ECOLE MATERNELLE D’APPLICATION DE LA VALBARELLE Section des grands M . RAYMOND Les jeux mathématiques à l’école maternelle I ) HISTORIQUE A ) HISTORIQUE PSYCHOLOGIQUE : Déjà pour CLAPAREDE (1873-1940 ), le jeu est un exercice de préparation à la vie sérieuse. “Le jeu devrait être le fondement de l’art pédagogique à savoir l’exploitation des tendances naturelles de l’enfant” PIAGET (1896-1980), de son côté souligne dans son livre “expressions et conditions du développement infantile ” l’importance du jeu dans le développement cognitif de l’enfant. Pour lui, chaque stade de développement est indissociablement lié à une certaine catégorie de jeu. 1ère catégorie :jeux d’exercices fonctionnels ( jusqu’à 2 ans ) “leur fonction propre est d’exercer les conduites par simple plaisir fonctionnel ou plaisir de prendre conscience de ses pouvoirs nouveaux” Ex : gesticulations, répétitions, manipulations, explorations…. ème 2 catégorie : jeux symboliques ( de 2 à 6 ans ) le jeu symbolique implique la fonction symbolique, c’est-à-dire la capacité à se représenter un objet absent .“ Il est comparaison entre un élément donné (signifié) et un élément absent (signifiant) ”. 3ème catégorie :les jeux de règles ( de 7 à 11 ans ) Ils représentent l’activité de l’être socialisé .“le jeu de règles subsiste et se développe durant toute la vie.” WALLON ( 1869-1962 ) affirme de son côté que le jeu se fond avec l’activité entière de l’enfant .Ce dernier utilise toutes ses possibilités naissantes pour jouer, et ce, aussi bien au niveau moteur qu’au niveau langagier . ECOLE MATERNELLE D’APPLICATION DE LA VALBARELLE Section des grands M . RAYMOND B ) HISTORIQUE SOCIOLOGIQUE ET PHILOSOPHIQUE a) Roger CAILLOIS ( 1913-1978 ) , sociologue, définit le jeu comme une activité libre, séparée ( limite de temps et d’espace ), incertaine, improductive ( ni création de biens , ni richesse ), réglée et fictive . Il a établi une classification des jeux que Marguerite YOURCENAR a comparé à un temple à 4 colonnes . A l’intérieur de chaque classe, les jeux se disposent en une progression entre deux pôles antagonistes : - le païda : esprit de divertissement, de turbulence, d’improvisation libre, d’épanouissement insouciant - le ludus :principe de discipline, conventions arbitraires, efforts, patience… CLASSIFICATION : PAÏDA Vacarme Agitation Fou rire Solitaire Réussite Mots croisés LUDUS AGON compétition Courses Luttes Boxe Escrime Football Compétitions Mais aussi : ALEA Chance, hasard Pile ou face Pari Roulette Loteries diverses Dés Billard Dames Echecs… MIMICRY simulacre Imitation enfantine Jeux d’illusion Poupée Panoplie Masque Travesti ILYNX vertige Tournis Manège Attractions foraines Ski Alpinisme Voltige Balançoire Théâtre Art du spectacle en général b) H. HENRIOT, philosophe, insiste dans son livre “le jeu” (1983 ) sur l’aspect fondamental de ce dernier. “Il n’est pas question de dire aujourd’hui que le jeu n’est pas une activité sérieuse…Le jeu est probablement le moins insignifiant des actes …Jouer, ce n’est pas ne rien faire, et parfois, c’est même travailler plus intensément que dans des situations appelées “situations de travail”.” 2 ECOLE MATERNELLE D’APPLICATION DE LA VALBARELLE Section des grands M . RAYMOND c) Jean CHATEAU , dans le jeu de l’enfant affirme que “l’enfant se fait par et dans ses jeux.” C) HISTORIQUE PEDAGOGIQUE Il a fallu attendre le xxème siècle pour que les écoles commencent à adopter la pédagogie par le jeu : - Maria MONTESSORI (1870-1952) bien qu’organisant des jeux physiques et didactiques dans sa classe , n’aimait pas le jeu. Elle le considérait comme une activité oiseuse, une dégradation de l’effort de connaissance, une perte d’énergie. - Ovide DECROLY (1871-1932) , par contre, affirme que les jeux éducatifs revêtent une importance particulière. Dans “l’initiation à l’activité intellectuelle et motrice par les jeux éducatifs”, il nous dit que “ les jeux éducatifs ont pour but dominant de fournir à l’enfant des objets susceptibles de favoriser le développement de certaines fonctions mentales, l’initiation à certaines connaissances et aussi de permettre des répétitions fréquentes en rapport avec les facultés attentives, rétentrices et intellectuelles de l’enfant, grâce aux facteurs stimulants empruntés à la psychologie du jeu.” - A. MICHELET (complète les travaux de DECROLY) met en garde contre les mauvaises utilisations des jeux éducatifs. Ils ne sont pas une fin en soi mais une étape qui s’inscrit dans l’ensemble des procédés de pédagogie active. - VYGOTSKY (1896-1934) : le sujet construit, ou plutôt reconstruit ses connaissances dans l’action. Le conflit intra-individuel de Piaget n’est pas suffisant. Il faut un conflit inter- individuel (conflit socio-cognitif) - Jean CHATEAU : . Jeu et pédagogie Le problème de l’école «active» “ Il n’est pas étonnant que les éducateurs aient voulu faire profiter la pédagogie des aspects formateurs du jeu, mais on ne peut confondre ce dernier avec le travail scolaire. Si, à toutes les périodes de décadence et de relâchement social (par exemple à Rome, lorsque Pétrone écrivait: «Maintenant dans les écoles, les enfants jouent»), le jeu prend une importance croissante dans le domaine scolaire, s’il y a toujours eu des pédagogues pour insister sur le rôle éducatif du jeu (Montaigne, Locke, Comenius, entre autres), c’est surtout vers 1900 que ces tendances ont pris forme dans les théories de l’école dite active, en particulier avec E. Claparède, O. Decroly, A. Ferrière, J. Dewey, G. Kerschensteiner. Il s’agit alors non seulement d’user de jeux éducatifs à l’école maternelle où nul ne conteste leur place, mais de faire pénétrer dans la vie scolaire l’esprit du jeu, sa spontanéité, l’efficacité des groupes, le loisir. On a vu ainsi se multiplier les initiatives: voyages éducatifs, journaux de classes, composition de poésies, etc. 3 ECOLE MATERNELLE D’APPLICATION DE LA VALBARELLE Section des grands M . RAYMOND Cette conception pédagogique, qui serait intégralement valable si le jeu n’était qu’un préexercice, n’a plus la même valeur si l’on admet que le jeu est une épreuve et non un entraînement. Or, et en cela il diffère aussi du sport, le jeu n’est pas vécu comme un exercice visant le futur; il ne se transforme en un tel exercice que lorsqu’il reçoit de l’adulte éducateur un sens temporel; or l’enfant ne peut encore lui donner cette qualité, faute de savoir prévoir; organiser selon cette visée les épreuves du jeu, c’est déjà en faire un travail scolaire. D’ailleurs, l’enfant sent bien ce caractère imparfait du jeu et souvent il montre que, pour lui, le travail a plus de valeur: c’est pourquoi, vers cinq - six ans, il aime tant que l’adulte lui donne des «travaux» à faire; c’est pourquoi aussi le passage à la «grande classe» représente de manière si nette une «montée» pour l’enfant de la maternelle. C. Freinet et A. S. Makarenko ont justement insisté sur cet amour du travail vivifié par l’appel de l’aîné; l’enfant cherche alors à sortir du jeu, ce qui équivaut pour lui à sortir de son enfance. Les apprentissages ludiques et le travail Le travail scolaire est justement un travail à la portée de l’enfant; il n’est plus un jeu libre, qu’on peut interrompre quand on le veut; il n’est plus un jeu d’enfant, mais un contact avec des choses et des êtres que connaissent les adultes. Par là, le travail scolaire reste irremplaçable, tandis que la méthode du «latin par la joie» ne peut que conduire à l’échec. Il reste cependant que c’est pour une bonne part dans le jeu que l’enfant acquiert des attitudes indispensables pour le travail. Ainsi en est-il de l’aptitude à la tâche dont les jeux de la maternelle doivent favoriser la naissance. Le goût de l’effort et de la difficulté, le sens de la consigne, le respect des autres, le contrôle de soi, toutes ces valeurs constituent pour l’éducation autant d’objets essentiels dont le jeu permet l’assimilation. Le travail scolaire organise et systématise ces apprentissages parce qu’il est conçu par des adultes qui s’évadent de l’immédiat pour prévoir le futur, un futur qui ne sera plus celui d’un enfant. Il manque donc au jeu le sens du temps et de la qualité de matière enseignée. Il lui manque également d’être un véritable entraînement physique; mais on ne peut nier ses apports en ce domaine, surtout à un âge où l’éducation physique proprement dite ne peut être que très réduite. L’utilisation des jeux à des fins éducatives, si elle reste légitime, est donc assez délicate, surtout à mesure qu’on a affaire aux âges supérieurs de l’enfance. Il faut en cela beaucoup de prudence, sous peine de n’aboutir qu’à un type d’enfant «gâté» pris dans l’instant présent, au lieu de former un garçon énergique et prévoyant, capable de travail prolongé. Il reste toutefois un domaine où l’utilisation du jeu est particulièrement indiquée, c’est celui de la rééducation des sujets dont se charge la psychopathologie: déficients intellectuels, qu’on doit bien souvent traiter comme des enfants de l’école maternelle, parce qu’il leur manque de savoir soutenir un effort; et surtout «caractériels», dont on ne fixe l’attention et l’intérêt, la plupart du temps, que grâce à des jeux; c’est en prolongeant, en fixant certains jeux qu’on «accroche» ces enfants et qu’on parvient petit à petit à les mener vers des conduites plus stables et moins anxieuses.” BIBLIOGRAPHIE 4 ECOLE MATERNELLE D’APPLICATION DE LA VALBARELLE Section des grands M . RAYMOND - R. CAILLOIS dir., Jeux et sports , Encyclopédie de la Pléiade , Gallimard, Paris, 1967 - R. ALLEAU & R. MATIGNON dir., Dictionnaire des jeux , Tchou, Paris, 1964 - J. PIAGET, La Formation du symbole chez l’enfant , Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1945, 3e éd. 1978 - J. CHÂTEAU, Le Réel et l’imaginaire dans le jeu de l’enfant , Vrin, Paris, 1946, 5e éd. 1975; L’Enfant et le jeu , Scarabée, Paris, 1950 - E. CLAPARÈDE, Psychologie de l’enfant , Delachaux et Niestlé, Genève, 1911, rééd. Paris, 1946 - R. DORON, «Le Jeu chez l’enfant», in Traité de psychologie de l’enfant , t. III P.U.F., 1972 - C. FREINET, L’Éducation du travail , Ophrys, Paris, 1947 - A. GUY, Savoir jouer , Univ. Paris VIII, Saint Denis, 1993 J. DERRIDA, «La Structure, le signe et le jeu», in L’Écriture et la différence , Seuil, Paris, 1967 - J. DERRIDA, «La Structure, le signe et le jeu», L’Écriture et la différence , Seuil, Paris, 1967 - R. CAILLOIS, Les Jeux et les hommes , Gallimard, 1967, réimpr. 1991 - J. HENRIOT, Sous couleur de jouer , J. Corti, Paris, 1989 - J. HUIZINGA, Homo ludens. 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