Speckle Interferometry with mid-sized amateur telescope: why not? Florent LOSSE S.A.F. Commission des Etoiles Doubles This talk shows how using interferometry methods provide routinely accurate measurements with a mid-sized amateur telescope. It is illustrated by the implementation of a homemade 410mm telescope dedicated to double stars measurements and highlights the most important practical tips. The results of a 1000 measurements campaign are briefly discussed. As a part of the solutions used during this campaign, a focus is made on the new version of Reduc software including now interferometry reduction routines. This version will be released to the public after the meeting. Interferometría con un telescopio amateur: ¿por qué no? Florent LOSSE S.A.F. Commission des Etoiles Doubles Esta comunicación muestra cómo los métodos de interferometría permiten la obtención rutinaria de medidas de calidad con un telescopio amateur. Este hecho se ilustra mediante el uso de un instrumento de 410 mm de diámetro dedicado a la medición de estrellas dobles y se resaltan los aspectos prácticos más importantes. Los resultados de una campaña de 1000 medidas son brevemente discutidos. Como parte de las soluciones utilizadas en el curso de esta campaña, es remarcable la nueva versión del programa Reduc que ahora incluye técnicas de reducción de medidas interferométricas. Esta versión estará disponible públicamente después del meeting. L'interférométrie des tavelures avec un télescope d'amateur: pourquoi pas ? Florent LOSSE S.A.F. Commission des Etoiles Doubles Cette communication montre comment les méthodes de l'interférométrie permettent l'obtention routinière de mesures de qualité avec un télescope d'amateur. Elle est illustrée par la mise en oeuvre d'un instrument de 410 mm de diamètre dédié à la mesure d'étoiles doubles et met en évidence les aspects pratiques les plus importants. Les résultats d'une campagne de 1000 mesures sont brièvement discutés. Dans le cadre des solutions utilisées au cours de cette campagne, l'accent est mis sur la nouvelle version du logiciel Reduc qui inclut maintenant les techniques de réduction des mesures interférométriques. Cette version sera disponible publiquement après le meeting. Introduction L'interférométrie des tavelures est depuis longtemps l'un des outils préférés des professionnels pour mesurer les étoiles doubles. De très rares amateurs utilisent cette technique lors de missions dans des observatoires (fig.1) mais aucun ne semble s'en servir de façon routinière avec une instrumentation 'classique' d'amateur. On peut distinguer deux grandes classes parmi les instruments mis en oeuvre quotidiennement par les amateurs: - ceux dont la limite de résolution est la plupart du temps fixée par le diamètre - ceux dont la limite de résolution est quasi-systématiquement affectée par l'atmosphère La frontière entre les deux catégories dépend évidemment des conditions d'observation, elle se situe généralement aux environs de 20 à 30 cm de diamètre. Lorsque la turbulence limite la résolution, l'imagerie classique échoue à fournir des images mesurables. L'interférométrie des tavelures apporte t'elle alors une solution aux amateurs comme elle le fait sur les grands instruments ? La réponse est oui. Le but de cette discussion est de vous faire partager d'un point de vue résolument pratique le cheminement qui justifie cette réponse. L'observatoire et le télescope Lorsque j'ai construit mon télescope de 400mm (fig. 2) en 2008 en remplacement de l'ancien T200, mon but était d'obtenir des mesures sur des étoiles doubles relativement faibles (mv ~ 11,12) et dans une tranche de séparation de l'ordre de 1" à 3". Compte tenu des conditions habituelles sur le site, je ne pensais pas à l'époque pouvoir obtenir régulièrement des mesures de qualité sur des séparations plus faibles. L'observatoire est en effet situé à proximité d'un fleuve important et à une altitude de 20 mètres, des conditions loin d'être idéales pour la haute résolution. L'instrument est un télescope de Newton, le miroir principal possède un diamètre optique de 408mm pour une distance focale de 2052.5mm. Le miroir secondaire présente un petit axe de 72.5mm. Les premières lumières profitent d'un ciel exceptionnellement calme et le télescope montre que le pouvoir de résolution angulaire peut être atteint (fig.3). Evidemment c'est très différent dès que les conditions normales sont rétablies et que scintillation, agitation et étalement reprennent leur symphonie. 2009 : mesures avec une caméra Audine La première caméra utilisée sur le T400 est une caméra Audine (fig. 4) équipée d'un capteur KAF400 (matrice 768x512 pixels carrés de 9m de côté). Elle est installée derrière un amplificateur optique Televue 5x, la distance focale résultante est de 11.96 mètres. En utilisant l'imagerie classique (sélection manuelle des meilleures images et shift-and-add) les mesures de couples au-delà de 1"3 sont généralement assez faciles. Avec des couples plus serrés il faut procéder à des tris sévères pour trouver des images mesurables. Utiliser la technique du lucky-imaging nécessite d'enregistrer un millier d'images pour avoir quelques chances de trouver suffisamment d'images correctes. C'est un problème avec l'Audine dont la cadence de lecture est lente. Obtenir 1000 images exige 40 minutes ! Il y a de quoi décourager le plus entêté des observateurs. Le temps d'exposition minimal fixé par l'obturateur de la caméra est de 60ms. C'est trop long pour figer les mouvements rapides de l'atmosphère et cela réduit encore plus les chances de trouver des images exploitables en lucky-imaging. On peut parler ici de miracle imaging! Cependant 60 ms reste suffisamment court pour que l'on perçoive une structure tavelée brouillée par les mouvements les plus rapides de l’atmosphère. Ces nodules sont formés par l'assemblage de plusieurs tavelures du au temps d'exposition trop long ainsi à l'absence de filtrage. Ces "super tavelures" (le terme est emprunté à Christian Buil) portent cependant les informations essentielles sur la position relative des composantes (fig. 5). C'est lors de la réduction qu'interviennent les méthodes de l'interférométrie des tavelures avec plusieurs avantages clés par rapport à l'imagerie classique : Le traitement par autocorrélation autorise la mesure sur ces images inexploitables avec un traitement classique Quelques centaines d'images sont suffisantes, typiquement de 200 à 400 pour obtenir un autocorrélogramme mesurable. On peut visiter environ 4 couples par heure, de quoi redonner courage à l'observateur! Le tri des images s'avère inutile ce qui fait gagner beaucoup de temps pendant la réduction et ôte également toute part de subjectivité dans le choix des images Les mesures sont possibles jusqu'aux environs de 0"6 soit deux fois le pouvoir séparateur du télescope. Travailler en confiance en deçà de cette limite exige par contre d'excellentes conditions atmosphériques. 2010 : mesures avec une Atik314 En 2010, le télescope est équipé d'une caméra Atik 314L+. Comme l'Audine, elle est très répandue chez les amateurs. Le capteur possède une matrice de 1392x1040 pixels carrés de 6.45m de côté. Placée derrière l'amplificateur Televue, le système présente une distance focale résultante est de 11.40 mètres (fig. 6). Cette caméra se montre beaucoup mieux adaptée au travail sur les étoiles doubles : Grâce aux pixels plus petits, l'échantillonnage est fin et la distance focale reste raisonnable La vitesse de lecture est confortable : 3 à 4 images/seconde en définissant une fenêtre de 128x128 pixels au centre du capteur. L’atout majeur est la vitesse d’obturation. Les temps d'exposition sont typiquement de 20 ms pour des étoiles de magnitude 10 Avec ces caractéristiques, on travaille plus près des conditions habituelles de l'interférométrie des tavelures. Les images sont mieux structurées et les tavelures sont fines. Les performances s'en ressentent et 70% des mesures s’effectuent entre 0"3 et 1"5. Les réductions Toutes les réductions sont réalisées avec une version de Reduc dédiée à l'interférométrie des tavelures. Elle implémente les fonctions d'autocorrélation, d'intercorrélation et DVA. Les mesures sont systématiquement effectuées sur l'image d'autocorrélation. L’ambiguïté de 180° sur l’orientation est levée en créant soit une image d’intercorrélation soit une image composite lorsque c'est possible (fig.7). Après le traitement d'une série d'images Reduc fournit l’autocorrélogramme ainsi qu’une série d’images où ce dernier est traité par la soustraction d'un masque médian afin de mettre les pics en évidence. Le masque doit être adapté en fonction de la configuration optique. Avec le T400 à F/D=30, les meilleurs résultats sont obtenus avec des masques de noyau 3x3 et 5x5 (fig.8). Les principales fonctionnalités de la version publique de Reduc sont présentées dans un autre partie. L'étalonnage L'étalonnage reste la pierre angulaire de toute mesure et c'est sûrement le plus problème le plus important pour les installations d'amateurs. Le T400 est sur une monture stable et la caméra reste en place plusieurs mois pendant les campagnes d'observation d'étoiles doubles. Il m'a paru plus solide de procéder à un étalonnage indépendant plutôt que d'utiliser la méthode classique des étoiles étalons. Echantillonnage: Il est déterminé en trois étapes. Dans la première étape la caméra est placée au foyer primaire du télescope et on enregistre des séries d'images de champs stellaires comportant des couples quelconques d'étoiles de magnitudes voisines, séparées de quelques secondes d'arc et d'orientations variées. La deuxième étape consiste à refaire des images de ces mêmes couples en configuration de mesure. Enfin, tous les couples présents sur les deux séries d'images sont réduits en utilisant une valeur d'échantillonnage quelconque (différente de zéro!). Chaque couple présente une séparation df sur les images au foyer et dm en configuration de mesure (càd avec l'amplificateur de focale). Le rapport dm/df fournit le facteur d'échelle entre les deux configurations. En appliquant ce facteur d'échelle on déduit la distance focale de la configuration de mesure. La taille des pixels et la distance focale du miroir sont parfaitement connues. L'échantillonnage est calculé avec la formule habituelle et ne dépend que de ces deux grandeurs physiques connues avec précision. Les données numériques essentielles sont résumées dans le tableau I. Tableau I : Données numériques au foyer et en configuration de mesure Au foyer Caméra Audine Atik 314L Focale Echantillonnage 2052.5 mm 2052.5 mm 0"904/px 0"648/px Avec amplificateur Televue 5x Focale Résultante 11.96m 11.40m Echantillonnage Champ 0"1552/px 0"1167/px 2'x1.3' 2.7'x2' Orientation des images: L'axe est/ouest est déterminé par la méthode des traînées sidérales. La caméra et le train optique sont installées de façon que le seul mouvement possible soit la translation rectiligne nécessaire à la mise au point. L'installation restant à poste fixe, l'étalonnage est effectué sur plusieurs nuits. L'incertitude sur l'orientation de la caméra est de l'ordre de 0°2. Les résultats La campagne d'observation s'est déroulée en deux phases. Les résultats sont résumés dans le tableau suivant II et les mesures détaillées sont publiées dans le n° 75 d'Observations et Travaux. Tableau II: Résultats de la campagne d'observation Période Caméra Nuits Phase I mai/décembre 2009 Audine 75 Phase II février/juillet 2010 Atik 63 Nb de couples 429 579 Nb d'orbitales 41 125 138 1008 166 Les histogrammes (fig.9) montrent l'évolution du programme d'observation. En 2009, les mesures sont d'abord effectuées sur une gamme étendue de séparations afin de valider les procédures. La réduction par autocorrélation permet de s'affranchir partiellement de la turbulence. C'est l'époque des "super tavelures". Avec les limitations du matériel les mesures en dessous de 0"6 restent pratiquement impossibles. En 2010, le matériel est mieux adapté au travail en interférométrie des tavelures. Le programme d'observation est spectaculairement décalé vers les plus faibles séparations. La figure 10 montre la répartition spatiale des o-c obtenus sur les 43 couples orbitaux dont les orbites sont de grade 1 ou 2. Conclusion et projets Après 140 nuits à pratiquer avec ces méthodes, je n'ai trouvé que des arguments favorables à leur l'utilisation : La possibilité d'observer chaque nuit claire sans s'inquiéter de la turbulence L'exploitation optimale de l'instrument La précision des mesures Avec un logiciel adapté les procédures de réduction sont rapides et objectives Au titre des difficultés mais qui ne sont pas des arguments défavorables: Trouver la bonne distance focale qui permet à la fois de séparer les tavelures et de conserver assez de lumière La diffraction atmosphérique: sans filtrage les tavelures s'allongent significativement lorsqu'on observe au-delà de 25° de distance zénithale L'étalonnage qui pourrait être délicat pour une installation mobile Projets : Travailler avec une distance focale plus importante. Utiliser un échantillonnage tel que le disque d'Airy couvre 4 ou 5 pixels afin de diminuer les incertitudes aux très faibles séparations. Utiliser un filtre avec une bande passante de 100nm centré sur le maximum de sensibilité de la caméra devrait également permettre de travailler efficacement à de grandes distances zénithales. Ce qui est remarquable c'est qu'il n'est pas nécessaire d'utiliser des caméras haut de gamme ou de dernière technologie pour travailler de façon routinière au pouvoir de résolution. C'est sûrement la leçon la plus importante que je retiens de cette expérience. Les amateurs qui possèdent un télescope de 30 à 50 cm de diamètre éprouvent parfois une certaine frustration de se voir limités par l'atmosphère. L'application des méthodes tirées de l'interférométrie des tavelures leur offrira les plus grandes satisfactions ! Références: - Bagnuolo, W.G., 1992, Absolute Quadrant Determinations from Speckle Observations of Binary Stars, AJ Vol. 103 - Buil, C., 1989, Astronomie CCD. Société d'Astronomie Populaire, Toulouse - Gili, R, Agati, J.L., 2009, Measurements of double stars with the 76 cm refractor of the Côte d’Azur observatory with CCD and EMCCD cameras, Observations & Travaux 73 Hartkopf, W.I. & Mason, B.D., & Worley, C.E. 2001a, Sixth Catalog of Orbits of Visual Binary Stars Hartkopf, W.I., Mason, B.D., Wycoff, G.L., & McAlister, H.A., 2001b, Fourth Catalog of Interferometric Measurements of Binary Stars Losse F., Reduc, logiciel de réduction: http://www.astrosurf.com/hfosaf/ Losse F., 2010, Double Stars Measurements : 2009-2010 Campaign, , Observations & Travaux 75 Trégon, B., Castets, M., Double stars measurements using speckle interferometry with the t60 at pic du midi observatory, Observations & Travaux. 73 Turner, N., 2004, Speckle Interferometry for the Amateur in Argyle, B. Observing and Measuring Visual Double Stars, Springer-Verlag Turner, N.H., Barry, D.J., & McAlister, H.A., 1992, Astrometric Speckle Interferometry for the Amateur, IAU Colloquium 135, ASP Conference Series, Vol. 32 fig. 1: Quelques amateurs s'intéressent à l'interférométrie des tavelures pour mesurer les étoiles doubles: Gili à Nice sur la grande lunette de 76cm (arrière-plan), Bath en Namibie sur le Cassegrain de 50cm de l'IAS (à gauche), Romero sur un Schmidt Cassegrain de 40cm (Observatorio Astronomico de Cantabria, au milieu), Trégon et Castets au Pic du Midi sur le 60cm de l'AT60 (à droite). fig. 2. Le télescope de 408 mm. fig. 3. COU 407 (0"4) est la première étoile double filmée par le T400 fig.4: La caméra Audine fig. 5: Gamma Virgo filmé avec la caméra Audine en 2009. Les images sont inexploitables avec les techniques classiques de shift and add. Le traitement par autocorrélation rend la mesure très facile. fig. 6: La caméra Atik 314L et l'amplificateur Televue 5x installés dans la configuration de mesure d'étoiles doubles. fig. 7: BU 1127. A gauche l'autocorrélogramme sur lequel est effectuée la mesure. Au milieu: la différence d'intensité des pics issus de l'intercorrélation indique l'orientation du couple comme on la retrouve en imagerie classique à droite fig.8: A gauche, les pics sont difficilement visibles sur l'autocorrélogramme. Ils sont mis en évidence en utilisant un masque médian 5x5 fig. 9: Nombre d'observations en fonction de la séparation fig. 10: Diagramme des résidus sur 43 couples orbitaux de grade 1 ou 2. Le carré en trait discontinu fait la taille d'un pixel (0"12 x 0"12)