Julien Bourlon : 2009-03-07

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L’Ouzbékistan, le communisme et l’argent du pétrole (Julien Bourlon : 2009-0307)
Après l’Inde, Marc rentra de nouveau à San Francisco mais cette fois, il ne resta que trois mois avant de repartir pour
une nouvelle destination. Le jeune homme avait retrouvé sa soif de connaissance et il voyait la trentaine approchante
comme une faux qui allait lui retirer une part de sa jeunesse. Tous les grands hommes se sont révélés jeunes et s’il
voulait appartenir à ce groupe, il devait agir rapidement.
Le nouveau pays fut l’Ouzbékistan, pays d’Asie centrale sur la route de la soie. Marc choisit cette destination pour au
moins deux raisons : son ancienne capitale, Samarcande, avait une connotation magique et le pays avait fait partie
de l’URSS. Outre les quatre-vingt millions de morts des régimes communistes, Marc voulait voir quel était le bilan
économique du communisme dans un pays partant de rien.
Marc fut charmé par ce pays où il reçu un accueil particulièrement chaleureux notamment dans la partie non
touristique de la vallée de Fergana. Les échanges nombreux qu’il eut avec la population et le nombre incroyable de
policiers qui représentaient un quart des emplois lui permirent de comprendre le régime politique qui existait depuis
1991, date de l’effondrement de l’URSS. Une dictature dirigeait d’une main de fer les vingt-sept millions d’Ouzbeks.
Rien n’était possible pour cette jeunesse dont les autorisations de sortie du territoire étaient faibles. Ils étaient
nombreux à vouloir émigrer aux Etats Unis car il n’y avait pas d’emploi en Ouzbékistan et la corruption était
colossale. Une voiture achetée dans le pays voisin à six mille dollars, était revendue onze mille dollars car il fallait
payer tous les intermédiaires et notamment le régime politique.
Marc aimait ces gens et il voulait sincèrement les aider. Mais que pouvait-il faire ? Bien sûr il repensait à Hope, ce
pays dont Michel lui avait parlé et qu’il était censé créer. Dans un tel endroit, ces gens sans avenir pourraient
immigrer et connaître une vie meilleure. Il n’avait pas le droit d’abandonner ces gens ! Il devait faire quelque chose et
ce quelque chose allait être Hope.
Marc se demandait comment le régime totalitaire occupait sa population pour l’asservir. Il regarda donc l’activité de
ce peuple est constata que l’Islam avait tout envahi en l’espace de quinze ans. Sa pratique, interdite à l’époque
communiste, était désormais adoptée par cent pourcents des jeunes. Ils s’épiaient les uns les autres pour être sûrs
que les règles strictes et envahissantes de l’Islam soient suivies par tous.
Comment en quinze ans, une religion qui avait disparu était revenue aussi vite et aussi forte ? La première raison
était culturelle avec une islamisation de cette partie du monde vieille de treize siècles, la deuxième raison est
l’absence de distraction pour ces gens qui n’ont pas de liberté et l’islam est donc leur échappatoire. La troisième
raison est l’argent de l’Arabie Saoudite qui investit des milliards de dollars chaque année pour étendre l’Islam au
quatre coins du monde. Pourquoi donne-t-elle autant d’argent ? Premièrement ce pays arabe possède la Mecque,
lieu où chaque Musulman doit aller au moins une fois dans sa vie car c’est un des cinq piliers de l’Islam. Chaque
voyage lui rapporte de l’argent et elle peut donc espérer un retour sur investissement pour chaque dollar investi pour
islamiser le monde. Deuxièmement qui oserait attaquer à la sécurité de l’Arabie Saoudite, terre sacrée de l’Islam qui
compte plus d’un milliard de fidèles ? Les arabes de ce pays se considèrent d’ailleurs comme l’élite des musulmans
du monde, ils sont persuadés que les autres musulmans les défendraient…
Aussi paradoxale que cela soit, la dictature Ouzbek a dû apprécier le travail de l’Arabie Saoudite qui a fourni cette «
opium » à son peuple. Marc n’avait rien contre les religions qui aident des milliers de gens à améliorer leur existence
pourtant il détestait cette islamisation. Grâce au formidable accueil des Ouzbeks qui est un peuple ouvert avec un
sens de l’hospitalité millénaire, il avait pu visiter les Madrasas. Ce sont les écoles où on apprend le Coran et Marc fut
choqué du programme éducatif où jamais il n’était question de biologie, de science ou d’apprentissage de la méthode
scientifique basée sur l’expérimentation. Tous ces millions d’élèves allaient recevoir un lavage de cerveau intégral
car dès leur plus jeune âge, ils allaient apprendre le dogme, la vérité révélée qu’il ne faut jamais remettre en
question. L’ombre de l’ignorance avait envahi l’Ouzbékistan.
Comment lutter contre ça ? se demanda Marc. Dans les pays occidentaux l’école laïque permet d’apprendre à
réfléchir. Mais comment pouvait-on faire venir des millions d’Ouzbeks à Hope et leur apprendre la liberté de penser ?
Marc sourit car il se mit à penser à Michel, son ami le prophète. Celui-ci avait toujours une longueur d’avance. Le
seul moyen vraiment efficace de lutter contre une religion est de proposer une nouvelle espérance. C’est ce que
Michel proposait ! Marc aimait cette nouvelle religion compatible avec l’état de l’art des sciences et qui remet
l’homme dans une position intermédiaire vers une complexité croissante. Le sacré n’existe plus vraiment et on loue la
science qui permettra d’atteindre une nouvelle étape de complexité… Bref il faut se remettre en question et il n’y a
plus de dogme, chose rare pour une religion !
Si le premier besoin auquel Hope allait répondre était de donner une chance à tous les gens nés dans des dictatures,
le deuxième serait de leur apprendre la liberté de penser. C’est indispensable car l’ignorance des fanatiques est
d’une rare violence.
Au cours de son voyage de trois semaines, Marc fut marqué par les éloges du peuple envers son voisin russe et son
président Vladimir Poutine. Cela était compréhensible car tout ce qui fonctionnait en Ouzbékistan datait de l’époque
soviétique et un régime dictatorial encore plus dur avait pris le relais du régime de Moscou. Toutes les infrastructures
du pays commençaient à tomber en désuétude car les écoles coraniques n’expliquent pas comment on entretient
une route ou le réseau d’électricité. Si ces facteurs pouvaient expliquer l’amour des Ouzbeks pour les russes, Marc
avait été impressionné par l’efficacité du régime communiste à créer les infrastructures. Celui-ci avait construit en
quarante cinq jours un canal gigantesque qui permettait d’irriguer les cultures pour nourrir des millions d’Ouzbeks et
produire du coton pour l’exportation. C’est ce canal qui est responsable de la disparition de la mer d’Aral dont l’eau
qui s’évapore n’est plus remplacée par l’eau des fleuves. Cette expérience montrait à Marc que pour appliquer des
méthodes déjà connues, le système planifié de l’économie communiste pouvait être beaucoup plus efficace que le
système d’une économie capitaliste. Dans sa phase de création, Hope allait avoir une économie dirigée car cela
permettrait de créer les premières entreprises, de former les gens en leur donnant tous un métier et de créer les
immeubles, routes, réseaux… Les hommes maîtrisent ces technologies éprouvées et la construction des villes
nécessite de suivre des procédures déjà écrites. Bref le système de l’économie dirigée, cher aux communistes, est
parfait pour démarrer !
Marc rentra ravi de son voyage en Ouzbékistan. Dans la tête il pensait déjà à ses nouvelles destinations car il
apprenait énormément en se confrontant au monde. Il savait déjà qu’il en finirait bientôt avec San Francisco et de sa
vie de bon travailleur libertin.
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