Autisme et compétence linguistique

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Autisme et compétence linguistique
(Christiane RIBONI Docteur en Linguistique)
La question de l'autisme, les tentatives d'analyse de cette
pathologie, constituent un enjeu dont l'importance est attestée par
les nombreuses publications consacrées à ce problème. Une des
difficultés porte sur l'identification de l'autisme, et les rapports
définis entre les concepts d'autisme et de psychose infantile. La
question de l'étiologie est liée à la définition possible de l'autisme
comme handicap ; nous renvoyons à l'analyse de J. Hochmann
sur ces points controversés.
Un autre type de problème est soulevé par la caractérisation des
troubles spécifiques de l'autisme. La définition clinique, admise
généralement depuis Kanner, s'appuie sur le trouble relationnel
(Kanner, 1943), mais la dimension étiologique tend à faire appel au
domaine du cognitif, sans toutefois que soient clairement
explicitées les limites de ces deux registres. L'autisme entraîne
des troubles dans le processus perceptif, dans la pensée logique
et dans les comportements langagiers , objets de la recherche
cognitive.
C'est à ce dernier aspect que nous nous intéressons, pour mettre
en relation les aspects fondamentaux de la compétence
linguistique avec l'intentionnalité, dont la défaillance est
considérée comme typique de l'autisme dans les recherches
cognitives qui ont été consacrées à cette pathologie.
L'intentionnalité est "le fait d'être-à-propos-de quelque chose". La
communication humaine a pour caractéristique d'être
intentionnelle:
La question de l'autisme en tant que trouble grave de la fonction
de communication, interroge les modèles de définition de la
communication et de l'intentionnalité. Une des thèses
significatives dans ce champ est celle défendue par U. Frith ,
posant que les enfants autistes n'attribuent pas d'états mentaux à
autrui ; les individus "autistiques" "ne s'efforceraient pas de
trouver une interprétation psychologique au comportement des
gens" , comportement normalement assuré "par une théorie de
l'esprit". Autrement dit, ce que les autistes "n'arrivent pas à
prédire, ce sont les comportements motivés par des états
mentaux". Dans cette logique, U. Frith propose comme mode de
relation avec les autistes une stratégie qui conforte ce type de
communication:
Il serait bon d'adopter avec eux un mode de communication littéral
et behavioriste, à la fois comme auditeur et comme locuteur.(1992)
Nous estimons que la question est très loin d'être aussi tranchée,
et l'analyse d'entretiens menés avec des patients autistes montre
que le manque en théorie de l'esprit n'est pas patent, au contraire
même dans certains cas. Nous nous sommes fixé pour objectif de
recherche de tenter de comprendre de quel type est la
compétence linguistique de la personne autiste.
1. L'analyse de corpus conduit à admettre que certains patients
autistes disposent d'une compétence linguistique, qui atteste
d’une stratégie relevant de l’intentionnalité, mais cette
compétence exhibe des failles remarquables : en effet, l'usage des
pronoms est constamment perturbé et, de manière générale, on
peut dire que les productions langagières étudiées ici manifestent
une utilisation du langage plus marquée sur le versant
représentationnel que communicationnel..
Ces questions sur la spécification de la compétence linguistique
rejoignent les interrogations dont attestent les travaux de Leslie et
Happé, ou encore Gérard sur l'articulation entre compétence
linguistique et compétence pragmatique. Dans ce registre, il serait
opportun de vérifier si la compétence dont font preuve les autistes
est une compétence "littérale" du langage, en lien avec un
maniement informationnel des productions langagières, ou si
les/des autistes sont susceptibles d'une réelle capacité
communicationnelle, capacité dont un test serait la
compréhension de l'ironie et de la métaphore (cf. Happé1993).
2. Si on se réfère aux recherches actuelles sur ce thème du
langage en lien avec la théorie de l’esprit, en particulier celles de
Tager-Flusberg, on retrouve dans l ‘analyse de l’entretien un point
souligné par Tager-Flusberg (1997), à savoir le manque
d’explication causale dans les énoncés des enfants autistes, et
leur défaillance marquée à maîtriser un cadre causal explicatif
C. Riboni
Docteur en linguistique
DE L'AUTISME
ET D'UNE DEMARCHE D'EDUCABILITE
Par Agnès PENEY
Directrice de la Maison Michelet de Nancy (54)
A.E.I.M. (Adultes et Enfants Inadaptés Mentaux de Meurthe et
Moselle)
Définition de Wendy Brown de l'école de Broomhays de l'éducateur idéal
d'un enfant autiste :
" Il doit aimer l'enfant parce qu'il est autiste, et non malgré le fait qu'il soit autiste "
SOMMAIRE DE LA PAGE
Préambule
Définition de l'Autisme
Epidémiologie
Etiologie
Maison Michelet :
Une expérience de prise en charge auprès d'adultes déficients mentaux, atteints de
surcroît d'Autisme
PREAMBULE :
S'il existe un mot en psychiatrie, psychologie éducation qui a fait couler
beaucoup d'encre et qui malgré de nombreuses recherches, ne fait
toujours pas l'unanimité de la communauté scientifique et médicale, c'est
sans nul doute "Le mot Autisme".
Je me garderai ici de reprendre l'historique (cf. bibliographie) mais je
suggérerai d'observer le tableau n° 1 où figurent les différentes
classifications actuelles françaises et internationales, aboutissement de
cette histoire.
Il est évident qu'en fonction de ces différentes classifications, la
terminologie utilisée pour diagnostiquer des personnes atteintes d'autisme
peut-être très différente et entretenir des confusions.
Mon expérience professionnelle m'a confronté à beaucoup de personnes
souffrant d'autisme pour lesquelles les diagnostics étaient très divers
quant à la terminologie.
En voici quelques exemples :
- autisme massif à carapace externe
- psychose déficitaire
- psychose symbiotique
- autisme pur
- psychose déviante
- déficience mentale sévère (cette personne a appris à lire en un an!!!)
- psychotique
- psychose avec bizarrerie
- psychose avec troubles relationnels
- troubles de la personnalité etc.
Le mot Autisme (cf. étymologie), à lui seul, a contribué à considérer
comme symptôme majeur le repli sur soi, alors que ce repli est en fait une
conséquence des difficultés rencontrées par ces personnes.
DEFINITION DE L'AUTISME
Si l'on demande à des parents ou des professionnels de donner une
définition ou décrire une enfant autiste, les qualificatifs fourmillent en
variété et en différence :
Intérêt marqué pour certains objets
affectueux
têtu
mots
nerveux
agressif
passif
compétent
absence de communication
pas de motivation
indifférent
répète toujours les mêmes
peu d'initiative
irritable
ne sait rien faire
etc........etc.....
Afin de relever ce qui véritablement caractérise la personne autiste, il a
fallu déterminer un fil conducteur.
"Incapacité à regrouper de l'information pour en déduire des idées
cohérentes et pourvues de sens"
La personne autiste est défaillante sur la compréhension du monde qui
l'entoure.
Ces incapacités produisent des altérations qualitatives très importantes
qui vont préciser les symptômes de base suivants de ce trouble
envahissant du développement (T.E.D.)
- Troubles des interactions sociales :
Pas ou peu de réaction vis à vis des autres. Cela va du repli sur soi
('Enfant bulle') à une absence de compréhension des routines sociales.
- Troubles de la communication verbale et non verbale :
Absence de langage, langage n'ayant pas une valeur de communication,
bizarre, echolalique, conversation à préoccupation égocentrique.
- Résistance au changement/activités répétitives/stéréotypies
- Début des symptômes avant l'âge de 30 mois :
Ces symptômes de base existent chez toutes les personnes
diagnostiquées comme autistes (avec bien sûr des degrés différents)
A ces symptômes de base peuvent se surajouter des différences qui sont
en fait les conséquences de ces symptômes, mais qui en aucune façon ne
peuvent être déterminants dans des critères de diagnostic.
C.F.T.M.E.A. (Ministère
affaires sociales santé
1988)
C.I.M. n° 10 (O.M.S.)
D.S.M. III R 1987
D.S.M IV 1994
Psychoses infantiles
T.E.D. (troubles
envahissants du
développement)
T.E.D.
Syndrome autistique
Autisme infantile précoce
de Kanner
Autisme infantile
Troubles autistiques
Syndrome d'Asperger
T.E.D. non spécifié
Syndrome de Rett
Autres formes de l'autisme
Autisme atypique
infantile
Psychoses précoces
déficitaires
Syndrome de Rett
Autres troubles
désintégratifs
Dysharmonies
psychotiques
Autre troubles
désintégratifs
Autres T.E.D.
Troubles hyperactifs avec
retard mental et
stéréotypies
+(?) Troubles de la
personnalité pris dans une
dysharmonie évolutive ?
Syndrome d'Asperger
T.E.D.non spécifié
Autres T.E.D.
T.E.D. non spécifié
C.F.T.M.E.A. :Classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent
1988
C.I.M. :Classification internationale des maladies (Organisation mondiale de la santé
D.S.M.I :Manuel Statistique et Diagnostique des troubles mentaux
Le niveau intellectuel:
Tout le monde connaît l'image du 'bel autiste intelligent'. La réalité tend à
prouver le contraire. En fait, plus des 2/3 présentent une déficience
mentale avec un retard intellectuel (léger, moyen ou sévère) : 40% des
enfants ont un QI < à 50 *
30% ont un QI non verbal en dessous de 70
moins de 5% peuvent être considéré comme ayant une intelligence dans
une fourchette normale (>80)
Bien sûr certains présentent ce qu'on appelait des 'îlots d'intelligence'
(Cf. Rain man) troublants.
De plus ils présentent avec des profils très différents, un fonctionnement
cognitif très particulier.
Les troubles du comportement:
Malgré leur fréquence (~ 10 fois plus que chez les handicapés mentaux
ordinaires) ils ne sont pas significatifs de l'autisme.
C'est souvent leur seul moyen de communication.
En présence d'un trouble du comportement, il faut toujours se poser les
questions suivantes :
- A-t-il mal?
- Veut-il que je m'occupe de lui
Ensuite pousser l'observation et l'investigation plus loin.
Que peut-on observer?
- des troubles agressifs :
colères, coups, automutilation, jets d'objets, destruction délibérée,
ingestion d'objets
- des troubles alimentaires :
refus, sélectivité rigide, anorexie, boulimie, vomissement volontaire,
régurgitation
- des troubles du sommeil et du rythme jour/nuit
- des troubles de la propreté et de l'hygiène :
pas d'acquisition de propreté, jouer avec ses matières fécales ou celles
des autres, se roule dans la boue etc.
- des troubles 'sociaux':
rires, pleurs immotivés, utilisation des autres comme extension de soi
opposition, mensonge, vol, paresse, passivité, adhésivité, abolition du
sens du danger, indifférence totale, hyperactivité rendant impossible toute
activité, hyper attention envers l'adulte, masturbation, comportements
sexuels inacceptables, cris, hurlements, agressions verbales,
accaparement d'adultes connus ou inconnus etc.
EPIDEMIOLOGIE
Ratio: 5 pour 10000 représenté dans le cas d'un tableau pur et complet.
Si l'on prend en compte l'autisme associé à un retard mental, on arrive à
10 pour 10000.
Certains auteurs parlent de 10 à 15 pour 10000 dans un continuum
autistique large.
En Meurthe et Moselle cela représente en 1996 : 70 enfants - 350 adultes
Si l'on prend en compte un continuum autistique
200 à 300 enfants 1000 à 1400 adultes
Sex ratio : 4 garçons pour 1 fille
Les cas les plus graves laissent apparaître une proportion égale de filles et
de garçons.
Milieu social: Touche tous les milieux
ETIOLOGIE
Actuellement il n'existe que des hypothèses en ce qui concerne les causes
possibles de l'autisme.
- Hypothèses psychogénétiques
L'autisme serait dû à une réaction de défense face à une attitude
parentale plus ou moins consciente, nocive.
Bruno Bettelheim : vulgarisation importante en France dans le secteur
psychiatrique, les écoles d'éducation.
Klein et Malher : troubles de l'intégration, troubles de la séparation,
individualisation.
Frances Tustin: deux types d'autisme
1) l'un organique lié à une liaison cérébrale
2) l'autre psychogène lié à une réaction catastrophique à une situation
dont l'effet traumatisant n'est pas forcément évident (fragilité de départ)
Pour une majeure partie des spécialistes étrangers, l'hypothèse
psychogénétique n'a plus qu'un intérêt historique
- Hypothèses génétiques
Pourquoi cette piste?
Des éléments sont troublants : on remarque
- concentration dans les familles 3% dans la fratrie, 60% en cas de
jumeaux monozygotes
- X fragile dans 7% des cas
- Crises d'épilepsie : entre 30 et 40% des personnes autistes sont
épileptiques à l'adolescence
- association Trisomie Autisme
- '' Maladie de Bourneville Autisme
- découverte par le Professeur Muh d'une anomalie génétique sur le
chromosome 11 dans un nombre significatif de cas
Depuis, d'autres chromosomes semblent aussi être porteurs d'anomalies
(7/13/15/16)
- Hypothèses de complications obstétricales périnatales ou postnatales
due à :
- agents infectieux (herpès, rubéole, toxoplasmose)
- hémorragies méningées
- encéphalopathies évolutives ou non (vaccin variole)
- maladies métaboliques : phénylcétonurie hydrocéphalie
- traitement pendant la grossesse (piqûres pour éviter une fausse couche)
- anoxie - néonatale
- Hypothèses biochimiques et neurologiques
On retrouve des anomalies du système dopaminergique : élévation de la
sérotonine chez 30 à 35% des autistes, augmentation du taux des
endorphines.
- Hypothèses de dysfonctionnement et (ou) lésion structurelle du cerveau
Il s'agit ici d'une recherche approfondie à partir d'examens (IRM par
exemple ou plus complexe). Ces nouveaux modes d'exploration ont déjà
décelé des anomalies concernant l'hémisphère gauche du cerveau (zone
de langage) et des atteintes sur le cervelet.
En conclusion : Il s'agit bien d'un syndrome; une même pathologie avec
des causes très diverses.
Uta Frith explique :
"Il existe quelque part dans la chaîne, une cause unique, mais les agents
susceptibles d'affecter ce maillon critique sont nombreux et variés"
De ce fait comment envisager une thérapeutique miracle?
Maison Michelet
Une expérience de prise en charge auprès d'adultes déficients mentaux
atteints de surcroît d'autisme.
Présentation de l'établissement:
L'établissement est un foyer occupationnel en accueil de jour non
médicalisé ouvert depuis Septembre 94 pour 25 adultes déficients
mentaux déclarés par la C.O.T.O.R.E.P. inaptes au travail. En Octobre
1995, le nombre de places s'étend à 40 puis à 55 en Juillet 98.
Il se situe dans les locaux d'une ancienne école désaffectée (Ecole
Michelet), acquise par l Association AEIM (adultes et enfants inadaptés
mentaux) dont il dépend.
La Maison Michelet est située dans une zone urbaine à forte densité, sur
une hauteur appelée le Haut du Lièvre.
Historique de la prise en charge:
Les raisons de la décision C.O.T.O.R.E.P. "inapte au travail " déterminant
l'entrée au Foyer Occupationnel sont diverses : incapacité de travail,
problèmes médicaux incompatibles avec la présence de machines
dangereuses (épilepsie grave), motivation inexistante, refus de travailler,
autisme ....
Dès l'ouverture, l'équipe est confrontée à la difficulté de prise en charge
des personnes atteintes d'Autisme qui représentent 40% de la population.
Une volonté de la part des professionnels de répondre à ce handicap
spécifique va s'engager rapidement. Pourquoi ?
-la prise en charge traditionnelle pour personnes déficientes mentales ne
répond pas à la problématique des personnes atteintes d'Autisme
-les troubles du comportement envahissent le quotidien et désorientent
l'équipe (violence/automutilation)
-les deux directrices qui se succèdent de 94 à 97 sont très conscientes de
la nécessité d'offrir une autre prise en charge et de s'investir dans un
projet innovant à l'égard des personnes handicapées adultes autistes
-quatre membres de l'équipe connaissent le problème de l'autisme (stage
théorique modèle Teacch sur les stratégies éducatives déjà réalisées) et
possèdent des expériences dans d'autres secteurs (IME/MAS)
-les parents épuisés, vivent pour certains d'entre eux un enfer qu'ils
expriment aux professionnels
Début de la prise en charge:
Fort de l'expérience de quelques professionnels connaissant l'autisme et
les prises en charge spécifiques proposées par le programme " Teacch ",
l'équipe va s'engager dans un projet de longue haleine :
- Les aides:
Les formations financées par France Telecom
L'arrivée d'un psychiatre (1/2 jour par semaine), embauché par l'A.E.I.M.
pour la prise en charge des personnes atteintes d'Autisme, psychiatre au
demeurant, ouvert au projet innovant qui est celui de l'équipe
(L'Association donne son accord à sa présence dans l'établissement)
Le bénévolat d'une psychologue qui, intéressée par cette prise en charge,
se joint à votre projet
-La prise en charge spécifique:
Les deux objectifs de départ furent :
1) L'évaluation des personnes : Test AAPEP
2) La structuration de l'espace et du temps
Le travail est lent, l'encadrement est insuffisant (absences pour formation
diplômante AMP, Moniteur Educateur, ratio d'encadrement prévu pour un
Foyer Occupationnel, l'établissement n'est pas reconnu comme un
établissement accueillant des personnes autistes).
Toutefois, très rapidement, des progrès apparaissent qui motivent
d'autant l'équipe et commencent à interpeller les familles :
-Troubles du comportement en régression (sans médicalisation
supplémentaire, violence/automutilation)
-Meilleure compréhension du fonctionnement des personnes
-Compétences des adultes qui se découvrent
-Début de mise en place de communication alternative
-Collaboration parents/professionnels qui s'instaure
-Stratégies éducatives diversifiées
-Variété dans l'animation proposée
Constat d'aujourd'hui :
Septembre 1994 à Novembre 2000
Cinq années se sont écoulées. L'effet et le dynamisme de l'équipe est
toujours présent. Certains professionnels sont partis (le psychiatre),
d'autres leur ont succédés avec ce souci de poursuivre le projet. Les
résultats observés dès la première année se sont maintenus et il est fort
agréable de voir les personnes atteintes d'autisme, apaisées, souriantes,
bien dans leur tête, bien dans leur corps. Bien évidemment, de temps à
autre, ils manifestent encore quelques troubles du comportement
(toutefois 90% ont disparu) mais maintenant l'équipe en comprend la
raison et peut ainsi apporter des réponses adéquates.
Les familles collaborent de plus en plus et de ce fait, gèrent mieux la prise
en charge de leur enfant.
Elles ont apporté la richesse de la connaissance de la personne permettant
de mieux la cerner.
La communication reste notre souci permanent, nous n'avons pas encore
abouti totalement mais les cartes de communication ont apporté pour
certain un confort non négligeable.
L'équipe s'est étoffée : Arrivée d'un emploi jeune (collaboration d'une
prise en charge pour personnes autistes)
Conclusion :
Une expérience riche, qui s'inspire en majeure partie du 'Programme
Teacch'.
La psychiatrie, nous ne la rejetons pas, bien au contraire.
Elle nous a aidés à protéger les adultes de leur violence, les apaisant,
nous permettant ainsi d'agir auprès d'eux en leur proposant des solutions
qu'il pouvait intégrer (beaucoup d'adultes n'ont pas eu de prise en charge
spécifique avant l'âge de 20/25/30 ans) Cette aide est passagère et
évolutive.
Il reste encore beaucoup de travail à réaliser :
-accentuer la recherche auprès des personnes présentant un autisme lié à
une déficience mentale sévère
-généraliser la prise en charge
-Investir encore plus la communication
COMMUNICATION ET AUTISME
Christophe LAMBERT, Christine HIRSCH & Sylvie MARCHAL
Introduction
Qu'est-ce que l'autisme ?
Les symptômes autistiques
Les troubles du comportement
Définition et Description de l'Autisme:
"Pourquoi n'ai-je jamais droit à un regard empreint d'affection et de gratitude ?
Pourquoi rit-il lorsque je pleure, plutôt que de pleurer avec moi ou de demander la
cause de mon chagrin ? Pourquoi est-il gentil avec moi lorsque j'ai un noeud bleu dans
les cheveux, et pas lorsque j'en ai un rouge ? Et pourquoi, lorsqu'il pleure et que, pour le
consoler je le prends sur mes genoux, pleure-t-il de plus belle ?
Lorsqu'il est frustré, il dit "les trains démarrent". S'il veut aller sur la balançoire, il dit
"les oranges sont finies".Il chantonne des journées entières "le train fait tchouk tchouk"
et quand je vais avec lui à la gare et que je lui demande ce qu'il voit, il me répond "des
spaghettis avec des boulettes".
(L'autisme, aspects éducatifs et médicaux par Dr C. GIUBERT et T. PEETERS)
Qu'est-ce que l'autisme ?
"Une personne normale ne peut pas comprendre pourquoi une mère permet à son
enfant de se frapper la tête contre le mur, ou pourquoi elle ne le punit pas lorsqu'il
renverse son sac dans la charrette pendant les courses au magasin".
En quelques mots, les personnes atteintes d'autisme ont des difficultés à appréhender les
symboles, tout comme d'autres ont des problèmes visuels ou auditifs.
Le fonctionnement de la société dans son ensemble est régi par des symboles. Le langage
en est un excellent exemple : Les sons désignent -c'est à dire symbolisent- à la fois des
choses, des actes, des pensées, des sentiments. La société utilise constamment des
symboles : signes de tête, sourires, poignées de main... Et on sait que les personnes
atteintes d'autisme ont d'importants problèmes avec les contacts sociaux et toute forme
de langage.
Les personnes autistes vivent ainsi dans un monde qu'elles ne comprennent pas, ou
difficilement, et au sein duquel elles ne peuvent pas ou presque pas se faire comprendre.
Il n'est donc pas étonnant que les autistes se retirent apparemment de ce monde, et
manifestent de temps en temps leur impuissance, en se frappant la tête contre les murs
ou en hurlant de colère. C'est précisément cet isolement qui est à la base du nom donné à
la maladie : du grec autos : soi-même.
Tout comme un handicap visuel ou auditif, les personnes atteintes d'autisme nécessitent
une éducation et une prise en charge adaptées à leur handicap. Cette éducation et cette
prise en charge sont essentielles, si on souhaite donner la possibilité aux personnes
atteintes d'autisme, et à leur entourage, de vivre une existence satisfaisante.
Les symptômes autistiques
Pour pouvoir être appelé autiste, un enfant doit présenter des symptômes
caractéristiques avant l'âge de 30 mois.
1- Irrégularité du développement
L'évolution normale des enfants, depuis le plus jeune âge, est observée selon 3 axes
classiques coordonnés entre eux :
- le développement moteur
- les comportements socio-adaptatifs
- les processus cognitifs
En ce qui concerne les enfants autistes, il peut exister des retards si l'une des fonctions
sur un de ces axes ne commence pas au moment voulu. On peut également observer des
périodes de régression avec perte des acquisitions antérieures, et également des
démarrages soudains dans le développement. Ces irrégularités du développement,
typiques de l'autisme, permettent de différencier l'autisme de l'arriération mentale.
2- Réponses anormales aux stimuli sensoriels
L'enfant autiste réagit anormalement aux perceptions sensorielles. La réaction peut être
excessive ou atténuée, et se produire pour tous les organes des sens.
- symptômes visuels
Un enfant peut regarder les dessins sur la tapisserie, dans des livres pendant des heures.
Il peut exister une sensibilité inhabituelle à la lumière (fixer une lampe qu'on allume,
qu'on éteint, regarder un flash...).
L'enfant fixe parfois certaines parties de son corps (mains, doigts...), ou, tout ce qui
tourne. Le symptôme visuel le plus commun est la reconnaissance de modèles visuels et
la volonté de les maintenir (refus de changement). Cette capacité à reconnaître la
disposition des choses et à en conserver l'ordre avait été observée par KANNER et
appelée désir obsessionnel d'immuabilité. C'est la réponse anormale de l'enfant sur le
plan des perceptions visuelles.
- symptômes auditifs
Il est fréquent que les enfants autistes ne réagissent pas aux sons ou semblent sourds ou
encore répondent seulement à certains sons et semblent ainsi posséder une audition
sélective. Mais l'enfant autiste est capable de faire attention à un nouveau son, tel qu'un
klaxon, une publicité à la télévision, un bruit de moteur, un instrument de musique dont
le son est inhabituel.
L'enfant plaque souvent ses mains sur ses oreilles. Ce fait alterne avec des périodes
pendant lesquelles l'enfant va s'intéresser à des bruits répétitifs comme chantonner,
faire claquer se langue ou frapper en cadence des objets.
L'enfant qui est insensible aux sons un jour, peut très bien un autre jour, placer son
oreille contre le piano ou le haut parleur du poste de radio.
- le toucher, la température, la douleur
L'enfant peut passer des heures à frotter différentes surfaces avec la main, à transporter
avec lui des morceaux de ficelle ou de tissu qu'il caresse. L'enfant autiste qui se cogne ou
se blesse réagit de façon atténuée (se cogne ou se mord volontairement).
La texture de la nourriture est également importante pour certains enfants qui
n'acceptent qu'une nourriture passée au mixeur, et qui recrachent tout morceau n'ayant
pas la dimension requise. Les changements de température peuvent également
provoquer des réactions intenses.
3- Mobilité et symptômes proprioceptifs (relatifs à l'attitude, aux mouvements, à
l'équilibre)
L'enfant autiste peut conserver longtemps des postures et des attitudes qui peuvent
durer des heures (balancement, battements des mains). Ces comportements se
produisent pas intermittence.
4- Trouble de la communication
- Langage
Le langage peut ne pas apparaître, on dit alors que l'enfant est mutique. L'enfant peut
aussi présenter un retard de langage, qui peut ensuite régresser, disparaître ou être
parfaitement normal.
- Processus cognitifs
La capacité de donner une signification symbolique et de traiter l'information peut être
réduite au minimum, apparaître tardivement ou être limitée à certains domaines
spécifiques. Si les compétences cognitives apparaissent tardivement ou sont limitées, la
personne autiste sera classée dans la catégorie "handicap mental profond". Souvent,
certaines capacités cognitives sont présentes mais ne peuvent être employées parce que
d'autres sont absentes. Les enfants autistes ont, vers 6-7 ans, des capacités cognitives
satisfaisantes, mais une conscience sociale pauvre.
L'écholalie est le fait de répéter sans cesse un discours, une phrase récente ou passée.
Elle est normale entre 18 et 24 mois. Elle peut être retardée ou tardive, la personne
répète alors ce qu'elle a entendu il y a un certain temps. L'enfant écholalique est capable
de répéter des phrases entières, des paragraphes, en respectant l'intonation et l'émotion,
en dehors de tout contexte.
- Communication non-verbale
Les enfants autistes présentent généralement une absence ou un retard dans le
développement gestuel. Certains ont les capacités d'attribuer une valeur symbolique
normale aux mouvements des mains, aux postures, aux mimiques et peuvent ainsi
communiquer par le langage gestuel, ce qui permet de développer et exploiter des
processus cognitifs. Pour les autres, compte tenu de leurs difficultés à communiquer,
nous ne sommes pas capables d'évaluer leur capacité à attribuer cette valeur
symbolique.
Au fur et à mesure que l'enfant grandit, le langage peut apparaître et disparaître.
L'éducation doit alors se faire par un système adapté à chacun et avec une certaine
persévérance.
5- Troubles de la relation avec autrui, avec les évènements et les objets
Contrairement à ce qui se dit, les enfants autistes entrent en relation, mais d'une façon
anormale, ils ne présentent pas une incapacité à entrer en relation avec autrui. Lorsque
le développement de l'enfant s'est arrêté à un stade précoce, celui-ci ne manifeste aucun
intérêt à regarder le visage ou les yeux, mais même l'enfant le plus atteint peut
progresser et parvenir à établir une relation affective avec son entourage.
Les troubles de la relation peuvent être observés dès les premiers mois de la vie. Les
enfants autistes n'ont pas de gestes anticipateurs pour être pris dans les bras, mais ils
peuvent avoir brusquement un démarrage rapide du développement, et commencer à
entrer en relation d'une façon plus élaborée.
Fréquemment les enfants autistes sont très attachés à des objets qui leur procurent des
sensations répétitives et immuables. Ces objets deviennent leurs "jouets", ils les
emmènent partout. Les enfants autistes peuvent avoir une façon particulière de réagir
aux événements qui se produisent dans leur vie, surtout s'ils perçoivent le temps de
façon normale ou s'ils sont sensibles à ce qui est visuel.(déplacement d'objets,
déroulement routinier perturbé...)
Les troubles du comportement
Les personnes autistes se distinguent par l'importance de leurs troubles de la
communication et de l'intéraction sociale, par leurs comportements stéréotypés et leur
angoisse démesurée face à tout changement. Cette résistance aux changements se
manifeste aussi par un refus de l'apprentissage.
Ce rejet de la pédagogie découle de leur incapacité à appliquer les processus
d'apprentissage et d'adaptation aux exigences de la vie sociale, non parce qu'ils ne
savent pas, mais parce qu'ils ne comprennent pas ce qu'on attend d'eux. Leur seule issue
est une défense qui peut aller du simple refus à une violence contre eux-mêmes (automutilation), ou à des stéréotypies.
Cette impossibilité à saisir la pensée de l'autre donne à l'observateur l'impression que
l'enfant autiste "ne veut pas". Comme l'enfant ne peut utiliser le langage pour
communiquer, il se sert des outils à sa disposition, l'insuffisance de son système de
communication est un des facteurs clés des troubles du comportement de l'enfant
autiste.
L'enfant autiste a une perception des choses très différente de la nôtre, et comme il ne
parvient pas à dire la cause de ses angoisses, cela engendre un processus très pénible
pour les parents et pour lui-même. Souvent, un fait mineur (changement de rideaux,
objets déplacés...) va provoquer ses cris.
1- Le refus de changement
Il existe chez les enfants autistes un désir de routine, tout ce qui est nouveau les effraie.
Ils doivent toujours redécouvrir, restructurer ce qui est nouveau car le langage ne les
aide pas à comprendre, ils n'ont pas à leur disposition les compétences permettant
d'appréhender ce qui change, sans anxiété. Il faut donc les amener progressivement à
évoluer, mais en changeant une petite chose après l'autre.
2- Le repli autistique
Certains enfants autistes vivent très repliés sur eux-mêmes, n'explorent pas le monde
qui les entoure. Ils ignorent leur famille, ne regardent pas les choses, ne tournent pas la
tête quand on leur parle, rien ne semble éveiller leur attention. Il faut donc beaucoup de
patience et de compréhension pour les amener "dans notre monde".
3- Le regard latéral évitant
Beaucoup de jeunes enfants autistes semblent ne pas voir les gens, les objets ni percevoir
les situations. Ils balayent rapidement du regard ce qui les entoure, ils utilisent une
vision latérale. Il faut donc leur apprendre à utiliser le regard pour communiquer.
4- Les stéréotypies
C'est un symptôme majeur de l'autisme. ce sont des actes que l'enfant répète
indéfiniment. Elles peuvent être verbales, gestuelles, posturales, ... Les stéréotypies
vocales sont fréquentes, l'enfant émet toujours le même son, avec la même intensité.
C'est pour l'enfant un moyen de résister au changement. L'enfant a souvent recours aux
stéréotypies pour se défendre face à un apprentissage, à une nouvelle tâche, c'est pour
lui une situation de confort. Elles permettent à l'enfant d'exprimer son émotion, son
ennui, et fonctionnent à défaut du langage.
5- L'angoisse
L'enfant autiste peut manifester une angoisse énorme dans des situations qui semblent
normales, il comprend le monde d'une façon différente de la nôtre, d'où l'intérêt de bien
préparer l'enfant en verbalisant ce qui va se passer.
6- Les colères, les hurlements
Pourquoi l'enfant pleure-t-il ? La plupart du temps pour des faits qui paraissent
minimes, c'est une fois de plus, la disproportion souvent constatée entre notre façon de
réagir et celle des enfants autistes. Les choses n'ont pas pour eux les mêmes valeurs.
7- L'enfant autiste et les sensations
Ce sont des problèmes fréquents surtout pendant les premières années de la vie.
L'enfant peut refuser tout contact, tout vêtement, ou vouloir porter toujours les mêmes
(difficulté d'adaptation à des sensations nouvelles, hypersensibilité).
L'enfant autiste ne semble souffrir ni du chaud ni du froid, il peut être, à des moments
différents, très attentifs aux sons, ou au contraire totalement indifférent. Il peut être
attiré par la lumière, les effets lumineux, passer de longs moments à filtrer la lumière à
travers ses doigts.
8- L'enfant autiste et la douleur
L'enfant autiste ne semble pas souffrir lorsqu'il se blesse, lorsqu'il se mutile. Ne sait-il
pas manifester ? Ne perçoit-il pas la douleur? N'en a-t-il pas l'expérience? Ses
perceptions, ses sensations sont différentes des nôtres, il faut lui apprendre à
comprendre son corps et à percevoir les dangers d'une blessure.
L'enfant peut être agressif, soit vers lui-même, soi vers autrui. cette agressivité très
développée peut être un appel, l'enfant étant en difficulté pour demander autrement.
Les difficultés de communication rendent plus difficile la canalisation, le contrôle social
de cette agressivité, elle est souvent disproportionnée et peut effrayer l'entourage.
L'agressivité se manifeste le plus souvent avec les personnes que l'enfant aime, il faut
alors interrompre cette situation. Permettre à l'enfant de frapper les autres quand il a
quelque chose à demander, c'est très vite le condamner à être exclu de la société.
Les mutilations sont pénibles et traumatisantes pour l'enfant et sa famille, elles sont plus
fréquentes chez l'enfant mutique. La mutilation a toujours une signification (enfant
inoccupé, mécontent, inquiet, qui a besoin de quelque chose, qui souffre, qui veut attirer
l'attention...), elle est souvent le seul langage de l'enfant.
9- L'inconscience du danger
Souvent l'enfant autiste ne perçoit pas les dangers qui l'entourent, car sa connaissance
n'est pas fondée sur l'expérience. S'il s'est brûlé une fois, il peut recommencer sans
appréhension. L'enfant autiste ne vit pas la douleur comme les autres enfants, il peut se
faire mal et recommencer un acte dangereux peu de temps après.
10- Alimentation, sommeil, propreté
L'enfant autiste peut, dès son plus jeune âge, refuser certains aliments, manger de façon
irrégulière, marquer sa préférence pour une alimentation mixée. Certains ont des
difficultés à mastiquer, à avaler, il peut alors exister un problème de motricité, de
coordination, d'incompréhension de l'acte d'avaler.
Les insomnies sont fréquentes, surtout dans la petite enfance. L'enfant ne semble pas
avoir besoin de sommeil. Quelques fois il peut vouloir dormir par terre, dans un couloir,
dans un fauteuil.
L'absence de propreté est également un problème très fréquent chez l'enfant autiste.
Certains ont acquis la propreté diurne, d'autres aiment jouer avec leurs excréments,
sont amusés par la saleté. La propreté et la saleté n'ont qu'une valeur sociale et ne
signifient donc rien pour l'enfant autiste. De plus, il supporte mal la contrainte,
l'apprentissage est long et pénible, pour la famille et l'enfant.
Il est donc important de noter que le manque de communication chez l'enfant autiste est
facteur d'un certain nombre de dysfonctionnements, de troubles et surtout d'adaptation
sociale.
Autisme et Psychanalyse
(Stoïan STOIANOFF NENOFF Psychanalyste)
L'autisme est une affection de l'enfant dont la prise en charge a donné lieu en
France à une législation particulière destinée à donner satisfaction aux familles
des autistes.
Voici en quels termes, lors du débat à l'Assemblée Nationale le 22.02.1996, le
rapporteur situe le problème, sur la base de ce que l'on compterait en France
entre 17400 à 43400 autistes :
" L'autisme a été décrit une première fois en 1947 par Léo Kanner, psychiatre
américain.
Depuis, trois théories sur l'origine de l'autisme coexistent, au nom desquelles
s'affrontent les tenants d'une prise en charge entièrement thérapeutique ou
basée sur le tout pédagogique.
Selon la théorie psychanalytique, l'autisme serait dû à une 'dysharmonie'
survenue très tôt dans la relation entre la mère et l'enfant, le syndrome
autistique se développant en réponse à ce dysfonctionnement. Il n'existe
aucune étude épidémiologique permettant d'étayer cette théorie ".
Les deux autres théories étant :
La théorie cognitive, au sein de laquelle se trouve privilégié le programme
TEACCH élaboré aux USA par Schopler,
La théorie organique qui "repose sur l'hypothèse que les facteurs génétiques,
neurobiologiques, liés à un dysfonctionnement du cerveau ou à la grossesse,
pourraient être à l'origine du syndrome autistique ".
Dans la classification dite du DSM IV, en usage chez les psychiatres, le
"trouble autistique " est situé parmi les "troubles envahissants du
développement ", à côté du syndrome de Rett et du syndrome d'Asperger,
cités ici pour mémoire.
Ce trouble autistique est analysé selon trois paramètres. On décrit ainsi :
1° une altération qualitative des relations sociales ;
2° une altération qualitative de la communication, avec notamment "retard ou
absence totale du langage parlé " ;
3° le caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts
et des activités.
De toute manière le diagnostic est à faire de manière précoce (avant l'âge de
trois ans) dès lors que l'on observe chez l'enfant un retard ou un caractère
anormal de son fonctionnement.
Il s'agit d'une affection grave qui nécessite la prise en charge totale et
définitive du sujet qui en est porteur.
L'autisme est aujourd'hui, dans notre société occidentale, un handicap qui
concerne non seulement l'intéressé mais aussi ses proches, en limitant
nécessairement le champ de leur activité et en générant chez eux diverses
formes de culpabilité, tant consciente qu'inconsciente.
L'incertitude quant à l'origine de ces troubles de la relation à autrui désoriente
les parents qui s'accrochent aux solutions de prise en charge à la fois les plus
globales et les moins coûteuses. Or, toutes les méthodes mises en œuvre
jusqu'à présent, visant à aider l'autiste à sortir de son enfermement et donc à
gagner sa confiance, demandent du temps, beaucoup de temps, énormément
de temps. D'autant que l'autiste est souvent polyhandicapé et qu'il cumule des
déficits sensoriels, notamment dans le domaine de la vision ou de l'audition.
Au taux où est la main-d’œuvre à l'époque des 35 heures hebdomadaires, le
coût social de l'autisme est hors de prix.
L'approche psychanalytique du problème de l'autisme relève d'un combat, d'un
combat d'idées d'abord, combat sur le terrain de la santé mentale ensuite. Tout
en admettant la fragilité constitutionnelle du futur autiste, le point de vue
psychanalytique récuse l'approche déficitaire du problème posé par l'autiste.
Le déficit, c'est dire, par exemple, de l'autiste, qu'il lui manque une case. Une
case : ça peut être une compétence. On dira ainsi qu'il lui manque la capacité
de planifier l'action. Par conséquent le déficit devra être comblé par une sorte
de prothèse, sous la forme d'une stimulation externe (pédagogique,
médicamenteuse, voire neurobiologique).
Tout au contraire, certaines écoles psychanalytiques (notamment d'inspiration
lacanienne), pensent que ce qui manque à l'autiste c'est le manque lui-même,
qui meut l'humain en tant qu'habité par la parole.
Ainsi le manque, comme la parole, est ce qui se transmet, et c'est là qu'on
s'interroge sur ce qui a pu bloquer sa transmission.
C'est faire ainsi de l'enfant-autiste en puissance, l'enjeu d'un conflit de
discours. Conflit qui se localise d'abord chez au-moins un des parents de
l'enfant. Conflit, par exemple, entre l'idée que le manque chez l'humain (du fait
qu'il est sujet de la parole) est le ressort de toute créativité, et celle, inverse,
que ce manque est un fléau à combattre comme tel. Il suffit d'une incursion
dans le domaine de la philosophie ou de la religion pour repérer ceux qui ne
voient dans le logos, dans la parole, qu'un facteur d'illusion, d'irrationalité, à
éliminer. Il est vrai que la parole produit des effets sur le vivant, non point à
titre de superstructure, au titre d'artefact, mais au titre de la matérialité du
signifiant. En effet, le corps, en tant que sonorisable, est lieu à la fois de
production et d'inscription de signifiants, d'entités sonores, codées
différemment pour chaque langue donnée. Une batterie minimale de ces
signifiants, disons une chaîne signifiante, s'articule de manière à fonctionner
comme une mémoire inconsciente, censée engrammer une série d'événements
constituants de l'histoire d'un sujet. Mais le jeu d'une telle chaîne signifiante,
structurée comme un langage, suppose la faculté de déplacement et de
substitution des signifiants et donc la virtualité d'une case vide, qui "affectera
" la chaîne. Qui l'affectera au sens où, à la place d'un individu, monolithique
comme tel, viendra un sujet divisé, à la fois parlant et parlé. Cette mutation
tient du miracle, et les thérapeutes qui s'y sont risqués font figure de
magiciens.
Notons que les études récentes, sur le plan physiologique, s'agissant de la
stabilité du regard que l'on porte sur l'objet, montrent que ce dernier n'existe
pour l'autiste que lorsqu'il est en mouvement. C'est le cas de la toupie, qui le
fascine. Chez le sujet normal la stabilité du regard est assurée par un système
de régulation de type "chaotique " et apériodique. Un nœud de langage peut
parfaitement constituer un tel système régulateur. Or, d'autres études mettent
l'accent sur la précocité de l'entrée du nourrisson dans le langage, et c'est
ainsi que, dès le premier mois de son existence, le babil d'un enfant est de
nature à trahir son appartenance à tel ou tel groupe linguistique.
Il nous reste à voir, sur le plan psychanalytique, comment les choses
pourraient être modifiées, une fois admis que c'est la "haine " de la case vide
qui, dans un milieu humain donné, fait exister l'autiste. Dans la perspective la
plus large, il conviendrait d'élaborer une stratégie susceptible d'agir sur le
système des discours qui régule l'avenir même du vivant.
Ceci est du ressort des relations de la psychanalyse au politique. A une échelle
moindre, il y a lieu de prendre en compte la tactique des personnes inspirées
par la pensée psychanalytique, lors des expériences menées dans le passé.
Qu'il s'agisse de Mélanie KLEIN, de Bruno BETTELHEIM, de Françoise DOLTO,
ou de Maud MANNONI, on a affaire à des entreprises artisanales, à forme
associative, bénéficiant d'une implication totale de leurs promoteurs ainsi que
de l'aide d'un nombre considérable d'intervenants, pour la plupart à titre
bénévole. D'autant plus, que l'évolution positive de l'enfant dépendait de la
bonne volonté de leurs parents, pris en charge simultanément par les équipes
soignantes. Or un tel consensus, sur la nécessité d'une prise en charge
familiale, est rarement réalisé.
Toutes choses incompatibles aujourd'hui avec une demande thérapeutique de
masse. D'où l'accent mis sur la prévention dans le champ de la petite enfance.
Faute de savoir comment réintégrer en son sein les individus qu'elle a
"vocation " à exclure (au nom de l'idéologie de ladite "haine " de la case vide),
la communauté fait appel à ceux qui s'imaginent être en mesure de suppléer
aux "carences " du milieu, et créer, à la limite, dès la naissance de l'enfant,
voire avant, un contexte pédagogique substitutif adéquat. Encore leur faudraitil écarter les fantômes de l'hérédité pathologique. Mes vieux "maîtres " en
neurologie ne disaient-ils pas qu'ils étaient capables de repérer le futur autiste
simplement au vu des difficultés qu'un nourrisson rencontre, ne serait-ce que
pour téter ?
L'hypothèse de l'origine neurobiologique de l'autisme obère l'appréciation des
résultats obtenus par les différentes méthodes (psychanalytiques ou
cognitives) mises en jeu. On dira, par exemple, face à un "autiste guéri ", qu'il y
a eu forcément erreur de diagnostic. D'où le terme employé alors de "faux
autisme ". Dès lors que les choses prennent une telle ampleur il faut une
véritable volonté politique afin de réaliser l'étude épidémiologique correcte qui
s'impose, puisque à l'évidence le nombre des autistes en France varie du
simple au double selon les critères retenus. Il reste que l'hypothèse,
généralement admise, d'une origine plurifactorielle de l'autisme n'est qu'un
alibi pour ne rien tenter.
En attendant les résultats d'études linguistiques à venir, notamment sur le
mode d'adresse très particulier envers l'enfant que pratiquent, très tôt, les
proches du futur autiste, il convient de se méfier de leurs manifestations de
bonne volonté débordante. Les faits de maltraitance quasi-physique
(consciente ou inconsciente) que révèlent les études récentes relatives au
syndrome de Münschhausen par procuration sont là pour nous tenir en éveil.
Sachant les difficultés spécifiques rencontrées quant à l'établissement du
diagnostic dans ce syndrome, on doit pouvoir imaginer ce que serait une
maltraitance qui serait essentiellement d'ordre psychique. Reste à savoir
quelles sont les méthodes d'évaluation épidémiologique qui conviendraient à
l'étude d'une telle causalité, a priori inimaginable.
Bref, il y a des enfermements pires que le Goulag et c'est devant de tels cas
que notre compassion défaille. De sorte que, faute de preuves, les politiques
préfèrent fermer les yeux sur le fait qu'il y ait des discours qui tuent, ou du
moins vous transforment en statue de sel. Le " principe d'imprécaution "
couvre pour l'instant leur responsabilité. Pour combien de temps encore ?
Stoïan STOIANOFF NENOFF Psychanalyste
L’énigme de l’autisme
Les troubles psycholinguistiques des
enfants autistes
Pour soigner l’enfant autiste
Language acquisition and theory of mind
In, Research on communication and
language disorders
Predicting and explaining behavior : a
comparison of autistic, mentally retarded
and normal children
La pertinence – Communication et
cognition
Autisme, la vérité refusée
Paris, éd. O. Jacob,1992
ANAE, 5, 136-141,1993
L’autisme de l’enfant
MASSON 1990
Grasset 1998
GRANDIN T.
GRANDIN T.
BARRON J. et S.
CLOUTIER R.
L’exploration de l’autisme – le médecin,
l’enfant et sa maman
Si on me touche, je n’existe plus
" Nobody nowhere "
Quelqu’un, quelque part
La folie
Vivre avec un enfant autistique
Maman, pas l’hôpital !
Autisme : le défi du programme
TEACCH
Mais, madame, vous êtes la mère…
Autisme, la forteresse éclatée
Autisme, de l’adolescence à l’âge adulte
Autisme : de la compréhension théorique
à l’intervention
Ma vie d’autiste
Penser en images
Moi, l’enfant autiste
La petite fille qui ne parlait pas
FIRINO-MARTELL T.
FLEISCHER L.
LAXER G.
HERBAUDIERE D.
HERBAUDIERE D.
HERBAUDIERE D.
BETTELHEIM B.
Mon enfant citadelle
Rain Man
Les vendanges du silence
Cati ou l’enfant muette
Cati une adolescente autistique
Cati ou les sentiers de la vie
La forteresse vide
FRITH U.
GERARD C.L.
HOCHMANN J.
TAGER-FLUSBERG
H.
TAGER-FLUSBERG
H.& SULLIVAN
SPERBER D.,
WILSON D.
LAXER G. et RITVO
E.
LELORD G.,
SAUVAGE D.
LELORD G.
WILLIAMS D.
WILLIAMS D.
JACQUARD R.
BRAUNER A. et F.
PREFAUT J.M.
MESIBOV G.
FREDET F.
PEETERS T.
PEETERS T.
PEETERS T.
IONESCU S.
La déficience intellectuelle ch.VIII tome 1
MANNONI M.
L’enfant, sa maladie et les autres
GERARDIN-COLLET Autisme-perspectives actuelles
V et RIBONI C
Ed. O. Jacob
In L. ADAMSON&M.A.
ROWSKI EDS, Baltimore MD,
135-158, 1997
Journal of Child Psychology and
Psychiatry, 35, 1059-1075, 1994
Paris, Minuit, 1989
SIMEP 1993
R. Laffont Paris 1992
J’ai lu 4144/4
Que sais-je ?
P.U.F.
J’ai lu 5160
Pro Aid 1995
Le centurion 1979
Pro Aid Autisme 1988 rééd. 1994
Edinovation 1990
DUNOD 1996
Odile Jacob 1994
Odile Jacob
Plon 1993
Libre expression Quebec Canada
1989
Fayard 1995
France Loisirs 1990
R. Laffont 1988
Mercure de France 1972
Fleurus 1981
Belfond 1991
Gallimard 1984
Nathan Université
1967
L'Harmattan Forum I.R.T.S.
Lorraine 2000
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