Les Intérêts des Etats-Unis au Caucase Jim Nichol

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Les Intérêts des Etats-Unis au Caucase
Jim Nichol - 27/9/2012
www.collectifvan.org - 20/3/2013
Les Intérêts des Etats-Unis au Caucase - I
Jim Nichol - 27/9/2012
www.collectifvan.org - 20/3/2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Jim Nichol, spécialiste des affaires russes et
eurasiatiques, retrace dans un dossier le contexte et l’évolution politique dans les pays du Caucase
du Sud, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie depuis la dissolution de l’Empire Soviétique et analyse
la politique menée par les États-Unis qui tentent de diminuer l’influence d’une Russie à laquelle ces
pays ont longtemps été liés. « Dans l’accord [arméno-russe] sur les bases militaires, la Russie a
promis que ses forces aideraient à sauvegarder la sécurité nationale de l’Arménie et qu’elle
fournirait un armement plus moderne aux forces armées de l’Arménie. Bien que certains officiels de
l’Arménie aient considéré l’accord comme une plus grande assurance que la Russie interviendrait si
l’Azerbaïdjan entreprenait des opérations contre le Haut-Karabakh, Medvedev a soutenu lors d’une
visite en Azerbaïdjan en septembre 2010 que l’accord ne visait pas l’Azerbaïdjan. Le Vice-Ministre
des Affaires étrangères d’Azerbaïdjan Araz Azimov a, de la même façon, écarté les opinions selon
lesquelles l’accord signifiait que la Russie soutiendrait militairement l’Arménie en cas d’un nouveau
conflit du Nagorno Karabakh ». Le Collectif VAN vous propose une traduction de la première
sélection issue de ce dossier publié en anglais par Jim Nichol le 27 septembre 2012 pour le Service
de Recherche du Congrès américain.
L’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie : Évolution politique et implications pour les intérêts des
États-Unis.
Jim Nichol
27 Septembre 2012
Service de Recherche du Congrès
Résumé
Les États-Unis ont reconnu l’indépendance de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie à la dissolution de
l’ex-URSS à la fin de 1991. Les États-Unis ont encouragé les relations de ces pays avec l’Ouest, en partie pour
mettre un terme à leur dépendance à l’égard de la Russie, pour les échanges, la sécurité et d’autres relations.
Les États-Unis ont maintenu des liens étroits avec l’Arménie pour encourager sa démocratisation et à cause des
préoccupations des Arméno-Américains et d’autres au sujet de son avenir. Des liens étroits avec la Géorgie ont
évolué à partir de contacts américains avec sa direction pro-occidentale. Les administrations successives ont
soutenu les investissements privés des États-Unis dans le secteur de l’énergie en Azerbaïdjan comme un moyen
d’accroître la diversité des fournisseurs de l’énergie mondiale. Les États-Unis ont été actifs dans les efforts
diplomatiques pour résoudre les conflits dans la région. Dans le cadre des efforts des États-Unis contre le
terrorisme mondial, l’armée américaine a commencé à fournir des équipements et à offrir une formation à
l’armée de la Géorgie et aux forces de sécurité. Des troupes de ces trois Etats régionaux ont participé aux
efforts de stabilisation en Afghanistan et en Irak. Les troupes du Caucase du Sud présentes en Irak se sont
retirées à la fin de 2008. Les Etats régionaux ont également accordé des privilèges de transit pour les membres
et l’équipement de l’armée américaine à destination de l’Afghanistan.
À partir du 7 août 2008, la Russie et la Géorgie sont entrées en guerre au sujet des régions séparatistes
d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Les troupes russes se sont rapidement déployées en Géorgie, détruisant
infrastructures et renforçant leur contrôle de facto sur les régions séparatistes avant qu’un cessez-le-feu ne soit
signé le 15 août. Le conflit a eu des effets de longue durée sur les questions de sécurité dans la région et audelà. La Russie a reconnu l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, mais les États-Unis et
pratiquement toutes les autres nations ont refusé de faire de même. La Russie a établi des bases en Abkhazie
et en Ossétie du Sud – en violant les accords du cessez-le-feu – qui renforcent sa présence militaire de longue
date en Arménie. Bien que certains se soient inquiétés que le Caucase du Sud soit devenu une source et une
aire de transit moins stable pour le pétrole et le gaz, le Kazakhstan et le Turkménistan envoient des barges de
pétrole à travers la mer Caspienne pour un transit vers l’ouest, et l’Union Européenne a toujours l’intention de
construire le gazoduc appelé Nabucco pour transporter le gaz d’Azerbaïdjan et d’ailleurs, vers l’Autriche.
Les questions essentielles du 112ème Congrès concernant le Caucase du Sud comprenaient l’indépendance et le
développement économique de l’Arménie, le développement énergétique de l’Arménie et la reconstruction de la
Géorgie après l’incursion militaire opérée par la Russie en août 2008. Au même moment, des préoccupations
ont été exprimées à propos du statut des droits humains et de la démocratisation dans ces pays, du conflit en
cours entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à propos de la région séparatiste du Haut-Karabakh et des menaces
actuelles présentées à la Géorgie et à l’ordre international par l’incursion de la Russie en 2008 et sa
reconnaissance diplomatique de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Le Congrès a continué à superviser le rôle de
la région dans le cadre du Réseau de Distribution Nord pour le transit des provisions militaires en soutien aux
États-Unis et des opérations de l’OTAN en Afghanistan. Certains membres du Congrès et d’autres décisionnaires
pensent que les États-Unis devraient apporter un plus grand soutien au rôle de plus en plus important de la
région dans le commerce est-ouest et en tant que corridor de sécurité reliant les régions de la mer Noire et de
la mer Caspienne, et à l’intégration de l’Arménie dans de telles liaisons. Ils incitent les États-Unis à une plus
grande aide et à plus d’efforts de règlement de conflits pour freiner la guerre, les crimes, la contrebande et le
terrorisme et pour renforcer l’indépendance de ces Etats. D’autres appellent à plus de prudence en adoptant
des politiques qui augmenteront l’implication des États-Unis dans une région troublée par les conflits ethniques
et civils.
Les développements les plus récents
Les relations tendues entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont été accrues à la fin d’août 2012 lorsque la Hongrie a
extradé le citoyen azerbaïdjanais Ramil Safarov – qui était condamné à la prison à vie pour avoir tué un officier
arménien durant une formation de l’OTAN – et qui a été immédiatement gracié et récompensé par le Président
de l’Azerbaïdjan Ilham Aliyev. La Hongrie a protesté qu’elle avait extradé le prisonnier uniquement après avoir
été assurée par l’Azerbaïdjan qu’il y purgerait le reste de sa peine. L’Arménie a rompu ses relations
diplomatiques avec la Hongrie et des manifestations ont été organisées devant les ambassades de Hongrie et
d’Azerbaïdjan dans plusieurs pays. La Maison Blanche a déclaré qu’elle faisait part de sa déception à
l’Azerbaïdjan et plusieurs membres du Congrès se sont montrés très critiques envers la grâce accordée.
Contexte
L’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie sont situés dans le sud des montagnes du Caucase qui font partie des
frontières de la Russie. Les Etats du Caucase du Sud ont servi de “ pont terrestre “ pour le commerce et le
transport nord-sud et est-ouest reliant l’Europe au Moyen-Orient et à l’Asie, sur lesquels l’Empire Russe et
d’autres pays ont tenté de prendre le contrôle à diverses périodes. Dans les temps aussi bien anciens que
modernes, les ressources de pétrole et de gaz naturel en Azerbaïdjan ont suscité l’intérêt d’autres pays. Les
peuples régionaux peuvent se référer à des périodes d’autonomie ou de souveraineté passées. Après que
l’Empire russe s’est effondré en 1917, les trois Etats ont déclaré leur indépendance, mais vers le début de 1921
tous avaient été reconquis par l’Armée Rouge de Russie. Ils ont retrouvé leur indépendance lorsque l’Union
Soviétique s’est effondrée à la fin de 1991.
Présentation des préoccupations d’ordre politique des États-Unis
Vers la fin de 1991, les États-Unis ont reconnu l’indépendance de toutes les anciennes républiques soviétiques.
Les États-Unis ont maintenu des relations étroites avec l’Arménie grâce à sa profession de foi des principes
démocratiques, et aux préoccupations d’Arméno-Américains et d’autres quant à son avenir. Les États-Unis ont
maintenu des relations étroites avec la Géorgie après qu’Edouard Chevardnadze (un ancien Ministre soviétique
des Affaires Étrangères pro-occidental) a pris le pouvoir dans le pays au début de 1992. Confronté à des
demandes du Congrès et de partout dans les États-Unis pour une politique d’aide des États-Unis aux Etats
eurasiatiques, le président de l’époque, George H. W. Bush, a soumis le FREEDOM Support Act au Congrès et il
a été signé avec des amendements lui donnant force de loi en octobre 1992 (P.L. 102-511).
La politique des États-Unis envers les Etats du Caucase du Sud a notamment consisté en un soutien du
règlement des conflits entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au sujet de la région séparatiste du Haut- Karabakh et
entre la Géorgie et ses régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (résoudre ces derniers conflits est
devenu de plus en plus difficile après le conflit d’août 2008). Depuis 1993, des émissaires américains ont été
chargés de régler ces conflits. Les préoccupations du Congrès au sujet du conflit du Haut-Karabakh ont conduit
à inclure la Section 908 dans le FREEDOM Support Act, qui interdit l’assistance du gouvernement américain au
gouvernement azerbaïdjanais, excepté pour des activités de non-prolifération et de désarmement, jusqu’à ce
que le Président ait décidé que l’Azerbaïdjan avait pris “ des mesures tangibles pour mettre un terme à tout
blocus et à d’autres recours offensifs à la force contre l’Arménie et le Haut-Karabakh. « Les clauses dans la
législation FY1996, FY1998, FY1999 ont facilité l’interdiction en offrant des exemptions pour l’aide humanitaire,
la démocratisation et les entreprises ».
Certains observateurs soutiennent que le développement dans le Caucase du Sud est insignifiant par rapport
aux intérêts stratégiques des États-Unis. Ils demandent une plus grande prudence dans l’adoption de politiques
qui impliqueront fortement les États-Unis dans une région troublée par les conflits ethniques et civils, et
certains soutiennent que, puisque l’Union Européenne a reconnu la région comme faisant partie de son
“voisinage”, elle devrait, de plein droit, jouer un rôle majeur. Certains observateurs soutiennent que l’intérêt
des Etats-Unis pour la démocratisation et les droits de l’homme ne devrait pas être subordonné à des intérêts
pour l’énergie et l’anti-terrorisme.
D’autres observateurs croient que la politique des États-Unis demande plus d’engagement actif dans la région.
Ils incitent les États-Unis à une plus grande aide et à plus d’efforts en vue de régler les conflits pour freiner la
guerre, les crimes, la contrebande et l’extrémisme islamiste et pour renforcer l’indépendance de ces Etats.
Certains soutiennent que de telles améliorations des relations des États-Unis serviraient également à
“maîtriser” l’influence russe et iranienne et que des relations étroites des États-Unis avec l’Azerbaïdjan
pourraient être bénéfiques pour les relations des États-Unis avec d’autres pays islamiques. Ils indiquent
également que les États régionaux ont rapidement offert leur soutien aux États-Unis à la suite des attaques
d’Al-Qaïda sur les États-Unis le 11 Septembre 2001. Certains soutiennent que les ressources énergétiques dans
la région caspienne sont un intérêt stratégique central des États-Unis car l’approvisionnement en pétrole et en
gaz naturel de l’Azerbaïdjan et d’Asie Centrale pourrait quelque peu réduire la dépendance énergétique
occidentale vis-à-vis de la Russie et du Moyen-Orient.
Lors de sa visite du 4 juillet 2010 en Azerbaïdjan, la Secrétaire d’État Hillary Clinton a souligné que
l’Azerbaïdjan était un partenaire bilatéral important des États-Unis. Elle a déclaré que l’Azerbaïdjan avait fait
“un progrès énorme” en matière de démocratisation et de respect des droits de l’homme depuis son
indépendance, mais qu’il “restait encore beaucoup de progrès à faire” sur des problèmes tels que les
restrictions imposées aux médias et à la société civile. Elle a soutenu qu’un tel progrès avait également été un
processus lent et incomplet aux États-Unis.
Lors de sa visite du 6 juin 2012 en Azerbaïdjan, la Secrétaire d’État Hillary Clinton a discuté de sécurité,
d’énergie et de démocratisation avec le Président Aliyev. Elle a remercié l’Azerbaïdjan pour son rôle “essentiel”
dans le transit des militaires et des provisions vers l’Afghanistan, et son “rôle central” dans les efforts de
l’Europe pour diversifier les sources énergétiques et les routes de transport. Elle a néanmoins appelé à
poursuivre la démocratisation et à libérer les individus emprisonnés pour avoir exprimé leur point de vue dans
la presse papier ou dans la rue, et a organisé une réunion avec des représentants de la société civile. Elle a
également condamné la violence le long de la ligne de contact entre les forces arméniennes et azerbaïdjanaises
et a incité à la modération.
Soutien régional pour les opérations militaires en Irak et en Afghanistan
L’Azerbaïdjan et la Géorgie étaient parmi les pays qui ont ouvertement promis d’apporter leur soutien à
l’Opération Liberté Irakienne (OIF) menée par les Etats-Unis - proposant tous deux l’utilisation de leurs bases
aériennes - et d’assister les États-Unis dans la reconstruction de l’Irak. Les deux pays ont accepté de participer,
sous réserve du soutien financier des États-Unis, à la force de stabilisation multinationale pour l’Irak. En août
2003, l’Azerbaïdjan et la Géorgie ont envoyé des forces en Irak. Les 150 troupes de l’Azerbaïdjan se sont
retirées à la fin 2008. La Géorgie a augmenté ses troupes progressivement jusqu’à en avoir 2000 en 20072008, le troisième plus grand nombre de troupes en Irak après les États-Unis et le Royaume-Uni. Quasiment
toutes ses troupes ont été retirées en août 2008 dans le cadre du conflit entre la Russie et la Géorgie.
L’Arménie a commencé à envoyer des militaires en Irak en janvier 2005. Les 46 militaires de l’Arménie ont été
retirés à la fin 2008.
La politique des États-Unis après le conflit entre la Russie et la Géorgie en août 2008
Le fort soutien des États-Unis à la Géorgie se reflète dans la Charte de partenariat stratégique des États-Unis et
de la Géorgie, signée en janvier 2009, qui stipule : “ Nos deux pays partagent un intérêt vital en une Géorgie
forte, indépendante, souveraine, unifiée et démocratique.” L’accord est semblable à la Charte des États-Unis et
de l’Ukraine signée en décembre 2008 et à la Charte des États-Unis et des pays baltiques signée en 1998 avec
l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Dans le domaine de la sécurité, “les États-Unis et la Géorgie ont l’intention
d’élargir le champ de leurs programmes de coopération en cours pour la défense et la sécurité pour mettre en
échec les menaces à la paix mondiale et à la stabilité et pour promouvoir la paix et la stabilité.” Une telle
coopération “augmentera les capacités de la Géorgie… et renforcera la candidature de la Géorgie pour adhérer à
l’OTAN.”
Dans le domaine économique, les deux pays “ont l’intention de poursuivre un Traité Bilatéral d’Investissement
Renforcé pour élargir l’accès de la Géorgie au Système Généralisé de Préférences, et pour explorer la possibilité
d’un Accord de Libre-Échange.” Les objectifs de sécurité énergétique comprennent “l’augmentation de la
production énergétique de la Géorgie, le renforcement de l’efficacité énergétique et l’augmentation de la
sécurité physique du transit énergétique à travers la Géorgie vers les marchés européens.”
Dans le domaine de la démocratisation, les deux pays “se sont engagés à coopérer pour renforcer
l’indépendance des médias, de la liberté d’expression et l’accès à un journalisme et des informations objectifs”
et à renforcer plus profondément l’Etat de droit. Les États-Unis se sont engagés à former des juges, des
procureurs, des avocats de la défense et des officiers de la police.” L’ancien Secrétaire d’État Adjoint Bryza a
souligné que la Charte n’offrait pas des garanties de sécurité à la Géorgie. Selon certains observateurs, la
Charte visait à réaffirmer l’intérêt hautement stratégique des États-Unis pour l’avenir de la Géorgie et à enrayer
le sentiment que les États-Unis (et l’Occident) avaient consenti à la domination accrue de la Russie dans le
Caucase du Sud.
Lors de sa visite officielle aux États-Unis en janvier 2012, le Président Saakashvili a rencontré le Président
Obama, qui a loué les efforts de la Géorgie pour accroître l’intégrité de la police, l’Etat de droit et les réformes
de libre-échange et a appelé à des élections libres pour l’avenir. Il a déclaré que ces réformes démocratiques et
de libre-échange pourraient servir d’exemple pour les autres pays eurasiatiques. Il a réitéré l’appel pour
réfléchir à un accord de libre-échange, et a remercié Saakashvili pour la contribution militaire de la Géorgie en
Afghanistan. Dans une conférence de presse, il a mentionné que les deux présidents avaient examiné “le
renforcement de notre coopération de défense” et a exprimé les aspirations de l’OTAN à un soutien continu à la
Géorgie.
Certains observateurs ont appelé à une réévaluation de certains aspects du soutien des États-Unis à la Géorgie.
Ces détracteurs ont soutenu que beaucoup de décisionnaires américains ont été captivés par la personnalité
charismatique de Saakashvili et ses promesses de démocratisation et ont eu tendance à négliger son bellicisme.
Ils ont mis en garde contre le fait que les États-Unis aient accepté les troupes géorgiennes pour les opérations
de coalition en Afghanistan ne devrait pas conduire à des engagements des États-Unis pour défendre la
Géorgie, et quelques-uns ont suggéré que les États-Unis ne devraient pas soutenir incontestablement l’intégrité
territoriale de la Géorgie mais devraient plutôt encourager la réconciliation et la considération d’options autres
que la réintégration à court-terme des régions dans la Géorgie. D’autres observateurs ont appelé à un effort
plus vigoureux des États-Unis et de l’OTAN pour réapprovisionner la Géorgie avec un armement défensif pour
qu’elle puisse prévenir ou résister à l’agression russe. Dans le même temps, la plupart des observateurs
déconseillent d’élargir la reconnaissance diplomatique des régions séparatistes sans un consensus international.
Le contexte de sécurité extérieure dans le Caucase du Sud
L’implication de la Russie dans la région
Le leadership russe a semblé accorder la plus haute priorité à exercer son influence dans la région dans la
sphère militaro-stratégique et légèrement moins de priorité à l’influence dans la sphère économique
(particulièrement énergétique) et à la sphère politique intérieure. La Russie a considéré le fondamentalisme
islamique comme une menace grandissante dans la région, mais a coopéré avec l’Iran sur d’autres questions
pour contrer l’influence de la Turquie et des États-Unis. La Russie a essayé d’empêcher les “indésirables”
ethniques, les drogues, les armes et d’autres produits de contrebande de pénétrer à l’intérieur de ses
frontières. Elle a infirmé le séparatisme dans les régions du Caucase du Nord alors qu’elle le soutient dans le
Caucase du Sud.
Les États du Caucase du Sud ont réagi de diverses manières à l’influence russe. L’Arménie a des liens étroits en
matière de sécurité et d’économie avec la Russie, étant donné le conflit non résolu du Haut-Karabakh et ses
préoccupations à propos de la Turquie. L’Azerbaïdjan s’est inquiété au sujet des liens de la Russie avec
l’Arménie et a limité la présence militaire de la Russie. Dans le même temps, l’Azerbaïdjan a semblé estimer
avoir des relations de coopération avec la Russie pour augmenter ses options et accroître son poids dans la
diplomatie et le commerce. La Géorgie a souffert des restrictions commerciales imposées par la Russie et n’a
pas de relations diplomatiques formelles avec la Russie depuis le conflit de la Russie et de la Géorgie.
Intérêts militaro-stratégiques
La présence de l’armée de la Russie dans le Caucase du Sud a été diverse, notamment par des milliers de
soldats dans les bases militaires, des troupes stationnées à la frontière, et jusqu’en 2008, des “Gardiens de la
paix”. La première étape de la Russie pour maintenir sa présence militaire dans la région a été de promulguer
le Traité de Sécurité Collective de la Communauté des États Indépendants en 1992, qui engage les membres à
se consulter dans le cas d’une menace contre l’un ou plusieurs de ses membres, et à se fournir une aide
mutuelle en cas d’attaque (les membres actuels sont l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la
Russie, le Tadjikistan, et l’Ouzbékistan). La Russie a également obtenu l’autorisation d’installer deux bases
militaires en Arménie et quatre en Géorgie. Le nombre total de troupes de forces terrestres en Arménie a été
estimé aux alentours de 3 300, et un nombre additionnel de militaires des forces de l’air. De plus, les troupes
russes stationnées à la frontière protègent les frontières de l’Arménie avec la Turquie et l’Iran. De nombreuses
déclarations ont été faites par l’Organisation du Traité de Sécurité Collective et par des officiels arméniens,
quant à savoir si l’Organisation du Traité de Sécurité Collective défendrait ou non le Haut-Karabakh et l’Arménie
contre une opération militaire de l’Azerbaïdjan.
Lors d’une visite du Président russe Dmitri Medvedev en Arménie en août 2010, l’Arménie a accepté de
prolonger l’accord sur les bases militaires avec la Russie jusqu’en 2044. Dans l’accord sur les bases militaires,
la Russie a promis que ses forces aideraient à sauvegarder la sécurité nationale de l’Arménie et qu’elle
fournirait un armement plus moderne aux forces armées de l’Arménie. Bien que certains officiels de l’Arménie
aient considéré l’accord comme une plus grande assurance que la Russie interviendrait si l’Azerbaïdjan
entreprenait des opérations contre le Nagorno Karabakh, Medvedev a soutenu lors d’une visite en Azerbaïdjan
en septembre 2010 que l’accord ne visait pas l’Azerbaïdjan. Le Vice-Ministre des Affaires étrangères
d’Azerbaïdjan Araz Azimov a, de la même façon, écarté les opinions selon lesquelles l’accord signifiait que la
Russie soutiendrait militairement l’Arménie en cas d’un nouveau conflit au Haut-Karabakh. Le ministre des
Affaires étrangères de Géorgie, Grigol Vachadze, a cependant dénoncé l’accord comme un moyen de renforcer
l’influence militaire de la Russie dans la région, de mettre en danger l’indépendance de l’Arménie, et de susciter
des tensions qui vont à l’encontre du règlement du conflit du Haut-Karabakh.
Après les attaques terroristes aux États-Unis le 11 septembre 2001, la Russie a renforcé ses affirmations selon
lesquelles la Géorgie abriterait des terroristes tchétchènes (ayant des liens avec Al-Qaïda) qui auraient utilisé la
Géorgie comme une base pour des attaques en Tchétchénie. Les États-Unis ont exprimé leur “opposition sans
équivoque” à l’intervention militaire de la Russie en Géorgie. La Géorgie a lancé des efforts de maintien de
l’ordre dans le nord de la vallée du Pankissi à la fin de 2002 qui a d’une certaine façon réduit les tensions avec
la Russie au sujet de la question. En avril 2006, l’Azerbaïdjan a emprisonné 16 personnes en les accusant
d’avoir reçu une formation terroriste par des agents d’Al-Qaïda dans la vallée du Pankissi. Depuis 2009, la
Russie a renouvelé ses accusations selon lesquelles la vallée abrite des terroristes. La Géorgie a qualifié ces
accusations de fausses et a fait craindre qu’elles puissent servir de prétexte pour de nouvelles violations russes
de l’intégrité territoriale de la Géorgie.
Les “Gardiens de la Paix” russes et les bases en Géorgie
Cependant, une année ne s’était même pas écoulée avant que la Russie n’annonce – après le conflit de la
Russie et de la Géorgie en 2008 – que deux brigades armées seraient déployées dans de nouvelles bases
militaires en Abkhazie et Ossétie du Sud. En plus de ces brigades armées, les troupes russes stationnées à la
frontière ont été déployées le long des frontières régionales avec la Géorgie, où des brigades de génie étaient
en train de mettre en place du revêtement, des tranchées et des champs de mine. Une partie de la flotte de la
mer Noire a également été déployée à Ochamchire en Abkhazie. La publication britannique The Miliary Balance
rapporte que dès le début de 2012, il y avait plus de 7 000 troupes militaires russes en Abkhazie et en Ossétie
du Sud.
Les intérêts des Etats-Unis au Caucase - II
Publié le : 21-03-2013
Info
Collectif VAN - www.collectifvan.org - Jim Nichol, spécialiste des affaires russes et eurasiatiques,
retrace dans un dossier le contexte et l’évolution politique dans les pays du Caucase du Sud,
l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie depuis la dissolution de l’Empire Soviétique et analyse la
politique menée par les États-Unis qui tentent de diminuer l’influence d’une Russie à laquelle ces
pays ont longtemps été liés. Le dossier analyse également l’implication d’autres pays : « En août
2010, l’Azerbaïdjan et la Turquie ont signé un partenariat stratégique et un accord d’assistance
mutuelle qui révèle, peut-être, la restauration des liens entre l’Azerbaïdjan et la Turquie. Le
protocole d’entente de 10 ans spécifie que si l’une des deux parties est attaquée par un troisième
pays, les deux parties s’offriront une aide réciproque. À la fin de février 2012, l’Azerbaïdjan a
confirmé qu’il avait conclu un achat important d’armes avec Israël, mais a déclaré que l’achat des
armes n’était pas dirigé contre l’Iran mais visait à “libérer” des territoires occupés » (c’est en ces
termes que l’Azerbaïdjan désigne le Haut-Karabagh arménien). Le Collectif VAN vous propose une
traduction de la deuxième sélection issue de ce dossier publié en anglais par Jim Nichol le 27
septembre 2012 pour le Service de Recherche du Congrès américain.
L’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie : Évolution politique et implications pour les intérêts des
États-Unis.
Jim Nichol
27 Septembre 2012
Service de Recherche du Congrès
Suite
Les rôles de la Turquie, de l’Iran et d’autres
Les États-Unis ont généralement considéré la Turquie comme capable de promouvoir les politiques prooccidentales et de dissuader l’Iran de s’ingérer dans les États de Caucase du Sud, bien que la Turquie préfère
l’Azerbaïdjan dans le conflit du Nagorno Karabakh. Ceux qui critiquent le rôle de plus en plus grand de la
Turquie dans la région mettent en garde contre le fait que les États-Unis et l’OTAN pourraient être entraînés par
leurs liens avec la Turquie dans des imbroglios régionaux. La Turquie s’efforce d’instaurer de bonnes relations
avec l’Azerbaïdjan et la Géorgie et quelques contacts avec l’Arménie, tout en essayant de limiter l’influence
russe et iranienne. L’Azerbaïdjan a également considéré la Turquie comme un allié contre une telle influence et
comme un contrepoids aux liens de l’Arménie avec la Turquie. La Géorgie a un intérêt durable pour des liens
avec environ 1 million de Géorgiens qui demeurent en Turquie et les quelque 50 000 demeurant en Iran, et a
signé des traités d’amitié avec les deux Etats. La Turquie est un des partenaires commerciaux principaux de la
Géorgie. De nouveaux pipe-lines livrant du pétrole et du gaz vers l’Ouest depuis la mer Caspienne reflètent la
coopération entre l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie.
L’Arménie est un membre de l’Organisation de coopération économique de la mer Noire, avec la Turquie, et les
deux États ont établi des relations consulaires. Les obstacles à de meilleures relations arméno-turques ont
notamment été le refus de la Turquie d’admettre l’existence d’un génocide arménien en 1915-1923 et son
soutien à l’Azerbaïdjan dans le conflit du Nagorno-Karabagh.
Les protocoles de l’Arménie et de la Turquie en 2009
En septembre 2008, le Président de la Turquie Abdullah Gül a visité l’Arménie, soi-disant pour regarder un
match de football, et ce dégel a contribué à ce que les deux pays parviennent à un accord en avril 2009 sur une
“feuille de route” pour normaliser leurs liens, inclure l’établissement de relations diplomatiques complètes et
ouvrir les frontières.
Après d’autres négociations, le ministre des Affaires étrangères de Turquie, Ahmet Davutoglu, et le ministre des
Affaires étrangères d’Arménie, Edvard Nalbadian, ont lancé deux protocoles “Sur l’établissement de relations
diplomatiques” et “Sur le développement de relations bilatérales” le 31 août 2009 et les ont formellement
signés le 10 octobre 2009. D’après certaines sources, le nouveau Secrétaire d’État Hillary Clinton a rencontré
les dirigeants turcs en mars 2009 à Ankara pour les encourager et le Président Obama a activement soutenu les
négociateurs lors d’une réunion à Istanbul en avril 2009. Le protocole sur les relations diplomatiques appelait
les deux parties à établir des ambassades dans les capitales de chacun dans un délai de deux mois après que
les corps législatifs eurent mutuellement approuvé les protocoles et après l’échange des articles de ratification
du protocole.
Le protocole sur les relations étrangères appelait les deux parties à “accepter d’ouvrir leur frontière commune
dans un délai de deux mois après l’entrée en force de ce protocole”, c’est-à-dire, après ratification des
protocoles par le corps législatif des deux Etats, à “mettre en œuvre un dialogue de portée historique dans le
but de rétablir la confiance mutuelle entre les deux nations, y compris par un examen scientifique impartial des
écrits et des archives historiques pour définir les problèmes existants et exprimer des recommandations” et
pour entreprendre d’autres efforts de coopération.
Une décision de la Cour constitutionnelle d’Arménie le 18 janvier 2010 stipulant que les protocoles ne devaient
pas affecter la politique de l’Arménie quant à le reconnaissance du génocide a été critiquée par la Turquie
comme n’étant pas conforme au texte des protocoles. Le gouvernement arménien a déclaré que la décision
n’affectait pas les conditions des protocoles. L’Azerbaïdjan a fortement critiqué la Turquie pour s’être orientée
vers une normalisation de ses relations avec l’Arménie sans associer officiellement une telle orientation avec un
règlement de paix du conflit du Haut-Karabakh.
Les critiques ont rapidement provoqué les engagements des dirigeants turcs selon lesquels le corps législatif
turc n’approuverait pas les protocoles jusqu’à ce que des progrès soient réalisés dans le règlement du conflit du
Haut-Karabakh. Le 22 avril 2010, la coalition arménienne au pouvoir a fait parvenir une déclaration selon
laquelle “étant donné le refus de la partie turque de respecter les exigences pour ratifier l’accord sans
conditions préalables dans des délais raisonnables, rendant la continuation de la procédure de ratification par le
parlement national inutile, nous considérons qu’il est nécessaire de suspendre cette procédure.”
En août 2010, l’Azerbaïdjan et la Turquie ont signé un partenariat stratégique et un accord d’assistance
mutuelle qui révèle, peut-être, la restauration des liens entre l’Azerbaïdjan et la Turquie. Le protocole d’entente
de 10 ans spécifie que si l’une des deux parties est attaquée par un troisième pays, les deux parties s’offriront
une aide réciproque. D’autres clauses appellent les deux parties à coopérer pour éliminer les menaces à la
sécurité nationale, à interdire les opérations de groupes menaçant l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité
territoriale de l’autre partie, à empêcher leurs territoires d’être utilisés pour des actes d’agression contre l’autre
partie, et à coopérer dans la production de l’industrie de défense, dans l’organisation d’exercices militaires
conjoints et dans la formation de spécialistes dans l’armée.
L’Iran
Les objectifs de l’Iran dans le Caucase du Sud sont notamment de décourager les puissances occidentales telles
que la Turquie ou les États-Unis d’accroître leur influence, de mettre un terme à l’instabilité régionale qui
pourrait menacer sa propre intégrité territoriale et de bâtir des liens économiques. Une grande partie de l’ethnie
azerbaïdjanaise dans le monde réside en Iran (le Word Factbook l’estime à 12 millions ; d’autres estimations
sont bien plus élevées) ainsi qu’environ 200 000 Arméniens. Une prise de conscience ethnique parmi certains
“Azerbaïdjanais du Sud” en Iran s’est affirmée. L’élite azerbaïdjanaise a peur d’un extrémisme islamique
soutenu par l’Iran et conteste le soutien iranien à l’Arménie. Bakou a interdit le Parti Islamique pro-Iranien
d’Azerbaïdjan en 1995. Pour empêcher l’Ouest et l’Azerbaïdjan de développer les ressources énergétiques de la
mer Caspienne, l’Iran a longtemps exigé soit un contrôle commun par les Etats du littoral soit une division du
fond marin en cinq secteurs égaux. Il y a du commerce entre les deux pays, selon certaines sources entre 240
millions de dollars et 300 millions de dollars en chiffres d’affaires en 2011, mais les montants n’ont cessé de
diminuer.
Les relations de l’Azerbaïdjan avec l’Iran ont été troublées en février 2012 lorsque l’Iran a accusé l’Azerbaïdjan
d’abriter des agents des services de renseignement israéliens qui avaient traversé la frontière de l’Azerbaïdjan
et de l’Iran pour mettre à exécution des opérations, y compris l’assassinat supposé de scientifiques iraniens du
nucléaire. Le même mois, l’Azerbaïdjan a condamné plusieurs individus qu’il avait arrêtés en 2008 et affirmait
qu’ils avaient été formés en Iran pour commettre des actes de terrorisme, notamment des plans pour
bombarder l’ambassade d’Israël. À la fin de février, l’Azerbaïdjan a confirmé qu’il avait conclu un achat
important d’armes avec Israël, mais a déclaré que l’achat des armes n’était pas dirigé contre l’Iran mais visait à
“libérer” des territoires occupés.
Autres
Parmi les États non frontaliers, les États-Unis et les pays européens sont les plus influents dans le Caucase du
Sud en termes d’aide, de commerce, d’échange et d’autres liens. Les objectifs des États-Unis et de l’Europe
dans la région sont largement compatibles et consistent à l’intégrer dans l’Occident et à éviter une orientation
anti-occidentale, à l’ouvrir au commerce et au transport, à obtenir des ressources énergétiques et à l’aider à
devenir plus paisible, stable et démocratique. Dans le cadre de la Politique européenne de voisinage, l’Union
Européenne a signé des Plans d’Action avec les trois Etats régionaux en novembre 2006 dans l’espoir de
promouvoir leur intégration européenne et régionale. L’Union Européenne a pris les devants au niveau
international en servant de médiateur dans le conflit entre la Russie et la Géorgie en août 2008 et en envoyant
des observateurs après le cessez-le-feu. L’Union Européenne a lancé un programme de Partenariat oriental en
2009 pour approfondir ses liens avec les États du Sud du Caucase. Dans le cadre de ce programme, l’Union
Européenne prévoit “ des accords de libre-échange renforcés et globaux avec les pays qui souhaitent renforcer
leur engagement et en sont capables, l’intégration graduelle dans l’économie de l’Union européenne et … la
facilitation des déplacements vers l’Union européenne par le biais de la libéralisation progressive du système de
visas”. Certains observateurs ont considéré que ces objectifs ont été repoussés par les problèmes économiques
récents de l’Union Européenne.
Traduction de l’anglais par Tigran Mheryan pour le Collectif VAN - 20 mars 2013 - 06:00 -
www.collectifvan.org
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