Les voies auditives
Le nerf auditif projette sur des structures du pont, puis du mésencéphale et enfin sur le cerveau, au
niveau du corps genouillé médian puis du cortex auditif primaire puis secondaire.
La majorité des fibres issues des noyaux cochléaires projette de façon controlatérale (voies
monaurales et binaurales), mais quelque unes ont un trajet ipsilatéral (voies binaurales).
Partie : Projections sur le tronc cérébral
Le nerf auditif (nerf VIII) comprend les prolongements centraux des cellules bipolaires situées dans le
ganglion spiral de la cochlée. Chacune de ces cellules bipolaires émet un prolongement périphérique
qui innerve une ou plusieurs cellules ciliées (majoritairement afférences du nerf auditif pour les CCI et
efférences pour les CCE) et un prolongement central qui innerve le noyau cochléaire. En fait, chaque
fibre du nerf auditif se ramifie pour aller innerver trois subdivisions du noyau cochléaire (dorsal,
postéro-ventral et antéro-ventral), qui vont être à l’origine de plusieurs voies de projection sur le
thalamus : une qui fait relais dans l’olive supérieure, une autre dans le noyau du lemnisque latéral et
une dernière dans le colliculus inférieur. Ainsi, dès le tronc cérébral, le système auditif est organisé de
façon parallèle. L’organisation tonotopique de la cochlée est préservée dans ces trois divisions du
noyau cochléaire. Les projections ascendantes ont un haut degré de connectivité bilatérale, avec
dominance controlatérale. Du coup, une lésion des structures auditives ne s’accompagne presque
jamais d’une surdité monaurale.
On retrouve dans le noyau cochléaire des neurones qui vont être sélectifs d'une fréquence, d'autres
qui vont coder la périodicité d'un son complexe. Les réponses de certains neurones semblent extraire
le bruit de fond d'un stimulus complexe. Il existe un phénomène d'inhibition latérale (la forme des
courbes de sélectivité fréquentielle montre les régions d'inhibition) qui jouerait un rôle dans la mise en
forme des messages sensoriels : en accentuant les contrastes, il augmenterait les possibilités de
discrimination. Enfin, certains neurones sont aussi capables de signaler des différences d'intensité
dans des sons complexes.
2.3.2.1. Les voies binaurales
Au niveau du pont, deux voies binaurales distinctes vont permettre la localisation des sources
sonores : c’est la théorie double de la localisation. Les écarts temporels interauraux sont traités dans
l’olive supérieure médiane et les différences interaurales d’intensité dans l’olive supérieure latérale. A
leur terme, ces deux voies se rejoignent au niveau des centres auditifs du mésencéphale.
L’olive supérieure médiane (OSM) aurait pour rôle de calculer les écarts interauraux (ou le délai
interaural) provenant des afférences des deux oreilles (l’écart le plus grand càd quand le son se
trouve en face d’une des 2 oreilles est de 700 µs), càd de localiser les sources sonores. Cette
dernière est à même de détecter des écarts de l’ordre de 10 µs, càd d’avoir une précision de
localisation tonale d’environ 1°. Elle reçoit des afférences binaurales excitatrices provenant des
noyaux cochléaires antéro-ventraux droit et gauche. Les neurones de l’OSM ont des dendrites qui
s’étendent de façon latérale et qui reçoivent des afférences du noyau cochléaire antéro-ventral
ipsilatéral, et des dendrites qui s’étendent de façon médiane et qui reçoivent des afférences du noyau
cochléaire antéro-ventral controlatéral. Les différents neurones reçoivent l’information avec des écarts
temporels car les axones venant des noyaux cochléaires ont des longueurs différentes. Le même
neurone « E » (illustration) va recevoir tardivement les informations provenant de l’oreille gauche et
précocement celles provenant de l’oreille droite. Le neurone fonctionne alors comme un détecteur de
coïncidence et répond de façon maximale quand les deux messages afférents arrivent en même
temps.
La localisation tonale exige que les messages périphériques soient « verrouillés en phase », ce qui,
chez l’Homme, n’est le cas que pour les fréquences inférieures à 3 kHz (au-delà les cellules ne
peuvent plus suivre les fréquences élevées du son donc il ne peut plus y avoir de verrouillage de la
phase du son et de la réponse de la cellule) ; ce qui n’est pas le cas de la chouette effraie qui à un
verrouillage de phase qui se fait jusqu’à 9 kHz. Au-delà de 3 kHz, la localisation d’une source est
détectée grâce à la différence d’intensité qui parvient aux deux oreilles. En effet, la tête commence, à
partir de 2 kHz, à représenter un obstacle acoustique car les sons ont des longueurs d’onde trop
courtes pour la contourner. Il s’ensuit que lorsque des sons de haute fréquence sont dirigés vers un
côté de la tête, l’oreille située de l’autre côté se trouve dans une sorte d’ombre acoustique de plus
faible intensité sonore. Ainsi, si la fréquence du son est supérieure à 3 kHz, ce sont les différences
d’intensité interaurale qui servent d’indice pour localiser la source sonore. L’olive supérieure
latérale (OSL) et le noyau médian du corps trapézoïde (NMCT) vont permettre reconstituer la
localisation de la source. Des fibres afférentes excitatrices du noyau cochléaire antéro-ventral
ipsilatéral projettent également sur l’OSL. L’OSL reçoit également des fibres inhibitrices en
provenance du NMCT qui reçoit lui-même des afférences du noyau cochléaire controlatéral. Du fait de
cette configuration, un son latéral va faire décharger de façon plus vigoureuse l’OSL qui est du même
côté que le son, alors que l’inhibition controlatérale sera faible. Le résultat net est donc une excitation
ipsilatérale des centres supérieurs. Cette décharge de l’OSL sera réduite si le son se rapproche de la
ligne médiane car l’inhibition provenant du NMCT s’accentue alors. Quand le son se trouve de l’autre
côté de l’OSL, l’inhibition est totale ce qui supprime toute activité de l’OSL. L’OSL ne code donc que
pour les sons situés dans l’hémichamp ipsilatéral et il faut donc deux OSL pour représenter toute la
gamme des positions horizontales.
2.3.2.2. Les voies monaurales
On ne connaît encore pas très bien leur rôle. Un deuxième ensemble de voies issues du noyau
cochléaire se termine de façon controlatérale dans les noyaux du lemnisque latéral. Ces voies
véhiculent des informations provenant que d’une seule oreille et sont donc dites monaurales.
Certaines des cellules de ces noyaux auraient pour but de signaler le début du son, indépendamment
de sa fréquence et son intensité. D’autres traiteraient les aspects temporels du son, comme sa durée.
2.3.2.3. Intégration des voies auditives ascendantes
Le colliculus inférieur participe aux traitements de l'information spatiale. La sensibilité aux disparités
interaurales d'intensité ou de phase y est plus fine que dans le complexe olivaire supérieur. Certains
neurones sont sensibles au sens de déplacement d'une source sonore par rapport au plan médian.
On pense que le colliculus inférieur intervient dans l'orientation de la tête et des yeux en direction du
son. Des expériences réalisées chez la chouette effraie ont montré que la convergence des
différentes voies permettait la création d’une représentation topographique de l’espace auditif,
carte qui n’existe pas précédemment dans le système. En d’autres termes, les neurones du colliculus
inférieur vont répondre spécifiquement à des sons provenant d’une région particulière de l’espace
(parallèle avec le système visuel). Ces neurones ont donc une sensibilité préférentielle à la fois pour
une élévation et pour une position horizontale (azimut).
Les voies auditives ascendantes relayant dans les complexes olivaires et lemniscaux ainsi que
d’autres afférences en provenance directe du noyau cochléaire projettent sur le colliculus inférieur. Il
existe toutefois un certain nombre de fibres provenant de la partie caudale du tronc cérébral qui ne
passent pas par le colliculus inférieur et projettent directement sur le thalamus.
Certains neurones du colliculus inférieur montrent une lectivité tonale remarquable (beaucoup plus
que ceux du thalamus). Ils sont capables de distinguer une fréquence de 10.125 Hz et celle de 10.000
Hz, soit un écart de 1 comma. De plus, de nombreux neurones du colliculus inférieur ne répondent
qu’à des sons modulés en fréquence, d’autres seulement à des sons de durée spécifique. Cette
spécialisation concerne des éléments caractéristiques des sons propres à une espèce, comme les
sons de communication (par exemple le langage) ou ceux des prédateurs.
Partie : Organisation fonctionnelle du corps genouillé médian
Les voies auditives ascendantes font obligatoirement relais dans le corps genouillé médian (CGM)
du thalamus. Les neurones du CGM présentent deux types de sélectivité :
La sélectivité tonale reste bonne bien qu'aucun neurone n'atteigne les remarquables
performances enregistrées dans le colliculus inférieur. Certains neurones présentent une
sensibilité spécifique à des sons complexes particuliers , càd à des combinaisons de
fréquences. Cette sélectivité serait due à la convergence terminale d’afférences issues de
régions cochléaires présentant des sensibilités spectrales différentes.
Une sélectivité pour des intervalles de temps spécifiques entre deux fréquences.
La cochléotopie y est toujours observée. Les couches superficielles correspondent aux basses
fréquences, et les couches profondes aux fréquences élevées.
Les neurones du CGM reçoivent donc des afférences convergentes en provenance de voies séparées
du point de vue spectral et du point de vue temporel, et réalisent l’intégration de ces deux aspects du
son. Cette propriété, qui a été mise en évidence chez la chauve-souris, pourrait aider à décoder les
messages langagiers.
Partie : Le cortex auditif primaire
Les axones qui quittent le CGM empruntent la capsule interne, en un faisceau qui constitue la
radiation acoustique, pour atteindre la couche IV du cortex auditif primaire (A1 ou aire de Brodmann
41) du lobe temporal supérieur : c’est le gyrus de Heschl. Le cortex auditif primaire des deux
hémisphères reçoit des informations provenant des deux organes récepteurs (oreilles), avec une
prépondérance controlatérale, ce qui va permettre à chaque hémisphère d'analyser l'ensemble de
l'espace (topographique) auditif. Du coup, une lésion unilatérale de A1 ne va pas entraîner de perte
auditive majeure : elle entraîne seulement une perte de la localisation précise des sources sonores.
C'est une différence avec le système visuel puisque les cortex striés gauche et droit reçoivent une
information d'un seul hémichamp : à ce moment là une lésion a des conséquences plus grave.
A1 reçoit des projections point par point en provenance du CGM et contient donc une carte
tonotopique précise. En effet, si on plante une électrode le long de la surface corticale de A1 chez
l'animal, on s’aperçoit qu’il est organisé en bandes de même fréquence disposées selon un plan
médiolatéral. Cette organisation a été retrouvée chez l'Homme grâce à la neuroimagerie (par exemple
Strainer et al., 1997).
De plus, si on plante une électrode perpendiculairement à la surface corticale du chat, on trouve une
disposition en bandes ayant les mêmes propriétés binaurales. Les cellules appartenant à une
bande donnée sont davantage excitées par les deux oreilles que par une des deux (cellules EE =
excitation/ excitation) tandis que les cellules de la bande adjacente sont excitées par une oreille et
inhibées par l’autre (cellules EI = excitation/inhibition). Cette disposition rappelle les colonnes de
dominance oculaire de V1.
Même si le SN est très peu plastique à l’âge adulte (càd après les périodes critiques), il est possible
d’observer des modification corticale après un entraînement, notamment dans le cortex auditif
primaire. On peut, par exemple, entraîner des singes à discriminer certaines fréquences sonores et
s’apercevoir que le cortex auditif des singes entraînés présente une augmentation de la
représentation des fréquences utilisées : il y a eu plasticité fonctionnelle, càd qu’il n’y a pas eu
réorganisation physique des circuits neuroniques mais qu’il y a eu des changements dans la forme
des cartes corticales.
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