Introduction
L'interférométrie des tavelures est depuis longtemps l'un des outils préférés des professionnels
pour mesurer les étoiles doubles. De très rares amateurs utilisent cette technique lors de
missions dans des observatoires (fig.1) mais aucun ne semble s'en servir de façon routinière
avec une instrumentation 'classique' d'amateur.
On peut distinguer deux grandes classes parmi les instruments mis en oeuvre quotidiennement
par les amateurs:
- ceux dont la limite de résolution est la plupart du temps fixée par le diamètre
- ceux dont la limite de résolution est quasi-systématiquement affectée par l'atmosphère
La frontière entre les deux catégories dépend évidemment des conditions d'observation, elle
se situe généralement aux environs de 20 à 30 cm de diamètre.
Lorsque la turbulence limite la résolution, l'imagerie classique échoue à fournir des images
mesurables. L'interférométrie des tavelures apporte t'elle alors une solution aux amateurs
comme elle le fait sur les grands instruments ? La réponse est oui. Le but de cette discussion
est de vous faire partager d'un point de vue résolument pratique le cheminement qui justifie
cette réponse.
L'observatoire et le télescope
Lorsque j'ai construit mon télescope de 400mm (fig. 2) en 2008 en remplacement de l'ancien
T200, mon but était d'obtenir des mesures sur des étoiles doubles relativement faibles (mv ~
11,12) et dans une tranche de séparation de l'ordre de 1" à 3". Compte tenu des conditions
habituelles sur le site, je ne pensais pas à l'époque pouvoir obtenir régulièrement des mesures
de qualité sur des séparations plus faibles. L'observatoire est en effet situé à proximité d'un
fleuve important et à une altitude de 20 mètres, des conditions loin d'être idéales pour la haute
résolution.
L'instrument est un télescope de Newton, le miroir principal possède un diamètre optique de
408mm pour une distance focale de 2052.5mm. Le miroir secondaire présente un petit axe de
72.5mm. Les premières lumières profitent d'un ciel exceptionnellement calme et le télescope
montre que le pouvoir de résolution angulaire peut être atteint (fig.3).
Evidemment c'est très différent dès que les conditions normales sont rétablies et que
scintillation, agitation et étalement reprennent leur symphonie.
2009 : mesures avec une caméra Audine
La première caméra utilisée sur le T400 est une caméra Audine (fig. 4) équipée d'un capteur
KAF400 (matrice 768x512 pixels carrés de 9m de côté). Elle est installée derrière un
amplificateur optique Televue 5x, la distance focale résultante est de 11.96 mètres.
En utilisant l'imagerie classique (sélection manuelle des meilleures images et shift-and-add)
les mesures de couples au-delà de 1"3 sont généralement assez faciles. Avec des couples plus
serrés il faut procéder à des tris sévères pour trouver des images mesurables. Utiliser la
technique du lucky-imaging nécessite d'enregistrer un millier d'images pour avoir quelques
chances de trouver suffisamment d'images correctes. C'est un problème avec l'Audine dont la
cadence de lecture est lente. Obtenir 1000 images exige 40 minutes ! Il y a de quoi décourager
le plus entêté des observateurs.
Le temps d'exposition minimal fixé par l'obturateur de la caméra est de 60ms. C'est trop long
pour figer les mouvements rapides de l'atmosphère et cela réduit encore plus les chances de
trouver des images exploitables en lucky-imaging. On peut parler ici de miracle imaging!