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Note de décryptage
La politique internationale de lutte contre le changement climatique à
l’issue de la Conférence de Cancún
janvier 2010
Pierre Radanne, Emeline DIAZ, Ken XIE
1 - Un processus aux antipodes de celui de Copenhague
La 16ème Conférence des Parties sur la lutte contre le changement climatique se devait de tirer les
enseignements des échecs de Copenhague. Tout a été fait par le Mexique, pays hôte, pour se
démarquer de la CdP 15, et prouver que les erreurs organisationnelles de Copenhague ne seraient pas
renouvelées. La volonté affichée tout au long de l’année passée pour restaurer la confiance et faire
avancer le processus, notamment via des consultations et réunions informelles, a prouvé son efficacité à
Cancún : la transparence, avec une communication sur tout et à chaque instant, a été voulue sans faille.
De fait, l’ambiance à l’entrée et durant la première semaine de la Conférence fut cordiale. Les sessions
de rédaction de textes et les consultations informelles ont permis de croire que le processus pourrait
avancer.
Néanmoins, les points de blocages passés ont rapidement refait surface, et s les premiers jours de
négociations, le débat s’est focalisé sur :
la seconde période d’engagement des pays Annexe I dans le cadre du Protocole de Kyoto ;
la concrétisation des annonces financières annoncées à Copenhague, à la fois sur le
financement à court terme (30 milliards entre 2011 et 2013) et sur celui à long terme (100
milliards par an d’ici à 2020), passant notamment par la mise en place d’un Fonds vert,
abondé par des sources de financement nouvelles.
Mais les efforts de la présidence mexicaine pour relancer la dynamique et reconstruire la confiance ont
buté sur les résultats de l’élection du 12 novembre aux Etats-Unis, qui ont rendu impossible l’adoption
d’une loi climat-énergie avant probablement 2014. En effet, si l’élection d’Obama n’avait pas en 2009
débouché sur les résultats escomptés, l’Accord de Copenhague, fortement voulu par les Etats-Unis,
incluait un engagement de réduction de leurs émissions de 17% (entre 2005 et 2020) qui devait être
concrétisé par une loi votée par le Congrès. Celui-ci, en donnant force de loi aux engagements annoncés
à Copenhague, aurait permis de se diriger vers la construction d’un marché fédéral d’échange de quotas
et constitué un symbole clair d’engagement à la face du monde. Cela aurait eu pour effet :
d’inciter les pays émergents à s’engager,
de renforcer la volonté des pays industrialisés déjà très actifs,
de redonner confiance aux pays en développement.
Et donc de relancer le processus. Or, le résultat de ces élections ont fait voler en éclat ces espoirs : les
Etats-Unis ne pouvaient plus donner l’assurance d’un engagement par décision du Congrès.
Dès lors, tout le régime climatique s’en est trouvé ébranlé, et les positions se sont durcies :
Des pays industrialisés, comme ou le Japon, la Russie ou le Canada, ont exprimé leur
refus désormais de s’engager dans une seconde période du Protocole de Kyoto au motif
qu’il ne rassemble aujourd’hui qu’une faible partie des pays émetteurs de GES. Ce qui
est nettement moins que l’Accord de Copenhague qui, s’il n’a pas de valeur juridique, a
reçu le soutien officiel de 142 Etats, représentant près de 87% des émissions de GES
mondiales. Ces pays ne veulent pas d’un cadre contraignant qui n’inclurait pas tous les
grands émetteurs.
Les pays émergents rechignent d’autant plus à accepter un amendement au Protocole
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de Kyoto qui leur assignerait des engagements de réductions d’émissions et des
systèmes de vérification de leurs émissions si les Etats-Unis ne s’engagent pas. Ils qui
ont depuis Copenhague liés tout engagement contraignant de leur part à un engagement
des Etats-Unis.
Des pays en développement, qui exigent la pérennisation du Protocole de Kyoto, comme
étant le seul outil juridiquement contraignant du gime climatique pouvant notamment
leur assurer un support de financement, via les mécanismes de flexibilité.
Une grande incertitude a découlé de ces positions, celle relative à la réalité des financements à court,
moyen et long terme- qui seront effectivement apportés, et donc inévitablement, par un effet de cascade,
la réalité de la mise en œuvre des actions sur le terrain, seule solution réelle à la lutte contre le
changement climatique.
2 l’arbitrage sur le maintien du cadre du Protocole de Kyoto
Le grand risque était que sans prolongement du Protocole de Kyoto, les mécanismes de marché ne
s’affaiblissent, avec une valeur du prix du carbone s’effondrant rapidement. Or, malgré leurs failles
évidentes, les mécanismes de marché de Kyoto, et notamment le Mécanisme de développement propre,
et les autres marchés du carbone, représentaient dans ce contexte une source de financement concrète,
capable d’abonder le Fonds vert pour le climat et de soutenir -sous condition de révision dans leurs
procédures d’accès et de distribution- les pays en veloppement dans leur effort de mise en œuvre des
NAMAs.
Face à la complexité de la situation, trois voies se sont dessinées durant la Conférence :
o La voie des engagements contraignants
Poussée par les pays AOSIS, les PMAs, le Groupe Afrique, et l’Union européenne (plus la Norvège, la
Suisse et l’Islande) pour les pays Annexe 1, cette voie consistait avant tout en un maintien du Protocole
de Kyoto avec, peu ou prou, l’intégration de l’annexe 1 de l’Accord de Copenhague comme annexe du
Protocole de Kyoto et de l’annexe 2 dans le texte LCA concernant les NAMAs. Cette voie permettait :
de maintenir les bases de la finance carbone, sans toutefois garantir une valeur significative
du carbone faute d’une participation (et donc d’une demande) suffisante de la part des pays
développés ;
d’ouvrir la voie à la proposition norvégienne de mise aux enchères d’une partie des quotas
pour abonder le Fonds vert de Copenhague ;
d’adopter des décisions de l’AWG-LCA et d’en raccorder certaines à des dispositions du
Protocole de Kyoto (donc sans l’appui des Etats-Unis) et d’avoir d’autres décisions recueillant
leur assentiment, notamment la création du Fonds Vert pour le climat ;
de résoudre largement la question de la dotation financière du Fonds Vert pour le climat si le
processus d’enchères sur les quotas était adopté par les pays signataires du Protocole de
Kyoto.
Cette position, ambitieuse et légitime, aurait nécessité une adhésion des pays industrialisés. En effet, la
voie des engagements contraignants n’est guère praticable si la majorité des pays industrialisés décident
de ne pas s’y rallier, ce qui fut le cas de l’Australie, du Japon, de la Nouvelle Zélande, de la Russie ou
encore, parmi les nouveaux membres de l’OCDE du Mexique, de la Corée du Sud, de Singapour…
De plus ce choix aurait signifié une rupture profonde avec les Etats-Unis sachant qu’une nouvelle loi ne
pourrait y être passée avant probablement 2014.
o La voie des engagements politiques
Ce fut la voie poussée par les Etats-Unis, à laquelle ils ont tenté de rallier certains pays développés-
notamment le Japon et le Canada- se trouvant dans l’incapacité de rattraper la dérive de leurs émissions
depuis 1990. Elle consistait à faire adopter dans le cadre de l’AWG-LCA l’annexe 1 de l’Accord de
Copenhague.
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Cette voie marquerait la fin du Protocole de Kyoto dans sa composante « engagements de réduction des
émissions » car sans obligation d’atteinte d’objectifs, ce qui aurait pour conséquence une chute de la
valeur du carbone faute d’un marché suffisant d’achat. Toute dotation financière du Fonds Vert pour le
climat rattachée à la finance carbone deviendrait dès lors difficile. Et devrait donc être compensée par
des dotations budgétaires des Etats développés, ce qui, étant donné la crise financière qui les touche, est
hautement improbable. Cette voie ne pouvait donc en réalité fonctionner que si les Etats-Unis obtenaient
une application stricte de règles MRV sur les pays bénéficiaires de financements, condition sine qua non
à leur contribution financière au Fonds vert.
S’engager dans cette voie signifiait un durcissement des positions et un creusement des écarts entre les
pays :
Elle marquerait un nouveau recul pour l’Union Européenne ;
Elle placerait les pays émergents au même niveau d’engagements que les pays développés,
ce qui est inacceptable pour eux ;
Elle ne serait pas acceptable pour les pays en développement car elle marque l’abandon du
seul canal de financement spécifique issu de la négociation climat, et ce d’autant plus que les
dotations additionnelles du financement précoce sont faibles ; la perte des financements
actuels structurés autour du Protocole de Kyoto sans mise en place immédiate et tangible de
financements nouveaux et en accroissement serait inacceptable.
o La voie opérationnelle
Confrontée à l’échec d’un accord sur les engagements, cette voie s’est focalisée sur la mise en œuvre
opérationnelle, c'est-à-dire une constitution crédible des financements précoces et du Fonds Vert pour le
climat pour permettre la mise en œuvre des propositions d’action qui bénéficient déjà d’un large accord :
la REDD+, les NAMAs, l’adaptation,…
Elle consiste donc à mettre en place des engagements volontaires souscrits par les pays, sans cadre
juridique international. Cette option, poussée par le Japon, va de pair avec une dotation budgétaire forte
pour la mise en œuvre d’actions. Elle bute néanmoins sur l’incapacité de la majorité des pays de
débloquer des fonds importants (exception faite du Japon qui assure 47% de la dotation des
financements précoces-, de la Norvège et de l’Allemagne). Cette voie avait peu de chance d’être suivie
par les Etats-Unis car risquant d’être bloquée au Congrès. Elle correspond à une radicalisation des pays
en développement face à la position américaine. Mais, en fait, il est difficile que des contributions
financières rattrapent un échec sur le plan des engagements de réduction.
o La voie intermédiaire adoptée à Cancún
Aucune des 3 voies qui précèdent n’a donc été suivie dans son intégralité à Cancún. Mais, de manière
implicite, le processus est entré dans une nouvelle phase : éminemment politique, stratégique, et
pragmatique, l’Accord de Cancún a eu pour objectif premier de garder les Etats-Unis dans le jeu, tout en
conservant vivant le Protocole de Kyoto, notamment ses mécanismes de flexibilité. La CdP 16 marque un
glissement de la voie du Protocole vers la voie LCA, et a reporté à plus tard la mise en place d’un cadre
juridiquement contraignant.
Zoom sur : La difficulté de fixer des contraintes en droit international
Fixer des contraintes en droit international est difficile du fait du principe de souveraineté attaché au
principal acteur du droit international : l’Etat. Si un traité international a souvent une vocation
universelle, il ne s’applique qu’aux Parties qui l’ont signé. Ainsi les Etats-Unis, n’ayant pas ratifié le
Protocole de Kyoto, ne sont aucunement liés par cet accord ayant pourtant pour but de réunir les
pays développés, principaux émetteurs de GES. C’est donc la volonté et le degré d’engagement de
chaque Etat qui, finalement, détermine ses obligations internationales.
Les mécanismes de sanction en droit international
Il y a une forme basique de sanction liée au non-respect d’un engagement international
commune à chaque traité international : c’est la sanction morale, le jugement de la
communauté internationale sur une Partie qui ne tiendrait pas ou violerait ses
engagements. C’est ce jugement de la communauté internationale sur le non-respect par
un Etat de ses engagements qui pousse, par exemple, le Japon a refusé une seconde
période d’engagement. Le pays sait que son dérapage est trop important pour prendre
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de nouveaux engagements, et il ne veut pas porter une étiquette de pays « délinquant ».
Le deuxième degré de sanction est constitué par des pénalités directement stipulées
dans le corps d’un traité. Ainsi, le Protocole de Kyoto comprend des pénalisations en cas
de non-respect des engagements.
En cas de manquement grave aux règles internationales majeures (notamment en cas
de violation de la souveraineté d’un autre Etat), le Conseil de Sécurité des Nations-Unies
peut prendre une résolution afin d’imposer des sanctions économiques (embargo
économique), ou cas extrême- faire intervenir de force une coalition d’Etats membres
contre l’Etat défaillant.
Concernant le droit de l’environnement, puisqu’il n’existe aucun « tribunal de l’environnement »1, la
sanction est avant tout morale. La grande difficulté avec le droit de l’environnement et plus
particulièrement celui visant à lutter contre le changement climatique, est qu’il nécessite pour être
efficace une concertation internationale sans faille.
Les engagements « juridiquement contraignants » du Protocole de Kyoto
L’absence d’organe visant le règlement judiciaire des différends et à même de sanctionner le
manquement aux règles souscrites constitue une entrave à la bonne application du droit international.
C’est ce qui rend la notion de « juridiquement contraignant » si ambigüe. Mais en quoi les
engagements du Protocole de Kyoto sont-ils contraignants ? Et comment les pays sont-ils forcés de
les respecter ? Dans le Protocole, il est prévu que les pays ne respectant pas leurs quotas alloués
pour la 1ère période d’engagement verraient leur excédent d’émissions reporté à la période suivante,
augmenté d’une pénalité de 30%. C’est le principe des « restauration rates ». Un pays ayant manqué
à ces obligations est donc, selon le texte, contraint à une réduction plus importante sur la période
suivante. Or, il est aujourd’hui clair que la plupart des pays qui ont dérapé n’ont aucunement ni
l’intention, ni la capacité, de rattraper leur retard. Et aucun mécanisme ne peut les y contraindre. La
sanction prévue par le Protocole de Kyoto est donc, en réalité, difficilement applicable. Et ce d’autant
plus que la question de la deuxième période d’engagement n’est toujours pas réglée : le principe des
« restauration rates » n’a de sens que dans l’optique d’une continuité du processus du Protocole de
Kyoto et de ses périodes d’engagements.
Conscient de ces risques d’éclatement du processus du Protocole de Kyoto et des négociations dans le
cadre du LCA, les pays ont choisi la voie du pragmatisme qui, s’il elle a certes conduit à un accord à
minima, a néanmoins permis de reconsolider le processus de négociation multilatérale.
3 - La concrétisation des avancées réalisées dans le cadre de l’AWG-LCA
Les avancées qui avaient pu être constatées à Copenhague et renforcées ensuite durant l’année 2010,
se trouvent enfin intégrées dans des décisions de la CdP à Cancún.
o La vision partagée
A Cancún, un ensemble de principes ont été réaffirmés :
L’importance de l’équité, de la responsabilité commune mais différenciée et des capacités
respectives ;
L’adaptation, l’atténuation, le financement, le développement et le transfert de technologies,
le renforcement des capacités comme bases de toutes les actions par les pays ;
L’éradication de la pauvreté comme priorité dans les pays en développement ;
La mise en place de stratégies de développement sobre en carbone indispensable à un
développement durable ;
L’importance de la mise en œuvre d’actions d’adaptation, de manière équilibrée avec
l’atténuation ;
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Les pays ALBA poussent à la création d’un tel tribunal, chargé de juger les manquements aux engagements et
aux atteintes à la Terre Mère.
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La nécessité de ne pas augmenter les niveaux de températures de plus de au-dessus des
niveaux préindustriels, et même certainement de plus de 1,5° est affirmée ; un objectif global
de réduction des émissions pour 2050 devra être décidé à Durban ;
La nécessité de convenir à Durban d’un un pic global et national des émissions, en
reconnaissant que le délai sera plus long pour les pays en développement ;
La reconnaissance de l’importance de l’échelon régional et local et des populations
indigènes.
o L’adaptation
L’adaptation a été réaffirmée comme un défi majeur, auquel devront faire face tous les pays, et qui devra
être soutenue financièrement et technologiquement par les pays développés.
Le cadre pour l’adaptation de Cancún
La principale avancée de Cancún concernant l’adaptation a été la décision, attendue par tous les pays en
développement, d’établissement d’un « Cadre pour l’Adaptation » (« The Cancún Adaptation
Framework ») sous l’égide de la Convention. Le débat durant les dernières sessions a porté sur le choix
de l’instrument qui serait adopté : cadre, programme ou mécanisme. Un consensus a fini par se créer sur
l’établissement d’un cadre, certes moins complet qu’un mécanisme mais aussi moins complexe et donc
plus rapide à mettre en œuvre. Il a également le mérite de distinguer l’adaptation des autres enjeux de
négociation et de lui accorder un financement particulier.
Ce cadre, qui comprend en son sein un Comité d’adaptation, a pour objectif d’améliorer la définition, la
mise en œuvre et le financement d’actions et de plans d’adaptation dans les pays, notamment via le
développement de centres de coopération internationale.
Objectif du cadre pour l’adaptation
Ce cadre vise à favoriser, développer, améliorer et augmenter :
La mise en place des actions, programmes et plans identifiées dans les PANAs des
PMAs,
Des évaluations techniques et économiques concernant les différentes options
d’adaptation,
La coordination et la coopération, notamment concernant les migrations et les
relocalisations de populations,
Les transferts de technologies et le renforcement des capacités pour l’adaptation et la
résilience aux changements climatiques,
L’inclusion de tous les acteurs, à tous les échelons avec synergie entre les sphères
internationales, régionales, nationales et locales.
Le processus de soutien aux PMAs
Une deuxième décision concerne la mise en place d’un processus permettant aux pays les moins
avancés de formuler et de mettre en œuvre des plans nationaux d’adaptation, basés sur l’expérience des
PANAs, afin d’identifier leurs besoins au plan de l’adaptation sur le long terme. Pour ce faire, les pays
sont incités à développer des centres régionaux. Un centre international visant à augmenter et améliorer
la recherche sur l’adaptation et la coordination internationale, situé dans un pays en développement,
pourrait être créé.
De manière générale et afin de favoriser la transparence, la comptabilisation, et la diffusion des
meilleures pratiques, les pays doivent utiliser les canaux existants pour fournir de l’information sur :
les soutiens fournis et reçus pour les actions d’adaptation,
les progrès réalisés,
les expériences pouvant en être tirées,
les obstacles rencontrés.
Le Comité d’Adaptation
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