Histoire, Terminale S IIème partie sur les relations internationales Chapitre 2 Un nouvel ordre mondial ? I. Les dilemmes d’une superpuissance : les Etats–Unis entre néo-wilsonisme et Realpolitik A. La fin de la guerre froide impose un leadership américain pour un « nouvel ordre mondial » * Au début des années 1990, la fin de la guerre froide impose un leadership américain, non seulement parce que les États-Unis ont renforcé leur puissance militaire et économique, mais parce que la disparition du bloc soviétique a rompu l'équilibre bipolaire. Pour autant peut-on affirmer que les Américains ont gagné la guerre froide? Dans son discours sur l'état de l'Union prononcé en 1992, George Bush répond clairement à la question: « Grâce à Dieu, l'Amérique a gagné la guerre froide; un monde jadis divisé en deux camps armés reconnaît aujourd'hui la supériorité d'une seule puissance : les États-Unis; cette constatation n'inspire plus aucune peur car le monde a confiance en notre nation et il a raison. » D'un point de vue idéologique, le capitalisme et la démocratie libérale ont triomphé du modèle communiste; en revanche, en tant que nation, les États-Unis ont la responsabilité délicate de gérer la direction des affaires internationales et suscitent de ce fait des inimitiés et des rancœurs. D’autre part, les Etats-Unis n’ont pas gagné la guerre froide : c’est l’URSS qui l’a perdue, c’est la faillite du modèle soviétique qui a entraîné la fin de la guerre froide. Même si les EU ont contribué à cette faillite, il ne faut pas oublier cet aspect fondamental. Sur le poids de la puissance américaine, lire texte de Brzezinski page 136. Les Etats-Unis n’ont plus d’ennemi à leur mesure. Doivent-ils consacrer leurs efforts à combattre les périls qui menacent la planète ? Sont-ils tenus de défendre partout les droits de l’homme partout où ils sont bafoués ? Faut-il qu’ils répondent à tous les appels au secours. Autant de questions qui suscitent des réponses contradictoires. Certes, le président George Bush (1989-1993) proclame dès 1990 l’avènement d’un nouvel ordre mondial : rejet de l’isolationnisme, promotion d’un monde régi par le droit et par la coopération internationale. Les responsabilités américaines ne se limitent plus au « monde libre » des années 1947-1991, mais à l'ensemble de la planète ; cependant, les interventions des États-Unis, sous couvert de défense des libertés et de respect du droit international, se limitent parfois à des entreprises de sauvegarde des intérêts américains ouvertement bafoués ou supposés menacés 2 exemples montrent l’ambivalence de la diplomatie américaine : La première guerre d’Irak (1990-1991) et l’intervention en Somalie (1992-1993) Exemple 1 * Saddam Hussein, ancien allié des Etats-Unis, tente de profiter du climat confus de la fin de la guerre froide : en août 1990, il envahit le Koweït. Saddam Hussein tente de relancer le nationalisme arabe et bouleverse les rapports de force dans la région en s’emparant des richesses de l’émirat koweïtien. Les Etats-Unis réagissent en organisant une coalition internationale, en obtenant le vote d’une résolution de l’ONU : apres quelques semaines, le Koweït est libéré : George Bush prend bien soin de ne pas envahir le territoire irakien, Saddam Hussein n’est pas renversé ; les Américains n’ont pas à exporter leurs idéaux. Autre marque de réalisme : l’opération « Tempête du désert » prend en compte la volonté de préserver les intérêts pétroliers ou stratégiques de la puissance américaine. Préoccupés par la négociation avec les Occidentaux d'une aide économique censée relever leur économie, les Soviétiques ont laissé les Américains gérer la crise dans le golfe Persique. Les partenaires occidentaux des États-Unis, eux aussi importateurs de pétrole, ont soutenu l'intervention américaine en fournissant des hommes et du matériel (France, Royaume-Uni) ou des subsides (Allemagne, Japon); pour certains observateurs, les Américains joueraient un rôle de mercenaires pour le compte de l'ensemble de la Triade, c'est-àdire des pays développés peu prompts à intervenir sur des terrains extérieurs. Ou incapable de le faire : les Etats-Unis interviendront ainsi en 1995 en Bosnie sur la pression des Européens, incapables de s’accorder ou de mettre sur pied à l’époque une opération militaire pour arrêter les massacres de civils en exYougoslavie, à 1h d’avion de Rome et à 2 de Paris. Thèse d’un empire bienveillant ?? : « Benevolent Empire », lire et étudier texte de Kagan, dans le Manuel page 133. Thèse néo-conservatrice qui légitime l’interventionnisme des Etats-Unis et qui allègue la supériorité du modèle américain. C’est une thèse officielle, qui idéalise le rôle des Etats-Unis lesquels exerceraient une sorte d’impérialisme positif. Exemple 2 : l’opération « Restore Hope » en Somalie, 1992-1993. Rappeler d’abord l’adoption par l’ONU du droit d’ingérence : reconnu en 1988, ce droit permet d’intervenir dans un pays dont la population est victime de catastrophes naturelles ou de troubles entraînant une situation d’urgence. Luttes claniques en Somalie, des populations prises en otages : les images émeuvent la société civile. Pressé d’intervenir, les Etats-Unis dépêchent l’opération Restore Hope. Succès dans un premier temps, mais n’empêche pas reprise de la guerre civile à laquelle les casques bleus seront mêlés. Opération en demi-teinte ; de plus, cette opération pose la question du rôle des médias (pourquoi intervenir en Somalie et pas ailleurs, les Etats-Unis n’interviendront pas au Rwanda en 1994 alors que se déroule un génocide sous les yeux des caméras qui fera entre 800 000 et 1 millions de morts en 3 mois) ; enfin, les Etats-Unis ont-ils les moyens d’être les gendarmes du monde ? B. Les faiblesses des Etats-Unis et le renforcement de l’unilatéralisme américain Partir du texte du président Clinton, 1993-2001, (Bordas, page 114) : « nous ne sommes pas et nous ne pouvons pas être les gendarmes du monde. Là où nos intérêts et nos idéaux le demandent, nous agirons… » qui résume toutes les ambivalences de la diplomatie américaine. Dès 1988, dans un ouvrage intitulé Naissance et déclin des grandes puissances, l'historien Paul Kennedy avance la thèse que les États-Unis souffrent de « surextension stratégique », héritage de leur engagement tous azimuts du temps de la guerre froide. La principale faiblesse de la puissance américaine, outre les problèmes intérieurs de violence sociale, de ségrégation raciale et de pauvreté, réside dans l'augmentation permanente du déficit commercial américain et de la dette extérieure globale: entre 1999 et 2003, le déficit commercial est passé de 271 milliards de dollars à 489 milliards de dollars. Une dépendance extérieure très forte des Etats-Unis. Déficit budgétaire chronique qui a amené à la baisse des dépenses sociales (+ de 40 pour cent des dépenses militaires mondiales !). Deuxième faiblesse : Aujourd'hui, toute forme de contestation à l'échelle internationale se teinte d'antiaméricanisme (« surexposition ») et non seulement parce que les Américains traiteraient avec mépris et arrogance les autres pays mais aussi parce que dans de nombreuses crises internationales, les Américains, pour des motifs plus ou moins empreints de bonne conscience, sont les seuls à vouloir assumer et organiser une intervention extérieure. Des attentats commis contre des intérêts américains dans les années 90, parmi lesquels ceux de Oussama ben Laden. Le 11 septembre 2001 frappe les capitales politique et économique des Etats-Unis. Guerre asymétrique, d’un genre nouveau, mené par un réseau contre un Etat. Ces attentats montrent aussi les fragilités des Etats-Unis, frappés sur leur sol. Le président George W. Bush (président depuis janvier 2001) prépare la riposte : guerre contre les Talibans, qui abrite les principaux membres du réseau. Octobre-novembre 2001 : opération américaine en Afghanistan, avec le soutien de la communauté internationale. La nouvelle politique étrangère des Etats-Unis est toute entière résumée par la guerre au terrorisme. Lire texte de George W. Bush, page 136. Définition de l’ « axe du Mal ». Légitimation de la guerre préventive ; enfin, autre différence avec la guerre de 1990-1991, le néo-conservatisme américain souhaite exporter les idées et les pratiques qui fondent la culture américaine. La guerre d’Irak décidée en 2003 malgré les protestations d’une grande partie de la communauté internationale (France, Allemagne, Russie, Moyen-orient, Chine) et sans l’accord de l’ONU a renforcé l’unilatéralisme américain (refus du protocole de Kyoto, refus de la CPI créée en 1998). Si dans un premier temps, l’intervention américaine se solde par un succès rapides, l’armée est confrontée aujourd’hui à une situation très difficile, avec des pertes élevées. De plus la menace terroriste n’a pas disparu et l’islamisme pourtant en perte de vitesse en sort renforcé (l’Irak, une base territoriale pour les terroristes, sans parler du nord Pakistan). Une partie de la société américaine commence aujourd’hui se retourner, comme le montrent les dernières élections. Au total, la deuxième guerre du Golfe a sans doute révélé que le monde contemporain n’est plus tout à fait unipolaire car il est impossible à une seule puissance de contrôler l’ensemble de la planète ; mais il n’est pas encore multipolaire car aucune puissance n’est aussi complète que la superpuissance américaine. Le retour de la Russie et l’affirmation de la puissance chinoise ne laisse cependant pas place au doute : les Etats-Unis ne sont plus seuls, contrairement au début des années 1990. Dans son essai intitulé Après l'empire,essai sur la décomposition du système américain paru aux éditions Gallimard en 2002, le démographe Emmanuel Todd formule, lui, l'hypothèse que l'Amérique consomme ce que le monde produit et que le pays vit de l'accaparement d'une richesse extérieure sans autre contrepartie que l'entretien d'un appareil militaire prêt à intervenir sur tous les terrains abritant les marchés sensibles : tout se passe, selon l’auteur, comme si les EU recherchaient le maintien d’un certain niveau de tension internationale, une situation de guerre limitée mais permanente, par exemple en exagérant la menace terroriste pour se rendre indispensables et perpétuer leur présence multiforme dans toutes les régions du monde. Les Etats-Unis, pose franchement l’auteur, sont-ils encore utiles au monde depuis la fin de la guerre froide ? Si ces derniers ont exercé un « impérialisme positif » en luttant contre les totalitarismes, « les Etats-Unis sont en train de devenir pour le monde un problème ».