CNRD - Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur Prévention de la douleur provoquée par les soins chez la personne adulte et âgée : organisation des soins Evelyne Malaquin-Pavan Infirmière spécialiste clinique Docteur Véronique Morize Hôpital Corentin Celton Issy les Moulineaux PREVENTION DE LA DOULEUR PROVOQUEE PAR LES SOINS CHEZ LA PERSONNE ADULTE ET/OU AGEE : ORGANISATION DES SOINS AVANT/PENDANT/APRES I - Introduction Toute douleur iatrogène est-elle une fatalité ? Toute douleur iatrogène est-elle évitable ? Aborder ce questionnement suppose d’accepter, de reconnaître que certains soins sont générateurs de douleur ; cette douleur aiguë, de nature généralement nociceptive, est déclenchée par le soin, se superposant ou pas à une douleur de fond, et peut survenir à plusieurs moments et sous plusieurs formes au décours d’un même soin. Tous les soignants ont vécu des séquences de soin où ils ont été témoins du mal être, de la souffrance, de la crainte anticipée plus ou moins exprimée, de l’opposition du patient au soin en raison de la douleur liée à l’acte ou au souvenir qu’il en garde pour l’avoir déjà vécu lui-même ou l’un de ces proches. Existe-t-il différents niveaux de douleur pour un même acte de soin ? Et si oui, qui décide de ces niveaux ? L’influence de ce que nous estimons comme « douloureux » ou pas est ici omniprésente, et peut notamment s’illustrer par la façon dont nous en parlons au sein du milieu socio-familial ou professionnel : « un petit mal vaut mieux qu’une absence de guérison » « il faut accepter de souffrir pour guérir » « c’est naturel d’avoir mal » « c’est un geste qui fait un petit peu mal, qui est un petit peu inconfortable » « c’est plus une gêne momentanée qu’une vraie douleur ». Il existe encore peu de données de santé publique analysant les répercussions de la douleur provoquée par un soin infirmier ou médical. Prévenir et prendre en considération, en équipe, les douleurs provoquées par les soins impose dans un premier temps d’identifier les soins qui génèrent de la douleur. Il est ensuite nécessaire d’analyser ces gestes, leur nécessité et les facteurs qui influencent la perception douloureuse par le patient. Peut alors être mise en place une réflexion où l’organisation des soins dans un service va permettre de prévenir, diminuer voire supprimer ces douleurs iatrogènes. II - Lister les soins et actes générateurs de douleur Identifier et lister au sein d’un service les soins techniques potentiellement douloureux constitue la première étape de la prévention de la douleur : · Ponction veineuse ou artérielle · Injection intramusculaire ou sous cutanée · Prélèvements pulpaires (glycémie) · Ponction biopsie médullaire · Ponction d’ascite, de plèvre · Ponction lombaire · Fibroscopies · Actes de radiologie · Pansements · Retrait d’adhésifs · Mobilisations (toilettes, changes, transferts, brancardages, etc...) · Aspiration naso - pharyngée · Pose et retrait de sonde : gastrique, urinaire · Extraction de fécalome · Actes de kinésithérapie motrice ou respiratoire · Petite chirurgie : suture, curetage. Cette liste n’est pas exhaustive et dépend de l’activité de chaque service de soins. D’autres soins sont vecteurs de douleur ou de majoration de l’inconfort, encore trop souvent banalisée. Notamment, la plupart des soins de base peuvent entraîner une douleur induite, selon le degré de dépendance de la personne qui reçoit ce soin. III - Facteurs influençant le vécu douloureux du patient Une étude[1] réalisée de novembre 1997 à février 1998 sur le vécu des patients soumis à des gestes invasifs répétitifs dans 59 services hospitaliers de cancérologie, publics ou privés, auprès de 584 patients, 113 infirmier(ières) et 58 médecins renseigne sur les facteurs qui influencent la perception de douleur : · pour 1 patient sur 2, la douleur de la piqûre dépend de celui qui fait la piqûre et du type de produit injecté bien entendu, · pour 1 patient sur 3, la douleur dépend du type de piqûre et de l’endroit où le geste est pratiqué mais également de sa répétition. Les facteurs influençant ensuite la perception de douleur sont : · pour 1 patient sur 5 la fatigue, · pour 1 patient sur 10 : la vue du matériel, · pour 1 patient sur 15 : son état physique. Cette étude montre l’importance du lien soignant/soigné et la répétition du geste sur la perception douloureuse lors des soins. Un second volet de cette étude a permis de montrer l’influence de la nature des gestes invasifs sur la perception douloureuse. On peut ainsi distinguer trois groupes de gestes invasifs : · ceux qui sont peu répétitifs comme les ponctions lombaire, pleurale, sternale ou les biopsies et qui sont reconnus douloureux par plus de 30 % des patients, · ceux qui sont fréquents comme les gaz du sang ou les poses de cathéters périphériques et qui sont également douloureux pour 30 % des patients, · ceux qui sont répétitifs comme les intraveineuses ou les ponctions de chambre implantable et qui sont douloureux pour moins de 20 % des patients. L’enquête a montré que le nombre moyen de gestes invasifs vécus par un patient aurait tendance à influencer l’expression de la douleur procurée. Plus le patient est soumis à la répétition d’un geste, plus il le classe comme douloureux. Pour 1 patient sur 3 (32 %), subir des gestes invasifs répétitifs quelle qu’en soit la nature est extrêmement, très ou assez gênant. Il faut noter que les patients qui décrivent ainsi la douleur ressentie lors des actes de soins invasifs ont subi au cours des trois mois précédant l’enquête en moyenne 22,6 gestes invasifs de nature différente : ponction-biopsie (2,1/patient en moyenne), prélèvement veineux ou artériel (9,4/patient en moyenne), injection pour examen radiologique (2,1/patient en moyenne), traitement par cathéter, perfusion ou injection (14,3/patient en moyenne). Les gestes les plus fréquents sont les injections sous-cutanées et les prélèvements pour bilan sanguin (valeurs extrêmes : 99 injections SC et 70 prélèvements en 3 mois). Dans cette enquête les autres facteurs qui semblent influencer sur l’expression de la douleur liée aux gestes invasifs sont l’ancienneté de la maladie et l’âge : En ce qui concerne l’ancienneté de la maladie, il semble que la plainte soit plus importante lorsque la durée de la pathologie est supérieure à 1 an, En ce qui concerne l’âge, il semble que l’expression de la douleur soit plus fréquente chez les patients les plus jeunes, et diminue ensuite avec l’âge. Cependant, il a été montré dans une autre étude récemment publiée que les seuils d’intensité de stimulation pour la perception de la douleur sont plus bas chez la personne âgée que chez les jeunes adultes (Pain 2005 ; juin) Dans l’enquête citée et d’une manière, générale, les médecins et les infirmières ont surestimé très nettement la gêne occasionnée par les soins répétitifs par rapport à la gêne décrite par les patients. Il faut néanmoins préciser que de nombreuses études comparant l’évaluation de la douleur par le patient et les soignants montrent plutôt que les soignants sous estiment la douleur par rapport à la douleur signalée par les patients. (Puntillo 2003, Rundshagen 1999). L’expression de la douleur des soins est également soumise aux éléments suivants : · La visée du traitement (curative ou symptomatique) · La culture du patient · L’état psychologique du patient · Les croyances du patient dans les thérapeutiques proposées · La compréhension du geste · La durée du geste · L’environnement dans lequel se déroule le soin · La maîtrise technique du geste par le soignant. Devant l’obligation de réaliser un soin potentiellement douloureux - ou redouté comme tel par le patient, plusieurs possibilités s’offrent au soignant. Certaines d’entre elles relèvent du rôle propre infirmier tel qu’il est défini par le décret des actes professionnels du 11 février 2002[2]. D’autres nécessiteront une prescription médicale. Quoiqu’il en soit, une réflexion d’équipe est nécessaire pour prévenir et prendre en charge la douleur liée aux soins infirmiers ou aux actes médicaux. La première étape consiste à peser la nécessité de l’acte pour le patient en fonction des facteurs cités précédemment. Pourront ensuite être envisagés la mise en œuvre des moyens thérapeutiques non médicamenteux et médicamenteux de prévention de la douleur liée à chaque geste, avec une attention égale avant, pendant et après le soin. Une réflexion sur l’utilisation du matériel le plus adapté (forme, calibre...), sur l’entraide dans l’équipe selon notre maîtrise du geste à produire (passer la main, faire avec, démontrer, guider...), enfin sur la présence de personnes ressources pour aider à la mise en confiance est nécessaire (soignant référent/investi, membre de la famille...). Bien évidemment, durant ces trois temps (avant - pendant - après), l’évaluation qualitative et quantitative de la douleur est le fil conducteur de l’adaptation soignante. IV - Moyens de prévention non médicamenteux IV - 1 - Prévenir avant le soin « Eviter tout ce qui peut être évitable » constitue une première étape qui peut se décliner avant, pendant et après le soin quelqu’il soit. Quelques repères peuvent aider les soignants à mettre en œuvre des moyens qui permettent d’entourer un acte douloureux afin de limiter l’anxiété du patient et de supprimer la douleur inhérente au geste. · Ecouter ce que dit le patient de son vécu antérieur, la représentation qu’il se fait de cet examen, de ce soin, mais aussi ce qu’en dit son entourage, voire les autres professionnels, · Observer les comportements, les attitudes, les réactions au cours de l’entretien, le degré de congruence entre ce qui est dit par le patient et ce qu’il montre, · Déterminer ce que le patient sait de l’examen, du soin, ce qu’il souhaiterait savoir (détails sur le geste, matériel, organisation du soin, durée, moment où il va se dérouler). Il ne faut pas oublier qu’un excès d’informations peut nuire autant que pas assez d’informations. Il sera donc important de déterminer ce qu’il faut dire au patient, mais aussi quand il faut le lui dire. · Identifier ce qui pour un patient donné est source de difficultés (manque de force, manque de motivation,, manque de connaissances, manque de ressources) et à l’inverse repérer les mots, les informations qui augmentent son sentiment de sécurité. · Rechercher la collaboration du patient en lui donnant le plus de pouvoir de décision possible en : · planifiant le soin avec lui, · négociant les modalités de réalisation du soin avec lui, · lui demandant sa contribution directe ou celle d’un proche pour son confort, son installation, à la recherche d’une position antalgique avant, pendant et après le soin, · analysant avec lui le déroulement du soin et les sensations éventuelles auxquelles il peut s’attendre : sensation de chaleur lors d’une injection par exemple, · lorsque le patient ne pourra pas parler durant le soin, se mettre d’accord sur une forme d’acquiescement non verbal ou équivalent pour pouvoir évaluer au décours du soin. · Organiser le soin ou l’acte en : · se préparant mentalement à sa bonne réalisation, · regroupant le matériel, · planifiant le soin dans un délai suffisamment long pour sa réalisation dans de bonnes conditions, · prévoyant l’aide d’une collègue et déterminant avec les autres personnes le rôle de chacun (éviter de se questionner à voix haute au cours du soin), · prévenant pour ne pas être dérangé pendant le soin, · prévoyant la bonne installation du patient et celle des soignants, · envisageant la répercussion du soin sur le voisin de chambre, · sachant passer la main quand on manque d’assurance dans la réalisation d’un geste. IV - 1 - Prévenir pendant le soin Veiller au confort et à la mise en confiance du patient en : · repérant la manière optimale d’entrer en contact avec lui, · rendant son environnement le moins agressif possible : bruit, luminosité, température, odeur, · satisfaisant ses besoins fondamentaux du moment avant de débuter le soin proprement dit : donner à boire, inviter le patient à uriner, desserrer les vêtements, etc..., · utilisant l’aide pour être plus centrée sur le contact avec le patient, la détente, la distraction à l’aide d’une image, d’un souvenir agréable, · invitant le patient à respirer calmement, amplement, à pousser des soupirs, ou au contraire à bloquer sa respiration ; y associer la relaxation, la sophrologie, le toucher - massage, · commentant sans excès le déroulement du soin, · favorisant l’expression des craintes, de l’anxiété et les évaluant au fur et à mesure du déroulement du soin, · utilisant l’écoute active et les ressources de la communication verbale et non verbale (silence, reformulation, paroles, toucher enveloppant, respect de la distance intime ...), · parlant exclusivement de ce qui se passe et en évitant toute conversation dont l’objet ne serait pas en rapport avec le déroulement du soin · faisant des temps de pause si besoin sans rallonger trop le temps total du soin · Sachant arrêter l’acte s’il s’avère trop douloureux et en envisageant d’autres moyens antalgiques pour le réaliser ultérieurement, · repérant la manière optimale de préparer la fin du soin (paroles, regards échangés, mains en contact, retirées progressivement, pression d’épaule,...) IV - 1 - Prévenir après le soin · Aider le patient à verbaliser son vécu du soin · L’installer dans une position confortable · Ménager un temps de récupération avant d’autres soins ou activités · Lui donner les résultats du soin dès que cela est possible · Transmettre ce qui a favorisé le bon déroulement du soin ainsi que ce qui a éventuellement déclenché la douleur · Envisager les réajustements si le soin doit se renouveler V - Moyens de prévention médicamenteux Toute cette réflexion autour de la préparation et la réalisation des soins ne doit pas empêcher de se poser la question de l’opportunité d’un contrôle médicamenteux de la situation s’il est nécessaire. Une très bonne description des principaux moyens médicamenteux existant est faite ci-après. Cette description est loin d’être exhaustive. V - 1 : par voie locale · La Xylocaïne 5% nébuliseur : Son AMM concerne l’anesthésie locale des muqueuses bucco-pharyngées et/ou des voies aériennes supérieures : fibroscopie, exploration ORL, intubation et petits actes chirurgicaux en ORL. Elle est utilisée par certains avant la détersion d’une plaie (cependant probable moindre diffusion sur tissu inflammatoire - prescription hors AMM). Délai d’action de quelques minutes (3 à 10 min). · La Xylocaïne visqueuse 2% (gel) : indications ORL identiques. · La Xylocaïne 2% gel urétral : indiquée dans toute exploration en urologie ou pose de sonde urinaire. Délai d’action de 5 à 10 minutes. · La Xylocaïne injectable (0,5%, 1%) peut être utilisée en sous cutanée en vue de soins plus invasifs comme une suture (intérêt de l’injection dans les berges de la suture à évaluer en fonctions de différents critères : taille, localisation de la plaie, patient, opérateur..). Dose maximale : 200 mg. Délai d’action très rapide (1 à 3 minutes). · La crème EMLAâ[3] peut être utilisée pour toutes les ponctions : veineuse, artérielle, lombaire. Cette crème composée de deux anesthésiques locaux (lidocaïne et prilocaïne) agit par diffusion à travers la peau saine jusqu’à une profondeur de 5mm en 1h30. Elle se présente en tube de 5g qui nécessite soit une application en une couche épaisse sous un pansement occlusif, soit directement à l’aide du patch contenant 1g d’EMLAâ. La dose maximale est déterminée par l’âge du patient. Chez l’adulte 50g. L’anesthésie dure 1 à 2 heures. Elle doit être posée par l’infirmière 1h à 1h30 avant le geste (peau saine). Elle peut également s’utiliser pour l’ablation de molluscum ainsi que lors de la détersion d’ulcères variqueux. V - 2 : Par voie générale · Prémédication antalgique Parfois la réalisation des soins nécessitera une prémédication par voie générale. Il s’agit le plus souvent de couvrir la douleur générée par la réfection d’un pansement ainsi que l’anxiété qui lui est liée et qui majore la sensation douloureuse. La suppression du phénomène douloureux provoqué ou réveillé par les soins sera anticipée par l’administration d’une forme à libération immédiate de Morphine type Sévredolâ ou Actiskénanâ per os, ou de Morphine injectable par voie sous-cutanée, ou de Morphine à boire, administrée une heure avant le début des soins. Exemple : Pour un patient naïf de morphine il pourra être soulagé par un Actiskénanâ 5 mg ou 10 mg alors que si son traitement comprend déjà 120 mg de Skénanâ par jour (Skenanâ 60x2) il sera nécessaire de lui donner un Actiskénanâ 20 mg pour le soulager au cours du pansement. La règle est de donner la morphine au 6 ème de la dose quotidienne reçue en traitement de fond. L’action de ces morphiniques à libération immédiate se prolonge pendant 4 heures. · Traitement anxiolytique On peut si nécessaire utiliser un traitement anxiolytique classique administré une heure avant de début des soins : Lexomilâ(1/2 vie = 20h) : 3 à 6 mg ou Vératranâ (1/2 vie = 5 h) : 5 mg ou Ataraxâ (1/2 vie = 6h) 25 à 100 mg ou Xanaxâ (1/2 vie = 12h) : en sub-lingual 0,25 mg à 0,5 mg En soins palliatifs, nous avons l’habitude de l’usage de l’Hypnovelâ (délivrance hospitalière) qui est une benzodiazépine à durée d’élimination rapide (4 heures), qui peut être prise par voie orale ou administrée par voie injectable et qui a pour effet supplémentaire à celui de l’anxiolyse et de la sédation, un pouvoir amnésiant relativement important. Le patient peut parfois effacer le souvenir désagréable du geste. Nous l’utilisons le plus souvent couplé avec de la morphine (par exemple : morphine® 10mg + Hypnovel® 1 mg en sous cutanée, 1 heure avant les soins). Il est actuellement disponible en médecine de ville sous forme de Versed® 2mg. · MEOPA : mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote Administré par inhalation, ce gaz a une action systémique. Ce produit présente une faible toxicité et une efficacité importante. Il est éliminé rapidement. Il provoque essentiellement une analgésie et une amnésie. Il permet de réaliser des actes douloureux superficiels comme des pansements ou autres gestes n’excédant pas habituellement 30 mm. Cependant, l’AMM de ce mélange gazeux autorise son utilisation pendant 60 minutes. Ce produit peut être administré par du personnel non médical sur prescription médicale Les réflexes laryngés et pharyngés sont préservés, cette technique ne nécessite donc pas que le patient soit à jeun. V - 3 : Par anesthésie loco-régionale Dans des situations particulièrement douloureuses ou aiguës, des techniques d’anesthésie pures peuvent être mises en place : - Blocs tronculaires d’un membre : par exemple membre inférieur (bloc crural, bloc sciatique). Si nécessaire un site peut être laissé en place pour permettre des réinjections. - Blocs centraux par voie intrathécale ou par voie péridurale. voir aussi les recommandations de la SFAR V - 4 : Par anesthésie générale La réalisation efficace de certains gestes pourra parfois nécessiter le recours à une anesthésie générale comme par exemple la détersion d’ulcère ou d’escarre ou l’extraction de fécalomes particulièrement volumineux. Voir aussi les recommandations des pratiques publiées par la SFAR. V - 5 : Autres moyens D’autres analgésiques tel que la Kétamine ou des combinaisons médicamenteuses comportant un anesthésique local associé au protoxyde d’azote ou à la morphine (entre autres) peuvent également être utilisés. Leur description détaillée est au delà des objectifs de cet article. VI - Les limites La prévention de la douleur générée par les soins est aujourd’hui un droit du patient que les personnels soignants ont l’obligation d’assurer. Néanmoins, ces personnels sont parfois confrontés aux limites d’efficacité de cette prise en charge. Ces limites ont des causes variables. Parmi les causes les plus fréquentes aujourd’hui nous pouvons évoquer : · La subjectivité de la douleur Ce qui a été efficace pour un patient ne le sera pas obligatoirement pour un autre. De même, ce qui a été efficace pour un patient à un moment donné ne le sera peut être pas à un autre moment de sa prise en charge. Il est donc essentiel de pouvoir constamment évaluer l’efficacité des moyens mis en œuvre et réajuster les actions si nécessaire. · L’extrême urgence Certaines situations d’extrême urgence nous obligent encore parfois à réaliser des gestes invasifs alors que la couverture antalgique n’est pas totalement efficace. Ces situations demeurent toutefois exceptionnelles. En effet, il y a bien nécessité de différencier ce qui est de l’ordre de l’urgence vitale de la nécessité de faire rapidement un soin (mais qui peut se différer de quelques minutes à plus pour laisser une antalgie agir, comme l’utilisation du Protoxyde d’azote par exemple, à condition bien sûr d’avoir à disposition le bon produit). · Les difficultés de compréhension du patient En raison de son âge, de son état de conscience, de ses facultés de compréhension, de ses capacités cognitives, il sera parfois plus difficile d’identifier et d’évaluer la douleur d’un patient ainsi que l’efficacité des moyens mis en œuvre. Le soignant peut toutefois recourir à des grilles adaptées (personne non communicante), un interprète, un proche connaissant bien l’attitude habituelle du patient. · Les phobies du soin La peur irraisonnable - de certains gestes ou par la vue du matériel, des personnes s’approchant... - peut conduire certaines personnes à des attitudes d’opposition ou d’agressivite réactionnelles ne permettant pas de les raisonner. Ces différentes limites ciblent avant tout le patient dans son rapport au soin mais aussi les résistances existant dans certaines équipes pour faire évoluer leurs connaissances, leurs compétences et leurs pratiques. Cette remise en cause repose donc bel et bien sur l’identification - sans excès ni complaisance - qu’il y a bien des soins provoquant de la douleur aigue, une majoration de l’inconfort ou de la souffrance, voire une chronicisation délétère. VII - Conclusion Le rôle soignant s’articule autour d’éléments clés garantissant la qualité de la prévention et du soulagement des douleurs induites : des connaissances actualisées (concernant la physiologie de la douleur aigue et chronique, les thérapeutiques s’y rapportant), un savoir faire et un savoir être couplés avec une capacité d’autoévaluation individuelle et collective des pratiques de soins. C’est garder en tête les principes d’autonomie et de besoins de la personne humaine ainsi que ceux de l’information et de l’éducation du patient et/ou de sa famille. In fine, c’est savoir cultiver pour soi et en équipe le questionnement, l’expression du doute, l’autocritique positive du choix, de la nature, de l’éthique des soins dispensés, enfin l’anticipation pour une organisation aussi individualisée que possible avant pendant - après le soin.Bibliographie : Autres situations : les soins douloureux (p 125-136) et Possibilités thérapeutiques : prévention des douleurs induites (p 287-294) - E. Malaquin-Pavan, C. Neves in La douleur des femmes et des hommes âgés - R. Sebag-Lanoë, B. Wary, D. Mischlich MASSON Coll Ages, santé, société, 324p - Douleur et gestes invasifs répétitifs : la solitude des malades - L’infirmière en gériatrie n°11 Prendre en compte les douleurs des personnes âgées - dossier Douleurs du sujet âgé - Gérontologie - La presse Médicale 10 juillet 2004 tome 33 n°12 cahier 1 H.P. Cornu Elaboration de protocoles antalgiques pour le sujet âgé : l’expérience d’un groupe pluridisciplinaire - dossier douleurs du sujet âgé - Gérontologie - La presse Médicale 10 juillet 2004 tome 33 n°12 cahier 1 - E. Dos Santos, I. Peron et le groupe « douleurs aiguës de la personne âgée ». Age effects on pain thresholds, temporal summation and spatial sumation of heat and pressure pain - Stefan Lautenbacher, Miriam Kunz, Peter Strate Jesper Nielsen and Lars Arendt-Nielsen - Pain vol 115, Issue 3, juin 2005 pages 410-418 Patients “vs nurses” assesments of postoperative pain and anxiety during patient - or nurse - controlled analgesia - Rundshagen I, Schnabel K, Standl T, Schulte am Esch J - Br J Anaesth 1999 March Accuracy of Emergency Nurses in Assesment of Patients’ Pain - Kathleen Puntillo and all - Pain Management Nursing vol 4 décembre 2003 [1] Enquête multicentrique. Evaluation de la douleur des gestes invasifs répétés en cancérologie adulte. Quels retentissements sur la qualité de vie des patients ? SOFRES médicale. Astra France département d’anesthésie, 1 place Renault, 92844 Rueil Malmaison .1997 [2] Inclus depuis Juillet 2004 dans le code de la santé publique [3] Se reporter à la fiche « Utilisation de l’EMLA » http://www.cnrd.fr/article.php3?id_article=276