I. Le profil des responsables de structures de formation.

Projet « Cultures et Formations »
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LE PROFIL DES DIFFERENTS ACTEURS DE FORMATION :
RESPONSABLES, FORMATEURS ET BENEFICIAIRES
Emilie Pratviel
Forum de Delphes
Mars 2005
Version provisoire
Dans le cadre du projet « Cultures et Formations », soixante-dix personnes ont fait l’objet d’entretiens
parmi lesquelles des responsables burkinabés d’ONG de formation, des formateurs européens et
africains et des bénéficiaires burkinabés de formation
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.
Les enquêteurs ont, au cours des trois missions, porté une attention particulière au respect de la
représentativi de l’échantillon, en ne négligeant pas, par exemple, les petites structures locales,
moins visibles au demeurant.
Trente-six femmes et vingt-trois hommes, d’une moyenne d’âge de 40 ans, ont été interrogés
travaillant plus particulièrement dans les domaines retenus par le projet, à savoir l’artisanat et la santé.
Nous présentons ici une synthèse des différents profils en distinguant responsables (I), formateurs (II)
et bénéficiaires (III).
I. Le profil des responsables de structures de formation.
Dix-neuf responsables (la plupart salariés) d’ONG de formation ont été rencontrés : douze femmes et
sept hommes de 27 à 55 ans et d’une moyenne d’âge de 43 ans. Parmi eux, on trouve des dirigeants
d’ONG burkinabés (au nombre de 13) et occidentales (3 européens et 3 africains).
Leur profil varie en fonction de la nature de leur structure, c’est-à-dire de l’origine de sa création et de
ses sources de financement
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. A côté de structures largement sous tutelle occidentale (treize de ce type
ont été rencontrées) cohabitent en effet de petites associations, créées et gérées par des burkinabés.
Les dirigeants des secondes (trois hommes et deux femmes) ont un niveau d’études varié (de la
quatrième à la licence).
En revanche, ceux des premières (dix femmes pour trois hommes) sont très qualifiés : quatre ont un
niveau maîtrise, deux ont un DESS, trois un doctorat et deux un diplôme d’ingénieur.
Outre leur niveau d’études, il se distingue par deux aspects :
-Cinq ont fait une partie de leurs études en Europe, grâce à des bourses du gouvernement burkinabé ou
d’ambassades européennes (surtout allemande),
-Quatre sont détachés de la fonction publique. Ayant fait la majeure partie de leur carrière comme
agent de l’Etat, ils choisissent vers 50 ans de découvrir une autre expérience dans le milieu associatif,
aujourd’hui mieux rémunéré que la fonction publique.
Les personnes rencontrées dirigent différents types de structures : santé et artisanat bien sûr, mais aussi
droits de l’homme, genre, artisanat, alphabétisation, etc.
1. Les responsables san
Trois responsables deux sages-femmes et une enseignante à la retraite dirigent des associations
dans le domaine de la planification familiale. Les deux sages-femmes ont été fonctionnaires, l’une
comme enseignante pendant huit ans à l’Ecole Nationale de Santé Publique, l’autre au Ministère de
l’Action Sociale et de la Solidarité Nationale, avant de choisir de rentrer dans le milieu associatif.
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Certains entretiens, ceux des burkinabés n’ayant jamais reçu de formation et des personnalités parmi les
universitaires, les responsables institutionnels et les entreprises burkinabés, ne seront pas pris en compte ici.
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Dans le domaine du VIH/sida, ce sont deux hommes, tous deux extérieurs au milieu médical, qui
dirigent de petites structures locales. Le premier, titulaire d’une licence de sociologie, a d’abord été
agent de paiement à la société du fil et du textile du Burkina avant de s’engager, conscients des
ravages du sida au Burkina, dans différentes associations et devenir responsable technique de l’une
d’entre elles. Le second, jeune homme de 27 ans ayant arrêté l’école en quatrième, a décidé de créer sa
propre association, après avoir suivi un cycle de formation étatique sur le VIH/sida dans un centre de
jeunes.
2. Les responsables artisanat
La différence entre grandes et petites structures est aussi présente dans le milieu de l’artisanat. D’un
côté, deux hommes d’une quarantaine d’années ont bénéficié de bourses pour faire leurs études en
Allemagne, l’un comme mécanicien, l’autre comme ingénieur. Ils dirigent tous deux des associations
sous influence germanique.
De l’autre, on rencontre par exemple un instituteur, qui, se rendant compte de l’échec scolaire de
beaucoup d’enfants, a monté un projet d’éducation et d’insertion sociale reposant sur l’art du bronze.
3. Les autres responsables
Parmi les autres responsables rencontrés, l’on peut citer deux types de profil.
L’engouement pour le genre suscite des vocations. Nous avons rencontré trois directrices de structures
spécialisées sur cette question, hautement qualifiées dans différents domaines (économie,
développement, biologie). Deux étaient détachés de la fonction publique, l’une en tant qu’enseignante,
l’autre inspecteur du trésor.
Enfin, l’on rencontre quelques « professionnels » du développement (dont font partie les européens)
ayant fait toute leur carrière dans différentes organisations internationales, ONG locales et
occidentales. Citons l’exemple de cette burkinabé de 43 ans, titulaire d’un doctorat en histoire
économique et qui a enseigné deux ans à l’université de Ouagadougou avant de travailler pendant six
mois au Programme des Nations Unies pour le Développement, trois ans comme consultante à
l’ambassade du Canada, sept ans à l’Institut panafricain pour le développement de l’Afrique de l’Ouest
et enfin au programme d’alphabétisation de la Coopération Suisse depuis 2000.
De cette synthèse rapide ressort plusieurs constatations :
- la féminisation du milieu des responsables associatifs, en porte-à-faux avec les discours sur le
genre.
- la « fuite des cerveaux » vers le milieu associatif, les fonctionnaires qualifiés semblant se
désintéresser du service public (qualifié de « léthargique » par l’un d’entre eux).
- l’apparent désintérêt pour l’initiative locale des personnes qualifiées qui semblent s’en
remettre à l’Occident. Sur ce sujet, il serait intéressant de voir si celle-ci est davantage portée
par les petites structures.
II. Le profil des formateurs
Dix-neuf formateurs ont été interrogés : dix femmes et neuf hommes de 21 à 65 ans et d’une moyenne
d’âge de 40 ans. Il y a parmi eux une forte présence étrangère (qui doit être questionnée) puisque
presque 1/3 d’entre eux est d’origine occidental.
1. Les formateurs occidentaux
Une canadienne, deux allemandes, un hollandais et trois français ont fait l’objet d’interviews, en tant
que formateurs dans le cadre de coopérations diverses avec le Burkina : quatre présents pour des
missions de longue durée dans le cadre de contrats avec des structures occidentales (telle que la DED
en Allemagne), deux infirmières françaises à Ouagadougou pour une semaine afin d’animer une
formation et un jeune français salarié d’une association burkinabé, indépendamment de toute structure
occidentale.
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Si quatre d’entre eux ont déjà effectué plusieurs missions à l’étranger (en Asie, en Amérique du Sud),
l’Afrique est une première pour la plupart : pur hasard pour certains, choix de cœur émotionnel pour
d’autres.
Tous titulaires d’un diplôme universitaire (allant du DEUG au doctorat), ils ont une formation
majoritairement généraliste (histoire, sciences humaines), excepté les deux infirmières. Il est à noter
que seule une formatrice est à l’origine enseignante.
Formateurs d’un jour ou de plusieurs années, ils le sont dans des domaines variés (genre, renforcement
des capacités, artisanat, santé), ne correspondant pas nécessairement à leur formation.
Or, aucun d’entre eux n’a été préparé à cette mission, préparation qui devrait, à notre sens, comportait
trois volets : renforcement, si nécessaire, des compétences dans le domaine technique concerné ;
« prise de contact » avec l’environnement socio-culturel burkinabé ; méthodologie nécessaire à
l’animation de formations dans le contexte local. Trois exemples nous paraissent particulièrement
frappants. Le premier concerne une allemande, responsable marketing dans une caisse d’épargne en
Allemagne et qui se retrouve formatrice dans l’artisanat au Burkina. La formation de trois mois qu’elle
a reçu avant de partir comportait deux parties : l’une linguistique et l’autre historique sur le Burkina et
ses coutumes. Confrontée à des difficultés sur le terrain pour comprendre et se faire comprendre des
burkinabés, tant au niveau de la langue que de l’esprit, elle déplorera plus tard que sa formation ne soit
pas « rentrée dans les détails des rapports sociaux ». Un autre exemple concerne un jeune français,
titulaire d’un Deug d’histoire, parti très jeune comme volontaire dans des associations d’aide aux
personnes séropositives en Amérique du Sud (entre autres comme éducateur de jeunes enfants). Arrivé
au Burkina, il se retrouve conseiller en dépistage dans une association de lutte contre le VIH/sida, sans
avoir reçu aucune formation, ni médicale, ni méthodologique. Enfin, citons l’exemple de ces deux
infirmières françaises, parties au Burkina faire une formation à des infirmiers sur le VIH/sida. Cette
mission, de courte durée, n’a fait l’objet en France d’aucune préparation, ni sur le contenu de la
formation, ni sur la manière de l’aborder dans le contexte local. Alors que plusieurs de leurs collègues
étaient partis dans le même but auparavant, il n’y eut aucune capitalisation d’expérience, mais
seulement des échanges informels entre eux.
2. Les formateurs africains.
Cinq femmes et sept hommes ont été rencontrés, dispensant, comme salariés d’association pour la
majorité, des formations dans différents domaines dont l’artisanat et la santé qui seront plus
particulièrement traités ici. D’une formation globalement élevée (puisque neuf d’entre eux ont au
minimum un bac +4), leur profil varie selon les domaines.
a. Les formateurs santé
Six formateurs ont érencontrés dans le domaine de la santé : une femme en matière de planification
familiale et cinq hommes concernant la lutte contre le VIH/sida.
Titulaire d’un diplôme de sage-femme obtenu en Allemagne, cette formatrice en santé de la
reproduction a travaillé pendant treize ans au Ministère de la Santé puis de l’Action Sociale avant
d’être détachée dans une association de planification familiale. Pour cela, elle a suivi plusieurs
formations courtes de formateurs, visant à acquérir des compétences en andragogie.
Dans le domaine du VIH/sida, trois des formateurs rencontrés sont des professionnels de la santé :
deux exercent en tant que médecins dans des hôpitaux publics , tandis qu’un autre, infirmier
psychiatrique est devenu, après avoir enseigné pendant sept ans à l’Etablissement National de Santé
Publique et avoir reçu une courte formation dans ce domaine, formateur en councelling (conseils aux
individus avant et après le dépistage) dans une ONG.
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Les deux autres, animateurs, ont une formation différente. Le premier, psychologue, s’est spécialisé
dans le domaine du VIH/sida à la suite de différents stages, et grâce à une formation de courte durée
en councelling, est devenu coordinateur de la cellule de conseil dépistage et animateur au sein de
groupes de parole. Le second a un profil plus atypique. Titulaire d’un bac comptabilité, il a travaillé
pendant six ans dans une entreprise pétrolière avant de créer sa propre entreprise de vente de voitures.
Désintéressé par ce métier, il est devenu, au hasard d’une rencontre, enquêteur dans le cadre d’une
étude sur les comportements sexuels des adolescents, puis assistant de recherche lors d’une évaluation
sur la participation des personnes atteintes du VIH dans les activités communautaires de prévention et
de prise en charge. C’est ainsi qu’il a commencé à s’impliquer dans ce domaine et a été engagé comme
animateur de sensibilisation sur le VIH/sida. Alors qu’il est le moins spécialisé, c’est paradoxalement
le seul à ne pas avoir reçu de formation avant d’exercer.
b. Les formateurs artisanat
Deux formatrices africaines, avec des profils très différents, ont été rencontrées dans le domaine de
l’artisanat. La première, âgée de 22 ans et titulaire d’un IUT de gestion commerciale, a choisi ce
métier car « il comportait beaucoup de déplacements » et n’a suivi aucune formation afin d’en
dispenser à des artisans. La seconde, âgée de 38 ans et titulaire d’une maîtrise en sociologie, a travaillé
de nombreuses années comme formatrice, puisque avant de s’adresser à des artisans, elle a occupé
pendant de nombreuses années un poste de responsable de la formation et de l’information dans un
projet d’appui aux petites et moyennes entreprises.
Qu’il soit européen ou africain, le profil-type du formateur n’existe pas. En matière de santé par
exemple, on retrouve tant des spécialistes (infirmiers, médecins) que des individus aux expériences
variées. Nous voudrions ici avancer une différence qui semble être faite entre des formateurs
« professionnels » et des animateurs « amateurs » chargés de faire des sensibilisations
3
. Ce sont
souvent des personnes plus jeunes qui animent ces séances de sensibilisation de quelques heures, qui
nécessitent beaucoup de personnel puisqu’elles ont lieu plusieurs fois par semaine. Ayant aucune
connaissance à la base, elles sont intronisées expertes sur un sujet tel que le VIH/sida après une
formation de quinze jours. Nous avons d’ailleurs constaté que, sortis des grandes notions apprises par
cœur, ces animateurs ont des difficultés à répondre aux questions posées par les participants. En atteste
la réflexion d’une animatrice : « au début, je recopiais les questions difficiles et j’allais demander au
président ou bien au secrétaire qu’il me donne la réponse ».
Mais, outre les connaissances techniques, devenir formateur (ou animateur) nécessite des compétences
méthodologiques en matière d’animation. En effet, comme beaucoup de nos interlocuteurs le
soulignent, il est difficile de gérer un groupe adulte (« il est difficile de tenir le public en haleine »,
« de l’intéresser », « de le rendre attentif »), ayant un statut parfois plus élevé (« le début est difficile,
surtout quand le public n’est pas homogène. Vous vous retrouvez parfois devant des médecins qui sont
vos supérieurs »).
Cette formation en andragogie est dispensée par plusieurs organismes au Burkina Faso, sous
différentes appellations : « formation de formateurs compétence avancée », « cours international de
formation en recherche-action » et doit permettre d’acquérir, en quinze jours ou trois semaines, des
compétences pour préparer, animer et évaluer une formation. Comme dans le cas des animateurs, ce
n’est pas l’absence de formation qui pose problème mais la prétention devenir expert en quelques
semaines.
Si beaucoup d’individus ont été formés dans ce cadre, certains avouent, que malgré le diplôme obtenu
à la fin, avoir beaucoup plus appris sur le terrain et adapter les différentes méthodes aux réalités.
Même si elles n’ont pas fait l’objet pour l’instant d’une étude approfondie, nous avons le sentiment
que dans ces formations se retrouvent les différents problèmes mis en évidence dans d’autres travaux :
standardisation, homogénéisation, placage des méthodes d’apprentissage occidentales.
3
Pour une explicitation de la différence entre formation et sensibilisation, voir « Quels objectifs pour quelles
formations ? », E. Pratviel, op.cit.
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III/ Le profil des bénéficiaires de formation
Au cours des trois missions à Ouagadougou réalisées dans le cadre du projet « Cultures et
Formations », vingt et un bénéficiaires de formation ont été rencontrés : neuf hommes et douze
femmes de 21 à 59 ans.
D’une moyenne d’âge de 45 ans, ils ont un niveau d’études très divers, puisque trois ne sont jamais
allés à l’école, deux se sont arrêtés à l’école primaire, quatre au collège tandis que quatre sont allés
jusqu’au lycée .Trois ont fait des études universitaires (deux ayant bac +2 et une un doctorat) et trois
ont un diplôme d’infirmiers.
Cette diversité reflète celle, plus générale, du profil des bénéficiaires, du fait de la variété des
formations offertes. Il n’est donc pas possible de dégager un profil-type du bénéficiaire, même si l’on
peut dire que de manière générale, les personnes rencontrées sont membres de groupements
professionnels ou associatifs et avaient déjà suivi de nombreuses formations avant celles pour laquelle
ils ont été interrogés.
Conformément à l’objet du projet « Cultures et Formations », nous isolerons les profils des
bénéficiaires de formation dans les domaines de l’artisanat et de la lutte contre le VIH/sida.
1. Les bénéficiaires de formation artisanat
Les formations, dans le domaine de l’artisanat, sont destinées à un public spécifique et professionnel.
Ainsi, ont été rencontrés quatre femmes et trois hommes : trois tisseuses, trois couturiers et un
entrepreneur dans le domaine de la construction métallique. A l’exception de deux couturiers, tous ont
été formés par le Bureau des Artisans, structure de promotion de l’artisanat par la formation.
D’une moyenne d’âge de 42 ans, ces artisans ont un niveau d’études peu élevé. Deux ne sont jamais
allés à l’école, un s’est arrêté à l’école primaire et trois au collège. Une seule bénéficiaire est allée à
l’université et a obtenu un DEUG de sciences économiques. C’est d’ailleurs la seule à avoir suivi une
formation dans une école pour devenir couturière. Les autres ont appris leur métier par observation et
imitation, au contact d’une belle-sœur, d’un voisin ou dans un atelier
4
.
Travaillant à leur propre compte, ils ont une activité plus ou moins structurée : certains travaillent
seuls chez eux et vendent leurs produits au marché, d’autres ont des ateliers ou des boutiques, des
salariés ou des apprentis.
Ils appartiennent tous à des groupements professionnels, par lesquels ils bénéficient d’un certain
nombre d’avantages : subventions, formations, etc.
Seuls deux bénéficiaires assistaient à leur première formation. Les autres en ont une grande
expérience, dans des domaines variés touchant de près ou de loin à leur activité. L’entrepreneur en
construction métallique dit par exemple : « On a reçu plein, plein, plein de formations. Comme
formations techniques, on a reçu des formations en chauffe eau solaire, des formations en épargne-
crédit, des formations pour savoir comment diriger une réunion, comment se comporter en réunion,
etc. ».
2. Les bénéficiaires de formation VIH/sida
Contrairement à l’artisanat, ce que l’on met sons le vocable « formation » ou « sensibilisation », en
matière de VIH/sida, regroupe des activités variées, destinées à des publics divers.
4
Il est important de se demander si les méthodes actuellement utilisées dans les formations sont adaptées à ce
mode d’apprentissage en situation réelle.
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