PINSARD Marion et LE GALL Martin 22/02/2011 Psychologie médicale, annonce du diagnostic, Dr Travers ANNONCE DU DIAGNOSTIC Plan du cours : Introduction Représentation de la maladie Effets psychologiques de la maladie Relation médecin-malade Stress aigu (pathologique, mais aussi physiologique, c’est cet aspect qui sera traité ici) Annonce de la maladie Conclusion Introduction L’annonce de la maladie, par définition, n’est pas un moment difficile mais un période délicate (variablement longue). Sa qualité sera dépendante de multiples facteurs dont : des connaissances de psychologie médicale, des éléments de gestion du stress (il faut gérer des gens que l’on a sciemment stressé). L’objectif de cette annonce est d’aboutir à une proposition de soin, la meilleure possible. I- Représentation de la maladie A- D’un point de vue socio-culturel : Conception ontologique : Autonomie, intrusion, possession : c’est une conception dans laquelle la maladie est une chose extérieure qui vient attaquer l’oraganisme. Le médecin, de manière totalement magique, va débarrasser le patient ! Conception hippocratique (c'est-à-dire rationnalisante) : Vision très scientifique : Perturbation de l’homéostasie par des agents extérieurs. Guérison par des mécanismes rationnels. En général, coexistence de ces 2 conceptions (le rationnel + le magique, qui rassure). En fonction de la représentation que le malade se fait de la maladie, l’annonce devra être très différente. Le médecin devra se placer du côté du patient, savoir ce qu’il sait de la maladie et ce qu’elle représente pour lui pour pouvoir adapter cette annonce. B- D’un point de vue conceptuel (Comment présenter la chose au patient) Normal et pathologique : On les définira par des moyennes ou des normes (ex : kaliémie dans un bilan sanguin). Ou par la somme d’éléments présents / absents. Exemple pour la dépression : Ce n’est pas parce que l’on est triste que l’on est déprimé ; mais c’est une addition de symptômes (parmi lesquels troubles du sommeil, anorexie…) dont fait partie la tristesse qui permet d’aboutir au diagnostic de la dépression. Les diagnostics tels qu’on les fait en médecine peuvent être difficiles à comprendre pour le patient, car ces concepts de normal et de pathologique peuvent être appréhendés d’une manière très différente par celui-ci. Quid de la définition de la guérison ? Comment définir la guérison avec le patient ? A quel moment/quand peut-on considérer que le patient est guéri ? Pour la population générale, guérison = retour à l’état antérieur (avant d’être malade) sans séquelles. Pourtant, un médecin peut considérer un patient comme guéri même si ce dernier garde des séquelles. Risque : il peut y avoir un fossé très important entre que l’on dit au patient et ce qu’il comprend. Notion de rémission et de consolidation : Ces deux états sont en deçà de l’étape de guérison : Le schéma allant du problème de santé à l’étape de guérison se présente ainsi : Pb de santé => rémission => consolidation => et enfin guérison de la maladie si et seulement si celle-ci est curable. C- D’un point de vue personnel : Représentations socioculturelles (cf A) Connaissances sur le pathologique en général, et de sa maladie en particulier Le patient connaît-il des personnes des personnes souffrant de cette maladie ?? => Identification inévitable à ces personnes, alors que l’état pathologique peut être très différent => angoisse injustifiée, qui peut supplanter les explications du médecin dans l’esprit du patient. Il faudra alors pour le médecin ne surtout pas se braquer sans essayer de comprendre le patient, mais plutôt développer une stratégie pour s’adapter à son état d’esprit. Angoisse de mort : Nous ne sommes évidemment pas tous égaux en termes d’inquiétude face à la mort. Une annonce minime peut chez certains engendrer une véritable angoisse de mort. Ces différences dépendent en général de l’âge du patient (cette angoisse grandit avec l’âge), de son expérience, des gens qui l’entourent, et qui sont décédés autour de lui. Il faudra pour le médecin toujours poser la question de cette angoisse, car le patient n’en parlera souvent pas spontanément. Histoire(s) personnelle(s) liée(s) à la dimension de maladie et à la maladie présentée. Le vécu de la maladie par des proches ou des amis peut amener le patient à faire des raccourcis conduisant parfois à des inquiétudes injustifiées. II- Effets psychologiques de la maladie A- Situation de malade : Situation de faiblesse (mais attention : nous –les médecins– pouvons vite le perdre de vue du fait de l’habitude de voir des malades) : Atteinte corporelle et psychique, limitation des capacités, invalidité… Souffrance, douleur (grande crainte générale : comment la gérer ?) Dépendance : Elle se trouve à 2 niveaux : - Dépendance à la médecine (relation inégalitaire) - Dépendance à l’entourage (souvent mal acceptée). Cette situation de dépendance est souvent particulièrement mal vécue par les personnes d’ordinaire très actives, autonomes, aimant faire les choses par elles-mêmes. B- Conséquences de la maladie: Régression : Utile et classique (physiologique), mais parfois extrême (pathologique et freinant alors l’accès aux soins). Comportement infantile : Réduction des domaines d’intérêt Egocentrisme Dépendance Retour à la pensée magique : au stade aigu, il faut la préserver car elle permet au patient de « tenir le coup » en attendant la suite. Elle est très fréquente et très liée au stress. Le médecin devra faire attention à ne pas être influencé par ce type de comportement dans ses décisions de soin. Dépression : Etat clinique et qui dure dans le temps, qui s’installe. A différencier de la réaction aigüe au stress. En effet, la notion de durée est ici particulièrement importante, car une réaction d’effondrement momentanée est normale, physiologique à l’annonce d’une mauvaise nouvelle ou d’un évènement inattendu => on parle alors bien de stress aigu et non de dépression, même si les symptômes sont identiques. Risque suicidaire (mais attention, peut exister lors d’une réaction de stress aigu) Formes particulières de dépression, notamment les « dépressions hostiles », pour lesquelles les gens peuvent devenir agressifs (ils disent que tout va bien alors que tout va mal en envoyant balader tout le monde). C- Episode dépressif majeur et DSM IV (= symptômes/critères de la dépression) : Ceci n’est pas à apprendre !!! Humeur Anhédonie (=manque d’envie) Asthénie Dévalorisation Variations du poids Troubles du sommeil troubles psychomoteurs troubles de la concentration idées suicidaires Pour pouvoir parler de dépression, il faut minimum 5 de ces symptômes sur une durée d’au moins 15 jours. (Hors autre affection ou deuil). D- Réactions du malade: Adaptation, après avoir été « secoué » (après quelques jours voire quelques semaines) : c’est la réaction normale, le plus souvent observée. Dépendance pendant l’adaptation, revendications possibles, puis le patient se reprend en main. Déni (ou pseudo-rationalisation) (assez fréquent tout de même) « Je ne suis pas malade » Il n’y a aucun signal à l’encontre de l’information (contredisant le diagnostic), et, pourtant, l’information ne passe pas, est refusée par le patient. Réaction persécutive (très rare) Survient lorsque l’on s’oppose à un déni. Le patient croit alors que le médecin lui dit qu’il est malade juste pour l’embêter, ce qui peut être dangereux car menant à des états quasi-délirants voire délirants, alors que le patient n’est en temps normal non psychotique. Isolation (rare également) Le patient est sidéré, figé (au sens physique du terme). Tous ces états sont « physiologiques » dans un premier temps mais sont pathologiques s’ils s’installent au long terme. D- La notion de bénéfice: Secondaire : lié aux conséquences de la maladie. C’est donc l’idée que de part sa maladie et de ses conséquences, le malade « aurait peut-être éventuellement intérêt » (surtout rester très prudent et ne pas tomber dans la facilité par ce genre d’analyse) à entretenir son statut de malade. Ex : la maladie peut permettre de ressouder un couple => peur de nvelle séparation si guérison. Résultant des conséquences de la maladie, pouvant l’entretenir Conscients et/ou inconscients (plutôt relativement conscients). Attention à bien éliminer tout autre pb !! Primaire : rôle dans le déclenchement de la maladie, permettant l’issue d’une tension. Ex : cancer qui tombe « comme par hasard » au moment d’une rupture, etc. Mais grande méfiance vis-à-vis de ce genre d’interprétation !!! (le prof, personnellement, n’y adhère pas) E- La question de l’entourage : Le rejet direct ou indirect du malade. L’entourage peut avoir tendance à s’éloigner petit à petit tellement la situation de maladie chronique est dure à supporter. Certaines peuvent être trop angoissées à l’idée de fréquenter une personne souffrante, cela peut réveiller leurs propres angoisses de mort. L’utilisation du malade. Le malade peut devenir l’objet d’une rivalité au sein de la famille : « c’est moi qui m’en occupe le plus… non c’est moi !!! » etc. Le renforcement d’une régression que présenterait déjà le patient. Cependant : Grand intérêt de la présence positif des propositions médicales) le plus souvent. Chaque membre de l’entourage est un individu à part entière qui peut augmenter les angoisses du patient, etc. (tout ce qui a été dit sur le patient peut être applicable aux proches). de l’entourage (soutien, renforcement L’entourage peut donc permettre d’avancer, de soutenir/d’accompagner le patient dans sa maladie, et de ce fait avoir un effet bénéfique sur la rémission du patient, mais peut aussi à l’inverse faire régresser le traitement et réveiller de nvelles angoisses. III- La relation médecin - malade (cf cours précédent) Basée sur l’écoute empathique. Faite d’échange(s) d’information(s)… (et bien dans les deux sens, ne pas faire que donner l’info) … en référence à des connaissances non superposables qu’a chacun. Dans laquelle réflexion et émotion sont présentes mais corrélées négativement… …et se compliquent de transfert et contre-transfert (ce que l’on transfert au patient qui se trouve en face de nous) Attention au ressenti (trop positif ou négatif) que l’on peut avoir vis-à-vis d’un patient !! IV- La situation de stress aigu Physiologique lors de l’annonce brutale d’une mauvaise nvelle, d’une maladie. A- Clinique Composante psychologique : (« stress, angoisse, tension ») Composante somatique : tremblements, sueurs, crampes digestives… => manifestations physiques du stress déclenchées par l’axe sympathique. B- Altération des fonctions cognitives En particulier des fonctions mnésiques : Mémorisation et récupération : troubles de la mémoire, beaucoup de mal à récupérer des informations (90% de ce qui est dit en situation de stress aigu est oublié => lorsque l’on veut obtenir de nvelles informations, toujours les demander avant de faire l’annonce). Des fonctions supérieures : impossible pour le patient de réfléchir, de présenter des arguments, de peser le pour et le contre => impossibilité pour le patient de relativiser quant à ce qu’il vient d’apprendre sur son état de santé. Patient De la médecine Stress De la maladie Adaptation, déni, persécution, isolation. Du soin Représentation Relation Médecin - malade Intégration progressive du patient. Evolution systémique. Réactions Evolution ANNONCE DE LA MALADIE Représentation Entourage du patient Evolution Réactions Stress propre et du patient. De la médecine De la maladie Gestion des émotions personnelles et du patient. Gestion de l’ensemble du système. Du soin Médecin Gestion des réactions du patient. Degré de Connaissance Médecin 1 Médecin 2 Médecin Médecin Patient Famille Patient Patient Patient Famille Famille Famille Temps Objectif : rapprocher progressivement les degrés de connaissance et le plus haut possible. Explication du schéma : 1 Il y a une diminution des connaissances du médecin : il faut faire des concessions (= simplifier l’explication) ! 2 Il y a une remontée du niveau si le patient s’est bien adapté. La famille : il est aussi important de l’informer car son influence affective est supérieure à celle du médecin : la famille peut ainsi parfois diminuer le degré de connaissance du patient alors que le médecin tente de l’augmenter. V- L’annonce de la maladie Considérer le patient du point de vue : De son savoir antérieur à l’annonce De son état psychologique De sa situation globale Toujours « tâter le terrain » avant d’annoncer le diagnostic, demander aux patients ce qu’ils savent de leur maladie, comment ils appréhendent leur maladie, etc. et surtout bien faire attention aux termes qu’ils emploient, c’est-à-dire tolérables/entendables, afin de les réutiliser par la suite pour arriver peu à peu à l’annonce du diagnostic. Intérêt d’une conception bio-psycho-sociale (tous les facteurs qui influencent l’acceptation / le refus). (voir schéma cours précédent) Se considérer comme acteur de la situation et non comme simple délivreur d’informations. Ne pas exclure la famille de la dynamique de l’annonce : Avec l’accord du patient Dans toutes les dimensions citées précédemment Pour obtenir une alliance thérapeutique. En aigu : Donner le minimum d’informations, avec des phrases courtes (sujet, verbe, complément) car les fonctions cognitives sont altérées en situation de stress aigu. S’adapter progressivement aux réactions du patient (respecter ses silences, par exemple). Chercher à savoir ce que le patient connaît, y prendre appui. Ne pas hésiter, chez certain patient, à prescrire un anxiolytique ponctuel. Avoir quelques schémas types pour débuter l’entretien. Prendre le temps de laisser s’exprimer le patient, accepter les pauses (cela peut prendre du temps, ne pas chercher à combler) Accepter et favoriser les réponses émotionnelles (lui demander comment il se sent, car il peut ne pas en parler spontanément) Reformuler les sentiments exprimés par le patient. Délivrer les informations sur la maladie dans un second temps, voire la fois d’après. Encourager l’espoir (positiver, mais évidemment dans la limite de ce qui est possible et vrai, ouvrir sur la suite) Rappeler au patient qu’il sera accompagné. Fixer des objectifs et recommandations simples pour, déjà, faire du patient un acteur. Revoir rapidement le patient (dans les jours ou les semaines qui suivent). A distance : Reprendre toutes les informations données lors de la 1ère consultation. Développer ensuite le propos. Proposer d’étendre l’information aux proches. Evaluer la réaction dépressive. Proposer une aide psychologique ? Conclusion L’annonce n’est pas un instant donné mais une période, plus ou moins longue. La dynamique entre patient/médecin et éventuellement l’entourage module cette période d’annonce. La gestion du stress aigu grève l’annonce princeps. Des éléments défensifs et des stratégies cognitives conditionnent son évolution. Cette annonce peut être très mal faite, mais aussi très bien faite et pour autant rester un souvenir très dur/douloureux pour le patient. C’est quoi qu’il en soit souvent « un sale moment dont on se souvient mal ».