FICHE "TENSION FONDATRICE"
Quel rôle le numérique joue-t-il ?
Le numérique intervient donc dans cette tension à plusieurs niveaux :
La dématérialisation : non rivaux, non excluables, les bien dématérialisés obéissent
à des mécanismes économiques différents des biens matériels, qui rendent beaucoup
plus difficile la recherche d'équilibres de marché par le simple jeu de la concurrence.
La conception et la production : le numérique contribue à élever la part des coûts
fixes de conception, ainsi que la complexité des mixes produits-services ; mais dans
le même temps, il facilite la circulation des informations et des modèles, la
collaboration entre acteurs de toutes tailles, l'émergence de modèles collaboratifs (y
compris dans l'industrie : "open hardware"), des formes nouvelles de "bricolage
avancé", qui font émerger des alternatives, voire des modèles en rupture.
La relation client : le numérique contribue à des mécanismes de capture de plus en
plus élaborés (économie de l'attention, "captologie", techniques de fidélisation,
exploitation des réseaux relationnels…) ; mais dans le même temps, il interconnecte
les consommateurs indépendamment des marques et favorise l'émergence d'espaces
de discussion, comparaison, protestation…
Le fonctionnement des marchés et la rencontre offre-demande, à la fois en
abaissant les coûts techniques de coordination et en multipliant les sources
d'information, les variantes de produits et de prix, les intermédiaires… Le numérique
occasionne d'importants déplacements du pouvoir sur les marchés.
Quelles ruptures cette tension pourrait-elle produire ?
Dans le management, l'organisation, le travail
"Décentralisation radicale" : La grande entreprise comme modèle de référence est
remplacée par une myriade de réseaux et d'"écosystèmes", souvent organisés autour
d'un coordinateur qui orchestre la création et la circulation de valeur.
Dans l'innovation
"'Effet Napster' sur la propriété industrielle et commerciale" : La dématérialisation
rend inopérant les modèles classiques de protection et invite à repenser les modèles
d'affaires, ainsi que le rôle de tous les acteurs de la chaine.
"Reprise en mains par les marques et les brevets" : L'action des entreprises installées
parvient à imposer à l'économie immatérielle les conditions de fonctionnement de
l'économie industrielle, figeant également les positions des acteurs.
Sur les marchés
"Economie vraiment durable" : Le numérique se met au service d'une transformation
"durable" de l'économie, au travers d'une évolution des mécanismes de la production,
de la distribution et de la consommation.
"Outillage délibéré de l'"empowerment" des consommateurs" : Les entreprises
accompagnent la montée en puissance des "consommacteurs" en réseau, qui
imposent des transformations dans le fonctionnement des marchés.
"L'Etat hors jeu" : L'Etat cède la place aux entreprises et aux "innovateurs sociaux"
pour assurer un très grand nombre de ses missions historiques. Sa position de
régulateur elle-même est fragilisée par la mobilité et le caractère sans frontières des
marchés.
Quelques sources
Laurent Gille (dir.), Les dilemmes de l'économie numérique, Fyp Editions, 2010