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le rétablissement du régime monétaire en 1925. Pour lui, l’abandon de l’étalon-or n’est pas le
fait d’une « fatalité contraire » mais « le résultat de quelques erreurs, peu nombreuses, mais
fondamentales, commises dans la gestion de l’économie anglaise » (Rueff, 1931b, p. 299).
Avant de s’interroger sur les conséquences de la nouvelle configuration du système monétaire
international, il s’attache à mettre en évidence plusieurs erreurs ayant causé la décision de la
Grande-Bretagne dont deux nous semblent fondamentales et particulièrement importantes
dans la perspective de la confrontation de ses idées avec celles de Keynes. La première erreur
est liée à l’application d’une mesure sociale, la seconde à la politique menée par la Banque
d’Angleterre.
La « dole » et ses conséquences sur le chômage anglais
La question du chômage en Grande-Bretagne a fait l’objet de deux articles majeurs de
Rueff et font partie de ceux ayant eu les échos les plus retentissants. Le premier, Les
variations du chômage en Angleterre
, parait en 1925. Se basant sur des séries statistiques
allant de 1919 à 1925, Rueff montre que les variations du chômage s’expliquent sur la base du
salaire réel. Le second, L’assurance chômage : cause du chômage permanent
, paraît en
1931, prolonge les séries statistiques du premier jusqu’en 1930, et pointe la responsabilité de
l’assurance-chômage dans la persistance d’un chômage de masse en Angleterre. Tout part
donc d’une « étonnante corrélation entre les variations du chômage en Angleterre et celles du
salaire » (Rueff, 1931, p. 212). Sur la période considérée, « il a existé en Angleterre, entre le
nombre des chômeurs et le rapport du niveau des salaires au niveau général des prix, une
relation permanente, toute variation de la valeur de ce rapport entrainant sans délai une
variation concomitante de l’indice du chômage. On est, par là, fondé à penser que la cause
immédiate du chômage généralisé […] consiste dans le défaut d’adaptation des salaires au
niveau général des prix » (ibid., p. 213)
.
« Les variations du chômage en Angleterre », Revue Politique et Parlementaire, 32, décembre 1925, pp. 425-
437.
« L’assurance-Chômage : cause du chômage permanent », Revue d’Economie Politique, 45, mars-avril 1931,
pp. 211-251. Notons que cet article n’est pas signé « Jacques Rueff ». En effet, Jacques Rueff étant au moment
où est publié cet article Attaché financier à l’ambassade de France à Londres, il lui était interdit de publier un
article en relation avec l’Angleterre. Pour Fitoussi (1987, p. 854), « [Cet article] constitue l’exposé le plus
complet, le plus systématique, le plus pédagogique aussi de ce que Keynes appellera la « théorie classique »,
l’archétype de la théorie qu’il s’attachera à réfuter dans la Théorie Générale. »
Rueff précise que le coefficient de corrélation des deux valeurs est de 0,95 ; coefficient calculé par
l’économiste anglais Sir Josiah Stamp sur la période 1919-1925.