Essai d'anthropologie chinoise
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AVANT-PROPOS
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p.003 Le titre de cette petite étude causera, sans doute, quelque
surprise à plus d'un de nos lecteurs. Un traité d'anthropologie, c'est ce
qu'on ne s'attendait point à rencontrer chez les discoureurs de l'empire
qui occupe le milieu du monde. Mais aussi, si l'on pensait trouver ici
quelque chose qui ressemblât à nos manuels européens, on se
tromperait étrangement. Il n'est pas besoin de le dire, l'esprit de
systématisation n'existe point chez les Chinois même philosophes, et la
plupart de leurs livres ne sont que des dissertations où les auteurs
suivent le cours fluctuant de leur pensée, de leur imagination,
inconscients de la nécessité de baser leurs thèses sur un principe dont
on déduit les conséquences nécessaires et de donner au développement
des idées un ordre logique qui prémunisse contre les écarts du
raisonnement et la fantaisie.
Le syllogisme et ses déductions rigoureuses sont choses inconnues
aux théoriciens du yin et du yang, aux adeptes du feng-shui ; et la
nécessité de se tenir dans les bornes du sujet que l'on traite n'est point
du tout sentie chez les successeurs des Kong-tze et des Lao-tze.
Souvent la table des matières d'un livre indique un ordre méthodique
des sujets, un procédé logique de discussion ; et l'on est très surpris,
en parcourant l'ouvrage, d'y trouver un pêle-mêle d'idées dans lequel
on a bien de la peine à saisir un fil conducteur ; trop souvent l'on ne
peut en découvrir aucun.
Aussi cette fois ne nous proposons-nous point de traduire p.004 un ou
plusieurs livres philosophiques quelconques traitant de la matière qui
doit nous occuper, mais de recueillir dans tous les ouvrages dont nous
avons pu disposer, les traits épars qui, réunis, peuvent donner une idée
aussi complète que possible des doctrines régnant parmi les Chinois
relativement à la nature de l'homme. Avec ces membres, ces parties
éparses, nous avons tâché de constituer un corps de doctrines qui
puisse renseigner et satisfaire suffisamment des lecteurs européens