CONSULTER UN PSY 1. Quand et pourquoi. « Tout bien portant est un malade qui s’ignore ». Les progrès actuels de la médecine et de l’information médicale ont largement amoindri le contenu satyrique de cette réplique du « malade imaginaire » de Molière. Personne ne se pose plus vraiment la question de savoir « quand et pourquoi » consulter son médecin traitant. Le domaine des maladies mentales est resté longtemps marginalisé exerçant un intérêt autour de la fascination-répulsion. Aujourd’hui, la santé mentale est dans une situation comparable à la santé physique tant l’offre et la qualité des soins ont progressé. Pourquoi évoquer le domaine médical en parlant du « psy »? Parce qu’il s’agit de votre santé tout simplement. Pour l’OMS, bien être physique et moral sont indissociables à la définition d’un bon état de santé. Le terme de santé reste suffisamment générique pour englober l’ensemble de nos tracas. Sans doute trop générique. Il sert même à vendre des légumes ou des jus de fruits. Néologisme merveilleux que l’ « alicament ». Contractant aliment et médicament, il énonce simplement que bien se nourrir est nécessaire à un bon état de santé ! Il devient alors simple de traduire le bien se nourrir sous la forme de bons aliments et d’en faire un argument de vente pour un produits « bon pour votre santé ». Il ne s’agit pas là de vendre ou de promouvoir le « psy » en définissant un idéal « bien être » hors d’atteinte. Non, le bien être mental n’est pas un état de bonheur ou de plénitude. Il traduit plus un « bon état de marche », des capacités d’adaptation, d’ajustement, de projection dans l’avenir ou encore plus simplement la capacité d’éprouver des émotions et de les intégrer. Le cardiologue est sollicité pour un infarctus du myocarde mais aussi pour des palpitations sans gravité. Le « psy » évaluera une pathologie psychotique sévère comme il peut être amené à aider un patient dans une problématique de développement personnel sans réel retentissement dans son quotidien. De nombreux patients se posent la question de la légitimité de leur état de détresse : « Cela ne se voit pas, si j’avais une vraie maladie au moins, on ferait attention à mon état ». Le cerveau reste un organe à part, complexe dans son exploration, insaisissable ou presque dans son fonctionnement. Il n’existe pas actuellement d’examens permettant de démontrer la réalité ou la sévérité d’une dépression ou d’une anxiété. Et pourtant, il n’existe pas la psyché (disons le mental) d’un coté et soma (disons le physique) de l’autre. Votre cervelle est bien ancrée dans votre crane et répond aux mêmes lois physiologiques que le reste de votre organisme. Son étude fait appel aux domaines des neurosciences, mais aussi de la psychologie, de la sociologie voire même de la philosophie. C’est là, la richesse et la singularité de la formation des « psys » : une ouverture d’esprit alliant pragmatisme et intuition. Cette organe si évolué et tellement mystérieux dans son fonctionnement peut présenter des troubles et des dysfonctionnements qui se traduiront par des symptômes physiques mais aussi par des symptômes « fonctionnels » touchant la pensée et/ou le comportement. Le bien être ressenti reste alors l’élément déterminant du moment de votre consultation. Sans savoir pourquoi, la vie n’est pas tout à fait ce qu’elle devrait être. A partir de quels moments le doute devient excessif, la tristesse pathologique ou encore la représentation de soi et des autres inadaptée ? Soyez simple. Le bon sens et la raison doivent vous y aider. Ecoutez-vous ! Ecoutez votre entourage ! La question posée est la suivante : « suis-je encore en bon état de marche ? ». Aux « psys » d’explorer avec vous votre ou vos difficultés et de vous proposer une orientation. Il s’agit avant tout d’aide, de soutien et de compréhension. « Il y a un avant et un après… » : des troubles réactionnels Le bon sens de vos proches, de vos collègues de travail ou la remarque bienveillante de votre gardienne d’immeuble contribuent souvent à cette prise de conscience « je ne tourne plus vraiment rond ». Ils ne savent pas. Comment pourrait-on vous connaître au point de déceler en vous une problématique dépressive, anxieuse ou pire encore « hystérique ». Non, vous n’êtes pas un malade mental qui s’ignore. Il s’agit simplement de signaux d’alerte que l’on peut facilement entendre mais parfois plus difficilement écouter. C’est un problème essentiel. La tolérance à la souffrance morale est tout aussi variable d’un sujet à l’autre que dans le domaine de maladies somatiques. Certains consultent au moment d’un éternuement, d’autres attendent la pneumonie. Certains consulteront en désespoir de cause d’autres pour de simples conseils de vie. Cela dépendra de très nombreux éléments dont au moins deux méritent que l’on en parle : la réactance et la résistance. Entre refus de consultation explicite (« je ne suis pas fou », « les psys sont plus fou que leurs patients ») et implicite (« je n’en ai pas le temps », « je vais téléphoner »), vous négligez cette possibilité d’être aidé. Il s’agit d’une attitude fréquente et stéréotypée reposant sur un mécanisme de pensée que l’on connaît bien en psychologie sous le nom de loi d’attribution. Cette loi repose sur la notion de stabilité (« rien ne changera ») et de globalité (« cela est vrai pour tout »). Vous connaissez maintenant ce biais de raisonnement. Dés lors, l’étonnement de votre gardienne d’immeuble à votre mine renfrognée, l’agacement de votre patron dans votre manque de motivations, l’inquiétude de votre mère concernant votre manque d’appétit trouveront un écho en vous différent. Il permet d’identifier une rupture, un « avant/après ». Le questionnement ne devrait plus être « à qui la faute ? » mais « comment faire ? ». Il est temps de consulter le « psy », de déposer les armes afin d’approcher les causes de ce changement et d’y trouver un remède. « Je ne me souviens pas vraiment avoir ressentie un bien être… » : des troubles chroniques « On se défait d’une névrose, on ne se guérit pas de soi » rapporte Sartre. Sans débattre du bien fondé du concept de névrose, la pensée de Sartre traduit la permanence d’un gout d’inachevé, d’un sentiment d’incomplétude. D’un « quelque chose » en dehors de soi qui bride notre fonctionnement. Il s’agit bien souvent d’un trouble psychopathologique ancien qui s’est pérennisé. L’adaptation n’a pas été efficiente et nous a conduits à une certaine fatalité. On prend l’habitude de vivre avec. Nombres de patients présentant un trouble obsessionnel compulsif ou un trouble anxieux ont présenté leurs premiers symptômes dés l’enfance ou l’adolescence. Ces premiers symptômes sont peu ou pas manifestent au début. Leur éclosion dépendra largement du mauvais génie évolutif de la maladie mais aussi de notre construction de vie. On ne se réveille pas un matin « vérificateur compulsif », on ne se découvre pas un beau jour « narcissique » ou « dépendant ». Pour autant tout n’est pas joué! Nous ne sommes pas que le produit d’une histoire mais aussi les conséquences de nos actes. Ce n’est pas un tas de racines qui font un arbre, mais l’arbre qui fait ses racines. Il n’est jamais trop tard. Il est toujours temps de consulter le « psy » afin d’analyser votre « rapport à la vie » et de simplifier celui-ci. « Ca va, mais cela pourrait aller mieux… » : du droit au bonheur Non. Pour paraphraser Jules Renard dans le « Dr Knock », une bonne santé n’est pas un état temporaire qui ne présage rien de bon. Se centrer sur soi surtout sur un plan psychologique peut conduire à une introspection douloureuse. Prenons un exemple simple, nous recevons un cadeau inattendu de notre amoureux, la joie et l’étonnement sont au rendez-vous. Parfois, la colère s’invite en nous : « Non, je ne mérite pas une telle attention ». Le bonheur ressenti, la culpabilité et le manque de confiance se mêlent pour construire un sentiment complexe. La vie est simple, mais l’existence peut parfois être bien compliquée. On décrit habituellement cinq émotions de bases : la peur, la colère, la tristesse, l’étonnement et la joie. C’est peu, me direz-vous ? Vous avez raison ! Seulement cinq notes émotionnelles de base mais sur lesquelles se construisent une mélodie des sentiments tellement riche et complexe. Sans être dysharmonique ou inadaptée, cette partition émotionnelle peut donner une « musique intérieure » dérangeante. D’autant plus dérangeante qu’elle se confronte au droit au bonheur revendiqué par nos sociétés occidentales. Dès lors, l’appauvrissement émotionnel nous guette. Ne ressentir que la joie et aucunes émotions négatives? Non, la vie est une prise de risques. Il n’existe pas de principe de précaution pour cette exploration. Une évaluation est toujours possible par le « psy» pour retrouver cette richesse émotionnelle. Il s’agit pour le professionnel de provoquer une prise de conscience, après cette évaluation, qui élimine un trouble psychopathologique sérieux ou un trouble encombrant de la personnalité. Vous restez l’auteur-compositeurinterprète de cette mélodie. Sans être un chef d’orchestre, le « psy » reste seulement un mélomane averti. Consulter un « psy » s’inscrit dans une exploration du développement personnel comme on peut le faire en souhaitant atteindre une bonne hygiène de vie. 2. Comment choisir ? Bien difficile de se repérer tant l’offre de soins est importante. Il n’existe pas à proprement parler de hiérarchie entre « psys ». Il faut plutôt évoquer une complémentarité de leurs domaines de compétences et d’interventions. Dés lors peu importe les références théoriques employées par le « psy », leur qualité de médecin ou non. En fonction de son évaluation et de vos demandes, à lui d’adapter son « outil » psychothérapeutique ou de vous orienter si besoins. Son accès se doit d’être simple pour vous. Il n’est pas utile de parcourir des kilomètres ou d’attendre des semaines pour une évaluation de départ surtout si elle est suivi d’une prise en charge et de rendez-vous réguliers. 3. La relation de confiance Elle est indispensable et incontournable. Dans le sens consultant-consulté, cette relation de confiance prend le nom d’alliance thérapeutique. Elle est le préambule à toutes les formes de psychothérapie. Elle est essentiellement accès sur une écoute attentive et une compréhension de vos motifs de consultations. La reformulation, la recontextualisation et le résumé de vos demandes par le « psy » sont autant de moments clefs des premières consultations. Vous êtes enfin entendu et compris. La démarche d’aide, de soutien peut débuter. Le « psy » renforcera cette relation de confiance en vous proposant un ou plusieurs schémas de prise en charge et des objectifs de soins clairement posés. Il délimite ainsi vos attentes et évite une dérive vers la notion de guérison ou de bonheur. Les « psys » ne sont pas des guérisseurs, des confesseurs des temps modernes ou des gourous mais plus simplement des soignants attentifs à votre état de santé et de bien être. On peut regretter la communication « psy » actuelles et la multiplication d’informations paradoxales et parfois contradictoires. L’information « psy »est difficile à mener et ne peut être objective. Elle est le reflet d’une pluralité théorique riche et dynamique. A vous d’exercer votre pensée critique dans le choix et la pérennité d’une prise en charge « psy ». La confiance accordée au thérapeute et dans ses « outils » sont déterminant. N’en faites pas l’économie ! 4. Consulter un homme ou une femme joue-t-il un rôle ? Oui. Au delà des débats sur le caractère sexué ou non de nos cervelles et les aptitudes comparées homme/femme, il est important de privilégier un climat de confiance. Vous vous sentez plus à votre aise avec un ou une « psy » ? Suivez votre intuition. Les compétences du « psy » ne sont pas sexuées ! 5. Cout d’une séance Les « psys » comme vous-même n’échappent pas à l’ambigüité très française de la notion de « patient-client ». Notre santé a un cout. Revendiquez une attente à un prix de consultation est légitime. En France, le système de soins est pensé pour un accès au plus grand nombre. Dans le domaine médical, les soins « psys » délivrés par un médecin psychiatre en exercice libéral ou salarié sont tout ou en partie pris en charge par l’assurance maladie comme pour l’ensemble des médecins spécialistes. Les mutuelles offrent souvent un complément de remboursement. Dans le domaine paramédical, les soins « psys » délivrés par un psychologue ne sont pris en charge que dans le domaine publique. En exercice libéral, certaines mutuelles prennent en charge un certains nombres de séances après orientation par un psychiatre. Nous pouvons regretter cette inégalité d’accès médicale et paramédicale. En l’absence de pratiques opposables et d’obligations de résultats dans le domaine de la santé, on peut comprendre la frilosité des pouvoirs publics. Les récentes lois encadrant l’exercice « psy » ne sont pas liberticides. Elles sont le préambule nécessaire à la reconnaissance pleine et entière de l’utilité de l’intervention psychologique, médicale ou non, et de leur prise en charge. En dehors du système de soins, il n’existe pas de normes, de règles ou de pratiques identifiables. C’est à vous de résoudre l’équation entre vos attentes et leurs prix. Une évaluation dans le système de soins garde un intérêt évident pour vous aider dans cette voie. 6. Durée de la prise en charge Votre prise en charge comporte le plus souvent trois phases : amélioration ou guérison, consolidation et prévention. Les difficultés que vous présentez conditionnent la durée de chacune de ces périodes. Pour de simples difficultés de vie, quelques séances peuvent suffire. Face à des troubles durablement installés, consulter un « psy » peut durer plusieurs années. Cela reste du bon sens : multiplier les consultations pour un banal rhume parait bien inutile. Face à une hypertension artérielle, l’arrêt du traitement antihypertenseur n’est pas un sujet abordé à chaque consultation auprès du cardiologue au risque … d’une orientation vers le « psy » ! Il s’agit d’un soin tout simplement.