UN PROCES QUI ACCUSE
C'était le deuxième procès d'une mère jugée pour avoir assassiné son enfant souffrant d'autisme. Les journaux ont
raconté son histoire, le triste parcours dans lequel beaucoup d'entre nous se sont reconnus. La mère a plaidé
coupable, elle n'a pas cherché à justifier son acte de désespoir ; le procès fut digne, ce qui n'est pas évident dans une
telle tragédie. Le président du tribunal a été exemplaire… jusqu'au bout. En effet, après avoir énoncé le jugement, il a
ajouté "je trouve proprement scandaleux que les parents d'autistes soient obligés de faire du porte à porte et de
supplier les directeurs de structures pour que leur enfant soit pris en charge. C'est une situation indigne d'un pays
comme le nôtre".
Ce juge, cet après-midi là, avait tout dit : lui, ainsi que l'avocat de cette mère, qui un peu avant avait dénoncé "la
défaillance criminelle, coupable des institutions dans leur rapport aux parents", ont tout compris et pourtant ce ne
sont pas des spécialistes de la santé ni du social.
Alors qui sont les coupables ?
L'Etat en premier bien sûr et sa politique velléitaire en faveur de nos enfants. A longueur d'éditoriaux j'ai dénoncé
l'insuffisance des moyens de la politique de rattrapage et l'absence de suivi de cette politique au niveau des services
déconcentrés comme on dit dans le jargon. Il y a bien loin des décisions aux actes…
Mais ce serait trop facile d'en rester là. Car, enfin, combien d'établissements ont refusé l'admission d'un jeune
autiste, prétextant qu'il n'y avait pas de place (et quelques jours plus tard un autre handicapé était placé par la CDES
ou la COTOREP)…, combien de structures ont poussé vers la sortie tel autre, parce qu'il était trop agité, qu'il ne
s'intégrait pas dans le groupe, qu'il ne cadrait pas avec le projet d'établissement, etc. Beaucoup d'institutions
psychiatriques et médico-sociales ont bien compris l'usage qu'elles pouvaient faire de la politique de rattrapage
initiée par Mme VEIL : un alibi pour en faire moins pour les autistes en trouvant l'excuse idéale pour ne pas se
remettre en question et en renvoyant les autistes vers les autres "les spécialistes". Qui sont ces gens ? Des gens
ordinaires, directeurs, psychiatres, éducateurs, en toute bonne conscience bien sûr…
Je n'ai pas besoin de chercher loin pour trouver des exemples. En une seule journée hier, j'ai eu trois témoignages :
une mère me racontant que son fils était bourré de neuroleptiques et qu'il errait comme un zombi ; une assistance
sociale me parlant d'une famille à qui l'institution qui accueillait sa fille avait demandé de chercher une autre
structure parce que l'enfant avait bousculé une éducatrice et que celle-ci refusait de reprendre le travail tant qu'elle
resterait dans l'établissement (le directeur achetait la paix sociale aux dépens d'une personne handicapée alors que
les circulaires les mettent au centre du dispositif : quelle rigolade…) ; une autre mère désespérée depuis que le
médecin psychiatre qui se proclame spécialiste de l'autisme lui avait dit qu'il n'était pas sûr de pouvoir garder sa fille
dans son établissement pourtant créé sur le plan autisme et donc qu'il préférait prolonger la période d'essai (?) de
trois mois d'un mois supplémentaire parce qu'elle ne participait pas assez aux activités
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Ne croyez pas que j'exagère. Tout cela est vrai. Beaucoup de ces jeunes ne sont même pas des autistes difficiles. J'ai
lu avec beaucoup d'intérêt un article du philosophe André Comte-Sponville" dans la revue "Psychologie" intitulé "Les
7 nouveaux péchés capitaux". J'y ai trouvé les coupables : l'égoïsme (d'un certain nombre de professionnels qui font
beaucoup dans le corporatisme et la surenchère syndicale, mais aussi de ces riverains qui signent des pétitions pour
ne pas avoir près de chez eux un établissement pour handicapés), la cruauté (et certains psychiatres excellent dans
ce domaine), la lâcheté de beaucoup d'entre nous (laisserons-nous fermer l'établissement de l'APRIM en Seine et
Marne ?), la mauvaise foi (j'ai donné assez d'exemples), la suffisance (de beaucoup de politiques et de
fonctionnaires qui estiment que l'on a déjà beaucoup fait pour les autistes), le fanatisme de ceux qui ont réponse à
tout (il y en a dans l'autisme hélas) et la paresse généralisée (bien partagée aujourd'hui, y compris de nos
associations : combien de parents laissent tomber quand ils ont trouvé une place pour leur enfant ?).
Si chacun à sa place avait fait ce qu'il pouvait faire, avec un peu de générosité et d'humanité, sans doute cet enfant
vivrait-il aujourd'hui. Ce n'est pas la peine de se raconter des histoires, il faut bien regarder les choses en face !
Mars 2011 Sésame n° 138
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La Convention collective prévoit une période d'essai non renouvelable d'un mois pour les salariés
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