Note de décryptage La politique internationale de lutte contre le changement climatique à l’issue de la Conférence de Cancún janvier 2010 Pierre Radanne, Emeline DIAZ, Ken XIE 1 - Un processus aux antipodes de celui de Copenhague La 16ème Conférence des Parties sur la lutte contre le changement climatique se devait de tirer les enseignements des échecs de Copenhague. Tout a été fait par le Mexique, pays hôte, pour se démarquer de la CdP 15, et prouver que les erreurs organisationnelles de Copenhague ne seraient pas renouvelées. La volonté affichée tout au long de l’année passée pour restaurer la confiance et faire avancer le processus, notamment via des consultations et réunions informelles, a prouvé son efficacité à Cancún : la transparence, avec une communication sur tout et à chaque instant, a été voulue sans faille. De fait, l’ambiance à l’entrée et durant la première semaine de la Conférence fut cordiale. Les sessions de rédaction de textes et les consultations informelles ont permis de croire que le processus pourrait avancer. Néanmoins, les points de blocages passés ont rapidement refait surface, et dès les premiers jours de négociations, le débat s’est focalisé sur : la seconde période d’engagement des pays Annexe I dans le cadre du Protocole de Kyoto ; la concrétisation des annonces financières annoncées à Copenhague, à la fois sur le financement à court terme (30 milliards entre 2011 et 2013) et sur celui à long terme (100 milliards par an d’ici à 2020), passant notamment par la mise en place d’un Fonds vert, abondé par des sources de financement nouvelles. Mais les efforts de la présidence mexicaine pour relancer la dynamique et reconstruire la confiance ont buté sur les résultats de l’élection du 12 novembre aux Etats-Unis, qui ont rendu impossible l’adoption d’une loi climat-énergie avant probablement 2014. En effet, si l’élection d’Obama n’avait pas en 2009 débouché sur les résultats escomptés, l’Accord de Copenhague, fortement voulu par les Etats-Unis, incluait un engagement de réduction de leurs émissions de 17% (entre 2005 et 2020) qui devait être concrétisé par une loi votée par le Congrès. Celui-ci, en donnant force de loi aux engagements annoncés à Copenhague, aurait permis de se diriger vers la construction d’un marché fédéral d’échange de quotas et constitué un symbole clair d’engagement à la face du monde. Cela aurait eu pour effet : d’inciter les pays émergents à s’engager, de renforcer la volonté des pays industrialisés déjà très actifs, de redonner confiance aux pays en développement. Et donc de relancer le processus. Or, le résultat de ces élections ont fait voler en éclat ces espoirs : les Etats-Unis ne pouvaient plus donner l’assurance d’un engagement par décision du Congrès. Dès lors, tout le régime climatique s’en est trouvé ébranlé, et les positions se sont durcies : Des pays industrialisés, comme ou le Japon, la Russie ou le Canada, ont exprimé leur refus désormais de s’engager dans une seconde période du Protocole de Kyoto au motif qu’il ne rassemble aujourd’hui qu’une faible partie des pays émetteurs de GES. Ce qui est nettement moins que l’Accord de Copenhague qui, s’il n’a pas de valeur juridique, a reçu le soutien officiel de 142 Etats, représentant près de 87% des émissions de GES mondiales. Ces pays ne veulent pas d’un cadre contraignant qui n’inclurait pas tous les grands émetteurs. Les pays émergents rechignent d’autant plus à accepter un amendement au Protocole 1 de Kyoto qui leur assignerait des engagements de réductions d’émissions et des systèmes de vérification de leurs émissions si les Etats-Unis ne s’engagent pas. Ils qui ont depuis Copenhague liés tout engagement contraignant de leur part à un engagement des Etats-Unis. Des pays en développement, qui exigent la pérennisation du Protocole de Kyoto, comme étant le seul outil juridiquement contraignant du régime climatique pouvant notamment leur assurer un support de financement, via les mécanismes de flexibilité. Une grande incertitude a découlé de ces positions, celle relative à la réalité des financements –à court, moyen et long terme- qui seront effectivement apportés, et donc inévitablement, par un effet de cascade, la réalité de la mise en œuvre des actions sur le terrain, seule solution réelle à la lutte contre le changement climatique. 2 – l’arbitrage sur le maintien du cadre du Protocole de Kyoto Le grand risque était que sans prolongement du Protocole de Kyoto, les mécanismes de marché ne s’affaiblissent, avec une valeur du prix du carbone s’effondrant rapidement. Or, malgré leurs failles évidentes, les mécanismes de marché de Kyoto, et notamment le Mécanisme de développement propre, et les autres marchés du carbone, représentaient dans ce contexte une source de financement concrète, capable d’abonder le Fonds vert pour le climat et de soutenir -sous condition de révision dans leurs procédures d’accès et de distribution- les pays en développement dans leur effort de mise en œuvre des NAMAs. Face à la complexité de la situation, trois voies se sont dessinées durant la Conférence : o La voie des engagements contraignants Poussée par les pays AOSIS, les PMAs, le Groupe Afrique, et l’Union européenne (plus la Norvège, la Suisse et l’Islande) pour les pays Annexe 1, cette voie consistait avant tout en un maintien du Protocole de Kyoto avec, peu ou prou, l’intégration de l’annexe 1 de l’Accord de Copenhague comme annexe du Protocole de Kyoto et de l’annexe 2 dans le texte LCA concernant les NAMAs. Cette voie permettait : de maintenir les bases de la finance carbone, sans toutefois garantir une valeur significative du carbone faute d’une participation (et donc d’une demande) suffisante de la part des pays développés ; d’ouvrir la voie à la proposition norvégienne de mise aux enchères d’une partie des quotas pour abonder le Fonds vert de Copenhague ; d’adopter des décisions de l’AWG-LCA et d’en raccorder certaines à des dispositions du Protocole de Kyoto (donc sans l’appui des Etats-Unis) et d’avoir d’autres décisions recueillant leur assentiment, notamment la création du Fonds Vert pour le climat ; de résoudre largement la question de la dotation financière du Fonds Vert pour le climat si le processus d’enchères sur les quotas était adopté par les pays signataires du Protocole de Kyoto. Cette position, ambitieuse et légitime, aurait nécessité une adhésion des pays industrialisés. En effet, la voie des engagements contraignants n’est guère praticable si la majorité des pays industrialisés décident de ne pas s’y rallier, ce qui fut le cas de l’Australie, du Japon, de la Nouvelle Zélande, de la Russie ou encore, parmi les nouveaux membres de l’OCDE du Mexique, de la Corée du Sud, de Singapour… De plus ce choix aurait signifié une rupture profonde avec les Etats-Unis sachant qu’une nouvelle loi ne pourrait y être passée avant probablement 2014. o La voie des engagements politiques Ce fut la voie poussée par les Etats-Unis, à laquelle ils ont tenté de rallier certains pays développésnotamment le Japon et le Canada- se trouvant dans l’incapacité de rattraper la dérive de leurs émissions depuis 1990. Elle consistait à faire adopter dans le cadre de l’AWG-LCA l’annexe 1 de l’Accord de Copenhague. 2 Cette voie marquerait la fin du Protocole de Kyoto dans sa composante « engagements de réduction des émissions » car sans obligation d’atteinte d’objectifs, ce qui aurait pour conséquence une chute de la valeur du carbone faute d’un marché suffisant d’achat. Toute dotation financière du Fonds Vert pour le climat rattachée à la finance carbone deviendrait dès lors difficile. Et devrait donc être compensée par des dotations budgétaires des Etats développés, ce qui, étant donné la crise financière qui les touche, est hautement improbable. Cette voie ne pouvait donc en réalité fonctionner que si les Etats-Unis obtenaient une application stricte de règles MRV sur les pays bénéficiaires de financements, condition sine qua non à leur contribution financière au Fonds vert. S’engager dans cette voie signifiait un durcissement des positions et un creusement des écarts entre les pays : o Elle marquerait un nouveau recul pour l’Union Européenne ; Elle placerait les pays émergents au même niveau d’engagements que les pays développés, ce qui est inacceptable pour eux ; Elle ne serait pas acceptable pour les pays en développement car elle marque l’abandon du seul canal de financement spécifique issu de la négociation climat, et ce d’autant plus que les dotations additionnelles du financement précoce sont faibles ; la perte des financements actuels structurés autour du Protocole de Kyoto sans mise en place immédiate et tangible de financements nouveaux et en accroissement serait inacceptable. La voie opérationnelle Confrontée à l’échec d’un accord sur les engagements, cette voie s’est focalisée sur la mise en œuvre opérationnelle, c'est-à-dire une constitution crédible des financements précoces et du Fonds Vert pour le climat pour permettre la mise en œuvre des propositions d’action qui bénéficient déjà d’un large accord : la REDD+, les NAMAs, l’adaptation,… Elle consiste donc à mettre en place des engagements volontaires souscrits par les pays, sans cadre juridique international. Cette option, poussée par le Japon, va de pair avec une dotation budgétaire forte pour la mise en œuvre d’actions. Elle bute néanmoins sur l’incapacité de la majorité des pays de débloquer des fonds importants (exception faite du Japon –qui assure 47% de la dotation des financements précoces-, de la Norvège et de l’Allemagne). Cette voie avait peu de chance d’être suivie par les Etats-Unis car risquant d’être bloquée au Congrès. Elle correspond à une radicalisation des pays en développement face à la position américaine. Mais, en fait, il est difficile que des contributions financières rattrapent un échec sur le plan des engagements de réduction. o La voie intermédiaire adoptée à Cancún Aucune des 3 voies qui précèdent n’a donc été suivie dans son intégralité à Cancún. Mais, de manière implicite, le processus est entré dans une nouvelle phase : éminemment politique, stratégique, et pragmatique, l’Accord de Cancún a eu pour objectif premier de garder les Etats-Unis dans le jeu, tout en conservant vivant le Protocole de Kyoto, notamment ses mécanismes de flexibilité. La CdP 16 marque un glissement de la voie du Protocole vers la voie LCA, et a reporté à plus tard la mise en place d’un cadre juridiquement contraignant. Zoom sur : La difficulté de fixer des contraintes en droit international Fixer des contraintes en droit international est difficile du fait du principe de souveraineté attaché au principal acteur du droit international : l’Etat. Si un traité international a souvent une vocation universelle, il ne s’applique qu’aux Parties qui l’ont signé. Ainsi les Etats-Unis, n’ayant pas ratifié le Protocole de Kyoto, ne sont aucunement liés par cet accord ayant pourtant pour but de réunir les pays développés, principaux émetteurs de GES. C’est donc la volonté et le degré d’engagement de chaque Etat qui, finalement, détermine ses obligations internationales. Les mécanismes de sanction en droit international Il y a une forme basique de sanction liée au non-respect d’un engagement international commune à chaque traité international : c’est la sanction morale, le jugement de la communauté internationale sur une Partie qui ne tiendrait pas ou violerait ses engagements. C’est ce jugement de la communauté internationale sur le non-respect par un Etat de ses engagements qui pousse, par exemple, le Japon a refusé une seconde période d’engagement. Le pays sait que son dérapage est trop important pour prendre 3 de nouveaux engagements, et il ne veut pas porter une étiquette de pays « délinquant ». Le deuxième degré de sanction est constitué par des pénalités directement stipulées dans le corps d’un traité. Ainsi, le Protocole de Kyoto comprend des pénalisations en cas de non-respect des engagements. En cas de manquement grave aux règles internationales majeures (notamment en cas de violation de la souveraineté d’un autre Etat), le Conseil de Sécurité des Nations-Unies peut prendre une résolution afin d’imposer des sanctions économiques (embargo économique), ou –cas extrême- faire intervenir de force une coalition d’Etats membres contre l’Etat défaillant. Concernant le droit de l’environnement, puisqu’il n’existe aucun « tribunal de l’environnement »1, la sanction est avant tout morale. La grande difficulté avec le droit de l’environnement et plus particulièrement celui visant à lutter contre le changement climatique, est qu’il nécessite pour être efficace une concertation internationale sans faille. Les engagements « juridiquement contraignants » du Protocole de Kyoto L’absence d’organe visant le règlement judiciaire des différends et à même de sanctionner le manquement aux règles souscrites constitue une entrave à la bonne application du droit international. C’est ce qui rend la notion de « juridiquement contraignant » si ambigüe. Mais en quoi les engagements du Protocole de Kyoto sont-ils contraignants ? Et comment les pays sont-ils forcés de les respecter ? Dans le Protocole, il est prévu que les pays ne respectant pas leurs quotas alloués pour la 1ère période d’engagement verraient leur excédent d’émissions reporté à la période suivante, augmenté d’une pénalité de 30%. C’est le principe des « restauration rates ». Un pays ayant manqué à ces obligations est donc, selon le texte, contraint à une réduction plus importante sur la période suivante. Or, il est aujourd’hui clair que la plupart des pays qui ont dérapé n’ont aucunement ni l’intention, ni la capacité, de rattraper leur retard. Et aucun mécanisme ne peut les y contraindre. La sanction prévue par le Protocole de Kyoto est donc, en réalité, difficilement applicable. Et ce d’autant plus que la question de la deuxième période d’engagement n’est toujours pas réglée : le principe des « restauration rates » n’a de sens que dans l’optique d’une continuité du processus du Protocole de Kyoto et de ses périodes d’engagements. Conscient de ces risques d’éclatement du processus du Protocole de Kyoto et des négociations dans le cadre du LCA, les pays ont choisi la voie du pragmatisme qui, s’il elle a certes conduit à un accord à minima, a néanmoins permis de reconsolider le processus de négociation multilatérale. 3 - La concrétisation des avancées réalisées dans le cadre de l’AWG-LCA Les avancées qui avaient pu être constatées à Copenhague et renforcées ensuite durant l’année 2010, se trouvent enfin intégrées dans des décisions de la CdP à Cancún. o La vision partagée A Cancún, un ensemble de principes ont été réaffirmés : L’importance de l’équité, de la responsabilité commune mais différenciée et des capacités respectives ; L’adaptation, l’atténuation, le financement, le développement et le transfert de technologies, le renforcement des capacités comme bases de toutes les actions par les pays ; L’éradication de la pauvreté comme priorité dans les pays en développement ; La mise en place de stratégies de développement sobre en carbone indispensable à un développement durable ; L’importance de la mise en œuvre d’actions d’adaptation, de manière équilibrée avec l’atténuation ; Les pays ALBA poussent à la création d’un tel tribunal, chargé de juger les manquements aux engagements et aux atteintes à la Terre Mère. 1 4 o La nécessité de ne pas augmenter les niveaux de températures de plus de 2° au-dessus des niveaux préindustriels, et même certainement de plus de 1,5° est affirmée ; un objectif global de réduction des émissions pour 2050 devra être décidé à Durban ; La nécessité de convenir à Durban d’un un pic global et national des émissions, en reconnaissant que le délai sera plus long pour les pays en développement ; La reconnaissance de l’importance de l’échelon régional et local indigènes. et des populations L’adaptation L’adaptation a été réaffirmée comme un défi majeur, auquel devront faire face tous les pays, et qui devra être soutenue financièrement et technologiquement par les pays développés. Le cadre pour l’adaptation de Cancún La principale avancée de Cancún concernant l’adaptation a été la décision, attendue par tous les pays en développement, d’établissement d’un « Cadre pour l’Adaptation » (« The Cancún Adaptation Framework ») sous l’égide de la Convention. Le débat durant les dernières sessions a porté sur le choix de l’instrument qui serait adopté : cadre, programme ou mécanisme. Un consensus a fini par se créer sur l’établissement d’un cadre, certes moins complet qu’un mécanisme mais aussi moins complexe et donc plus rapide à mettre en œuvre. Il a également le mérite de distinguer l’adaptation des autres enjeux de négociation et de lui accorder un financement particulier. Ce cadre, qui comprend en son sein un Comité d’adaptation, a pour objectif d’améliorer la définition, la mise en œuvre et le financement d’actions et de plans d’adaptation dans les pays, notamment via le développement de centres de coopération internationale. Objectif du cadre pour l’adaptation Ce cadre vise à favoriser, développer, améliorer et augmenter : La mise en place des actions, programmes et plans identifiées dans les PANAs des PMAs, Des évaluations techniques et économiques concernant les différentes options d’adaptation, La coordination et la coopération, notamment concernant les migrations et les relocalisations de populations, Les transferts de technologies et le renforcement des capacités pour l’adaptation et la résilience aux changements climatiques, L’inclusion de tous les acteurs, à tous les échelons avec synergie entre les sphères internationales, régionales, nationales et locales. Le processus de soutien aux PMAs Une deuxième décision concerne la mise en place d’un processus permettant aux pays les moins avancés de formuler et de mettre en œuvre des plans nationaux d’adaptation, basés sur l’expérience des PANAs, afin d’identifier leurs besoins au plan de l’adaptation sur le long terme. Pour ce faire, les pays sont incités à développer des centres régionaux. Un centre international visant à augmenter et améliorer la recherche sur l’adaptation et la coordination internationale, situé dans un pays en développement, pourrait être créé. De manière générale et afin de favoriser la transparence, la comptabilisation, et la diffusion des meilleures pratiques, les pays doivent utiliser les canaux existants pour fournir de l’information sur : les soutiens fournis et reçus pour les actions d’adaptation, les progrès réalisés, les expériences pouvant en être tirées, les obstacles rencontrés. Le Comité d’Adaptation 5 Comme prévu depuis Bali, un Comité pour l’Adaptation sous l’égide de la Convention afin de promouvoir la mise en œuvre d’actions d’adaptation a été décidé. Il vise à : assurer un soutien technique ; permettre la consolidation et le partage de l’information, du savoir-faire et de l’expérience à tous les échelons ; promouvoir les synergies entres centres et organisations ; délivrer des recommandations. Néanmoins, si la décision de créer ce Comité a été actée, toutes les modalités opérationnelles et institutionnelles sont encore loin de faire consensus et devront être tranchées à Durban. Les Parties sont invitées, d’ici au 21 février 2011, à faire des soumissions concernant la composition, les modalités de procédures et les liens de ce Comité avec les autres institutions existantes. Les principales questions tournent autour de la séparation plus ou moins hermétique entre les fonctions de conseil technique et celles d’attribution des financements de ce Comité, qui doivent pour ces dernières relever soit du Fonds d’adaptation, soit du Fonds Vert pour le Climat. Il faudra également définir le lien du Comité avec les institutions existantes, cette option ayant évité la création de nouvelles institutions. Le Secrétariat a reçu mandat de présenter un rapport définissant la composition du Comité, les modalités et les procédures du Comité et ses liens avec les institutions existantes, pour adoption à Durban. Les questions non résolues En revanche, des questions n’ont pas été résolues : aucun consensus n’a été trouvé sur : la définition de l’adaptation, le contenu et la limite des « actions d’adaptation » ; la définition de la vulnérabilité et la liste des pays « particulièrement vulnérables » qui seraient prioritaires pour les financements ; la question de la généralisation de la mise en place de PANAs n’a pas été résolue, les parties ayant simplement été « invitées » à formuler et mettre en œuvre de tels plans ; le SBI doit fournir pour Durban un guide sur la mise en place de tels programmes ; la prise en charge des effets néfastes des mesures de riposte au changement climatique ; le financement de l’adaptation (source, répartition, modalités de mise en œuvre…); la création d’un comité sur la lutte contre les pertes et dommages encourues par les pays qui subissent le changement climatique. Zoom sur : Le financement de l’adaptation : sources et récipiendaires Il est essentiel que les pays développés fournissent un soutien financier, technologique et de renforcement de capacité sur le long terme, qui soit croissant, additionnel, nouveau et prévisible. Ces financements doivent être dirigés en priorité vers les pays particulièrement vulnérables et vers les besoins les plus urgents. Néanmoins, aucune définition de ces termes n’est encore donnée et aucun chiffre n’est annoncé. Il faut absolument faire une estimation des besoins financiers, afin de pouvoir ensuite définir les modalités de financements et les priorités à donner selon les projets et les besoins. La possibilité d’un soutien du financement de l’adaptation par une vente aux enchères des quotas d’émissions alloués reste en suspens. La question de la facilitation de l’accès au Fonds pour l’adaptation, inscrit dans le Protocole de Kyoto, n’a pas été réglée. La possibilité d’un prélèvement pour l’adaptation sur les nouveaux mécanismes de marché qui seront créés, ainsi que d’un élargissement du « share of proceeds » envisagé dans le Protocole de Kyoto, et d’une augmentation du prélèvement sur le Mécanisme de Développement Propre au-delà de 2% reste en suspens. La mise en place du Cadre pour l’adaptation devra aller dans ce sens. De manière concrète, il faudra veiller à une répartition équilibrée entre les financements du Fonds Vert pour le climat entre adaptation et atténuation, sous peine que seuls ces derniers, permettant un retour sur investissement plus rapide, ne soient financés. Le mécanisme de lutte contre les pertes et dommages La question de la mise en place d’un mécanisme pour les pertes et dommages n’a pas non plus été entièrement résolue. Un programme de travail a été établi afin de considérer les approches visant à 6 réduire les pertes et dommages du fait des impacts des changements climatiques subis par les pays en développement les plus vulnérables. Les Parties sont invitées à soumettre d’ici le 21 février leurs avis sur les éléments devant figurer dans ce programme. Au vu de ces soumissions, un document et des recommandations sur les pertes et dommages devront être présentés lors de la 18ème Conférence des Parties. L’atténuation dans le cadre du LCA La question de l’engagement des pays dans le cadre de la Convention a été au centre des débats : dès lors que les décisions sur la seconde d’engagement du Protocole de Kyoto étaient repoussées et que les Etats-Unis ne s’y rallieraient pas, une nouvelle fois, que via le processus LCA, le débat dans ce groupe de travail a centralisé tous les espoirs. Le document final a acté la nécessité d’une participation à l’effort de réduction des émissions de la part de tous les Etats, en mettant l’accent : sur la responsabilité historique des pays développés, sur la responsabilité commune mais différenciée, sur l’unité du groupe des « pays en développement », comme le voulait les pays émergents et particulièrement la Chine. Les engagements ou actions des pays développés Aucun engagement chiffré n’apparait dans la décision qui, en écho à l’Accord de Copenhague, se contente de « prendre note » d’objectifs quantifiés de réduction des émissions devant être inclus dans une Annexe 1 à la Convention, sous la forme d’un document d’information (quotté INF). Les Pays concernés n’ont aucune date limite pour communiquer ces objectifs qui ne seront contraignants en aucun cas. Le secrétariat devra organiser des groupes de travail afin de clarifier les moyens qui permettront aux pays d’atteindre leur objectif et les options permettant d’accroitre leur niveau d’ambition. Un papier technique devra être soumis par le secrétariat, regroupant ces objectifs et le résultat des groupes de travail. Les actions des pays en développement : les NAMAs La décision reconnait : le rôle des pays en développement à l’effort global de réduction des émissions de GES ; l’intime corrélation entre l’accentuation de la mise en place d’actions de réduction et le soutien financier, technique et de renforcement des capacités en provenance des pays développés est affirmée ; l’éradication de la pauvreté et le développement socio-économique des pays en développement comme priorité absolue. L’importance de la mise en place de stratégies de développement sobre en carbone. Le texte affirme que les pays en développement mettront en œuvre des NAMAs, en fonction du soutien reçu, afin de permettre une déviation de leur trajectoire d’émissions BAU d’ici 2020, mais ne fait mention d’aucun chiffre concernant l’ampleur de cette déviation. Les pays sont « invités » de manière volontaire à communiquer au secrétariat une liste de NAMAs qu’ils pensent mettre en œuvre, notamment celles nécessitant un soutien international, avec les coûts estimés, les réductions d’émissions envisagées ainsi que le calendrier anticipé de mise en œuvre. Un registre visant à lister les NAMAs nécessitant un soutien international et à faciliter la cohérence entre les soutiens technologiques, financiers et de renforcement de capacité nécessaires à ces actions sera constitué. Il devra être tenu à jour par le secrétariat en distinguant : les NAMAs nécessitant un soutien international, le soutien disponible par les pays développés pour ces NAMAS, le soutien fourni pour les NAMAs. Les modalités de distribution de ce support à travers le registre et les liens avec le mécanisme financier devront être définis. Les NAMAs des pays en développement seront indiqués dans une section séparée du registre. Des informations devront être fournies sur : 7 les actions d’atténuation contenues dans le document d’information (INF), les actions additionnelles d’atténuation (NAMAs volontaires), une fois le support fourni, les actions d’atténuation soutenues au niveau international et le montant de soutien fournis associé. Les communications nationales : Les pays développés devront réaliser leur communication nationale tous les quatre ans ou en accord avec des décisions ultérieures de la Conférence des Parties, en prenant en compte un calendrier différencié. Ils devront aussi mentionner les montants de leurs contributions financières visant à couvrir le coût lié à la préparation de ces communications pour les pays non annexe 1. Il a été décidé d’augmenter la fréquence et d’améliorer le contenu des rapports dans les communications nationales, notamment les inventaires, de la part des Parties Non Annexe 1 sur leurs actions d’atténuation et le soutien reçu. Les PMAs et les petits Etats îles auront plus de flexibilité pour la réalisation de ces rapports. Le contenu et la fréquence de ces communications nationales ne devra pas être plus onéreuse que pour les pays développés. Certains pays en développement, selon leur capacité respective et le niveau de soutien fourni pour le reporting, devront également soumettre des rapports biennaux contenant un inventaire national de leurs émissions de GES, et un rapport sur les NAMAs mis en œuvre, les besoins et les soutiens reçus. o Le disposif de mesure, de reporting et de vérification des actions (MRV) Pour les pays développés Les pays développés doivent renforcer et améliorer leur communication et l’information délivrée sur leurs objectifs de réduction et sur le soutien financier, technique et de renforcement des capacités vers les pays en développement. Pour ce faire, ils doivent : soumettre un inventaire annuel de leurs émissions de GES et un report biennal sur les progrès pour achever leurs réductions d’émissions ; fournir des informations supplémentaires concernant leurs réductions d’émissions ; améliorer leur reporting d’informations sur le soutien financier, technique et de renforcement de capacité fournis vers les pays en développement ; fournir des estimations nationales des émissions par sources et des absorptions par les puits de stockage du carbone ; développer des stratégies ou des plans de développement sobre en carbone. Il faudra : Mettre en place un format de reporting d’informations et de communications nationales communs, de méthodologies communes pour le financement afin de fournir une information transparente, complète et comparable ; Développer des méthodologies pour la revue de l’information dans les communications nationales concernant : les progrès réalisés pour atteindre les objectifs de réduction des émissions, le soutien financier, technique et de renforcement des capacités vers les pays en développement ; Développer un processus de vérification internationale des émissions et des puits de carbone afin de quantifier les objectifs de réduction des émissions dans le cadre du SBI, de manière robuste et transparente et avec l’objectif de permettre la comparabilité et de construire la confiance. D’ici le 28 mars, les pays développés doivent faire des soumissions concernant le développement des modalités de reporting et les guidelines. Pour les pays en développement Les NAMAs recevant un soutien international doivent mettre en place un système de MRV domestique, et également international, en accord avec les guidelines développés dans le cadre de la Convention. Les actions recevant un soutien national doivent être MRV au niveau domestique, en suivant les règles générales à définir dans le cadre de la Convention. 8 La conférence a décidé de mettre en œuvre un processus de consultations internationales et d’analyses des rapports biennaux dans le cadre du SBI, de manière non intrusive, non punitive et dans le respect des souverainetés nationales, de manière à assurer à la transparence des NAMAs et de leurs effets. L’analyse sera menée par des experts techniques en consultation avec le pays concerné, en insistant sur l’échange de vues et débouchera sur un rapport de conclusion. Les parties devront d’ici au 28 mars faire des soumissions concernant la mise en place d’un programme de travail visant le développement des modalités et guidelines pour : faciliter le soutien aux NAMAs à travers un registre, la mise en place d’un système MRV des actions soutenues et des soutiens reçus, la recherche de la transparence pour les actions ne recevant pas de soutien. Le mécanisme REDD+ Le mécanisme REDD+ a enfin été acté à Cancún. La liste des actions REDD+ est dressée : Réduction des émissions issues de la déforestation Réduction des émissions issues de la dégradation des forêts Conservation des stocks de carbone forestier Gestion durable des forêts Amélioration et hausse des stocks de carbone forestier La nécessité de la participation de tous les pays, selon leurs capacités respectives et leurs circonstances nationales, afin de lutter contre la déforestation et la dégradation des forêts et augmenter les stocks de 9 carbone forestiers est affirmée. La nécessité de mettre en place des garde-fous, ainsi de respecter les droits et la participation des communautés locales et des peuples indigènes est reconnue. Pour ce faire, les pays en développement sont incités, avec le soutien technique et financier des pays industrialisés, à développer : Un plan d’actions ou une stratégie nationale ; Un niveau de référence national des émissions forestières et/ou un niveau de référence forestier, avec la possibilité d’établir, de manière intermédiaire, une référence au plan régional ; Un système national de monitoring transparent et robuste, avec la possibilité de développer, de manière intermédiaire, un système de monitoring régional ; Un système d’information sur la manière dont sont gérés les gardes fous. Les trois phases sont actées, avec un choix laissé au pays de commencer comme il le souhaite en fonction de sa maturité : Le développement de stratégies nationales et de plans d’action, politiques et mesures et renforcement de capacité ; La mise en œuvre de politiques et de mesures nationales, de stratégies nationales et de plans d’actions demandant un renforcement des capacités plus poussé, le transfert et le développement de technologies et la mise en place d’activités pilotes permettant de valider les résultats obtenus ; La détermination d’actions dont le résultat sera défini au prorata des résultats attendus de fixation ou d’absorption du carbone à partir de l’expérience acquise par les activités pilotes de la phase précédente (modalités MRV de ces actions). Les pays développés, à travers des canaux multilatéraux ou bilatéraux, doivent soutenir la mise en place de ces trois phases. Toute mention à des objectifs de déforestation à long terme a été supprimée, tout comme les références à un financement via des mécanismes de marché, mais l’AWG-LCA doit explorer de nouvelles options financières pour Durban. Finances, technologie et renforcement de capacité o Les financements Le fast start Aucune réelle avancée n’a été réalisée sur la question, pourtant cruciale pour assurer l’impulsion au processus de financement. Le rapport du Panel de Haut Niveau, qui devait trouver des voies de financements innovants, n’a pas apporté les résultats escomptés. Et la Conférence de Cancún, loin d’ancrer les annonces de financements réalisées à Copenhague, a seulement « pris note » de l’engagement collectif de fournir 30 milliards de dollars entre 2010-2012, avec une répartition équilibrée entre adaptation et atténuation et via des financements « nouveaux et additionnels ». La nécessité d’orienter en priorité les fonds destinés à l’adaptation vers pays en développement les plus vulnérables (PMAs, AOSIS, Afrique) a été réitérée. Les pays développés sont invités à rendre public les informations sur les financements qu’ils ont fournis et les voies d’accès à ces ressources. Mais cet engagement restant volontaire et aucun dispositif n’est prévu pour assurer qu’il soit effectivement tenu. En somme, le texte de l’Accord de Cancún est à peu de choses près le même que celui de l’Accord de Copenhague. La seule différence est que les pays sont « invités » à soumettre au secrétariat en mai 2011, mai 2012 et mai 2013 un document d’information sur les ressources fournies, en incluant les moyens d’accès à ces financements par les pays en développement. o Le financement à long terme La mise en place du Fonds Vert pour le climat Le nouveau Fonds Vert pour le climat décidé à Copenhague a été effectivement créé à Cancún sous l’égide de la CdP. La Banque mondiale est invitée à exercer les fonctions fiduciaires de manière provisoire. D’importants éléments de l’opérationnalisation du fonds, comme les relations exactes entre le 10 Fonds et la CdP (définies via un protocole d’accord), et la conception précise du Fonds (décidée par un Comité transitionnel dédié) sont reportés à 2011. Les incertitudes sur les nouvelles sources de financement La CdP a reconnu l’engagement des pays développés de mobiliser 100 Md$ d’ici à 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement. Cet engagement est maintenant directement et explicitement lié à la mise en œuvre d’actions d’atténuation significatives de la part des pays en développement et aux conditions de transparence sur ces actions (MRV et ICA2). Mais aucune nouvelle voie de financement n’a été dégagée des divers rapports, dont celui du Groupe consultatif de haut niveau (AGF), pour une mise en œuvre effective rapide. Les contributions des pays développés au Fonds Vert S’il a été reconnu que le Fonds Vert devrait jouer un rôle important dans le financement de l’adaptation aux effets des changements climatiques, aucune annonce sérieuse de contributions n’a jusqu’alors été annoncée. Les pays ont créé une boîte qui reste pour l’instant vide de contenu. o Le transfert de technologies L’Accord de Cancún rappelle l’importance du transfert de technologies à grande échelle, dans la lutte contre le changement climatique, notamment afin d’aider les pays en développement dans la mise en œuvre d’actions d’atténuation et d’adaptation. Il a été décidé d’établir un Mécanisme pour la Technologie (Technology Mechanism), sous l’égide de la Convention et lui étant redevable, afin de favoriser et d’accélérer : l’identification des besoins technologiques des pays, le développement de programmes de recherche, les transferts et la coopération internationale pour réaliser ces transferts. Ce mécanisme sera composé de : 2 Consultations et analyses internationales (international consultations and analysis) 11 Un comité exécutif de la technologie (Technologie Executive Committee) Il aura principalement un rôle de conseil et de recommandations et sera la « branche technique » du mécanisme pour les technologies. Il devra : fournir des avis et des informations sur les besoins technologiques des pays, analyser les solutions techniques et politiques relatives au développement et au transfert de technologies pour l’adaptation et l’atténuation ; fournir des recommandations sur les technologies et actions appropriées, sur les politiques relatives au déploiement des technologies, promouvoir la coopération entre les gouvernements et les autres acteurs, faire des recommandations afin de dépasser les barrières à la diffusion de technologies permettant l’amélioration de l’atténuation et de l’adaptation, favoriser la mise en place de « road map » technologiques aux différents échelons et le développement de guidelines des meilleures pratiques… Le Comité Exécutif de la Technologie ayant été créé, le mandat du Comité Groupe d’experts sur le transfert de technologies (EGTT) prend fin. Un centre et réseau sur la technologie du climat (Climate Technology Center and Network) : Il a pour objectif de faciliter la mise en place et la coordination de réseaux, initiatives et organisations focalisées sur les technologies au niveau international, régional, local et sectoriel et visant à un engagement réel des différents acteurs dans ce réseau. Il devra : fournir de l’aide et un soutien concernant l’identification des besoins de technologies et la mise en place de technologies et pratiques vertes et écologiques ; faciliter la circulation de l’information ; aider les pays à identifier les technologies adaptées à leurs besoins ; assurer un renforcement des capacités dans les pays ; faciliter la diffusion de technologies existantes dans les pays en développement ; encourager et stimuler la recherche et la coopération avec le secteur privé, les centres académiques, les instituts ; favoriser les transferts sud-sud et nord-sud et une coopération technologique triangulaire ; faciliter la mise en place de centres à différentes échelles ; fournir une assistance technique aux pays qui le demandent ; soutenir les pays dans l’indentification et la diffusion des meilleures pratiques. Ces deux instances devront faciliter la mise en œuvre effective du mécanisme pour la technologie et assurer la synergie et la cohérence de leurs travaux, dont ils feront un rapport régulier à la CdP. Les domaines prioritaires : Des priorités ont été définies : Développement et amélioration des capacités endogènes et des technologies des pays en développement, incluant la recherche, la coopération et la mise en place de programmes pilotes ; Développement et diffusion de technologies vertes et du savoir-faire dans les pays en développement ; Accroissement de l’investissement public et privé dans le développement, la diffusion et le transfert de technologies ; Diffusion de technologies pour la mise en place d’actions d’adaptation et d’atténuation ; Amélioration des systèmes d’observation du climat et de la gestion des informations ; Renforcement des centres nationaux d’innovation technologique ; 12 Développement et mise en œuvre de plans de technologies nationaux pour l’adaptation et l’atténuation. 4 - Les décisions prises dans le cadre du Protocole de Kyoto Cancún a débouché sur une version édulcorée du Protocole de Kyoto : ce dernier a perdu sa composante contraignante, mais garde néanmoins ses outils financiers et sa force symbolique et morale. ZOOM : Pourquoi le Protocole de Kyoto reste, en l’état actuel des négociations, un outil indispensable ? Le Protocole de Kyoto a, treize ans après sa rédaction, perdu de sa superbe. D’un accord juridiquement contraignant regroupant tous les pays industrialisés exception faite des Etats-Unis, il est devenu un cadre regroupant quelques pays proactifs. Mais il reste l’ossature poussant les pays à respecter leurs engagements. Il est la preuve que des avancées sont possibles et que les pays savent faire des concessions et assumer leurs responsabilités. Aujourd’hui, l’intérêt du Protocole de Kyoto ne résulte pas tant dans ses engagements de réduction des émissions, en l’état actuel des choses tout de même peu contraignants, que du fait qu’il maintiendrait une architecture financière et permettrait de valoriser l’aboutissement de la CdP de Cancún pour le passage à l’action. o La seconde période d’engagement Le retrait américain couvrira en l’état actuel des choses toute la seconde période d’engagement, ce qui a eu pour conséquence, par un parallélisme des formes, le retrait ou la menace de retrait de la part de certains pays pourtant engagés dans la première période du Protocole de Kyoto. Dans le même temps, les pays émergents ont profité de cette faille pour ne pas s’engager eux non plus. Les Accords de Cancún rappellent que les pays développés doivent continuer à montrer l’exemple dans la lutte contre les changements climatiques en s’engageant sur une deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto. Il affirme que l’AWG-KP doit continuer à avancer dans ses travaux pour faire adopter une décision par la CMP aussitôt que possible pour éviter un vide juridique entre la première et la deuxième période d’engagement. Aucune décision réelle n’a été prise dans le cadre de l’AWG-KP, ni sur l’adoption d’une deuxième période d’engagement, ni sur sa durée, ni sur les engagements de réduction des pays. La CMP a simplement « pris note » des objectifs que les pays auront à communiquer au Secrétariat, qui seront vraisemblablement très proches de ceux inscrits dans l’Annexe 1 de l’Accord de Copenhague. Sachant que ces objectifs seront insuffisants par rapport aux préconisations du GIEC, le texte adopte un langage fort en « exhortant » les pays développés à élever le niveau d’ambition de leurs objectifs de réduction pour se situer sous la fourchette de 25-40% de réduction des émissions à l’horizon 2020 par rapport à 1990. Or, les autres dispositions de la décision laissent supposer qu’une deuxième période d’engagement à force juridiquement contraignante ne sera certainement pas adoptée. Les objectifs de réduction dont la décision « prend note » ne seront pas contraignants sous le Protocole de Kyoto, et leur forme juridique renvoie à celles de la décision sur la voie LCA, sur laquelle cette décision se base explicitement. La décision précise que l’année de base pour la deuxième période d’engagements sera l’année 1990, mais elle autorise également l’utilisation volontaire d’une autre année de référence mais qui n’aura pas de valeur juridique sous le Protocole de Kyoto. Cette flexibilité est le signe d’une acceptation des objectifs inscrits dans l’annexe 1 de l’Accord de Copenhague, qui n’utilisent pas tous 1990 comme année de référence. Les pays devront présenter au cours de l’année 2011 une révision de leurs contributions inscrites dans les annexes de l’Accord de Copenhague, qui seront consolidées via une reconnaissance formelle de la CdP. o Les activités liées à l'utilisation des terres, à la foresterie et le changement d'affectation des terres dans les pays industrialisés (LULUCF) Le travail sur les autres chapitres (échange de permis et mécanismes de projet, questions méthodologiques et mesures de riposte) n’a pas pu aboutir. De même, la décision sur le LULUCF ne connaît que des avancées faibles. Si les pays se sont mis d’accord pour garder les mêmes définitions des termes techniques que dans la première période 13 d’engagement, les divisions restent fortes sur les règles LULUCF à adopter pour la deuxième période d’engagement. Le mandat de l’AWG-KP est renouvelé pour poursuivre ses travaux sur un plafond à imposer sur les quotas LULUCF et la prise en compte des situations de force majeure. La décision permet d’avancer les travaux sur l’une des options les plus importantes soutenues par plusieurs pays (UE, Canada, Russie, Australie) : l’adoption de règles de comptabilisation sur la base d’un niveau de référence historique. Les pays développés devront commenter les travaux et proposer des alternatives aux niveaux de référence qui leur sont attribués dans l’annexe I de la décision sur le LULUCF, en suivant les lignes directrices proposées dans l’annexe II de la décision. Cette annexe II comporte également des lignes directrices qui encadreront un processus d’évaluation des propositions des pays à ce sujet, dont les résultats devraient être discutés à la prochaine CMP. 5 - La restructuration du processus de négociation o La convergence des voies KP et LCA Le LCA était en perte de vitesse. Son mandat, octroyé à Bali en 2007, avait pour objectif de « renforcer la mise en œuvre de la Convention ». En réalité, de laisser deux ans jusqu’aux prochaines élections américaines, avec l’espoir qu’à ce moment les Etats-Unis réintégrerait le processus à travers la signature tant attendue du Protocole de Kyoto, ou la mise en place d’un nouveau Protocole à la Convention rassemblant cette fois tous les Etats. Avec l’Accord de Cancún, la donne a changé : la voie LCA devient la voie principale, dans laquelle s’est déversé progressivement une partie du contenu du Protocole de Kyoto. Ainsi, le grand changement à l’issu de la CdP 16 est la confirmation d’un alignement et d’une convergence, a minima, des deux processus de négociation, AWG-LCA et AWG-KP. Ainsi, le processus se dirige vers un versement progressif des engagements du KP dans la voie LCA. En effet, le KP a été vidé de sa substance : la décision sur la période d’engagement post 2012 a été renvoyé à Durban, mais ne sera certainement pas résolue en 2011. Aujourd’hui, les seuls engagements qui apparaissent sont dans la partie « mitigation » du LCA. A Durban, on peut espérer, même si le combat sera rude, un accord sur les chiffres dans le cadre de l’AWG-LCA. Le KP ne mourra pas l’année prochaine, car sa charge symbolique est encore trop forte pour les pays en développement et surtout il constitue le seul accord permettant la mise en place de mécanismes de flexibilité et des mécanismes de marché. C’est également dans le cadre de l’AWG KP que sont prévus les financements de l’adaptation, via le Fonds. C’est donc, plus que la mort que Protocole de Kyoto, son endormissement progressif : si certaines fonctions vitales subsistent, sa nature juridique, cœur du texte, et ses engagements contraignants, sont endormis. Ce qu’il fallait à tout prix éviter, et que les pays ont bien compris à Cancún, c’est que les Etats-Unis ne soient définitivement sortis du processus. Le fait de les garder dans le cadre multilatéral, même s’ils ne prennent pas d’engagements juridiquement contraignants, maintient un processus collectif : Cela les pousse d’une part à mettre en œuvre des initiatives au niveau local mais également à participer à l’abondement des fonds ; Cela permet de les garder dans le processus dans l’espoir d’un déblocage de la situation après les élections présidentielles en 2012 et pour la troisième période d’engagement du KP ; Cela est indispensable au maintien dans le processus de certains pays, les pays émergents notamment mais également au plan de la confiance des pays en développement. La voie qui s’est dessinée à Cancún, et qu’il faudra certainement suivre dans les années à venir, est celle d’une prise au sérieux des engagements des Etats-Unis, même si ces derniers ne sont pas validés par le Congrès. Le choix a été fait durant cette conférence de favoriser et encourager la coordination des démarches nationales plutôt que de risquer une fragmentation des politiques par blocs. Le processus devient ainsi progressivement davantage centripète. Des contributions exprimées sur des modes similaires dans les deux voies La CdP a simplement « pris note » des objectifs de réduction des émissions des pays développés et des actions d’atténuation des pays en développement. Finalement, l’Accord de Cancún entérine un processus d’engagements non contraignants, et le système de « pledge and review » sur les efforts d’atténuation des pays prôné par les Etats-Unis et repris dans l’Accord de Copenhague. Le renoncement de fait pour la 2ème période de Kyoto à des engagements juridiquement contraignants 14 Les objectifs d’atténuation des pays développés ont le même statut et la même forme juridique que ce soit dans le cadre du Protocole de Kyoto ou de la Convention-cadre. Ainsi, si juridiquement les processus de l’AWG-KP et de l’AWG-LCA restent distincts, la nature des engagements qui y sont rattachés ne présente plus de différences. On ne peut qu’en tirer un signal d’un renoncement provisoire à des engagements juridiquement contraignants futurs sous le Protocole de Kyoto. En contrepartie de cet affaiblissement du caractère contraignant des contributions des pays, la décision prévoit de renforcer les obligations de transparence de tous les pays sur les actions engagées pour réduire leurs émissions et les résultats obtenus, ainsi que le soutien financier, technologique et au renforcement des capacités fournir par les pays développés. Le Secrétariat de l’UNFCCC et le SBI ont été mandaté pour analyser des informations ainsi fournies et clarifier les hypothèses qui les sous-tendent. S’il ne s’agit pas là de processus contraignants, les dispositions MRV marquent un progrès dans la crédibilité et la comparabilité des actions des pays. L’abandon des ratifications des accords par les parlements nationaux Le parallélisme des formes entre les Etats-Unis et les autres pays se traduit par l’abandon de l’obligation de ratification parlementaire puisque les engagements ne figurent plus que sous forme d’un renvoi à un document d’information. Bien évidemment, il reste toujours possible à un pays de saisir son Parlement. Mais, il résulte de ce changement global une distanciation entre la négociation internationale et les responsables politiques nationaux dont on peut encore difficilement juger de la gravité. C’est là un indéniable affaiblissement démocratique. o Les options politiques structurant le processus Eviter l’hémorragie de pays qui se désengagent du Protocole de Kyoto, dont le poids ne reposerait que sur les pays européens L’annonce par le Japon dès l’ouverture de la Conférence de Cancún de son refus d’une 2ème période d’engagement a été suivi par des positions de retrait de la part de la Russie et du Canada. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ne se sont pas exprimées clairement sur leur propre option à Cancún. Les seuls pays ayant affirmé leur volonté de rester dans le cadre du protocole de Kyoto ne sont finalement que l’Union Européenne, la Norvège et la Suisse, ce qui est bien peu. Il y avait un risque qu’une grande partie des transferts nord-sud envisagés étant reliée aux mécanismes de Kyoto, le poids financier de leur portage ne s’effectue que sur les rares pays développés qui se maintiendraient dans le cadre du Protocole de Kyoto. Maintenir le Protocole de Kyoto et ses mécanismes en vie en reportant la décision sur son avenir d’un an Sous prétexte de garder l’unité entre les pays développés signataires du Protocole de Kyoto, la décision sur l’avenir du Protocole de Kyoto évite en fait de prendre toute décision sur son avenir et repousse le débat à Durban. En réponse à ces incertitudes, la proposition a été faite de prolonger le fonctionnement des mécanismes de Kyoto au-delà de la première période d’engagements. Si cette proposition a pour but principal d’envoyer un signal de confiance aux acteurs politiques et économiques impliqués dans ce type d’actions et de transactions, elle est aussi un signe d’anticipation d’un désengagement imminent des pays du Protocole de Kyoto. Si l’intérêt de ces mécanismes sera affaibli puisque détachés d’un cadre d’engagements juridiquement contraignant au niveau international, maintenir une telle centralisation aurait l’avantage de lutter contre leur éclatement entre les marchés de carbone nationaux et régionaux divers et variés. Garder les Etats-Unis dans le processus Les résultats des élections de mi-mandat du 2 novembre se traduisent non seulement par un refus du cadre du Protocole de Kyoto par les Etats-Unis mais également par une impossibilité d’adopter une loi fédérale climat-énergie. Un isolement des Etats-Unis ne ferait que profiter aux adversaires de la lutte contre le changement climatique dans ce pays. Il aurait également l’effet d’aggraver l’écart entre les Etats-Unis et les autres pays développés qui se creuse depuis 10 ans, et de maintenir les prétextes de certains pays pour justifier leur retrait. Impliquer les pays émergents Sans que cela soit reconnu comme tel, les accords de Copenhague et de Cancún entérinent une différenciation des situations des pays émergents et des pays les moins avancés et les plus vulnérables. 15 Ainsi, l’une des bases de l’attachement des pays émergents au cadre exclusif du Protocole de Kyoto est de fait caduque. Les pays émergents ont finalement cédé à la pression américaine pour accepter des obligations renforcées en matière de transparence sur les actions d’atténuation qu’ils engagent, ce qui témoigne d’une reconnaissance de leur plus grande responsabilité dans l’effort global de réduction des émissions. Une relégitimisation du processus L’annonce de succès de la conférence de Cancún résulte avant tout de la stabilisation du processus de négociation dans le cadre des Nations Unies. En effet, il y avait un réel risque qu’un nouvel échec à Cancún ne débouche sur un délaissement de ce processus au profit d’instances multilatérales ou bilatérales plus restreintes (G20, MEF…). Les pays qui avaient le plus à perdre d’un enlisement sont les pays en développement car dépendants des financements internationaux. Ils ont donc exprimé leur satisfaction par rapport à l’accord (à l’exception de la Bolivie). Néanmoins, ils n’ont guère obtenu d’avancée significative sur le plan des dotations financières. Face à ces constats, un ensemble de questions se posent pour la suite du processus de négociation : Quelles extensions possibles pour les systèmes nationaux des pays annexe I, autant au niveau des pays de l’UE et des pays engagés dans la première période du Protocole de Kyoto que des Etats Unis et des pays émergents ? Comment vont agir les pays, alors même que la seule sanction possible incluse dans le Protocole de Kyoto, celle des « restauration rates », n’est plus d’actualité ? Quelle sera la valeur du carbone dans un système non juridiquement contraignant ? Comment sera géré effectivement le Fonds Vert ? A Durban devront être résolus la question de la dotation des financements et de leur répartition. Quelle importance prendront les processus de NAMAs ? La réponse à ces questions va résulter du niveau d’implication des multiples acteurs de terrain de par le monde. Le constat des trajectoires effectives des pays fin 2012 sera décisif pour la crédibilité du processus. 6 - Quels scénarios pour Durban ? o Les enjeux de la Conférence de Durban Durban aboutira sur un ensemble de décisions opérationnelles : en fait, cette conférence sera le prolongement de Cancún sur un ensemble de points (REDD+, le fonds d’adaptation, le Fonds Vert pour le climat, le « Technology Executive Commitee », les contributions de réduction des pays, la validation des NAMAs …) L’accord se fera sur ces points, ainsi que sur les engagements, mais probablement a minima. Cancún aura permis de relancer le processus multilatéral, et de relégitimer le cadre multilatéral. Les accords de Cancun placent le débat sur les engagements juridiques sous anesthésie mais gardent le cadre du PK intact en attendant que soient réunies les conditions de son réveil et l’adoption d’un cadre juridiquement contraignant. Transitoirement, Durban devra avancer sur cette voie de la consolidation collective. Ce qui est certain c’est que le débat institutionnel est paralysé pour quelques années et sera également mis de côté face à celui sur la force des engagements, les deux sujets, trop importants et polémiques, ne pouvant pas être abordés de front en même temps. La question du cadre juridique et de la mise en place d’un régime climatique contraignant ne saurait être résolue avant 2014 si l’on ne veut pas risquer de laisser les Etats-Unis hors du jeu. La perspective d’un nouveau traité, et donc d’un cadre juridique fort, ne sera pas sérieusement reprise avant 2020, avec la très probable fusion des voies LCA et KP. La deuxième période d’engagement ne sera en réalité qu’un système provisoire, en l’attente d’un changement de positionnement des Etats-Unis. Le compromis trouvé à Cancún sera la base de la négociation de Durban 16 On ne voit pas quel nouvel événement pourrait venir relancer le Protocole de Kyoto dans sa version initiale. Remettre en cause les accords de Cancún ne pourrait se faire qu’en réalisant une cassure insoluble entre pays développés. Une telle cassure se traduirait par un retrait de l’implication des pays émergents et un déclin des soutiens en direction des pays en développement les moins avancés et les plus vulnérables. En outre, elle mettrait en cause le cadre des Nations-Unis. La négociation sera centrée sur les valeurs des contributions des pays sur la base des annexes de l’Accord de Copenhague Les objectifs et actions d’atténuation des pays pour 2020 qui sont à communiquer au Secrétariat seront vraisemblablement très proches de ceux annoncés à Copenhague et inscrits dans les annexes de l’Accord de Copenhague. Les Etats-Unis ont exprimé à Cancún qu’ils maintenaient leur engagement de réduction de 17% des émissions consigné dans l’annexe 1 de l’Accord de Copenhague. Les valeurs des contributions des pays ne feront l’objet d’une réévaluation approfondie qu’à la lumière des résultats de la première période d’engagement du Protocole de Kyoto et du prochain rapport du GIEC, qui devrait sortir en 2014. Le sort des deux voies de négociation Il serait donc possible à Durban de décider de la fusion des deux processus de négociation pour ce qui concerne la période 2012-2020. Même si cette fusion ne se cristallise pas de façon formelle, l’élan qui pousse dans ce sens semble désormais irréversible. Ce changement de méthode pourrait avoir pour effet, paradoxalement, de faciliter la préparation ultérieure d’un nouveau cadre de protocole simplifiant et unifiant le processus de négociation pour couvrir la période suivante. On ne voit guère comment autrement cette fusion pourrait être acceptée par les pays les plus vulnérables. La mise en place opérationnelle du Fonds Vert pour le climat La Conférence de Durban se tiendra à la fin de la seconde année de la période « fast start ». Elle ne pourra donc éluder la question, devenue urgente, de la consolidation du Fonds et de sa mise en place opérationnelle. La finalisation des NAMAs, du REDD+, et de la mise en place de dispositions MRV/ICA Le débat sur les formes des NAMAs, leur enregistrement, leurs conditions de financement et les règles MRV de suivi des actions a peu progressé à Cancún en dehors de la proposition indienne concernant l’ICA. Il faudra à Durban avancer davantage dans les détails de leur mise en place, à savoir comment sera effectuée la vérification des actions (NAMAs, REDD+) par un processus de revue par les pairs, par une implication des autorités nationales et locales. Sinon le passage à l’action sera fortement ralenti faute de confiance. A cet égard, il s’agit notamment de mettre en place le registre créé à Cancún dans lequel les NAMAs des pays en développement qui demandent un soutien international et les formes de soutien proposé par les pays développés devront être inscrites. L’utilité et l’efficacité de ce registre dépendra fortement de sa capacité de coordonner l’offre et la demande et de faciliter l’accès aux financements du Fonds vert. Il n’y aura probablement plus après Durban d’éléments à décider concernant la 2 ème période d’engagements. L’enjeu sera de l’ordre de la réussite de la pratique opérationnelle. 7 - Le contexte général de la suite du processus Les éléments déterminants de la séquence 2012-2020 sont donc, en réalité, d’ores et déjà établis. o Une faiblesse de contribution américaine qui durera plusieurs années Il est clair que les Etats-Unis seront fortement divisés sur le sujet du climat au moins jusqu’en fin 2012, date des prochaines élections présidentielles et législatives. La question des engagements des pays et de leur forme juridique ne pourra être rediscutée qu’après le passage d’une loi climat-énergie fédérale, ce qui ne pourra intervenir au plus tôt qu’en 2014. o La mise en retrait de la question du cadre juridique 17 La période 2012-2020 serait marquée par deux phases : une première (2012-2015) de consolidation des avancées opérationnelles des conférences de Copenhague et de Cancún (REDD+, adaptation, finance, technologie) et de focus sur le passage à l’action (politiques et mesures de réduction des émissions avec MRV), avec peut être une réévaluation des efforts d’atténuation à la lumière des résultats de la première période d’engagement du Protocole de Kyoto et du prochain rapport du GIEC. Elle sera suivie d’une deuxième phase (2016-2020) de préparation d’un nouvel accord (protocole ?) pour la 3ème période d’engagement au-delà de 2020, incluant les Etats-Unis. o Un esprit de compromis mais une absence de véritable leadership Grâce en grande partie à l’habile direction de la Présidente de la CdP, la ministre des affaires étrangères mexicaine Patricia Espinosa, la Conférence de Cancún a été menée dans un esprit de transparence et d’inclusivité, ce qui a aidé à construire la confiance entre les pays et favorisé le développement des conditions pour que les pays acceptent de faire des concessions réciproques. o Les difficultés de financement du Fonds Vert pour le climat La faiblesse probable de la valeur du carbone Le rapport du Groupe consultatif de haut niveau (AGF) est centré sur la nécessité d’une valeur du carbone d’au moins 25 $/t CO2 (contre 14 actuellement). Or il est hautement probable que les disparités de systèmes de cap and trade entre pays développés et prochainement pays en développement ne se traduisent par une valeur faible du carbone. En outre, plus aucune contrainte formelle ne pèse plus réellement sur la satisfaction des engagements pour l’échéance 2012 et de 2020 (par ailleurs relativement faibles). Le renforcement des sources de financement existantes Aucune avancée n’a été faite à Cancún dans cette voie (augmentation du taux de prélèvement sur les crédits MDP, enchère sur les quotas d’émissions proposée par la Norvège). Les très fortes incertitudes qui pèsent sur la perspective de ressources nouvelles Trois voies principales viables sur le long terme ont été envisagées : Une taxe sur le kérosène, Une taxe sur les combustibles de soute maritimes, Une taxe sur les transactions financières (taxe Tobin). Ces trois sources nouvelles possibles ont toutes pour caractéristique de nécessiter un accord unanime de tous les pays pour éviter des contournements ou des fuites. Leur adoption est donc peu probable faute de réunir de majorité au Congrès américain. 8 - Les déterminants des scénarios à long terme L’avenir de la négociation climat ne concerne pas seulement le processus diplomatique mais sera avant tout déterminé par la réalité des trajectoires d’émissions des différentes catégories de pays. On peut donc identifier dans le futur plusieurs scénarios génériques : o Une divergence des trajectoires d’émissions des pays développés par rapport aux objectifs climatiques Les fondamentaux des trajectoires effectives des émissions des pays développés Les émissions collectives des pays développés doivent connaître une réduction de 25 à 40% à l’horizon 2020 et de 80 à 95% à l’horizon 2050 pour rester sur une trajectoire compatible avec une limitation du réchauffement à 2°C. Ceci représente une réduction d’environ 3% par an, un taux que l’on n’a pas réussi à atteindre malgré les efforts déployés à ce jour. Il sera donc essentiel que la mise en œuvre des politiques et mesures de réduction des émissions montent en puissance dans les prochaines années, à commencer dans les pays développés. 18 Les conséquences désastreuses d’un décrochage des engagements des pays par rapport aux trajectoires nécessitées pour assurer une stabilisation du climat à un réchauffement de moins de 2°C De nombreuses études réalisées au cours de année 2010, synthétisées par le PNUE, ont fait valoir que la mise en œuvre des contributions d’atténuation inscrites dans les annexes de l’Accord de Copenhague amènerait à un réchauffement de 3 à 4°C, voire plus. Elles ne représentent que 60% de l’effort nécessaire pour rester sur une trajectoire compatible avec une limitation du réchauffement à 2°C. Il est primordial que les pays augmentent leur niveau d’ambition pour combler le 40% restant. Sinon on risque de voir le désengagement de certains acteurs (Etats-Unis, Chine) du processus et la radicalisation d’autres (petits pays insulaires, Afrique, PMA, pays ALBA, société civile). o Une instabilité de la finance carbone dans un cadre non juridiquement contraignant Ce scénario pénaliserait particulièrement les pays en développement et impacterait l’abondement du Fonds Vert pour le climat pour les sources venant compléter les dotations budgétaires des Etats (y compris via les banques multilatérales de développement). Le rôle central des systèmes de permis nationaux et régionaux En l’absence d’un mécanisme de contrainte uniforme au niveau international (le système fourni par le Protocole de Kyoto), le fonctionnement de la finance carbone et des mécanismes de marché reposerait sur les systèmes de permis nationaux et régionaux, dans les pays développés ainsi que dans les pays en développement. Ils joueraient un rôle central à la fois pour financer les actions d’atténuation dans les pays en développement (via les mécanismes de projet) et pour contribuer à la dotation du Fonds Vert (via les enchères sur les permis et les prélèvements sur les crédits carbone). Or la multiplication des systèmes aux règles et processus hétérogènes sans régulation centralisée risque de complexifier l’accès par des pays en développement aux mécanismes de marché et de nuire à la confiance des acteurs en l’intégrité et l’efficacité des dispositifs. La demande de crédits carbone de pays voulant satisfaire leurs résolutions internationales Les seules obligations de réduction des émissions étant fixées sur le plan national, la demande de crédits carbone dépendra de la volonté des Etats de respecter les objectifs qu’ils ont annoncés au niveau international. Cette demande est une fonction de deux variables principales : la contrainte absolue sur les émissions et la part des réductions qui peut être réalisée via l’utilisation des crédits carbone. Celles-ci étant déterminées par les autorités publiques nationales et régionales, la demande des crédits carbone. Dès lors leur prix sur les marchés, connaîtront des fluctuations aussi fortes qu’imprévisibles jusqu’à ce qu’un cadre supranational contraignant ne lui soit de nouveau superposé. La dotation financière du Fonds Vert et sa mise en fonctionnement La fragilité et l’instabilité de la finance carbone dans un cadre non juridiquement contraignant peut priver le Fonds Vert d’une part importante de ses ressources potentielles. Les autres sources de financement « innovantes » restant pour l’essentiel hypothétiques voire irréalistes, un Fonds Vert, même s’il est rendu opérationnel dans des courts délais, risque de se voir amputé de tout effet de levier réel si les pays développés n’élèvent pas leur niveau d’aide publique au développement. o Une généralisation du passage à l’action Un succès reposerait donc en grande partie sur l’extension de la mise en œuvre des NAMAs et la mise en place effective de plans climat nationaux et territoriaux. Cette généralisation est elle-même conditionnée par une inflexion des trajectoires d’émissions des pays développés qui accrédite la voie d’un développement à faible niveau de carbone. Les bilans qui seront effectués après la fin de la première période d’engagements seront décisifs pour la suite. Les acteurs déterminants pour la réussite d’un tel passage à l’action sont les gouvernements nationaux, les entreprises et les collectivités territoriales et les opinions publiques. Des trajectoires divergentes rendant nécessaires un renforcement juridique Il faudrait en outre que dans la tendance du scénario qui précède s’accompagne par une homogénéité des trajectoires entre pays. Or, il s’avère que de nombreux pays développés connaissent des trajectoires divergentes, y compris au sein de l’Union Européenne. Il pourrait donc s’avérer indispensable de 19 renforcer le cadre juridique de respect des engagements, ce qui rendra nécessaire le retour à un protocole juridiquement contraignant. 9 - La préparation de la période post 2020 Il est prévu que la négociation sur l’après 2020 soit entamée 7 ans avant la fin de la période d’engagement, donc en 2013. Elle sera déterminée par le contexte suivant : Les réductions d’émissions effectives obtenues par les pays sur la 1 ère période d’engagement ; Le 5ème rapport du GIEC ; Les avancées possibles du multilatéralisme avec la conférence de Rio + 20 ; Les élections présidentielles et législatives américaines de novembre 2012 ; La gravité des manifestations du changement climatique ; L’évolution de la pression publique internationale ; L’évolution des comportements de consommation. A cela, il faut ajouter des facteurs externes qui peuvent être très puissants : l’évolution de la crise financière et économique internationale, la montée en puissance des pays émergents,… 20