Quelle est l’évolution de la position de la médecine et du médecin par rapport à une
infection ? Quels sont les trois temps fondamentaux de la prise en charge d’une maladie ? Le
premier temps est chirurgical. Quand on ne comprend pas, on coupe. C’est assez caricatural :
quand on avait une ulcération de l’estomac, on enlevait. Dans un deuxième temps, on traite,
c’est le temps médicamenteux. Avec la découverte de l’Helycobacter Pylori et la
compréhension de la physiopathologie de l’ulcère, on a fait des traitements médicamenteux
qui marchent alors qu’avant, même s’il y en avait, ils ne marchaient pas. Le troisième temps,
c’est la prévention. Quand on a vraiment bien compris les maladies, on va les prévenir. C’est
caricatural dans le domaine de protection des travailleurs notamment. Autrefois, dans les
pathologies professionnelles, les gens étaient exposés à des polluants chimiques extrêmement
forts qui conduisaient à des maladies chroniques, à des cancers. Maintenant, on prévient ce
genre de choses. On passe donc toujours par trois temps : chirurgical, traitement
médicamenteux et prévention. Quand on voit la réanimation, on est un peu dans une période
où on est dans l’archaïsme de l’histoire médicale. Ce qu’on peut espérer, c’est qu’on n’ait plus
besoin de réanimation. Le problème, c’est que c’est dans un temps indéfini qu’on pourra se
passer d’activités de réanimation parce pour le moment, par exemple, on peut faire une
décompensation aiguë n’importe où et on n’a pas les structures qui permettent de prendre en
charge de façon non invasive et de donner des alternatives aux soins actuels.
Concernant les traitements, il y a aussi, outre les machines, les médicaments. Ils vont
avoir une AMM, une autorisation de mise sur le marché. Il va y avoir un dossier qui va être
rempli, on va voir l’efficacité, l’innocuité et on va obtenir un service médical rendu. Pour les
machines, quels sont les pré-requis pour qu’elles puissent être vendues sur le marché, quel
que soit le dispositif médical (aspirateur, dialyse, fibroscope…) ? C’est un vrai problème
éthique car il faut simplement qu’elles soient conformes aux normes ISO. Il n’y a pas
nécessité de mettre en évidence un service médical rendu. C’est hallucinant et c’est ce qui
explique qu’on est envahi par du matériel : par exemple, le même mode ventilatoire
« ventilation contrôlée » sur des aspirateurs différents va s’appeler VC sur un aspirateur, VAC
sur un autre, VVC sur un troisième. C’est le même mode mais pour des raisons commerciales,
on ne l’appelle pas de la même façon et ils ont parfaitement le droit de faire ça ! Ce n’est
évidemment pas éthique. On est vraiment dans les boîtes de marketing de ventes de matériels
mais où l’intérêt des patients passe complètement à côté par rapport à l’intérêt économique de
vente. On a du matériel qui clignote, où il y a tout le temps une fonction, mais on n’a jamais
démontré que la fonction soit la survie, soit l’efficacité en terme de non invasivité, soit de
soulager les soins des infirmières notamment… Il suffit que ces machines soient conformes
aux normes ISO, ils peuvent alors les commercialiser et c’est à eux de trouver l’indication.
C’est choquant cette relation avec les dispositifs médicaux.
On a un problème d’éthique de gestion du problème. Ce n’est pas tout d’avoir du matériel,
il faut aussi savoir le gérer. Cela va être de plus en plus réel notamment avec le problème
économique auquel on est confronté. Cela va faire appel à des stratégies de service et au
cahier de charge (le choix). Cela pose des problèmes de l’acquisition et de l’entretien du
matériel qui représentent de gros montants car une fois qu’on a une machine dans un service,
il va falloir payer l’entretien, c’est extrêmement coûteux. Il va falloir également informer et
former le personnel. C’est un problème car la moyenne de durée d’une infirmière d’exercice
en réanimation est de 3 à 5 ans, pas plus. Cela veut dire évidemment qu’il y en a qui font 1 an,
d’autres 6 ans. Cela veut dire qu’il y a un renouvellement rapide mais qui dit
renouvellement pose les questions de formation. Derrière tout ça, pour que ça marche, il faut
une réflexion qui permet de répondre à ces différents problèmes et cela est vrai pour chaque
matériel, et là on rentre dans le facteur humain, ce n’est pas facile.