Table d’échanges organisée par le Smes et la LBFSM le 19 mai 2008 Thème : Questionner les pratiques de professionnels travaillant avec des personnes en grande souffrance psychique et grande précarité sociale et qui n’ont pas de demande. Discussion de la table d’échanges du 19 mai 08 restructurée autour de 6 thèmes transversaux. L’aspect législatif. Introduction sur la loi de protection de la personne malade mentale par le docteur S. Zombek : S. Zombek retrace brièvement les enjeux et les procédés de la mise en observation. Il fixe de la sorte les balises de la discussion. Il souligne une réelle difficulté à définir la population cible et pointe que la loi de 1990 sur la protection du malade mental mène à quelques réflexions et initiatives remarquables; par exemple, la volonté de rompre avec les perspectives asilaires et la création d’habitations protégées. S. Zombek rappelle les conditions d’application de la loi relative à la mise en observation : 1- être malade mental çàd être attteint d’une maladie qualifiée par le texte de grave, évolutive et continue. La crise ne constitue pas un élément pertinent. 2- notion de dangerosité : il faut que la sécurité de la personne ou d’autrui soit mise à mal par les comportements de la personne. 3- La mise en observation est envisagée à « défaut de tout autre traitement approprié », il s’agit donc d’avoir examiné les autres possibilités avant de recourir à cette mesure. Serge Zombek questionne la notion de refus de soin : est-ce que l’absence de demande est un refus de soin ? Il met en garde de ne pas confondre valeurs sociales, culturelles ou religieuses avec la « maladie ». Il conclut en s’interrogeant sur l’ « échec » du réseau lorsque les professionnels n’ont d’autres alternatives que la mise en observation et les procédures d’urgence. Les professionnels du réseau ont-ils construit les outils de cette alternative ? Ont-ils posé les moyens de cette alternative ? Cette alternative impose-t-elle un projet de soin ? L’objectif du dispositif de la mise en observation ne serait-il pas sa disparition par la mise en œuvre des alternatives ? Interventions des participants : - En Ecosse, il existe une loi légiférant sur les soins ambulatoires obligatoires/ sous contraintes. Elle pourrait peut-être permettre de prévenir la mise en observation et la crise ? Le nombre de mise en observation a diminué en Ecosse depuis l’application de la loi. - Les objectifs de la loi écossaise sont de réduire les hospitalisations mais cette loi n’est pas forcément à rejeter. Distinction à effectuer entre personnes vulnérables et personnes sans-abris : Ces personnes ont d’autres réseaux, posent d’autres problèmes, les deux « types » de personnes doivent être vus différemment. Solutions et propositions à envisager : administration de biens ; adoption d’une certaine philosophie de l’errance. Il semble que certaines personnes aient besoin d’errer et les 1 institutions constituent des points de repère. Remarque sur la pensée de P. Declerck : la clochardisation n’est souvent pas considérée comme une pathologie par les hôpitaux psychiatriques, elle est vue comme l’unique conséquence d’un délétère processus d’origine sociale. - On retrouve plusieurs types de problématiques : celles des personnes souffrant de « maladie mentale » dûment étiquetée, des personnes n’ayant jamais été insérées et un entre-deux. Opposition à l’idée d’un suivi ambulatoire obligatoire proposé de manière si évidente. Les mesures de post-cures sont à exploitées. Considération autour de la liberté qu’il reste aux personnes de délirer, vestige de liberté. - Danger de proposer de nouvelles choses alors que mauvaise utilisation de ce qui existe déjà sur le terrain. 3 problèmes repérés : 1- où sont les limites avec la psychopathie ? L’abus de drogue mène à certains comportements qui se modifient dès lors que la prise de toxiques se modifie aussi, idée qu’alors il est possible de travailler. 2- problématique de l’alcool. 3- enjeux par rapport aux réfugiés, il ne faudrait pas que la psychiatrie devienne le cache-sexe de la politique. Les lieux où se déposer - Beaucoup de personnes ne parviennent pas à s’accrocher à leur logement, à le payer,… et atterrissent dans la rue où elles rencontrent de nombreux blocages institutionnels : liste d’attente maisons d’accueil, logement autonome trop cher, problèmes avec le propriétaire, pas assez malade pour être hospitalisé, médication difficile à suivre quand on est à la rue. Interrogation sur la nécessité de créer autre chose. - Proposition de créations de lieux où les gens peuvent déposer leurs bagages, se déposer, sans délais ; proposition de création de places bas seuil pour lesquelles il n’y aurait pas de projets de réinsertion sociale, pas d’obligation de traitement.. - Pas forcément de problèmes mentaux mais gros problèmes sociaux. Question de l’accueil des gens. - Expérience personnelle relatant le passage par la rue, l’exclusion et l’attente très longue pour obtention d’un logement social. - Réaction à la proposition de prévoir des lits (bas seuil) dans les maisons d’accueil pour des personnes dites psychotiques ; que faire alors des personnes avec d’autres problématiques et vivant en rue ? Méthodes d’approche des personnes sans demande - Questionnement par rapport au désir de l’intervenant, volonté que le patient nous ressemble. Voir le patient à son domicile, c’est le devoir du psychiatre ou du psychologue de commencer l’amorce du lien, commencer une aide minimale. - Question de la réhabilitation individuelle pas uniquement réhabilitation sociale chez des personnes soi-disant dans le refus. A Amsterdam, certains paient le patient pour qu’il vienne parler au psychiatre. Ca marche pour un premier contact. Technique du 2 « Bemoiezorg » (Hollande), équipe arrivant chez les personnes en rue. L’ « approche de présence » développe notamment l’idée de quitter ses attentes de professionnels pour nouer un contact humain. Approches illustrant la tentative d’être créatif dans plusieurs domaines d’intervention et base du travail de rue. A partir de ces repères se construit un travail à long terme, rien ne se construit dans l’urgence. Remarque sur le fait que le sentiment d’impuissance est aussi une manière d’entrer en relation. Situation rapportée par l’intervenant où l’intervention a lieu sans demande de la personne. L’intervenant a poussé une personne dans l’ambulance. Cela pose question du point de vue éthique mais la personne est venue à sa sortie d’hôpital pour remercier l’intervenant. Autre exemple où une personne refusait toute alimentation, scandale public autour de cette personne, finalement mise en observation, mesure levée après 24h mais un infirmier parlait la langue de la personne et une amorce de lien a pu être envisagée. « Pour faire réfléchir ce n’est pas toujours ce que l’on pense ». - Idée d’un « trop de psychiatrisation » en Belgique. Les patients doivent se soumettre à des projets thérapeutiques, on active le réseau. On assiste à la transformation de l’Etat social en Etat réseau. Pour ne pas aboutir à une prise en charge obligatoire en ambulatoire, dans quelles mesures au terme des projets thérapeutiques, ne faudrait-il pas avoir une sorte de « case-manager » çàd offrant de la sorte une possibilité de suivi individuel de chaque patient pour éviter qu’ils retournent dans la rue ? - Dans quelles mesures les professionnels portent-ils une responsabilité dans la possibilité de traiter les gens ? Vignette clinique Une personne hébergée à l’asile de nuit Pierre d’Angle refuse absolument tout. Personne ingérable à l’hôpital, sent mauvais, se fait battre par les autres personnes, … L’intervenante souligne qu’elle aurait souhaité avoir un contact avec d’autres intervenants pour tenter de le suivre. La mise en observation a déjà été tentée. L’usager a un administrateur de biens. Les professionnels ne gèrent plus la personne. Dernier objectif des professionnels : ne pas se laisser déborder par cet usager. - Remarque sur le fait que la mise en observation vient en dernier recours, quand plus aucune solution ne semble possible. Idée que les usagers savent à qui ils adressent leur demande, ils déposent des choses différentes en fonction des services, ex : « si maison d’accueil, il faut que j’ai un projet ». Idée que notre positionnement professionnel dépend aussi d’autres institutions ce qui alimente la difficulté à travailler ensemble - Pour ce public fragile, en grande précarité, il est impossible de trouver une réponse en tant que professionnel isolé. Si on ouvre le réseau au public, on accepte d’aller vers les gens. Méthodes à développer. Aller vers des propositions comme celle du « casemanager » permettrait de garder les personnes en vue, sinon elles disparaissent. Nécessité de développer une méthode d’approche, faire appel aux soins à domicile. A développer ensemble. - Proposition d’utiliser les lieux par lesquels les personnes vivant à la rue passent (par exemple Interstice, Lila, Psykot, Prisme). Poverello a mis en place une consultation médicale. Proposition de travailler avec des personnes qui suivent l’errance/ le circuit des SDF. 3 - Réaction par rapport à Poverello : c’est uniquement pour les plus de 50 ans, s’ils ne connaissent pas la personne, ils ne l’acceptent pas, de nombreuses personnes ne veulent pas y aller parce que les locaux ne sont pas correctement entretenus (déjections sur les murs). Importance d’un minimum de respect ! Dans certaines institutions, la base du respect est manquante. Souhait de développer un projet de relation à partir de là où en est la personne, en rangeant les idéaux de réinsertion, développer l’écoute, l’accueil, la recherche de significations subjectives des comportements des personnes. Si la non-demande est du côté médical ou social, elle n’est pas du côté humain. - Témoignage de l’importance des groupes de soutien et d’entraide d’usagers de la santé - Evocation d’une personne vivant en rue depuis 6 ou 7 ans, qui passe par plusieurs institutions et n’a pas forcément envie de s’ancrer quelque part. Les professionnels se décarcassent pour éviter que cette personne ne tombe malade, n’aie pas trop froid ; proposition de venir boire un café, lien est établi avec le psychiatre SSM de St-Gilles. Est-ce que la solution est de le forcer ? Quelle maison d’accueil le prendrait comme il est ? Entourage primaire - Remarque sur le souci énoncé des familles par rapport à la situation de leurs proches. Certaines situations deviennent problématiques parce que la famille est amenée à proposer une mise en observation. Les proches, à tort, ne sont plus perçus comme des personnes-ressources. Soutien de l’idée de l’appel au réseau primaire, le réseau n’est pas assez interpellé. En tant que professionnel, cela fait partie de notre fonction. L’interpellation au réseau n’est pas non plus toujours souhaitée ou souhaitable. Dans quelle mesure en faisant appel à ce réseau on pourrait éviter une mise en observation. ? Les intervenants de Similes se sont rendus compte qu’il y avait beaucoup de refus lorsqu’on abordait les choses sous l’angle médical, ils le présentent donc comme une aide sociale de proximité. Ils interrogent la personne sur ce qui est difficile pour elle. Ces intervenants privilégient une façon d’accompagner les personnes dans leurs démarches réponde à leur demande. Cela permet parfois une autre approche. - Les familles ont parfois l’impression d’être sollicitées uniquement pour l’aspect financier. Elles ont vécu des situations de mise en observation sans savoir de quoi il s’agissait. Elles demandent d’être alliées à la post-cure, de ne pas être requérantes. Si on donne des informations sur l’accompagnement celui-ci peut-être perçu comme moins traumatisant. Politique - On dénonce la mise en observation, parallèlement à ce dispositif, on proposerait de mettre en place un suivi ambulatoire obligatoire, il s’agit toujours de mesures coercitives. On est toujours confronté à la question de la réflexion sur soi et sur ses propres représentations. Remarque sur la raréfaction des moyens, sur la création de projets de plus en plus spécifiques pour aller chercher certaines personnes, plus on professionnalise, plus on oublie les proches qui suppléaient depuis longtemps. 4 Remarque aussi sur un glissement sémantique de la santé mentale : il y a en filigrane quelque chose de l’ordre du « n’être plus capable » et de là on glisse vers la maladie mentale. La mise en observation est une violente privation de liberté. Certaines choses peuvent être garanties si nous gardons à l’esprit la protection de la liberté des patients. L’intervenant redit l’importance des post-cures que la personne peut décider de stopper. La question de l’urgence empêche parfois les professionnels de garantir la liberté des patients. - Idée que les services sociaux n’ont plus les mêmes moyens d’aider. - La question de la condition d’accès aux soins pour les personnes en rue, importance d’aller vers les personnes et de les prendre là où elles en sont. D’un point de vue statistique, les pauvres sont mis plus souvent en observation que des gens plus favorisés. Quels choix d’affectation des moyens faisons-nous ? Remarque sur le fait que tout un chacun participe de la psychiatrisation de l’espace sociétal. - Remarque sur l’affectation des moyens. Les SSM font le boulot de psychiatres privés. - On parle de liberté mais la mise en observation est une privation et un traumatisme. Comment pourrait-on imaginer réguler les soins ambulatoires obligatoires ? Une personne qui par exemple a son propre logement mais ne sait pas comment se débrouiller. Elle pourrait se retrouver dans des angoisses terribles, seule, enfermée chez elle. Dans quelle mesure de l’ambulatoire obligatoire est une moindre atteinte à la liberté que la mise en observation et pourrait prévenir celle-ci ? Grande inquiétude par rapport aux gens que l’on retrouve en rue, sans demande adressée à l’autre ; intérêt pour la mise en place de suivi social mobile. - Remarque sur le manque de structures par rapport à un problème grandissant, de plus en plus de gens se trouvent dans des situations de précarité et si il n’y a pas de lieux pour qu’elles se posent, les personnes se dégradent vite. - Vignette clinique : Couple se séparant parce que pas possible de cumuler 2 minimex, il y a des productions sociales qui détériorent les enfants, les couples,… De plus, constat qu’il y a de plus en plus de jeunes. Impression de la part des intervenants que cela n’ira pas mieux ! Importance de la mise en commun des expériences pour critiquer le système en profondeur. Importance de l’idée de renvoyer une analyse commune des difficultés de terrain - Problématique européenne, constat que le tissu social se délite, n’existe plus. 78 millions de personnes risquent l’exclusion ou sont dan des situations d’exclusion. - Tout le monde a droit au logement parallèlement aux quelques 1500 logements vides à Bruxelles *** 5