Mais qui sont au juste les musulmans qui vivent au Canada? «On réalise que les immigrants
musulmans sont souvent des gens qui possèdent une bonne formation intellectuelle —50% d’entre
eux sont des universitaires», précise le missionnaire.
Les plus engagés dans le dialogue interreligieux sont les Libanais —«habitués à vivre dans une
culture où ils côtoient des chrétiens»—, les Iraniens qui ont fui le régime oppressif de l’ayatollah
Khomeini, les Maghrébins venus d’Algérie, de Tunisie et du Maroc.
«Il est plus difficile de susciter l’intérêt des Africains à la rencontre interreligieuse, constate le Père
Tremblay, parce que, pour eux, il n’y a pas de problème. En Guinée par exemple, ils ont vécu dans un
contexte où les enfants d’une même famille devenaient soit musulman, catholique ou protestant
selon l’école qu’ils fréquentaient. Et cela n’affectait en rien l’unité familiale.
«Le seul problème qui se dessine à l’horizon, c’est que des islamistes estimant que certains milieux
africains se sont attiédis au plan de la foi, veulent maintenant amener les jeunes étudier dans des
écoles islamiques égyptiennes pour en faire des propagandistes.»
Comme on le sait, et le Religieux montréalais le confirme, «normalement, dans l’islam, religion et
politique sont inséparables». C’est pourquoi, ajoute-t-il, beaucoup de musulmans qui arrivent ici,
«sont un peu mal à l’aise, étant habitués à vivre dans une situation ou ils sont majoritaires. Le
gouvernement n’est pas musulman ici, et les gens moins éduqués surtout ont de la difficulté à vivre
en situation de minorité».
Par ailleurs, a pu constater le Père Tremblay, les chrétiens d’Orient arrivés en terre canadienne sont
souvent amers face à l’islam, «ayant eux-mêmes vécu en milieu musulman comme des citoyens de
seconde classe, réellement défavorisés, entre autres au plan de l’emploi».
Montée de l’islam
Que nous assistions présentement à une montée de l’islam à travers le monde ne fait pas de doute
dans son esprit, bien qu’il n’y voit pas un phénomène préoccupant: «En 2000, sur les six milliards
d’êtres humains de la planète, presque deux milliards sont chrétiens et l’on prévoit une
augmentation de 30% d’ici 2025. Les musulmans étaient un milliard 240 millions et ce nombre devrait
augmenter de 44% d’ici 2025. Évidemment, ces chiffres sont approximatifs.»
Trois éléments expliquent la croissance de l’islam, selon le spécialiste: la démographie —«pour eux,
la famille est très importante et les enfants sont nombreux»; le fait qu’une personne née musulmane
«reste musulmane toute sa vie» et ne pourrait se convertir à une autre foi qu’au péril de sa vie; et
enfin, la quête spirituelle entreprise par plusieurs Occidentaux, qui amène certains d’entre eux à
adhérer à l’Islam.
«Il y a en Occident, à l’heure actuelle, un besoin de spiritualité. Ne connaissant pas leur propre
héritage religieux, bien des jeunes en quête de nouveauté et ressentant un vide spirituel, se tournent
vers d’autres religions.»
Vatican II
Selon le Père Tremblay, l’appel à la nouvelle évangélisation lancé par le Pape Jean-Paul II «n’a
vraiment rien à voir» avec cette montée de l’islam: «C’est la nature du christianisme d’être la Bonne
Nouvelle. Quand le pape parle de nouvelle évangélisation, il ne le fait pas d’abord en fonction des
autres religions, mais en fonction de la Bonne Nouvelle du Christ.»
Et l’un des volets essentiels de cette nouvelle évangélisation est justement le dialogue interreligieux,
précise le missionnaire, encore émerveillé par «la percée absolument époustouflante» enclenchée
dans ce domaine par le Concile Vatican II. La déclaration conciliaire «Nostra Aetate» rappelle en effet
que «l’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu Un, vivant et subsistant,
miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent
à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis
à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers».
Dans le même texte, les Pères du Concile soulignent «les nombreuses dissensions et inimitiés» qui
ont marqué l’histoire des relations entre musulmans et chrétiens. Aussi les exhortent-ils «tous à
oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à