Cours 7 - Cours L3 Bichat 2012-2013

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ESS1
Ethique du soin et système de santé
Cours 7
Ethique en réanimation
De tout temps, la réanimation s’est sentie concernée par les problèmes d’éthique car dans
les services de réanimation, le taux de décès est supérieur ou égal à 20%. Il peut y avoir des
problèmes de limitation des soins.
Qu’est-ce que l’éthique ? De façon générale, c’est une obligation fondamentale à l’égard
de l’humanité dont dérivent toutes les obligations à l’égard des hommes. L’intérêt de l’éthique
est d’avoir une généralisation de la réflexion. On voit bien qu’à partir de là, ça n’essaye pas de
répondre à tous les cas particuliers, ça va donner des lignes de conduite générale et ça ne
prétend pas répondre à tous les cas.
La réanimation est une discipline médicale relativement jeune puisqu’elle est née dans les
années 50 d’une épidémie de polio. Quelles sont les caractéristiques des polios graves ? Dans
un pays en voie de développement, la variole a disparu en 79, la poliomyélite s’est raréfiée
mais n’a pas disparu. Il est donc toujours possible d’avoir des épidémies, une éclosion. Une
poliomyélite antérieure aiguë peut donner des paralysies motrices. Il y a une atteinte de la
corne antérieure. Quels sont les groupes musculaires dont l’atteinte peut engager le pronostic
vital ? Ce sont les muscles respiratoires ainsi que le pharynx et larynx avec le carrefour aérodigestif avec le problème lié aux troubles de la déglutition qui peuvent mettre en péril la vie
de la personne (le cœur est mis à part ici). Ce sont des atteintes musculaires, c’est un
syndrome restrictif et les poumons ne sont pas assez ventilés. La dépression respiratoire
nécessaire en cm d’eau dont on a besoin pour appeler le volume courant dans les poumons,
pour les remplir d’air est de 1-2 cm d’eau en dessous de la pression atmosphérique. C’est
faible mais ça suffit car ce sont des systèmes extrêmement compliants.
Pleins de gens sont décédés lors d’une épidémie de poliomyélite et cela a donné des
insuffisances respiratoires pour lesquelles on a créé la ventilation artificielle. On verra qu’elle
est d’abord en fait externe, physiologique (poumon d’acier) et puis par ventilation pression
polyétique qui nécessite auparavant qu’on ait intubé le sujet. L’intubation est un geste invasif.
Beaucoup de matériels de réanimation ont des noms à consonance nordique car les pays
scandinaves, du nord, ont été les premiers à affronter cette épidémie. Le matériel de
réanimation a été créé pour affronter cette épidémie effroyable.
La réanimation chirurgicale est né de la traumatologie routière des années après guerre
quand on est rentré dans la période des trente glorieuses. Ce fut une période où on comptait
les morts de cette catégorie à 16 000 morts par an.
Qu’est-ce que l’objet de la réanimation ? En anglais, c’est médecine intensive, ça souligne
plus le côté technique de la discipline. Ce n’est qu’en France qu’on utilise le terme
réanimation. Elle a pour objet la prise en charge des défaillances d’organes et les
combinaisons de défaillances. Cela peut être des troubles neurologiques, des comas, des
troubles de la déglutition, des atteintes partielles comme des hypothermies, des pathologies
circonstancielles, des états de choc, des pneumopathies graves comme des oedèmes aigus du
poumon, une insuffisance hépatique, une insuffisance rénale, les formes graves des maladies.
Qu’est-ce qui fait la différence entre une insuffisance cardiaque et un choc
cardiogénique ? Ils se caractérisent tous les deux par une baisse du débit cardiaque avec une
augmentation de la pression diastolique du remplissage du ventricule droit, ventricule gauche.
Ils répondent donc tous les deux à la définition de l’insuffisance cardiaque. Au choc
cardiogénique se surajoute une baisse de la pression artérielle alors que dans l’insuffisance
cardiaque la tension est conservée. L’abaissement de la pression artérielle va être à l’origine
pour la part diastolique d’une baisse de la perfusion coronaire. On rentre dans le cercle
vicieux du choc. Le choc induit une hypoperfusion coronaire qui va induire et aggraver l’état
de choc.
La réanimation touche à tous les organes, notamment circulatoires et cardio-respiratoires,
mettant en jeu le pronostic et ces patients nécessitent la mise en œuvre de méthodes de
suppléance. La médecine intensive, telle qu’elle est appelée partout ailleurs dans le monde,
insiste plus sur ce type de suppléance.
Sur quel postulat de départ est basé le fait qu’on nous met sous traitement de suppléance
d’une défaillance d’organe sur le plan humain et aigu ? Je ne respire plus, donc on me met
sous assistance respiratoire. On peut toujours faire un geste. Cela suppose donc que c’est
réversible. C’est la base de la réanimation : la défaillance est réversible. Que faut-il donc alors
penser de cette réversibilité ? On réanime toujours dans le doute. A l’heure actuelle, les
maladies qu’on prend en charge en réanimation ne sont pas toutes réversibles. En effet, il y a
beaucoup de maladies chroniques comme l’insuffisance cardiaque ou les cardiopathies
coronaires et ischémiques où la somme d’infarctus va aboutir à une insuffisance cardiaque qui
ne va jamais récupérer, qui va faire qu’évoluer en se compliquant d’autres infarctus, de
cardiopathies dilatées, l’apparition d’une IM, des problèmes de polarisation… C’est vrai pour
le cœur mais aussi pour le poumon avec les gens qui fument, qui ont une BPCO qui évolue
vers une insuffisance respiratoire chronique ou les maladies restrictives pulmonaires avec les
fibroses pulmonaires qui vont évoluer vers une insuffisance respiratoire chronique. Sur ces
fonds chroniques, il peut y avoir des poussées aiguës : on peut faire une grippe alors qu’on est
BPCO (c’est pour cela qu’on vaccine ces patients car la grippe est un facteur de
décompensation aiguë qui les amène en réa). Il y a donc beaucoup à l’heure actuelle des
maladies chroniques pouvant se décompenser de façon aiguë. C’est vrai pour l’insuffisance
rénale : il faut savoir si elle est organique ou fonctionnelle, si elle est aiguë, aiguë sur
chronique ou chronique.
En 50, on a des hangars, et non des hôpitaux, remplis de poumons d’acier. Donc il y a de
nombreux malades en insuffisance respiratoire. Si on arrêtait la machine, en quelques
minutes, le patient mourrait d’asphyxie. Le corps était pris dans une enceinte et il y avait des
dépressions qui aspiraient et qui permettaient aux poumons de se gonfler. L’avantage est qu’il
n’y avait pas de sondes d’intubation et le reste. De plus, quand on est hospitalisé, on est dans
un lit et donc la seule chose qu’on a à regarder, c’est le plafond. C’est plutôt monotone,
ennuyant, on ne pense pas à le décorer. Que va voir un patient qui va passer deux mois en
réa ? Il va voir le plafond. Donc dans les poumons d’acier, on a mis en place des miroirs qui
permettent de voir en arrière. C’était une forme d’humanisation car les poumons d’acier sont
équivalents à des tétraplégies complètes. Il y a des passages pour les mains pour faire des
soins. Ce fut donc une épidémie monstrueuse, avec des hangars entiers.
La réanimation s’occupe donc des défaillances avec pour objet, pour souhait d’être une
assistance technique temporaire (ATP). Sauf que dans certains cas, on n’arrive pas à sevrer le
malade. Soit il part avec la machine, soit il faudra se demander si on continue avec la
machine : il y a donc des problèmes éthiques car il s’agit de la question du devenir du patient.
La réanimation, c’est beaucoup de technicité.
L’intubation, à la fin du XIXème siècle, était tellement critiquée qu’on pensait qu’elle
n’aurait aucun avenir. On l’utilise maintenant quotidiennement en salle de réa et
pluriquotidiennement dans les blocs opératoires donc quelque chose qui paraissait utopique
est devenue de pratique courante. Ce n’est pas agréable d’être intubé, que ce soit par voie
nasale ou par voie buccale, on a un corps étranger qui pénètre dans la gorge, c’est barbare et
il y a une douleur vécue par le patient qu’il exprime très difficilement. On peut faire des
échelles à l’aide de grimaces, surtout chez l’enfant qui exprime beaucoup alors que l’adulte
peut rester impassible alors qu’il souffre de façon très nette. La douleur fait partie intégrante
de l’activité de réanimation.
Les scopes sont traumatisants car ils sont tout le temps en alarme, il y a un bruit en
réanimation infernal qui est l’immense majorité du parasitage. Les respirateurs en pression
positive sont très efficaces mais il faut le système d’intubation ou un système de ventilation
non invasive. Cette ventilation se fait grâce à un masque. C’est un progrès en réanimation qui
diminue la mortalité due aux infections nosocomiales. Cependant, c’est vécu comme les
patients et la famille comme une torture, on est dans la maltraitance des patients car c’est très
difficile à supporter, ça fait mal, c’est très anxiogène car les patients ont l’impression d’être
enfermés dans ce système et d’étouffer alors que la machine leur apporte de l’air. Il y a aussi
les perfusions. Un moyen de diminuer la douleur pour les différents actes serait d’utiliser
l’EMLA, une crème anesthésiante locale. Le problème, c’est qu’il faut la poser 3/4 h – 1h
avant. Ce n’est pas compatible avec un geste urgent. L’EMLA est sous-utilisée à l’heure
actuelle, les hôpitaux ne l’utilisent pas assez.
Il y a le patient avec des défaillances vitales qu’on met en réanimation et les patients
susceptibles d’avoir l’apparition d’une défaillance. Ces derniers patients sont mis dans un
secteur un peu intermédiaire, ce n’est pas de la médecine, ce n’est pas de la réanimation. Il y a
du matériel de médecine et la surveillance de la réanimation. Cela suffit. Ce sont les
surveillances continues, c’est un échelon intermédiaire de soins dont la reconnaissance par
l’administration est récente. Avant, il y avait réa ou médecine. Maintenant, il y a réa,
surveillance continue et médecine. Cette gradation est très importante et elle a une existence
propre : 2/3 des malades de surveillance continue sont en admission directe et en sortie
directe, ils ne passeront pas par la réa. Ce sont des malades des urgences instables qui ont une
défaillance mais qui est appareillable sans ventilation artificielle et ils sont mis sous oxygène
avec une ventilation non invasive. Ils vont donc rester là, ils vont s’améliorer puis on les passe
en médecine. La surveillance continue est un concept qui s’adresse aux patients avec
défaillances pouvant apparaître ou en cours d’installation mais qui ne sont pas encore dans la
gravité.
Le matériel en réanimation est invasif, pénètre les corps comme les fibroscopes. Le
problème avec la pénétration des corps, c’est l’infection. Ce sont particulièrement les
infections nosocomiales dont la fréquence s’accroît avec le nombre de sites qui sont
cathétérisés. Les différents abords ne se font pas seulement par voie cutanée mais on trouve
également les sondes urinaires, les sondes gastriques, les sondes d’intubation… Elles
aboutissent à des invasions du corps par du matériel étranger dont le prix à payer pour le
malade est l’infection. Par exemple, le cathétérisme peut être posée par une voie subclavière,
jugulaire ou autre chose. On plaçait le cathéter dans une branche de l’artère pulmonaire pour
faire des mesures hémodynamiques complètes. Il y a quatre voies veineuses, quatre accès,
donc c’est une source d’infections importantes mais qui apportent des informations
importantes pour soigner le patient.
Est-ce que les patients acceptent qu’on leur envahisse leur corps ainsi ? Evidemment, non.
En plus, la caractéristique de la relation médecin-malade en réanimation n’est pas
contractuelle dans la mesure où le patient n’a pas choisi son docteur. C’est son état ou le
SAMU qui impose le médecin et il n’a pas du tout voulu être soigné par tel ou tel médecin. La
relation est imposée. Il faut l’installer, l’instaurer. Il faut rétablir la normalité de la relation.
Mais avec qui faut-il rétablir cette relation ? On ne peut pas vraiment avec le malade qui est
souvent dans une phase grave et donc considéré comme incompétent. Dans l’idéal, il faut
rétablir cette relation avec la personne de confiance, mais c’est très rare. Souvent on pense à
la famille mais il vaut mieux contacter les proches car la vie moderne est complexe,
restructurée et déstructurée, qu’on peut avoir dans certains cas des gens qui ne sont pas de la
famille vraie mais qui sont très proches de quelqu’un qu’ils connaissent bien et à l’inverse, on
peut avoir de la famille distante et qui ne représente pas vraiment l’interlocuteur. Qu’est-ce
qu’un ayant droit ? Il s’agit d’un héritier donc le père n’est pas un ayant-droit, la mère non
plus. C’est important pour la consultation du dossier médical. On a donc une notion très
restrictive des ayant-droits qu’on va ouvrir aux proches proches.
Comment savoir si une famille est proche ou non ? On a un individu hospitalisé en
urgences pour une pneumonie grave, il est en détresse respiratoire pendant trois semaines. Des
gens se présentent. Le meilleur moyen de voir s’ils sont proches est de demander de nous
raconter ce qu’ils savent sur le patient, sur ses antécédents. Parfois, des enfants ne savent rien
de leurs parents alors que les voisins ou les amis en savent plus, on se rend compte qu’il y a
un certain degré d’intimité. Il faut se taire et écouter, il faut faire parler les gens pour voir ce
degré d’intimité. Il faut admettre qu’on peut être proche de quelqu’un en n’ayant pas un lien
de famille obligatoirement. La personne de confiance est encore un concept rare, elle n’est pas
adaptée à l’heure actuelle à la situation d’urgence. Les enfants, même s’ils ne savent rien sur
leurs parents, restent des ayant-droits qu’on n’a pas le droit d’exclure de tout ça mais si on
cherche quelqu’un qui soit le correspondant pour parler de ce patient, il vaut mieux trouver
quelqu’un qui connaît bien le patient.
Le matériel : les reins artificiels sont également très invasifs, il existe aussi des cœurs
artificiels liés à une machine qui permet de pomper. Il y a eu des progrès qui se font en
réanimation. On essaye notamment avec ces problèmes de très forte invasivité, d’avoir des
alternatives peu ou pas invasives. Un des progrès énorme en réa, c’est l’utilisation et la
diffusion de l’échographie qui permet maintenant des explorations non invasives et de façon
générale, l’imagerie par scanner, par IRM… sont beaucoup moins invasives que par le passé.
Avant, c’était donc très invasif et peu performant alors qu’aujourd’hui, l’imagerie est
performante et peu invasive. Cela a été un progrès considérable.
Quelle est l’évolution de la position de la médecine et du médecin par rapport à une
infection ? Quels sont les trois temps fondamentaux de la prise en charge d’une maladie ? Le
premier temps est chirurgical. Quand on ne comprend pas, on coupe. C’est assez caricatural :
quand on avait une ulcération de l’estomac, on enlevait. Dans un deuxième temps, on traite,
c’est le temps médicamenteux. Avec la découverte de l’Helycobacter Pylori et la
compréhension de la physiopathologie de l’ulcère, on a fait des traitements médicamenteux
qui marchent alors qu’avant, même s’il y en avait, ils ne marchaient pas. Le troisième temps,
c’est la prévention. Quand on a vraiment bien compris les maladies, on va les prévenir. C’est
caricatural dans le domaine de protection des travailleurs notamment. Autrefois, dans les
pathologies professionnelles, les gens étaient exposés à des polluants chimiques extrêmement
forts qui conduisaient à des maladies chroniques, à des cancers. Maintenant, on prévient ce
genre de choses. On passe donc toujours par trois temps : chirurgical, traitement
médicamenteux et prévention. Quand on voit la réanimation, on est un peu dans une période
où on est dans l’archaïsme de l’histoire médicale. Ce qu’on peut espérer, c’est qu’on n’ait plus
besoin de réanimation. Le problème, c’est que c’est dans un temps indéfini qu’on pourra se
passer d’activités de réanimation parce pour le moment, par exemple, on peut faire une
décompensation aiguë n’importe où et on n’a pas les structures qui permettent de prendre en
charge de façon non invasive et de donner des alternatives aux soins actuels.
Concernant les traitements, il y a aussi, outre les machines, les médicaments. Ils vont
avoir une AMM, une autorisation de mise sur le marché. Il va y avoir un dossier qui va être
rempli, on va voir l’efficacité, l’innocuité et on va obtenir un service médical rendu. Pour les
machines, quels sont les pré-requis pour qu’elles puissent être vendues sur le marché, quel
que soit le dispositif médical (aspirateur, dialyse, fibroscope…) ? C’est un vrai problème
éthique car il faut simplement qu’elles soient conformes aux normes ISO. Il n’y a pas
nécessité de mettre en évidence un service médical rendu. C’est hallucinant et c’est ce qui
explique qu’on est envahi par du matériel : par exemple, le même mode ventilatoire
« ventilation contrôlée » sur des aspirateurs différents va s’appeler VC sur un aspirateur, VAC
sur un autre, VVC sur un troisième. C’est le même mode mais pour des raisons commerciales,
on ne l’appelle pas de la même façon et ils ont parfaitement le droit de faire ça ! Ce n’est
évidemment pas éthique. On est vraiment dans les boîtes de marketing de ventes de matériels
mais où l’intérêt des patients passe complètement à côté par rapport à l’intérêt économique de
vente. On a du matériel qui clignote, où il y a tout le temps une fonction, mais on n’a jamais
démontré que la fonction soit la survie, soit l’efficacité en terme de non invasivité, soit de
soulager les soins des infirmières notamment… Il suffit que ces machines soient conformes
aux normes ISO, ils peuvent alors les commercialiser et c’est à eux de trouver l’indication.
C’est choquant cette relation avec les dispositifs médicaux.
On a un problème d’éthique de gestion du problème. Ce n’est pas tout d’avoir du matériel,
il faut aussi savoir le gérer. Cela va être de plus en plus réel notamment avec le problème
économique auquel on est confronté. Cela va faire appel à des stratégies de service et au
cahier de charge (le choix). Cela pose des problèmes de l’acquisition et de l’entretien du
matériel qui représentent de gros montants car une fois qu’on a une machine dans un service,
il va falloir payer l’entretien, c’est extrêmement coûteux. Il va falloir également informer et
former le personnel. C’est un problème car la moyenne de durée d’une infirmière d’exercice
en réanimation est de 3 à 5 ans, pas plus. Cela veut dire évidemment qu’il y en a qui font 1 an,
d’autres 6 ans. Cela veut dire qu’il y a un renouvellement rapide mais qui dit
renouvellement pose les questions de formation. Derrière tout ça, pour que ça marche, il faut
une réflexion qui permet de répondre à ces différents problèmes et cela est vrai pour chaque
matériel, et là on rentre dans le facteur humain, ce n’est pas facile.
La réa est très dense et nécessite tout un tas de techniques. Quelque chose de démontré et
d’utile est de dédier une pièce rien que pour l’accueil et l’information des familles, pouvoir se
poser, parler avec la famille. Cela va jouer au niveau de la qualité de l’information délivrée,
c’est un plus énorme. Ce n’est pas un standard de base reconnue par l’administration mais des
travaux ont été faits et ont montré l’intérêt d’une pièce. On peut dire qu’on retourne dans le
colloque singulier, non pas avec le patient mais des médecins avec la famille. C’est donc
extrêmement important et l’information des familles est quelque chose d’essentiel dans
l’éthique de la gestion du malade de réanimation.
Quels sont les problèmes respectifs du malade, de la famille et du médecin ? Pour le
malade, en réanimation, il n’a pas son mot à dire. Seuls les malades en surveillance continue
sont conscients et capables de poser des questions. Le problème du malade est de savoir s’il y
a un problème, c’est s’il y a un traitement. Après, une fois qu’il a reçu son traitement, il peut
demander quand est-ce qu’il sort. Le problème de la famille est de savoir comment on va
rendre le patient (comme avant, avec des séquelles, mort ?), c’est le pronostic. Le problème
du docteur est d’avoir le diagnostic étiologique car avec lui, on a le pronostic et le traitement.
Donc on n’a pas les mêmes approches, on n’est pas sur les mêmes planètes, on n’a pas les
mêmes systèmes solaires et pourtant, il faut arriver à se poser donc c’est absolument
fondamental dans notre approche éthique de bien comprendre quels sont les problèmes
respectifs.
Le patient, dans le colloque singulier, est bafoué à cause d’une impossibilité : ce n’est pas
par mauvaise volonté mais c’est un état de fait que la situation d’urgence oblige à des
interventions. L’autre élément heurté de plein fouet par la situation d’urgence dans la relation
médecin malade est le consentement éclaire du patient. Il faut demander normalement le
consentement pour l’examiner, pour toute chose, tout geste, tout acte qui va être fait
(l’autorisation pour tout théoriquement, pour lui prendre la tension, le pouls, l’ausculter, la
température, l’aspirer) en lui expliquant tout ce qu’on va faire. En réa, c’est évident que ce
n’est pas possible. En plus, ce n’est pas le patient qui va être l’interlocuteur, ce sont les
familles. Comment peut-on un petit peu jouer pour essayer d’apporter quelques informations
aux familles ? Il y a un système qui passe par les livrets d’accueil qui expliquent ce que c’est
la réa, quel est l’environnement technique… Les gens après lisent ou ne lisent pas mais c’est
une façon d’humaniser un milieu qui était autrefois extrêmement inhumain et qui a été envahi
par un souci d’humanité. Ce n’est pas encore parfait mais ça évolue.
L’information des familles va avoir pour but également de faire passer durant ce temps le
pronostic mais également la nécessité d’examens complémentaires et d’avoir l’aval. Mais
quand on demande à la famille, est-ce qu’on leur demande vraiment à eux ? Certes, les
familles deviennent les interlocuteurs principaux mais il ne faut pas qu’il y ait de dérives, on
ne souhaite pas savoir l’avis de la famille mais l’avis du patient à travers la famille. Ce dont il
faut s’assurer par rapport à la famille, c’est ce qu’elle comprend de la situation. Par rapport à
la famille, la réanimation induit sur le plan éthique des rôles particuliers : on leur demande ce
que le patient aurait souhaité et surtout il faut demander ce qu’elle comprend de ce qu’on dit.
Dans un colloque singulier classique, on demande directement au patient. Existe-t-il une
qualité humaine qui facilite ce type de relation ? Oui, c’est l’empathie, c’est se mettre à la
place de, c’est imaginer les souffrances qu’il pourrait avoir (par exemple, le patient alité qui
ne voit que le plafondet dans ce cas là, il existe des formes d’humanisation comme mettre le
patient à 30 degrés et non complètement à plat). Autre chose déroutante en réanimation, c’est
qu’on perd la notion jour/nuit. On peut mettre en face du malade une horloge. Ce sont des
petites choses d’empathie qui permettent au patient de se repérer et de se sentir mieux. Quel
est le symptôme que le patient est le seul à pouvoir en mesurer l’intensité ? C’est la douleur.
On utilise pour cela des échelles d’évaluation analogique de la douleur. Il s’agit d’un réglette
à deux côtés. C’est une bande blanche avec un côté « pas de douleur » et l’autre côté avec
« douleur atroce » et on lui demande de se situer sur cette bande. Le patient montre du doigt,
on retourne, on regarde le score entre 0 et 10. On refait le test avec la prise d’un antalgique
pour voir comment la douleur diminue et voir l’efficacité d’un antalgique. Il faut savoir que la
même chose peut entraîner une douleur qui va de 0 à 10. Un des trucs les plus fréquents et
d’imprévisible qu’on fait chez les patients constants, ce sont les drainages de pneumothorax
avec la pose d’un drain pleural : des patients ont zéro douleur avec un simple doliprane et
d’autres vont être mis sous auto-injecteur de morphine tout simplement parce que pour le
même symptôme certains patients ont une auto-analgésie suffisante alors que d’autres ont
besoin d’un analgésie médicamenteuse de supplément. On utilise des auto-injections : il y a
une seringue chargée en morphiniques et le patient appuie, un bolus va être délivré avec une
période réfractaire. Souvent, on est à côté de la plaque : des malades sont sous-prescrits,
d’autres sur-prescrits. Quand ils sont conscients, dans une douleur aiguë, les pompes autoanalgésiques sont le moyen adéquat car le patient est capable de mesurer sa douleur.
La réanimation est une spécialité qui est partagée par toutes les spécialités. Toutefois, bien
qu’on ait des victoires, de toute façon, on va perdre : on est tous né avec la certitude qu’on va
un jour mourir. Plus ça va aller, plus ça va s’amplifier. Tout le monde va mourir et il ne faut
pas oublier quand on fait de la médecine car c’est un combat qui est vain. Les gens sont
toujours dans une situation grave et passent toujours par trois phases. Quelles sont les phases
par lesquelles passent une famille et qui sont un avant-goût du deuil ? Le déni, la colère et
l’acceptation / le deuil. Ce sont des phases plus ou moins longues et plus ou moins violentes
(quelqu’un qui donne un coup de poing dans un mur). Il y a quelque chose qu’on ne connaît
pas, c’est l’heure de la mort, personne ne connaît l’heure de sa mort mais c’est inévitable.
A partir de là, la réflexion médicale a toujours été indissociable de la réflexion éthique et
on est toujours dans la question « et après ? ». Si c’est la guérison tant mieux mais très
souvent, on va se retrouver devant une stabilisation d’un patient avec au mieux un retour à
l’état antérieur.
L’organisation de la réanimation en Europe : il y a trois solutions qu’il faut connaître. En
Italie, la réanimation fait partie intégrante de l’anesthésie. Sont anesthésistes les réanimateurs.
En Espagne, la réanimation est plus supra-spécialité et à côté de cela, il y a une activité
anesthésiste. La France a opté pour un système dual qui vient du fait qu’en réalité, la
réanimation est née d’une épidémie de poliomyélite et en France, elle est née à l’ancien
hôpital Claude Bernard qui était la clinique des maladies infectieuses où on traitait les
poliomyélites. Il y a donc une orientation plus médicale de la réanimation. Il y a de l’autre
côté la réanimation chirurgicale liée à l’anesthésie. En France, c’est réanimation, partout
ailleurs c’est médecine et soins intensifs.
Quand on regarde les patients pris en charge en réanimation, on s’aperçoit que sur une
base de 30 services en Ile-de-France, l’âge moyen est de 56ans. Ce n’est pas le vieillard, ni la
jeune personne, mais quelqu’un qui a un certain nombre d’années derrière lui. Il y a un taux
de décès à la sortie de l’hôpital important qui est de 31%. Il y a une égalité hommes-femmes.
Le taux de décès par rapport à l’âge : il n’y a pas vraiment de frontières nettes. S’il y a une
augmentation de la mortalité avec l’âge, on ne peut pas vraiment donner de frontière à partir
de laquelle la réanimation serait vaine et deviendrait de l’acharnement thérapeutique. Qu’estce qui est plus important que l’âge pour le pronostic final d’un patient en réanimation ? Ce
n’est pas l’infection qui l’a fait rentrer en réa mais les pathologies associées. Par exemple, un
patient est rentré pour une pneumopathie infectieuse mais il a aussi un diabète et une
insuffisance cardiaque et à eux-seuls, ils vont conditionner le pronostic plus que la pneumonie
à elle-seule. Donc les co-morbidités sont essentiels dans les raisonnements et la majorité se
présente avec 2-3 défaillances d’organe (90%).
Il y a plusieurs modes d’entrée : soit en entrée directe par le SAMU, soit par le service
d’urgences. Il y a donc une capacité à discuter avec le patient pour qu’il accepte qui est faible
et, comme le problème de la famille c’est le pronostic, et que le patient qui souffre ne
demande qu’un truc c’est d’être traité, le contrat va être réduit à son minimum. Les transferts
internes représentent 22% des activités. L’activité des réanimations médicales n’est pas
essentiellement médicale (80%) mais aussi chirurgicale (20%) en sachant que si autrefois,
quand on avait une pancréatite, on opérait, aujourd’hui de plus en plus les interventions
chirurgicales deviennent des interventions médicalisées notamment par les biopsies, les
processus interventionnels qui permettent d’éviter l’ouverture des viscères. Il y a une
chirurgie qui restera très longtemps : c’est l’orthopédie car on n’a jamais réussi à réparer un
os dans des délais raisonnables, cela se fait en plusieurs mois.
L’heure d’entrée en réanimation est importante car la majorité des entrées se font à un
moment où il y a le moins de médecins, entre 16h et 4h du matin. On peut espérer qu’à 16h il
y ait plus qu’un médecin de garde mais ça va petit à petit s’épuiser. Il y a un contraste entre le
fait que ce soit un médecin de garde qui va recevoir la majorité des patients et qui va être
amené à prendre des décisions seul. La prise de décisions en réanimation doit être collégiale
mais on rentre alors en conflit avec un principe de la médecine : il faut qu’on soit à la fois
collégial mais qu’on respecte en plus le secret médical. En effet, le secret médical est
extrêmement restrictif mais les décisions prises ne seront de qualité qu’à travers le caractère
collégial.
Il y a eu une grosse réflexion par rapport à ça : c’est l’activité éthique aux urgences. En
effet, l’urgence est une situation par définition où théoriquement, on ne devrait pas prendre de
décisions. Quelles sont les critères fixées par la loi Leonetti sur les décisions éthiques en
réanimation ? Il faut qu’il y ait une collégialité mais la pluridisciplinarité n’est pas nécessaire
à la décision éthique mais ça apporte éventuellement un plus. Par contre, la pluridisciplinarité
est importante dans la réflexion éthique quand on est amené à faire des textes. On peut donc
être collégial et enfermé entre nous donc il n’y a pas pluridisciplinarité. Il faut aussi que les
décisions prises en réanimation ne soient pas prises en urgences mais à froid. Enfin, pour
prendre une décision, il faut essayer de recueillir l’avis du patient, à travers la famille.
Le nombre de diagnostics par séjour est de 7 diagnostics. Cela signifie que le patient, pour
une admission, on va établir 7 diagnostics qui vont être soit liés aux co-morbidités, soit aux
complications suite à son admission (infections nosocomiales…).
Les patients qui sortent vivants peuvent retourner à domicile et beaucoup vont faire l’objet
de transferts internes. Les sorties directes sont rares, tout le monde se retrouve souvent dans
les services de médecine. La sortie n’est pas comme on le souhaiterait liée à une infection
réversible avec un retour à la normale.
Beaucoup de contraintes s’imposent en réanimation, notamment les lits de spécialité
coûteux et donc qui sont soumis à autorisation. Le décret de réanimation en 2002 a fixé les
conditions techniques de fonctionnement de la réanimation et qui est opposable aux
établissements de soins : il paraît qu’il y avait beaucoup d’hôpitaux où il y avait des services
de 4-6 lits de réanimation et le nombre critique qui a été fixé est de 8. Toutes les petites
structures ont donc du fermer. Il était considéré qu’il n’était pas possible d’avoir une activité
de réanimation digne de ce nom dans des structures aussi petites, que ce soit en raison de la
charge que cela représente pour le personnel mais aussi la capacité à prendre en charge ces
patients.
Il y a trois niveaux qui sont reconnus : réanimation, soins intensifs qui désignent les
surveillances continues de spécialités (neurologie, neuro-vasculaire, cardiologie) et les soins
continus.
Il y a un déséquilibre complet au niveau des contraintes entre l’offre et la demande. Quel
est le problème ? Quand on est appelé aux urgences, est-ce qu’on sélectionne aux entrées ou
bien on accepte facilement mais on essaye d’avoir des issues rapides ? C’est un problème
majeur auquel la réanimation est confrontée et on a vu que l’âge n’était pas un facteur qui
permettait de refuser et donc on va jouer, on va évaluer non pas sur l’âge mais sur les comorbidités. D’une façon générale, c’est de prendre facilement, faire le tour du patient, même
éventuellement dans un esprit n’excluant pas d’emblée la possibilité de soins palliatifs qui
doit faire partie intégrante de la réflexion pour définir un degré d’engagement thérapeutique.
On est dans le secret médical partagé partout dedans. Quelle position tenir ? Est-ce un
problème ? Par exemple, est-ce que ça dérange un patient que les gens sachent qu’ils sont
séropositifs, qu’ils ont une hépatite ou qu’ils ont fait un AVC à 39 ans ? Le secret est-il
important en médecine ? Le secret est-il préservé ou bien est-il peu respecté ? Il y a déjà le
problème des chambres partagées : soit il n’y a qu’une place dans la chambre et certains
diront que c’est sinistre malgré que d’autres soient satisfaits, soit on fait une chambre à deux
et certains diront que c’est bien pour discuter, d’autres se plaindront (par exemple, à cause des
ronflements du voisin). On n’arrivera jamais à une situation avec 100% de contents,
quoiqu’on fasse on nous le rapprochera. Généralement, le secret est partagé mais on est
souvent gêné lors des examens peu respectueux de l’intimité de la personne (notamment dans
une chambre à plusieurs où il y a d’autres personnes qui n’appartiennent pas au corps
médical). C’est une valeur très française le secret médical comparé aux Etats-Unis où on crie
sur tous les toits ses maladies. Globalement, en France, le secret médical est vivement
respecté. A noter que le voisin de chambre est un peu le voisin de la fortune, il est tout aussi
malade donc la probabilité qu’il mémorise ce qui se passe à côté n’est pas grande mais au
fond, les patients sont peu atteints malgré que la dignité, l’intimité, le secret en prennent
légèrement un coup. Pour défendre des valeurs, il faut qu’elle soit supportée par l’ensemble
du corps, c’est nous qui faisons les valeurs, qui ferons les règles éthiques qui gouverneront le
monde futur. Il faut bien se souvenir que ce sont les hommes qui font ces choses là, cela naît
de la réflexion qu’on peut avoir par rapport à un cliché qu’on a de la société. Encore une fois,
on trouve de tout : du patient embêté par la présence de son voisin de chambre au patient seul
qui aimerait bien avoir quelqu’un avec qui causer mais au milieu de tout ça, il faut bien
dresser des règles. Ce n’est pas une discrimination, c’est quelque chose qu’on ne souhaite pas
qu’il soit divulgué. Le malade a le choix de ce qu’il veut voir apparaître dans son dossier ou
non. Une observation médicale est structurée et est faite de deux parties : l’observation
médicale propre et de l’autre côté une feuille personnelle. Si on saisit le dossier, on prendra la
première partie et non pas la seconde partie, les notes personnelles qui appartiennent au
docteur et où on peut marquer tout ce qu’on veut, même ce que le patient ne veut pas qui
figure dans son observation. Un malade a le droit de demander qu’on ne marque pas telle ou
telle chose sur son observation, il peut demander à relire son observation.
Après le décès, il y a le problème des familles avec le droit d’accès au dossier médical.
Est-ce que tout le monde dans sa famille peut accéder au dossier ? Seuls les ayant-droits
peuvent accéder au dossier. Le patient décédé est supposé avoir accepté qu’on accède à son
dossier mais il peut de son vivant faire un refus de transmission. Pour accéder au dossier, on
ne vient pas comme ça en le demandant, il faut faire une demande écrite et pour un motif
précis qui peut être de faire valoir ses droits (les preuves aux assurances), respecter la
mémoire du défunt (s’il y a diffamation notamment) et connaître les causes de la mort. Dans
le dossier, théoriquement, on doit choisir les éléments en rapport avec les questions posées et
seulement transmettre la partie du dossier intéressée. On n’est pas dans l’obligation de tout
donner mais uniquement les éléments du dossier qui permettent de répondre à la question
posée. La loi dit que le secret médical s’applique quand on est dans un risque de transmission
d’une maladie infectieuse à un tiers dans une famille mais il faut avoir fait comprendre au
patient le risque qu’il y a à maintenir le secret à cause de ce problème. Souvent, il n’est pas
facile de supporter certains patients avec le secret médical, surtout ceux qui refusent de faire
part de leurs problèmes de santé à leur famille alors que c’est important de le leur dire. Le
secret est parfois difficile à assumer. Le secret médical persiste après le décès. C’est pour ça
qu’il est très important de marquer dans les notes personnelles si le patient refuse de confier
quelque chose à sa famille et elles doivent rester secrètes, elles ne sont pas destinées au juge.
Dans une expertise médicale, le juge ne voit pas le dossier et ne rentre jamais en contact
avec quand le dossier est saisi. C’est un expert médical qui va répondre aux questions posées
par le juge et qui recherche dans le dossier médical des informations qui répondent à la
question du juge. Le dossier arrive scellé, on casse les scellés, on fait les expertises et on
repose les scellés avec un tampon et de la cire avant de rendre au juge. Le secret est parfois
très difficile à supporter, à vivre.
Les professionnels de santé : ça c’est largement ouvert. Qu’est-ce qui ne figure pas
comme professions de santé mais qui serait apparenté ? Il y a les psychologues et les
assistants sociaux, ils ne sont pas professionnels de santé et donc pas concernés par le secret
médical.
Concernant la recherche clinique en réanimation, elle est nécessaire. On fait des progrès
mais une recherche se fait si elle induit la notion de bénéfice individuel directe. Il faut que le
patient puisse espérer un bénéfice. Le problème du consentement éclairé en urgence est
dégagé, il n’est pas annulé mais retardé le temps que le patient puisse récupérer. A quoi juget-on le professionnalisme d’une équipe de recherche ? Pourquoi un centre est performant ? Il
doit y avoir 100% de taux de récupération et de recueil de consentement éclairé en dehors des
naissants et de patients décédés. Il y a eu des progrès : la ventilation non invasive avec le
masque a permis de diminuer la mortalité et les infections nosocomiales, cela a été vrai
également pour la coronaro et la radio interventionelle avec les désobstructions
thomboplasmiques transluminales, l’hypothermie endovasculaire, les médicaments
cardiotropes, des assistances circulatoires, en neurologie, les antibiotiques… Quelle est la
caractéristique pour que quelque chose soit une donnée acquise de la science ? C’est la
reproductibilité des résultats. Le fait qu’on ait trouvé quelque chose n’est pas le plus
important, il faut d’abord montrer que c’est reproductible. Le caractère reproductible des
résultats apporte une garantie et pourront devenir petit à petit des données acquises de la
science. Mais tant que les résultats sont controversés, on reste dans l’expectative et on se
demande si c’est vraiment un progrès. Si on trouve des données dans le cancer du sein avec
telle chimiothérapie à Paris, il faut qu’on retrouve la même chose en Bretagne ou ailleurs pour
que cela devienne un traitement national. La reproductibilité est très importante, la deuxième
étude de confirmation est fondamentale pour affirmer que le résultat est un progrès. Le
progrès vient quand il y a eu une deuxième étude qui a confirmé la première.
Le doute doit bénéficier au malade. Par exemple, il y a une association fréquente : chute et
décès. Est-ce que le patient a chuté et la chute a entraîné le décès ou bien il s‘est arrêté avant
et l’arrêt a entraîné la chute ? Ce n’est pas du tout la même chose. Or, ça peut avoir des
implications peu évidentes selon les situations comme au travail. Dans ce genre de tableau où
il y a un doute, le doute doit bénéficier de façon générale au patient, on ne doit pas faire de
fautes.
Les dons d’organe touchent la réanimation. Les donneurs vivants n’intéressent pas la réa.
Deux cas intéressant la réa : les donneurs en situation de mort encéphalique ou en cœur arrêté.
Le donneur en cœur arrêté a décliné depuis quelques années alors que le donneur en mort
encéphalique depuis la définition de la mort encéphalique et qui est assez ancien mais qui a
perdu beaucoup de vitesses avec la disparition des morts par accidents de la route.
En fin de vie, 50% des décès surviennent dans un contexte de limitation des soins. Ce
n’est pas nouveau et c’est quelque chose qui préoccupe la réanimation. On est quand même
confronté au problème du vieillissement de la population, l’âge n’étant pas un critère pour la
réa (il est possible de sauver des centenaires en arrêt cardiaque). La psychologie des familles
est que toutes les personnes qui vont mal vont à l’hôpital à l’heure actuelle. On ne vient pas à
l’hôpital pour mourir, c’est inacceptable et inadmissible. D’où la phrase « Madame, monsieur,
nul ne connaît l’heure de sa mort » est utile pour calmer les familles et leur faire comprendre
que chacun a une fin, qu’elle est attendue mais qu’on ne sait pas quand elle arrivera. Il faut
augmenter les moyens ou limiter l’accès. La troisième solution moins immédiate est permettre
et limiter l’accès dans un champ thérapeutique en sachant que la loi Leonetti a permis de
protéger le patient de l’acharnement thérapeutique en citant le côté déraisonnable de ce que
cela avait.
L’acharnement thérapeutique peut être le fait de médecin mais également le fait de
familles. Il faut se demander qui est à l’origine de l’acharnement. Dans un certain nombre de
cas où le médecin est plutôt en faveur d’une limitation des soins, les familles étaient très
exigeants sur le plan de l’acharnement thérapeutique. Par exemple, il existe des familles qui
ont prolongé leur proche de huit mois, elles surveillent à fond les moindres faits et gestes…
Parfois même, certaines personnes font preuves de réelle cruauté en interdisant le soin
(comme la sédation, donner des antalgiques) mais en obligeant les médecins à donner des
soins en même temps. Certaines décisions sont très difficiles.
Le rapport SICARD : il dit que les médecins ne sont pas bien et il précise qu’on n’a pas
attendu pour faire ce qui était déjà inscrit dans la loi Leonetti qui est que dans l’apport de
médicaments sédatifs, anxiolytiques et antalgiques pouvaient avoir des effets secondaires qui
pouvaient être pour une part à l’origine du décès sans le vouloir. La sédation terminale est
déjà intégrée dans la loi Leonetti. Faut-il aller plus loin ?
On fait des degrés d’engagement thérapeutique : quand on fait un, on met une date. On
prend une décision à un temps T et qu’on peut réviser en permanence. On complète les soins
palliatifs et on se sert des corps pluridisciplinaires. La loi demande également un avis
extérieur, quelqu’un qui ne fait pas partie du service. Ce n’est pas plus précis que ça : la
personne peut vraiment être extérieure à l’hôpital ou extérieur au service. Puis, il faut avertir
la personne de confiance et demander son avis, mais c’est très rare. Pour chaque entrant, on
donne une feuille mais le taux de remplissage est de 10%. De même pour les directives
anticipées.
Quel est le problème en urgence pour les renseignements importants ? Le diagnostic de la
maladie du fond (il y a 4-5 diagnostics par malade), la certitude et la gravité. Ce n’est pas tout
de dire qu’il a un cancer, qu’il a telle ou telle maladie. Ce n’est pas suffisant pour prendre des
décisions. Il faut avoir des éléments objectifs soit factuels comme un état grabataire, une
personne démente ou confuse… Il faut des éléments de certitude, on ne peut pas baser un
raisonnement sur du « on dit » ou sur du « il y aurait peut-être ». Le degré de certitude du
diagnostic peut aller de la présomption à la quasi certitude voir la certitude totale (les cancers
et les biopsies en anapath). Il faut chercher aussi le degré d’invalidité apportée par la maladie
de fond et ses co-morbidités, la raison d’hospitalisation en réa (est-ce que c’est en relation
avec la maladie de fond ?), la sévérité et les complications, le souhait de la famille, les notions
de conflit… En effet, avec les recompositions, il y a des structurations complexes où on peut
avoir un bon contact avec un proche et un mauvais contact avec quelqu’un de plus proche
donc il faut gérer aussi les proches et les familles, en plus du secret médical. Ce n’est pas
évident. Il ne faut pas oublier les problèmes de ressources financières des familles également.
Par exemple, des familles de mineurs travaillant dans les mines peuvent demander à ce qu’on
garde leur proche en vie sous ventilateur juste pour qu’il ne meurt pas et pour qu’elles
puissent toucher la pension qui n’était versée que si le patient restait vivant : voilà à quoi
tenait la vie du patient et dans ce cas là, on est bien dans l’acharnement thérapeutique
provoquée par la famille ! Ce n’est pas unilatéral.
Parfois, le métier de médecin oblige à prendre des décisions contraires aux lois ou aux
avis populaires afin d’aider les familles. Par exemple, s’acharner à maintenir en vie un père de
famille dans le coma quelques temps afin que la femme trouve une solution pour se gérer
financièrement seule avec ses enfants sans avoir besoin de l’aide des revenus de son mari.
Aux Etats-Unis, ça n’existe pas : on a un quota de jours en réanimation en fonction de son
assurance. Si elle est petite, on a 10 jours. Si elle est plus importante, on est à 90 jours. Au
bout de 10/90 jours, même si on ne guérit pas, on retire le matériel et on passe en médecine
sans aucun état d’âme.
Tous les personnels ayant participé à la discussion : elle est multidisciplinaire. Les
externes peuvent participer et poser des questions comme les aide-soignants ou n’importe
qui. On va faire item par item : utilisation de morphiniques, intubation, catécholamines,
ventilation sur tube… On va voir ce qu’on va faire ou refaire. On peut faire et refaire cette
discussion. Cela permet de faire un engagement thérapeutique qui va sauver la vie du patient
ou bien proposer une thérapie qu’on pourra offrir au patient et qui paraît raisonnable par
rapport à son état en espérant la récupération.
La sédation terminale existait déjà depuis longtemps, on augmente progressivement les
posologies, les sédatifs, les morphiniques pour que les gens n’aient pas mal. Les gens sont très
sensibles au fait qu’ils aient l’impression que leur proche ne souffre pas. Le problème pour
eux, c’est qu’il n’ait pas une impression de souffrance. Par exemple, on met des patchs de
scopolamine. En réanimation, c’est aberrant car en en asséchant les sécrétions, on favorise les
surinfections. Par contre, on empêche d’avoir les respirations bruyantes expectoreuses et qui
pourraient aboutir à des états inquiétants et traumatisants pour les familles de quelqu’un qui
respire mal, qui s’asphyxie.
Le grand progrès de la réanimation fut l’introduction des soins palliatifs dans la
réanimation. A partir de là, on fait notre pronostic. On peut alors imaginer une thérapie ou
bien préparer un deuil anticipé. C’est important et la clé du succès est la qualité de la
communication avec les familles. Le revers de la médaille est le temps qu’on va passer dans
cette communication qui va nous monopoliser pendant des heures. C’est du temps consacré à
la personne de confiance, à la personne de référence, à des proches, voir deux personnes, leur
expliquer ce qu’on fait et l’état du patient.
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