hache dans cette
langue française comme langue diplomatique. Il avait voulu que le traité de Versailles soit rédigé en anglais pour
rendre hommage aux alliés britanniques et américains. Ce fut le premier abandon d’une longue série.
Decaux fait part de son expérience et rappelle les paroles du professeur Hamburger. Beaucoup de conseils
d’administration de firmes françaises se passent en anglais, la correspondance se fait très souvent en anglais
exclusivement, à l’O.N.U. le français est une langue de travail, mais 90% des documents sont rédigés en anglais.
Dans les institutions européennes, l’anglais et le français conservant la priorité mais l’anglais est prépondérant.
Decaux dit que, paradoxalement, ce qui sauvera la langue française c’est l’uniformisation de l’anglais, car la langue
anglaise en tant que langue internationale ressemble de moins en moins à de l’anglais. C’est une langue nouvelle
née de l’anglo-américain, dont les racines sont anglaises, mais bourrée de néologismes, d’approximations, voire
de déformations. Elle n’est plus une langue de culture. Or langue et culture sont inséparables et les générations
futures seront certainement amenées à parler cette langue qui devient un esperanto, mais s’ils veulent connaître les
grands auteurs anglais il faudra qu’ils reviennent vers l’anglais en tant que langue de culture. Les Anglais devront
défendre leur langue.
Le XXIe siècle va devoir réagir au niveau linguistique. Decaux prône le retour à la pureté de la langue française
qui s’est beaucoup abîmée au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Il veut débarrasser la langue française
du « charabia » accumulé par des pédagogues et revenir à une simplicité pour ne pas avoir toujours à emprunter à
l’étranger des termes plus simples.
3. Le dictionnaire de l’Académie Française
Le grand dictionnaire de l’Académie Française s’enrichie dans des proportions impressionnantes. L’édition de ce
dictionnaire d’avant la deuxième guerre mondiale comportait 32.000 mots. Celle du début du XXI e siècle compte
55.000 mots.
Le verlan s’est imposé dans nos dictionnaires et a donné naissance à de nombreux mots nouveaux (ripoux, meuf,
beur). Alain Ray rappelle que l’argot d’autrefois fonctionnait comme un code secret propre à un milieu particulier,
alors que l’argot d’aujourd’hui s’impose bien au-delà des cités et des banlieues. Il est véhiculé, relayé par les mass
medias, et cet argot contemporain s’impose petit à petit dans la langue écrite, alors qu’il était jusque là propre à la
langue parlée. Decaux pense qu’il serait vain de combattre le langage parlé puisque historiquement tout langage
parlé précède le langage écrit.
D’un point de vue linguistique, le XXIe siècle voit s’accélérer des tendances déjà esquissées depuis le XXe siècle :
imparfait du subjonctif en perte de vitesse, plus-que-parfait en train de disparaître, des « e » muets voire inexistants
deviennent de plus en plus insistés (ex : match). Beaucoup de mots perdront des « e » finaux. Les liaisons sont
déjà en perdition, on en fait de moins en moins.
Article de la Constitution relatif à l’emploi de la langue française et décret du 3 juillet 1996 qui incite à
l’enrichissement de la langue française.
Le cas « master » (page de l'Académie à ce sujet)
Si « master » passait dans la langue française ça serait une violation de la loi. Mais le terme est passé dans plein
de milieux, et l’Académie Française y réfléchit donc davantage. Le terme « master » a été adopté dès 1999 pour
harmoniser les études en Europe. Il s’agit d’un terme européen dont l’orthographe ne varie pas en fonction des
pays de l’Union Européenne, à l’image du diplôme, uniformisé au niveau européen. Mais l’Académie Française
refuse de d’avaliser « master », car c’est un terme peu répandu et un pur anglicisme dénaturé car il désigne déjà
en anglais des diplômes très divers et qu’il est normalement toujours complété par la précision de la discipline. Si
le terme est accepté, cela revient à méconnaître la diversité européenne. L’Académie Française déclare que le terme
est trop générique, trop anglo-saxon, et qu’il existe déjà un terme dans la langue française courante qui pourrait
être employé (magistère). Elle conclue en disant que le vocabulaire doit être simple, naturel et judicieusement
choisi. Or ce n’est pas le cas pour « master » dont l’orthographe ne répond à aucune norme française, que personne
ne le connaît à l’époque et qu’il est bien trop générique. Elle refuse donc de donner son aval à ce terme, ce qui
n’empêchera pas qu’il soit largement répandu par la suite. Ce mot est imposé de façon arbitraire, il n’appartient
pas au patrimoine français, volonté européenne d’imposer ce terme.
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L’Académie Française a cependant avalisé récemment le terme « Mél. » (équivalent de « Tél. » pour un mail). Elle
n’est donc pas réfractaire à l’entrée de nouveaux mots pourvu qu’ils n’aient pas déjà un équivalent existant en
français. « Courriel » n’est pas avalisé. « Cédérom » l’est.
V.
Quelques points particuliers de la langue française
1. Ci-joint, ci-annexé, ci-inclus : quel accord ?
Normalement on fait l’accord lorsque ces locutions ont valeur de locution adjective et que donc elles suivent le
nom auquel elles se rapportent. Exemple : « la lettre ci-jointe ».
L’accord se fait également lorsque cette locution est attribut du sujet. « Ma lettre de motivation est ci-jointe. »
Mais les locutions sont invariables lorsque qu’elles ont une valeur adverbiale, c’est-à-dire lorsqu’elles seront en
tête de phrase et devant un groupe nominal, sans verbe. « Ci-joint la lettre ». Attention, on dit « Ci-jointes, les
pièces sont complétées par… » (valeur de locution adjective).
Elles ne s’accordent pas non plus à l’intérieur d’une phrase avec un nom sans déterminant. « Je vous adresse cijoint quittance du loyer. ». Mais « Je vous adresse la quittance ci-jointe. » (locution adjective).
2. « Deuxième » et « second » sont-ils des synonymes ?
Pour certains grammairiens, « second » signifie « deuxième et dernier », mais cette distinction ne vient pas de
l’Académie. L’unique différence est que « second » appartient à la langue soignée contrairement à « deuxième »,
et que « deuxième » est le seul mot des deux qui peut entrer dans la formation des ordinaux complexes.
3. Les chiffres inférieurs à 2 entraînent-ils un accord pluriel ?
« 1,9 million » : pas d’accord tant qu’on atteint pas 2.
4. « Septante », « octante », « nonante » (70, 80, 90)
Aucune langue ne fonctionne comme la langue française pour les chiffres « soixante-dix », « quatre-vingts » et
« quatre-vingt-dix ». Il s’agit d’une trace médiévale qui a subsisté, puisqu’au Moyen-Âge on avait coutume en
France de compter de 20 en 20. Pour dire 30 on disait « vingt et dix », pour dire 40 on disait « deux vingt » et pour
dire 60 « trois vingt ». Saint Louis fonda l’hospice des « quinze vingt ». C’est le système vicésimal, utilisé par les
celtes et les normands qui l’ont introduit en Gaule. A la fin du Moyen-Âge, les formes concurrentes se répandent
victorieusement. On ne sait pas ce qui fait que « soixante-dix », « quatre-vingts » et « quatre-vingt-dix » ont
survécu.
Au XVIIe siècle, l’Académie et les autres auteurs de dictionnaire adoptent définitivement « soixante-dix »,
« quatre-vingts » et « quatre-vingt-dix » au lieu de « septante », « octante » et « nonante », même si ces dernières
apparaissent dans le dictionnaire. En 1945, les spécialistes de l’éducation nationale recommandent vivement
l’utilisation du « soixante-dix », « quatre-vingts » et « quatre-vingt-dix ».
En Belgique et en Suisse, « septante », « octante » et « nonante » sont employés, mais « octante » est largement
concurrencé par le « quatre-vingts » et par « huitante ».
5. L’accord avec le pronom « on »
Lorsqu’il désigne un sujet donc on ignore le sexe, il exige normalement un attribut ou un participe passé avec un
genre non marqué (masculin singulier). « On est parvenu. » « On est fatigué. »
Pourtant il arrive que « on » ne désigne pas des individus indéterminés mais telle ou telle personne. Dans ce cas,
on accorde le participe ou l’attribut au pronom « on ». « On est allés se promener. »
6. Les noms collectifs suivis d’un complément au pluriel : quel accord ?
L’accord se fait au singulier ou au pluriel, au choix. « Un grand nombre de soldats mourut/moururent dans ce
combat. » « Une quinzaine d’euros suffira/suffiront. » « L’ensemble des étudiants a/ont protesté. »
VI.
Les anglicismes de mode (cours inspiré de Robert Dubuc, « La puce à l’oreille »)
Les emprunts de mode sont caractérisés par le snobisme, la paresse (pas d’effort pour rechercher le terme exact),
l’ignorance des ressources de sa propre langue.
Look : aspect physique volontairement étudié, caractéristique d’une mode (définition du Robert). Deux mots
français équivalents : allure, et genre. Le terme « look » n’est donc pas essentiel à la langue française.
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Sexy : sexuellement attrayant. L’aspect sexuel est gommé en français. Les équivalents : provoquant, excitant,
érotique.
Cool : maîtrise de soi et attitude calme et détendue (pour qualifier une personne), sens plus vague pour une chose.
Equivalents : ingénieux, original, calme, détendu, …
Punch : domaine de la communication, se dit surtout d’un texte capable de capter l’attention. Equivalent : mordant.
Show : spectacle. Le terme anglais est plus court et plus percutant. Snobisme.
Fun : terme passe-partout, mélioratif, qui présente l’intérêt de remplacer plein de vocabulaire ; original, plaisant,
agréable, amusant, divertissant, … Appauvrissement réel de l’expression et du vocabulaire.
VII.
Autres points particuliers de la langue française
1. Performant et efficace
Les animateurs radio et TV parlent de la « performance » d’un artiste. Cela n’a pas de sens : une valeur
d’exceptionnel ou d’exploit est normalement liée à ce mot. Il ne faut pas le confondre avec « prestation »,
« exécution ». Cette erreur de sens est liée à l’influence anglaise : le terme « performance » (anglais) signifie
« prestation », « exécution ». La valeur méliorative (exploit) de « performant » n’apparaît pas dans « efficace ».
Exemple : voiture aux performances exceptionnelles, employé performant
Dans le domaine des arts, nouvelle acception du terme « performance » pour désigner un spectacle vivant dans
lequel des corps interviennent.
« Performer » n’existe pas dans la langue française.
2. Anticiper et prévoir
« Les sondages permettent d’anticiper l’élection du parti X. » : phrase qui signifie que grâce aux sondages on peut
se réjouir ou déplorer l’élection de ce parti X, alors qu’il s’agissait simplement d’envisager l’élection du parti X
comme possible ou probable. Le verbe « prévoir » envisage un fait ou un évènement comme possible, déduction
fondée sur une analyse du présent. Le verbe « anticiper » inclus un sentiment positif ou négatif puisqu’il signifie
une imagination de celui qui parle.
Exemple : « J’anticipe le plaisir de vous revoir. », « prévoir un déficit » (analyse froide) / « anticiper un déficit »
(redouté, notion de crainte pour l’avenir)
3. Après que : quel mode employer ?
Mode indicatif : « après que je suis allé en cours ». « Après que » introduit un fait passé qui s’est effectivement
déroulé. « Après qu’il s’est assis, il s’est mis à parler. »
Dans la langue de tous les jours on utilise le mode subjonctif. Il s’agit d’une tendance qui n’est pas récente : elle
remonte au XVIIe siècle. La quasi-généralisation est récente, dans la langue journalistique et chez les grands
auteurs (Gide, Aragon, Mauriac, …). Pourquoi ce mode ? Analogie avec l’utilisation de la locution « avant que »
qui est suivie du subjonctif (fait pas encore réalisé, fait à venir, hypothétique). Il y a également une ressemblance
entre le passé antérieur de l’indicatif et le plus-que-parfait du subjonctif (« après qu’il fut/fût venu »), qui a entraîné
un remplacement du subjonctif par l’indicatif au présent. L’emploi du subjonctif est une erreur grammaticale même
si l’emploi s’étend au-delà de la langue journalistique (domaine littéraire).
4. Peler et éplucher
On épluche les pommes. On pèle une banane. Pas de synonymie : quasi-synonymes qui ont un noyau de sens
commun (opération visant à préparer un aliment en vue de sa consommation). Eplucher nécessite le couteau. Peler
consiste seulement à enlever la peau. Exemple : peler un oignon.
5. Confrère, collègue, condisciple et consoeur
Confrères : membres d’une même profession libérale (traducteurs, …), membres d’une confrérie, d’une académie
ou d’une autre association prestigieuse.
Collègue : ce n’est pas la profession mais la communauté de fonction ou de milieu de travail qui fait le collègue
(membres d’un même service)
Condisciple : renvoie plutôt à un compagnon d’études. Celui avec qui on étudie dans un établissement
d’enseignement. Terme très solennel pour évoquer la camaraderie.
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Consoeur : féminin de confrère, terme tombé en désuétude, chargé de moquerie. Le terme « confrère » est utilisé
à sa place.
6. Sûreté et sécurité
Sûreté : désigne un corps policier qui assure la paisibilité de la nation. Aussi utilisé en droit pour évoquer une
garantie fournie (fournir une sûreté personnelle à un créancier). Subsiste dans des expressions comme « une
épingle de sûreté », « un verrou de sûreté », « une serrure de sûreté » pour renvoyer à la notion de sécurité.
Sécurité : ne comporte aucune connotation policière. Renvoie à un état psychologique (se sentir en sécurité).
Sécurité sociale : mis à l’abri de la dépense trop importante face à la maladie.
7. Scientiste et scientifique
Scientiste : penseur qui donne aux sciences la valeur d’une connaissance absolue capable de résoudre tous les
problèmes du monde et de répondre à tous ses besoins. « Philosophe » dont la science alimente la réflexion et qui
lui assigne une mission salvatrice.
Scientifique : n’est pas un penseur mais plutôt un spécialiste des sciences. Savant dont les connaissances sont
poussées dans un ou plusieurs domaines scientifiques. « Professionnel » de la science.
8. Publiciste et publicitaire
Publiciste : écrivain spécialisé dans le domaine politique. Terme presque désuet : ne s’utilise presque plus dans
son sens exact.
Publicitaire : dérivé du mot « publicité », est à la fois adjectif et substantif selon l’emploi. Quand il est substantif
il fait référence à une personne qui fait carrière dans le domaine de la publicité.
9. Support, soutien et appui
Support : quatre acceptions principales :
 Base matérielle sur laquelle repose quelque chose
 Structure qui supporte le poids de quelque chose
 Substrat sur lequel on pose des éléments constitutifs d’une œuvre graphique ou picturale (toile, …)
 Vecteur de publicité ou un substrat matériel à l’information (affiche, bande magnétique, …)
Ce mot n’est utilisé que dans ces sens qui sont des sens concrets. Les emplois métaphoriques ne sont plus
d’actualité (sens figuré jusqu’à l’époque classique, se retrouve dans « supportable » ou « insupportable »). En
anglais il comporte un sens moral, figuré, comme dans la reprise du terme anglais « supporter ». Le verbe
« supporter » peut donc glisser vers un sens figuré par analogie avec l’anglais.
Soutien : au sens concret il désigne ce qui supporte matériellement quelque chose (~ support). S’appliquer aussi à
ce qui permet de maintenir quelque chose en place, de lui assurer une meilleure stabilité (les os servent de soutien
à la peau, soutien-gorge, …). A glissé vers des sens moraux : fréquemment employé dans le sens d’aide morale,
financière, … Egalement personne qui assure la subsistance de quelqu’un ou d’un groupe (le soutien de famille).
Expression « de soutien » qui désigne ce qui est destiné à venir en aide (politique de soutien).
Appui : sans concret de support latéral (arcs-boutants qui servent d’appuis à une voûte), lieu qui porte ou qui
soutient quelque chose (points d’appui, l’appui des pieds au sol), instrument servant à renforcer la stabilité de
quelque chose (canne, …). Sens figuré mais avec un sens beaucoup plus nuancé que « soutien ». « Donner son
appui à une œuvre » c’est simplement l’aider à atteindre des objectifs. « Donner son soutien à une œuvre » est
beaucoup plus engageant. Le mécénat accordé aux artistes est un soutien plutôt qu’un simple appui.
Il n’y a donc pas de sens moraux pour « support ». On lui substitue « soutien » ou « appui » selon la nuance
d’intensité.
10. Entre
« Hommes âgés entre 30 et 40 ans » : construction syntaxique insolite, fausse. Erreur qui vient d’une confusion
entre deux tournures :

l’adjectif « âgé », normalement suivi de la préposition « de », fait les frais d’une confusion très habituelle
en français entre les prépositions « de… à… » et la préposition « entre »

le verbe avoir qui peut être construit avec la préposition « entre » (avoir entre 30 et 40 ans)
Si l’on veut indiquer un intervalle il faut garder cette préposition « de » pour le minimum et introduire la
préposition « à ». Le recours au verbe « avoir » avec « entre » est possible, notamment pour les très jeunes, voire
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les bébés (« Les enfants à vacciner doivent avoir entre 6 mois et 2 ans »), le verbe « être âgé » ne convenant pas
sémantiquement.
11. Individu
Ce terme désigne fréquemment la personne ordinaire mais il s’agit d’un terme assez complexe. Il a d’abord servi
à désigner l’élément indivisible d’une collection d’êtres (« classification des individus de chaque espèce »). Quand
il fait référence à l’espèce humaine il s’oppose au groupe : famille, société, … Mais ce terme est aujourd’hui
employé pour désigner une personne indéterminée, indéterminable, ou qu’on ne veut pas identifier. Connotation
de mépris, voire d’ironie. Péjoration du terme contrairement à son pendant anglais « individual » qui reste neutre
dans le sens de « particulier ». Pour ne pas donner une connotation négative, il faut employer « une personne »,
« un homme », « un particulier ». Par courtoisie, le terme « individu » au sens péjoratif ne peut se dire d’une
femme.
12. Allocations, indemnités et prestations
Somme d’argent versée à quelqu’un.
Allocation : don arbitraire. Elles ont pour objet de permettre de faire face à un besoin. Le montant est arbitraire et
n’est pas déterminé par l’évaluation réelle du besoin. Aide pour subvenir à un besoin jugé essentiel. (Allocations
familiales)
Indemnité : correspond plutôt à une compensation. Vise à réparer un préjudice ou un dommage. Calculée en
fonction du préjudice causé. (Indemnités de licenciement)
Prestation : usage plus restreint. A l’origine réservé au domaine militaire, aujourd’hui de plus en plus réservé au
domaine social. Prend une coloration d’assurance sociale : sécurité vieillesse, assurance chômage, assurance
invalidité, … Contrat passé entre l’Etat et le bénéficiaire.
L’allocation correspond donc à un besoin, l’indemnité à un dédommagement, et la prestation à une assurance
sociale.
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