ECOLE MATERNELLE D’APPLICATION DE LA VALBARELLE
Section des grands M . RAYMOND
Cette conception pédagogique, qui serait intégralement valable si le jeu n’était qu’un pré-
exercice, n’a plus la même valeur si l’on admet que le jeu est une épreuve et non un
entraînement. Or, et en cela il diffère aussi du sport, le jeu n’est pas vécu comme un exercice
visant le futur; il ne se transforme en un tel exercice que lorsqu’il reçoit de l’adulte éducateur un
sens temporel; or l’enfant ne peut encore lui donner cette qualité, faute de savoir prévoir;
organiser selon cette visée les épreuves du jeu, c’est déjà en faire un travail scolaire. D’ailleurs,
l’enfant sent bien ce caractère imparfait du jeu et souvent il montre que, pour lui, le travail a plus
de valeur: c’est pourquoi, vers cinq - six ans, il aime tant que l’adulte lui donne des «travaux» à
faire; c’est pourquoi aussi le passage à la «grande classe» représente de manière si nette une
«montée» pour l’enfant de la maternelle. C. Freinet et A. S. Makarenko ont justement insisté sur
cet amour du travail vivifié par l’appel de l’aîné; l’enfant cherche alors à sortir du jeu, ce qui
équivaut pour lui à sortir de son enfance.
Les apprentissages ludiques et le travail
Le travail scolaire est justement un travail à la portée de l’enfant; il n’est plus un jeu libre,
qu’on peut interrompre quand on le veut; il n’est plus un jeu d’enfant, mais un contact avec des
choses et des êtres que connaissent les adultes. Par là, le travail scolaire reste irremplaçable,
tandis que la méthode du «latin par la joie» ne peut que conduire à l’échec.
Il reste cependant que c’est pour une bonne part dans le jeu que l’enfant acquiert des
attitudes indispensables pour le travail. Ainsi en est-il de l’aptitude à la tâche dont les jeux de la
maternelle doivent favoriser la naissance. Le goût de l’effort et de la difficulté, le sens de la
consigne, le respect des autres, le contrôle de soi, toutes ces valeurs constituent pour
l’éducation autant d’objets essentiels dont le jeu permet l’assimilation. Le travail scolaire
organise et systématise ces apprentissages parce qu’il est conçu par des adultes qui s’évadent
de l’immédiat pour prévoir le futur, un futur qui ne sera plus celui d’un enfant.
Il manque donc au jeu le sens du temps et de la qualité de matière enseignée. Il lui
manque également d’être un véritable entraînement physique; mais on ne peut nier ses apports
en ce domaine, surtout à un âge où l’éducation physique proprement dite ne peut être que très
réduite.
L’utilisation des jeux à des fins éducatives, si elle reste légitime, est donc assez délicate,
surtout à mesure qu’on a affaire aux âges supérieurs de l’enfance. Il faut en cela beaucoup de
prudence, sous peine de n’aboutir qu’à un type d’enfant «gâté» pris dans l’instant présent, au
lieu de former un garçon énergique et prévoyant, capable de travail prolongé.
Il reste toutefois un domaine où l’utilisation du jeu est particulièrement indiquée, c’est celui
de la rééducation des sujets dont se charge la psychopathologie: déficients intellectuels, qu’on
doit bien souvent traiter comme des enfants de l’école maternelle, parce qu’il leur manque de
savoir soutenir un effort; et surtout «caractériels», dont on ne fixe l’attention et l’intérêt, la plupart
du temps, que grâce à des jeux; c’est en prolongeant, en fixant certains jeux qu’on «accroche»
ces enfants et qu’on parvient petit à petit à les mener vers des conduites plus stables et moins
anxieuses.”
BIBLIOGRAPHIE